Bientôt des amendements parlementaires soumis par les internautes ?
Une idée Faure-midable !
Le 25 mai 2015 à 10h00
8 min
Droit
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Face au désintérêt des citoyens pour la politique, le député socialiste Olivier Faure propose que les Français puissent déposer des amendements de la même manière que les parlementaires, grâce à Internet. Ceux-ci seraient débattus dans l’hémicycle à condition d’avoir recueilli un certain nombre de soutiens.
À l’approche du prochain Congrès du Parti socialiste, qui aura lieu du 5 au 7 juin prochain, Olivier Faure a déposé une « contribution thématique » soutenue par une poignée de parlementaires, parmi lesquels figurent les députés Sabine Buis, Luc Belot ou bien encore Fabrice Verdier (PDF). Leur postulat ? « La politique va mal et depuis trop longtemps. Le Parlement est devenu un théâtre sans spectateurs. Les Français ont le sentiment d'une discussion à huis-clos, entre initiés, dont ils sont exclus ».
Des mots qui ont un écho tout particulier au regard des récents débats relatifs au contesté projet de loi sur le renseignement. « Alors que nos concitoyens (...) peuvent disposer d’une information quasi illimitée sur Internet, qu’ils commentent et se mobilisent sur les réseaux sociaux, ils ont le sentiment d’être dépossédés de toute capacité réelle d’intervention dans le débat public entre deux échéances électorales », poursuit en ce sens la contribution.
Les électeurs proposeraient leurs amendements sur le site de l’Assemblée ou du Sénat
Face à ce « déficit démocratique », Olivier Faure propose de créer un nouveau « droit d’amendement citoyen », dont il nous décrit le principe de la manière suivante :
« Imaginez que demain, sur le site de l'Assemblée, vous ayez un espace qui soit réservé aux amendements citoyens. Vous considérez, par exemple sur le projet de loi sur le renseignement, qu'on ne peut pas écouter les blonds aux yeux bleus. Pendant la période de dépôt des amendements, tous ceux qui veulent participer à la vie démocratique peuvent venir co-signer avec vous cet amendement – même si l’idée que je prends est volontairement absurde. Vous allez sur Twitter, sur Facebook, vous envoyez des emails à votre réseau, etc.
Il se trouve qu'à la veille du délai de forclusion pour le dépôt d’amendements, vous avez atteint un seuil minimal de signatures. Quand le texte arrive en séance publique, le rapporteur du texte va présenter tous les autres amendements qui ont été validés, c'est-à-dire qui répondent aux mêmes conditions que les amendements parlementaires [notamment s’agissant de l’interdiction de créer des dépenses nouvelles ou d’introduire des amendements sans lien avec le projet de loi examiné, ndlr]. Votre amendement est ensuite débattu dans l'hémicycle. Quelle que soit l’issue du vote, tous les citoyens co-signataires recevraient par mail un compte-rendu écrit et vidéo des débats. »
Les internautes disposeraient en d’autres termes d’un pouvoir d’amendement quasi identique à celui dont jouissent aujourd’hui les parlementaires. Dans une note plus fournie rédigée avec le juriste Vito Marinese, Olivier Faure explique que ce seuil minimum de soutiens permettant de valider les amendements citoyens pourrait être fixé à 1/1 000ème du corps électoral, soit 45 000 signatures d’électeurs environ.
Sur un plan pratique, la collecte de ces soutiens se ferait donc en ligne, « sur la base d’un système informatique naturellement sécurisé, accessible depuis le domicile [des électeurs] et des bornes installées dans les mairies et fonctionnant sur la base des numéros de cartes électorales couplés à des identifiants secrets ». Il s’agit grosso modo du dispositif mis en place depuis quelques mois pour le nouveau « référendum d’initiative partagée » – qui n’a quant à lui guère de chance d’aboutir un jour (voir notre article).
Un nouveau droit d’expression pour les citoyens
Pour Olivier Faure, les avantages de ce nouveau droit d’amendement citoyen seraient très nombreux : débats qui y gagneraient « en interactivité, en créativité, mais aussi en représentativité » ; « la transparence sortirait renforcée puisque les organisations, les lobbies, auraient la possibilité de porter directement leurs amendements sans se cacher derrière tel ou tel parlementaire » ; cela empêcherait en outre « toute constitution de "bulle" politique et médiatique » ; etc.
