De la 5G à la 6G : révolution des ondes millimétriques et des surfaces intelligentes
Trop tard, on a déjà du Wi-Fi 7
Le 20 avril 2022 à 12h21
7 min
Société numérique
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La 5G dont nous disposons actuellement n'est qu'une partie de ce que proposera à terme cette nouvelle technologie. Les ondes millimétriques (26 GHz) ouvriront de nouvelles perspectives. La 6G ira encore plus loin avec l'usage de « surfaces intelligentes reconfigurables » et un « meilleur suivi de l’utilisateur mobile ».
La 5G prend ses aises un peu partout dans le monde, et notamment en France puisque le déploiement a déjà commencé depuis plus d'un an. Nous sommes encore qu'au début puisqu'on est sur de la 5G NSA (Non Standalone), c'est-à-dire avec un cœur de réseau toujours en 4G.
- Déploiement de la 5G en France : le bilan des quatre opérateurs
- 5G : tout ce qu'il faut savoir en 10 questions
Dans les laboratoires, la 6G se prépare activement, parfois depuis déjà plusieurs années. L'Europe n'est pas en reste avec les projets de recherche Hexa-X et ceux de la 5G PPP (5G Infrastructure Public Private Partnership). En France, Orange et le CEA-LETI sont actifs sur le sujet.
La 5G pas encore totalement exploitée... qu'attendre de la 6G ?
Avant de tourner les yeux vers le futur, le CEA rappelle qu'avec la 5G, « nous entrons dans l’ère des échanges colossaux et quasi instantanés de données ». Le Commissariat à l'énergie atomique et aux énergies donne quelques chiffres au niveau mondial (en se basant sur un rapport Ericsson Mobility Report) :
- 8,1 milliards d’abonnements mobiles en 2021
- La data via les téléphones portables augmente de 50 % environ chaque année
- La moyenne de consommation est de 11 Go/mois. En France elle est de 12 Go/mois pour les abonnés 4G.
Au-delà de la multiplication du débit, la 5G est mise en avant pour la transition numérique de plusieurs secteurs : « usine du futur, véhicules autonomes, villes intelligentes, Internet des objets, santé personnalisée… ». Mais que reste-t-il alors pour la 6G ?
Le Commissariat rappelle que « personne n’avait notamment anticipé l’envolée récente des réseaux sociaux, ni même l’arrivée des premiers smartphones à l’époque de la 3G… ». Essayer de prédire ce qui va arriver est donc le meilleur moyen de se louper. Prudent, il évoque néanmoins la réalité virtuelle et l'industrie 5.0.
« Nul ne sait aujourd'hui ce que la société en fera ! »
Jean-Baptiste Doré, responsable du programme 6G au CEA-Leti, dresse quelques pistes : « Comme pour la 5G, il y aura d’énormes enjeux de souveraineté et de sécurité. À la fois pour protéger nos données et pour assurer une couverture réseau haut débit sur tout le territoire, essentielle pour la compétitivité des entreprises et industries. Quant aux usages de la 6G, nul ne sait aujourd'hui ce que la société en fera ! »
D'autres inconnues demeurent au niveau technologique : « comme la 5G, la 6G s’appuiera sur un panel de technologies radio, antennaire, réseau ou encore de calcul. Le mariage de ces technologies, encore au stade de candidats, reste encore inconnu [aujourd'hui]. Il est certain que les semi-conducteurs seront pourvoyeurs d’un grand nombre de ruptures. Si le semiconducteur est prêt, il faudra attendre encore quelques années pour connaître avec précision la composition de la future 6G ».
1G à la 6G : de 1980 à 2030
Le CEA propose une petite rétrospective des quatre dernières décennies. Dans notre Magazine #1 nous étions pour rappel revenu sur l'histoire de la téléphonie mobile, des pagers aux premiers smartphones.
- 1G : fin des années 1980 pour les appels téléphoniques
- 2G en 1990 avec les SMS et MMS. Débit moyen de 50 kb/s
- 3G en 2000 avec l'Internet mobile, les emails et la lecture vidéos. Débit moyen de 10 Mb/s
- 4G en 2010 avec l'échange de grandes quantités de données. Débit moyen entre 10 et 100 Mb/s
- 5G en 2020 pour objets et villes connectées, industrie, voitures autonomes, médecines... Débit moyen entre 100 et 400 Mb/s
- 6G en 2030 ? Les débits moyens devraient dépasser le Gb/s
La 5G n'a pas dit son dernier mot puisque la bande des 26 GHz n'a pas encore été attribuée dans plusieurs pays, dont la France. Elle proposera bien plus de bande-passante que les autres opérateurs, mais avec une portée bien plus courte.
