La Guyane veut déployer des systèmes de vidéosurveillance algorithmique (VSA) aux abords de ses établissements scolaires, aéroports et bâtiments administratifs, et cherche à « proposer des approches innovantes pour favoriser l'acceptabilité sociale du projet tout en respectant les principes éthiques et légaux ».
Article MàJ à 17h50 avec les mentions de la condamnation de Kourou par la CNIL, du congrès et du panorama de la maturité cyber de l'ACCYB.
Société à capitaux 100 % publics créée en 2013, la Société Publique Locale pour l'Aménagement Numérique de la Guyane (SPLANG) a pour vocation de « gérer et exploiter les infrastructures de communications électroniques » déployées par la Collectivité Territoriale de Guyane (CTG), « aussi bien en zone littorale qu’à l’intérieur des terres » :
« Elle organise en particulier la desserte numérique des communes de l’intérieur et
des autres sites isolés de la Guyane (notamment via satellite) et dispose d’un réseau FttO sur la
commune de Saint-Laurent-du-Maroni. Elle pilote un projet de câble sous-marin Guyane – Europe.
Elle conseille et accompagne la CTG dans le déploiement de ses politiques publiques numériques,
tant du point de vue des infrastructures que des usages. »
En septembre 2023, la SPLANG avait annoncé la création d'un campus dédié à la cybersécurité, ainsi qu'une campagne de sensibilisation et d'accompagnement sur l'intelligence artificielle.
Jusqu'alors, ses appels d'offres portaient sur des infrastructures télécom : téléphonie mobile en zone blanche, continuité WIFI jusque dans des villages isolés, communications par satellite, câbles sous-marins, fibres optiques…
Le dernier en date tranche avec les précédents. Nom de code : « IA-SURVEILLANCE-2024 ». Objectif : trouver un prestataire susceptible de réaliser une « étude d'opportunité pour l'implémentation de solutions de vidéosurveillance algorithmique en Guyane ».
Délinquance scolaire, criminalité et incivilités
La SPLANG souhaite en effet « explorer l'opportunité de mettre en œuvre une phase d’expérimentation de vidéosurveillance algorithmique dans trois domaines »:
- Surveillance des Établissements Publics Locaux d'Enseignement (EPLE)
- Analyse des flux sur les aérodromes territoriaux
- Surveillance, contrôle et gardiennage de différents sites appartenant à la CTG
Concernant les EPLE, la CTG précise que cette étude « s'inscrit dans un contexte d'augmentation de la délinquance scolaire et des incivilités dans et aux abords des établissements d’enseignement » :
« Il s’agit d’assurer la paix et la tranquillité au sein des EPLE, optimiser ses ressources, et acquérir des données exhaustives sur la réalité du terrain. »
Pour l'analyse des flux aéroportuaires, l’objectif serait d’ « assurer la gestion des aérodromes
territoriaux, […] améliorer l'efficacité des transports aériens intérieurs et optimiser les
ressources allouées » :
« L'objectif est d'étudier comment se déplace le fret, de calibrer les Obligations de Service Public (OSP) en temps réel, d'avoir une vision précise des flux de marchandises et de fret pour évaluer la pertinence des OSP, effectuer des comptages précis, et étudier les pratiques d'embarquement. »
La surveillance des sites administratifs de la CTG s'inscrit là aussi dans un contexte « marqué
par une augmentation générale de la criminalité et des incivilités sur le territoire guyanais » :
« L’objectif est de renforcer la sécurité de ses sites tout en optimisant l'utilisation de ses ressources humaines et matérielles. »
Acceptabilité sociale et éthique, feuille de route de mise en œuvre
L'objectif global est quant à lui d'évaluer la faisabilité technique, juridique et opérationnelle de l'implémentation de solutions de vidéosurveillance algorithmique dans ces trois domaines, « tout en positionnant la Guyane comme un territoire d'excellence dans le développement de solutions innovantes pour améliorer le quotidien de la population » :
« Cette étude d'opportunité vise à fournir à la SPLANG et à la CTG les éléments nécessaires pour prendre une décision éclairée sur la mise en place et le développement de ces technologies, en tenant compte des aspects éthiques, légaux et sociétaux, ainsi que des spécificités du territoire guyanais. »
L’étude devra, pour chacun des trois domaines d'application, couvrir les aspects suivants :
- Analyse du cadre réglementaire et juridique
- Évaluation des solutions techniques disponibles
- Étude des bénéfices attendus et des risques potentiels
- Analyse coûts-avantages
- Évaluation de l'acceptabilité sociale et éthique
- Identification des contraintes opérationnelles et techniques
- Proposition d'une feuille de route pour la mise en œuvre.