« Il n’y aura plus de débat interdit, s’enthousiasme ainsi le député socialiste auprès de Next INpact. Ça obligera chaque groupe parlementaire à se positionner ! Et puis vous avez aussi, dans la vie démocratique, sur les réseaux sociaux... un tas d'idées folles ou débiles qui circulent mais qui ne trouvent jamais de contradicteurs parce qu'elles ne sont jamais évoquées dans ce lieu de débat public qu'est l'Assemblée. Ça permettrait ainsi à tous les groupes parlementaires de combattre concrètement l'ensemble de ces idées fausses qui se répandent sur la Toile. »
Aux yeux d’Olivier Faure, ce serait également une façon de revaloriser le Parlement face au pouvoir exécutif. « Les députés ne savent pas tout, mais ils ont été désignés pour trancher pendant cinq ans. Chacun est dans son rôle : des élus qui décident et une société civile qui peut, à égalité avec le législateur, proposer, s'opposer, critiquer, améliorer – parce que là aussi ça peut être le gage de meilleures lois. C'est également un gain de temps, parce qu'une bonne réforme, ce n'est pas une réforme qui est votée vite, c'est une réforme qui va s'appliquer. Et pour être bien appliquée, il faut qu'une réforme soit adaptée au milieu dans lequel elle va s'inscrire. »
Un outil qui pourrait surtout décevoir les citoyens
Mais pour le chercheur en anthropologie politique Jonathan Chibois, spécialiste de l’Assemblée nationale, les effets de cette proposition pourraient ne pas être aussi révolutionnaires que ce qu’espère Olivier Faure. « Quand on voit la quantité d'amendements rejetés sur chaque texte, souvent par des réactions en chaîne, on se dit que les amendements citoyens auront bien peu de probabilité d'accomplir les espoirs que les citoyens auront mis en eux... ce qui pourrait occasionner beaucoup de frustration et finir par entretenir l'antiparlementarisme primaire. » Contacté par Next INpact, l’intéressé souligne que dans les faits, les amendements adoptés font pour la plupart l’objet de tractations en amont, afin d’amener le ministre porteur du projet à céder sur un point. « En séance publique, tout est public par définition, donc ce n'est surtout pas en ce lieu que le gouvernement acceptera de reconnaître une erreur (et donc de perdre la face), sauf sur des points de détail », analyse-t-il.
Alors que l’Assemblée nationale a récemment invité les internautes à donner leur avis sur le projet de loi sur la fin de vie – ce qui a surtout conduit les participants à critiquer un texte déjà rédigé – Jonathan Chibois résume : « L’amendement citoyen, c'est comme disposer d'un fusil à un coup au milieu d'une guerre de tranchée, quand on ne peut appuyer sur la gâchette qu'avec l'accord de l'ennemi : la probabilité d'atteindre sa cible est très mince, donc la probabilité de décevoir le tireur est très grande. La question est dès lors de savoir la finalité de cette idée d’amendement citoyen. Cherchons-nous à ce que les citoyens puissent intervenir sur le texte (en quel cas le moyen ici n'est pas le bon), ou cherchons-nous à ce que les citoyens puissent simplement exprimer un point de vue différent dans le débat (sans presque aucune chance de faire évoluer significativement le texte) ? »
Bientôt une proposition de loi ?
Tout en reconnaissant que son idée mérite d’être encore mûrie sur certains points, Olivier Faure nous confie être en train de travailler à l’élaboration d’une proposition de loi qui permettrait d’instaurer ce droit d’amendement citoyen. Même si le chemin à parcourir pour un texte aussi sensible et ambitieux semble aujourd’hui relever d'un véritable parcours du combattant, le député tente de se montrer optimiste : « J’ai lancé cette idée en décembre comme on jetterait une bouteille à la mer [via une tribune dans L’Obs, nldr]. Et finalement la bouteille a été attrapée par beaucoup de monde puisque même dans ce Congrès du Parti socialiste, cette idée a été reprise à la fois par la motion de Jean-Christophe Cambadélis et par celle de Karine Berger. Ensuite, il faut bien entendu avoir la volonté d'aller plus loin et de pousser cette évolution qui est pour moi une vraie révolution démocratique. C'est l'irruption de la société civile dans le débat parlementaire. Ça refait de l'Assemblée le lieu du débat, le lieu où l’on tranche l'ensemble des sujets qui intéressent la société, et non pas un théâtre d'ombres comme c'est malheureusement trop souvent devenu le cas. »
Bientôt des amendements parlementaires soumis par les internautes ?