5G sur les 26 GHz : plus d'antennes et moins d'ondes
Le CEA explique les conséquences : « le besoin d’un plus grand nombre d’antennes, environ tous les 200 m ; et la diminution drastique de leur taille (de l’ordre de celle de la longueur d’onde, ici millimétrique). Ces équipements, composés d’une multitude de mini-antennes (256, voire 512), permettent de connecter un grand nombre d’utilisateurs à la fois et de diriger le signal uniquement vers l’utilisateur concerné, seulement lorsqu’il le réclame (à l’inverse des antennes 4G qui émettent en continu sur la totalité de la zone couverte). Les smartphones étant aux aussi équipés de plusieurs mini-antennes, la capacité de transmission en sera accrue ».
Le problème de la 5G sur les 26 GHz n'est pas seulement sa portée, mais aussi sa très faible pénétration dans les matériaux. Il faudra pour simplifier être dans la ligne de vue pour que le signal passe. Des solutions de contournement se préparent : des « "surfaces passives dites intelligentes" seront aussi prévues pour refléter l’onde électromagnétique et ainsi couvrir les zones masquées ».
Et voilà des « surfaces intelligentes reconfigurables »...
Avec la 6G, il est question de surfaces intelligentes reconfigurables, « considérées comme l’une des technologies les plus prometteuses pour améliorer la couverture, ajuster de manière dynamique la qualité de service et/ou diminuer l’exposition aux ondes électromagnétiques ».
« Concrètement, elles permettent de manipuler électroniquement les caractéristiques du champ électromagnétique. Ces surfaces bas coût sont constituées de milliers d’éléments rayonnants capables de rediriger au bon endroit les ondes contenant de l’information. Elles joueront le rôle d’intermédiaire entre station de base et utilisateurs », explique le CEA.
Trois modes de fonctionnement sont mis en avant ;
- Mode réfléchissant : un peu comme un miroir, l'onde rebondit vers l’utilisateur.
- Mode traversant : permet aux ondes qui ne peuvent normalement pas le faire de traverser les bâtiments.
- Mode refocalision et uniformisation : permet de cibler des zones blanches.
...pour cibler les besoins
Le changement de paradigme est important : « Contrairement aux générations précédentes qui envoyaient des ondes tous azimuts, ces surfaces permettront de cibler les besoins. On est donc pour la toute première fois sur une approche purement qualitative. Et surtout, elles consomment peu », explique Antonio Clemente (expert senior en charge de la conception de ces futures surfaces au CEA-Leti).
Ce n'est pas le seul usage des surfaces intelligentes reconfigurables. Leur capacité à modifier volontairement la propagation du signal ouvre des perspectives pour :
- créer de nouvelles réflexions du signal transmis, utiles à la localisation ;
- optimiser les faisceaux en fonction de la dernière position connue de l’utilisateur mobile ;
- offrir des niveaux de précision de localisation variables, en fonction du contexte d’utilisation, des besoins réels des utilisateurs, ou de la régulation ;
- minimiser le nombre et la puissance d’émission des stations de base.
Vers un « meilleur suivi de l’utilisateur mobile »
Ces surfaces permettent ainsi d'avoir une « meilleure estimation de la direction et du temps d’arrivée du signal radio, et donc in fine un meilleur suivi de l’utilisateur mobile. On espère ainsi créer un cercle vertueux, où une information de localisation de plus en plus précise permettra d’optimiser les faisceaux, par exemple, au niveau des stations de base ou des surfaces réfléchissantes, et donc, la qualité des liens radio eux-mêmes », explique Benoît Denis (chercheur en technologies de localisation, CEA-Leti). D'autres idées moins vertueuses pourraient aussi germer dans la tête de certains avec ce « meilleur suivi de l’utilisateur mobile ».
Selon le CEA, la 4G permet une géolocalisation 2D à une dizaine de mètres près, contre 10 cm à 1 m en 5G. LA 6G permettrait de passer à la 3D avec 1 à 10 cm.
De la 5G à la 6G : révolution des ondes millimétriques et des surfaces intelligentes
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La 5G pas encore totalement exploitée... qu'attendre de la 6G ?
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« Nul ne sait aujourd'hui ce que la société en fera ! »
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1G à la 6G : de 1980 à 2030
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5G sur les 26 GHz : plus d'antennes et moins d'ondes
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Et voilà des « surfaces intelligentes reconfigurables »...
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...pour cibler les besoins
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Vers un « meilleur suivi de l’utilisateur mobile »
Commentaires (29)
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Abonnez-vousLe 20/04/2022 à 13h00
Le Commissariat àl’énergie atomique
Le 20/04/2022 à 13h28
Le CEA n’est pas/plus que la recherche autour de l’atôme, leurs domaines de compétences sont assez large :
Le 20/04/2022 à 13h37
Santé et Sciences du vivant
Santé et Sciences du mort, aussi …
Le 20/04/2022 à 14h09
Il vient faire que, comme il faudra de plus en plus d’antennes pour couvrir les mêmes surfaces qu’avant, il faudra de plus en plus d’énergie pour alimenter tout ça…
Comment ça, ça ne va pas dans le bon sens écologique ?