Un calendrier particulièrement serré
L'appel d'offres, publié au Bulletin officiel des marchés publics (BOAMP) mardi 6 août, propose au surplus un calendrier particulièrement serré. La date limite de réponse est, en effet, fixée au 23 août. Étrangement, la sélection du prestataire est, elle aussi, fixée ce même 23 août, pour un début de prestation censé débuter le 26, et une remise des résultats préliminaires le 30 septembre.
Ce calendrier serré s'expliquerait par le fait que le prestataire devra également présenter ces résultats préliminaires le 16 octobre 2024 lors d'un « congrès cybersécurité et intelligence artificielle », pour un rendu du rapport final, accompagné d'une « feuille de route détaillée » le 15 novembre prochain.
Il s'agit probablement du Congrès Caribéen de la Cybersécurité, organisé par l’agence caribéenne pour la cybersécurité (ACCYB) en partenariat avec la collectivité territoriale de Guyane et le centre spatial guyanais, les 16 et 17 octobre 2024, à Cayenne et Kourou.
Ironie de l'histoire, la CNIL avait décidé fin juillet de condamner la ville de Kourou à payer la somme de 6 900 euros « pour ne s’être toujours pas conformée à son obligation de désigner un délégué à la protection des données malgré l’injonction de la CNIL de décembre 2023 », ce qui lui avait alors déjà valu une autre amende de 5 000 €.
Dans son premier panorama de la maturité cyber des territoires français d'Amérique, publié mi-juillet, l'ACCYB évoquait de son côté une « situation préoccupante » : « avec moins de 1% du budget moyen informatique, les ressources financières affectées à la Cybersécurité sont insuffisantes ».
98 % de la centaine d'acteurs privés et publics interrogés ne conserve pas de logs, 83 % ne dispose pas de capacité de détection, 75 % accorde une confiance excessive à leurs prestataires, 61 % déclare avoir été la cible d'attaque en 2023, 28 % dispose d'un délégué à la protection des données, et 6 % seulement d'un RSSI.
Favoriser l'acceptabilité sociale du projet
Le cahier des charges valant règlement de consultation précise par ailleurs que si chaque livrable devra comporter une « évaluation des risques et des opportunités », le rapport final devra de son côté être accompagné d'un « plan de mise en œuvre détaillé ».
Il ne s'agit donc pas tant d'une étude cherchant à estimer l'« opportunité » (pour reprendre l'intitulé du marché) de la VSA en Guyane, mais bien de « proposer des approches innovantes pour favoriser l'acceptabilité sociale du projet tout en respectant les principes éthiques et légaux », comme le souligne le paragraphe consacré au « profil du prestataire ».
Ce dernier précise en effet qu'il devra non seulement montrer une « expertise avérée en intelligence artificielle », mais aussi une « connaissance approfondie du contexte guyanais et des acteurs opérants sur le territoire », une expérience dans la réalisation d'études similaires ainsi que des « compétences en communication et marketing public » :
« Le prestataire devra démontrer sa capacité à gérer la communication autour de sujets sensibles tels que la vidéosurveillance algorithmique, en tenant compte des spécificités culturelles, sociales et politiques de la Guyane. Il devra proposer des approches innovantes pour favoriser l'acceptabilité sociale du projet tout en respectant les principes éthiques et légaux. »
Fait suffisamment notable pour être relevé : l'appel d'offres utilise bien le terme « vidéosurveillance », et non celui de « vidéoprotection », contrairement à ce à quoi nous sommes confrontés depuis que la loi a consacré cette novlangue, en 2011, pour distinguer les caméras installées dans les lieux privés de celles déployées dans l'espace public et contrôlées par les autorités.
Commentaires (12)
#1
coloniesdépartement d'outre-mer...#1.1
Exemple : la résistance aux mesures extrémistes totalement inadmissibles du covidisme.
#1.2
#1.3
#1.4
Ce n'est pas le cas de la Nouvelle Calédonie (un PTOM) comme on a pu le voir lors du blocage de Tic-Toc.
#1.5
#2
#2.1
#2.2
Je pense que c'est plutôt les Bratisla Boys non ;)
Sinon ça aurait été "Kourou coucou roploplo"
#3
Le calendrier me semble fort étrange, cela cache un loup.
#3.1
Parce qu'en plus il y a une heure précise de clôture. Il faudrait voir le nombre de dossiers déposés, la volumétrie de chaque dossier et le nombre d'heure qui sépare la limite de dépose avec la désignation officielle.
Cependant, on peut aussi faire l'hypothèse que le choix est déjà arrêté. Faire un appel d'offre est une obligation, mais à partir du moment où l'on sait ce que l'on veut avec qui l'ont veut, on bâtit les considérants de l'offre correspondant au partenaire que l'on souhaite. Sans compter qu'on est même pas sûr qu'il y ait vraiment de concurrence.
#4