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Les électeurs proposeraient leurs amendements sur le site de l’Assemblée ou du Sénat
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Un nouveau droit d’expression pour les citoyens
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Un outil qui pourrait surtout décevoir les citoyens
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Bientôt une proposition de loi ?
Commentaires (38)
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Abonnez-vousLe 25/05/2015 à 10h16
Le 25/05/2015 à 10h16
Anefé / Rejeté sont les deux mots qui me sont venu a l’esprit
l’assemblé souffre d’une image de godillots mais bon wait and see comme ont dit
Le 25/05/2015 à 10h40
Le Parlement est devenu un théâtre sans spectateurs
Et surtout sans acteurs " />
Le 25/05/2015 à 10h43
Ensuite, il faut bien entendu avoir la volonté d’aller plus loin et
de pousser cette évolution qui est pour moi une vraie révolution
démocratique. C’est l’irruption de la société civile dans le débat
parlementaire. Ça refait de l’Assemblée le lieu du débat, le lieu où
l’on tranche l’ensemble des sujets qui intéressent la société, et non
pas un théâtre d’ombres comme c’est malheureusement trop souvent devenu
le cas.
Non, ce n’est en rien une “révolution démocratique”, c’est juste une grosse couillonade comme nos députés savent si bien le faire.
Aucun des amendements proposés ne sera jamais adopté si cet amendement va à l’encontre de la volonté du gouvernement ou des députés. Le truc, c’est que si on veut faire évolué notre société actuelle, il va falloir prendre des lois contre les députés, contre le gouvernement, pour les responsabiliser, pour qu’ils arrêtent de faire n’importe quoi et pour qu’ils puissent se faire dégager quand ils font leurs conneries.
Et ça, bien évidemment, aucun des députés ne votera pour.
L’Assemblée n’est pas un lieu de débat, c’est un lieu de théâtre, de comédie, où des députés font semblant de se battre pour ensuite aller tranquillement bouffer au fouquet aux frais de la princesse.
Tenter de nous faire croire que cela va faire évoluer le débat et améliorer les choses, c’est au mieux du foutage de gueule complet au pire une volonté de faire taire le peuple de façon détournée.
La dictature, c’est ferme ta gueule.
La république, c’est cause toujours.
Ce proverbe illustre parfaitement la situation.
Le 25/05/2015 à 10h52
Si effectivement, comme pour les propositions des députés, le gouvernement aurait la possibilité de balayer l’amendement citoyen d’un rapide “Rejeté”, les contributions auraient le mérite d’être visibles, rassemblées sur une plateforme dédiée, et elles auraient donc, faute de grand poids législatif, un poids médiatique certain.
En développement informatique, on parle de “baby steps” : c’est très difficile de faire tout bien d’un coup, il est plus facile de faire des petits pas sûrs et accessibles vers l’objectif.
Cette proposition, je la vois comme un petit pas qui ne va pas chambouler le système, mais qui a le mérite de proposer un début de solution. Une fois que ce sera fait, on réfléchira à l’étape suivante, qui sera certainement plus accessible qu’aujourd’hui puisqu’entre temps on aura tiré des enseignement du premier “baby step”.
Le 25/05/2015 à 11h05
A la rigueur si on pouvait faire des propositions de loi, disons à partir 250000 signatures cela serait un peu plus visible.
Le 25/05/2015 à 11h08
Chacun est dans son rôle : des élus qui décident et une société
civile qui peut, à égalité avec le législateur, proposer, s’opposer,
critiquer, améliorer
Cette phrase m’a choquée. Ca devrait techniquement être l’inverse : une société civile qui décide et optionnellement des gens spécifiques pour rédiger, proposer, améliorer.
Pour l’idée, ça montre surtout à quel point les députés n’ont pas conscience de l’ampleur du problème. Après, si la proposition passe, j’imagine bien le résultat : des foules de citoyens déçus (comme l’article le suggère) qui n’auront comme seule envie que de changer complétement de système. A la limite, rien que pour ça, ce texte serait utile " />
Le 25/05/2015 à 11h11
« seuil à 1⁄1 000ème du corps électoral » : c’est vachement bas comme seuil, il suffit que 0,1 % des électeurs aient une envie d’amendement pour que ça passe le filtre, ça va en faire des amendements.
Ça part d’un bon sentiment, mais l’écriture d’amendements reste un peu technique, il faut tenir compte de l’édifice législatif existant ; déjà que des députés eux-mêmes proposent parfois des amendements juridiquement bancals, alors qu’ils sont censés avoir des assistants pour faire des vérifications, si ce sont des gens qui n’ont pas de bases juridiques ça ne va pas être terrible (ni utilisable).