Le 20/04/2022 à 14h14
Ben pas forcément, si cela consomme beaucoup moins, surtout avec apparemment la technologie décrite dans l’article.
Le 20/04/2022 à 14h21
d’où..ma question !
(on n’a plus besoin de lui….maintenant) !
Le 20/04/2022 à 13h14
Le 20/04/2022 à 14h48
J’ai encore du mal à avoir me faire une idée du déploiement du 26 GHz. Est-ce qu’il sera réservé aux stages, places très fréquentés dans les centres des grandes villes, les centres commerciaux ? Une sorte de super-wifi en quelque sorte. En dehors de ça, est-ce que le déploiement, même dans en centre ville de petites villes sera-t-il rentable ?
Le 20/04/2022 à 15h01
C’est exactement la cible du 26ghz. On s’en fout des débits de malade: plus de bande passante = plus de capacité pour accueillir les clients = moins de clients à accueillir sur les bandes à faible capacité = désengorgement de tous les réseaux hertziens par effet boule de neige.
Le 21/04/2022 à 08h25
Je dirais déploiement dans les lieux de travail nomade, gares, cafés, espaces de “co working” etc. principalement et éventuellement dans certaines institutions culturelles pour speeder les compagnons de visite et/ou permettre des installations éphémères connectées/interractives.
Dans l’espace public à moins d’interdire la pluie et de couper tous les arbres ça me semble foireux
Ca permettra aussi de la vidéosurveillance de qualité déployable à pas cher bien sûr, big brother n’est jamais loin.
Le 21/04/2022 à 08h46
Là oui, mais du coup ça devient vraiment un super wifi !
Le 21/04/2022 à 10h04
Pour la vidéosurveillance, ils s’en foutent: ils font du wifi avec ou sans pont, déjà.
L’intérêt réside dans l’isolation: ton invité a accès au réseau opérateur, pas à ton réseau.
ps: la pluie c’est 1,4ghz la fréquence en or. Toutes les autres fréquences sont de la merde, mais surtout en cas de brume épaisse. La correction de protocole corrige très bien en cas de pluie battante.
Il suffit de faire passer le signal par la fibre ;)
Le 20/04/2022 à 15h52
Faut pas trop rêver non plus, si le truc franchi pas le moindre mur, il va falloir y aller vraiment massivement. Même avec une faible conso, ça va être difficile de compenser. D’autant que comme pour la 5G vs 4G, à données équivalentes la consommation sera moindre, mais que le volume de données lui va augmenter.
En revanche, on peut imaginer une convergence des réseaux fixes et mobile, où la conso éléctrique de ma box fibre n’aura plus d’autre fonction que de relayer le réseau 6G, allant jusqu’à faire disparaitre la notion de “réseau domestique” au sens matériel du terme. Avec les fonctionnalités D2D déjà évoquées avec la 5G, c’est largement envisageable sur une 6G…
Le 20/04/2022 à 22h45
Avec la 4G/5G actuelle, la grande majorité de l’énergie envoyée par l’antenne relai est perdue (faisceau non directif) ce qui laisse une grande marge pour faire des économies d’énergie avec des faisceaux fins très directifs. Après c’est sûr que si le débit augmente, le bilan ne sera pas forcément positif.
Relayer des ondes millimétriques par nos box ça risque d’être compliqué si elles sont complètement arrêtées par une simple cloison.
Le 20/04/2022 à 16h35
Dans le meme genre, Orange a sortie un white paper sur sa vision de la 6G le mois dernier
https://hellofuture.orange.com/app/uploads/2022/03/White-Paper-%E2%80%93-Oranges-vision-for-6G-%E2%80%93-March-2022.pdf
Le 20/04/2022 à 16h54
Je comprend la logique, mais “faisons-le : on ne sait jamais ça pourrait toujours servir” me paraît assez étonnant. Surtout quand on regarde les enjeux écologiques et économiques… Ah en fait pour ce dernier point les enjeux des différents acteurs justifient à eux seuls la débauche de moyen.
Quant à l’intérêt réel pour l’utilisateur…
Le 20/04/2022 à 17h54
Faire un truc pareil avant de savoir à quoi ça va servir ça allait dans les années 2000. Aujourd’hui en connaissant les dangers du changement climatique et de la raréfaction des ressources c’est plutôt criminel.