Le 25/05/2015 à 11h26
Le 25/05/2015 à 11h28
Le 25/05/2015 à 11h32
Faux, impossible de faire dégager un député pendant la durée de son mandat de député.
Je parle de la pratique, pas d’un truc théorique.
Le 25/05/2015 à 11h48
L’idée est bonne, mais pas parfaite. 45 000 personnes, ça me paraît bien peu. Déluge d’amendements idiots en perspective, ou mal rédigés. Ce qui suppose un tri fait en amont pour les traiter, et donc de la censure bien pratique pour écarter les amendements qui iront trop dans le « mauvais sens ».
Déjà que les parlementaires s’amusent entre eux à polluer le débat avec des centaines (milliers ?) d’amendements plus débiles les uns que les autres, s’il faut ajouter ceux qui viennent du peuple, plus rien ne sera voté car cela prendra des semaines à étudier un texte.
De plus il faudrait faire de même au Sénat. Et s’il peut les rédiger, pourquoi le peuple ne pourrait-il pas les amender directement ? Et remettre directement en cause l’existence même du rôle du parlementair " />
Bref le principe est bon, mais je crois peu à sa mise en oeuvre. Ou alors ça sera tellement mal conçu que ça sera impossible à faire concrêtement, même s’ils diront la main sur le coeur qu’ils ont tout fait pour inclure le peuple au processus, et que c’est lui qui s’en désintéresse.
Le 25/05/2015 à 14h00
Le 25/05/2015 à 14h26
Il y a aussi des dames qui papotent. On va finir par donner raison à N. Sarkozy qui a dit, à propos de V. Pécresse qui blablatait pendant une réunion de l’UMP, “C’est bien la parité en politique, mais c’est bruyant”.
Le 25/05/2015 à 17h29
Le 25/05/2015 à 17h29
Si des députés se rendent compte du fossé entre les voeux du peuple et les actions des élus , c’est bien
Et essayer de faire quelque chose pour corriger cela , c’est encore mieux
Bien sûr ça peut planter mais c’est louable
Le 25/05/2015 à 18h56
Le 26/05/2015 à 11h49
”…nformation quasi illimitée sur Internet, qu’ils commentent et se mobilisent sur les réseaux sociaux,
ils ont le sentiment d’être dépossédés de toute capacité réelle d’intervention dans le débat public entre deux échéances électorales »…”
c’est BIEN résumé, je trouve !!! " />
Le 26/05/2015 à 12h50
Le 27/05/2015 à 10h32
Le 27/05/2015 à 10h43
Le 27/05/2015 à 22h01
Ah non, je suis désolé, c’est d’un niveau plus noble que le troll " /> Il y a même une (bonne) proposition de piste à envisager comme solution à la fin du message, ça prouve tout " />
Le 25/05/2015 à 11h54
Le 25/05/2015 à 12h01
Le 25/05/2015 à 12h05
Le 25/05/2015 à 12h09
Ha ouais quand même.
T’en tiens une sacrée couche toi. (si vous n’êtes pas avec moi, vous êtes des abrutis: pas mal comme raisonnement)
T’es affilié à quel parti, histoire de savoir pour quelle paroisse tu prêches?
(j’ai ma petite idée)
Le 25/05/2015 à 12h09
Ton commentaire
Le 25/05/2015 à 12h13
Le 25/05/2015 à 12h14
Ouais enfin, le plus important dans tout ça et personne n’a mis le doigt dessus, c’est ce que fait le parlementaire en haut à gauche de la photo… " />
Le 25/05/2015 à 12h15
Le 25/05/2015 à 12h17
Le 25/05/2015 à 12h17
Il cherche un trésor ! " />
Le 25/05/2015 à 12h18
Le 25/05/2015 à 12h23
Le 25/05/2015 à 12h27
Le 25/05/2015 à 12h51
Le 25/05/2015 à 13h01
Une proposition de loi qui va clairement dans le bon sens, et ca trouve encore moyen de râler….
Oh les gens, faire des lois c’est un métier, c’est tout sauf facile et, oui, EVIDEMMENT, c’est de la négociation permanente, tant il y a d’avis et d’intérêts divergents qui vont dans des sens opposés.
Prenez n’importe quelle réunion de travail, c’est déjà super compliqué de mettre 10 personne en consensus, imaginez donc des millions….
Le 25/05/2015 à 13h53