Le 20/04/2022 à 17h56
A l’inverse, multiplier les antennes réduit la surface qu’une antenne a besoin de couvrir et donc permet de réduire la puissance d’émission à fréquence égale. C’est d’ailleurs tout le paradoxe du phénomène de société “anti antennes relais”, qui oblige les antennes installées à émettre puissamment pour fournir le même service. Et donc augmenter le phénomène qui justifie la lutte contre les antennes relais.
Le 21/04/2022 à 07h16
-le phénomène qui justifie la lutte contre les antennes relais..
c’est comme ‘pour tout’ on en veut bien, mais pas chez-soi* !
Le 21/04/2022 à 07h10
Je vois mal l’intérêt des hautes fréquences face au wifi.
Le 21/04/2022 à 09h13
C’est déjà le cas avec les 3,5 ghz
Le 21/04/2022 à 09h28
Quel serait l’intérêt par rapport au wifi actuel ?
Vendre des cartes SIM en plus ?
De plus,
les box dont de plus en plus enfermées dans le coffret de communication dans le garage ou le placard d’entrée.
Le 21/04/2022 à 16h11
Vu que les besoins en électricité ne font qu’augmenter, on va bien avoir besoin de l’électricité nucléaire pour faire face aux autres problèmes énergétiques.
(Cf Jancovici et “amortisseur de la décroissance” concernant le nucléaire dans la production électrique)
Comme dit dans l’article, la données via les téléphones portables augmente de 50 % environ chaque année ; autrement dit c’est exponentiel et probablement pas près de s’arrêter. Faut croire que ça intéresse les utilisateurs d’avoir du débit.
Avant de savoir à quoi ça va servir ? T’es sérieux ?
(perso j’ai vu l’arrivée de la 2G et des premiers mobiles GSM)
Pour les antennes-relais, en pratique ça ne pose pas de problème, il y en a partout. Il y a peu de gens que ça dérange. (moi je vois celles sur l’immeuble à 100 m de chez moi)
Le 21/04/2022 à 16h22
En tous cas, excellent article synthétique, qui mentionne le passé comme l’avenir.
Le 22/04/2022 à 09h05
Effectivement faudra revoir cette règle qui voulait démocratiser l’Ethernet dans les logements, qui est déjà absurde dans la pratique quand tu achètes une Box WiFi 6E pour la mettre dans une cage de faraday.
Pour les SIM, on aura d’ici là largement démocratisé l’eSIM, d’autant qu’on parle déjà de les intégrer dans les SoC.
L’intérêt, c’est gommer la frontière entre un réseau mobile et un réseau fixe. Au même titre que les initiatives type FreeWiFi permettent de mailler en WiFi sans encombrer les antennes, une norme “mobile” permettant d’apporter un débit suffisant pour l’usage domestique peut très bien faire converger les réseaux… comme l’USB devient une norme globale du filaire.
Fin du game pour Bluetooth/WiFi, tout passe en 6G, ta fibre n’est plus qu’un élément de l’infrastructure qui te permet d’accéder au réseau (voire aux autres clients de la zone).
Tu souscris à un accès internet, le quota data disparait (car certainement trop galère d’exclure le D2D pour l’utilisation “locale” qui ne charge pas vraiment le réseau) mais tu souscris à des niveaux d’offres basés sur le nombre/types de devices que tu veux relier : on peut imaginer d’ici là qu’on sera largement à 10 minimum par foyer ou personne (ordi, smartphone, montre, TV, voiture…).
Le 23/04/2022 à 10h49
Merci moi aussi, j’ai 40 ans. Je parle de la logique « faire un truc energivore avant de savoir à quoi ça va servir ». Ça allait dans les années 2000 en tant que logique , je ne dis pas qu’on ne savait pas à quoi allait servir l’augmentation des débits à l’époque.
Marrant que tu cites janco dans le même message alors qu’il est justement opposé à la 5G pour les mêmes raisons.
Le 25/04/2022 à 21h48
ça c’est le rêve des opérateurs né dans leurs projections 5G, mais il est clair que les utilisateurs ne veulent pas cette dépendance, et ils ont bien raison, du coup, il ne reste à la 5G que quelques améliorations ponctuelles en zone dense, mais globalement, elle n’apporte rien pour l’instant par rapport à LTE et en intérieur, un câblage ethernet avec un point d’accès wifi au bout vaudra toujours mieux que le wifi d’une box, qui disparaitra à terme, juste remplacé par une installation wifi mesh privée.
Le 25/04/2022 à 22h27
Oui, je connais son point de vue sur le sujet :-) .
Le 26/04/2022 à 18h05
Sauf qu’on sait très bien que c’est l’opérateur qui décide d’à peu près tout. Donc s’ils veulent forcer l’intégration de la 6G dans les boxes fixes, ils le feront via des dissuasions financières ou techniques.