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Terrorgram, la fabrique de terroristes d’extrême-droite, à coups de mèmes et de shitposts

SS 2.0

Terrorgram, la fabrique de terroristes d’extrême-droite, à coups de mèmes et de shitposts

DFRLab via @oddbench

Le ministère de l’Intérieur britannique veut être « le premier pays au monde » à placer la nébuleuse d’extrême droite en ligne Terrorgram sur sa liste des organisations terroristes. Elle appelle en effet à la « guerre raciale », compare les terroristes suprémacistes à des « Saints », qui auraient d'ores et déjà tué 273 personnes depuis 2007, soit 31 % des victimes d’attentats terroristes en Occident.

Le 24 avril à 16h57

Le rapport 2024 du Global Terrorism Index (GTI) de l'Institute for Economics & Peace (IEP) relève que le nombre de pays ayant enregistré « au moins un décès dû au terrorisme » était tombé à 41 en 2023, contre 44 en 2022 et 57 en 2015. Dans les pays occidentaux, les incidents terroristes sont même « tombés à leur plus bas niveau depuis 2007, en baisse de 55 % par rapport à 2022, avec 23 attentats et 21 décès enregistrés en 2023 ».

A contrario, « l'Amérique du Nord est la seule région, à l'exception de l'Afrique subsaharienne, où l'impact du terrorisme est plus élevé en 2023 qu'en 2013 ». Depuis 2007, 60 attentats y ont été commis pour des motifs politiques, contre 14 pour des motifs religieux. Un changement « particulièrement marqué depuis 2017 », et alors que cinq des sept attentats perpétrés en 2023 étant liés à des individus « ayant des sympathies ou des liens avec l'extrême droite ».

Si l'attention médiatico-politique s'est focalisée, ces dernières années, sur le terrorisme islamiste, son rapport 2023 précisait que le terrorisme à motivation idéologique n'en est pas moins devenu « le type de terrorisme le plus répandu en Occident », le terrorisme à motivation religieuse ayant diminué de 95 % depuis son pic de 2016, le terrorisme nationaliste ou séparatiste ayant, lui aussi, considérablement reculé depuis.

Graphique montrant l'évolution du terrorisme, notamment idéologique, en Occident

A contrario, et si depuis 2007, 55 % des décès en Occident sont dus à des attaques religieuses, émanant « presque exclusivement » d'un « terrorisme islamiste radical », le terrorisme « à motivation idéologique » a représenté « 31 % de tous les décès au cours de cette période, les groupes d'extrême droite étant responsables de l'ensemble de ces 273 décès ».

Pour les seuls États-Unis, le terrorisme d'extrême droite (anti-gouvernement, milices, suprémacistes blancs et anti-avortement) a ainsi tué 134 personnes depuis le 11 septembre 2001 (plus 17 autres pour le terrorisme misogyne/incel), contre 107 pour le terrorisme djihadiste, 13 pour le terrorisme séparatiste ou suprémaciste noir, et 1 pour le terrorisme d'extrême-gauche, relevait pour sa part un rapport du think-tank libéral New America en 2023.

Nombre de victimes d'attentats terroristes, par idéologie, aux USA et en Occident

Pour Terrorgram, les terroristes néo-fascistes sont des « Saints »

Cette montée en puissance du terrorisme d'extrême-droite, émanant généralement de « loups solitaires » radicalisés sur les réseaux sociaux, est au cœur de Terrorgram, « un réseau en ligne de terroristes néo-fascistes » qui « glorifie les attentats commis par des terroristes néofascistes, qu'il considère comme des "saints", et encourage la reproduction de ces attentats odieux, notamment en diffusant du matériel pédagogique pour aider d'autres personnes à se préparer à commettre des actes de terrorisme », précise le ministre britannique de l'Intérieur.

Si le Parlement approuve sa désignation comme organisation terroriste, l'ordonnance entrera en vigueur le 26 avril. Le fait d'appartenir au réseau, d'inviter à le soutenir ou, « dans certaines circonstances, d'afficher des articles associés au réseau constituera une infraction pénale », infractions punies d'une peine de prison « pouvant aller jusqu'à 14 ans et/ou d'une amende illimitée ».

La loi de 2000 sur le terrorisme (TACT) érige en effet en infraction pénale le fait pour une personne « de recueillir ou de posséder des informations, ou de les consulter en ligne, susceptibles d'être utiles à une personne commettant des actes de terrorisme ou s'y préparant », souligne le communiqué.

La proscription donne en outre à la police antiterroriste le pouvoir d'obliger les entreprises technologiques et les plateformes de médias sociaux à supprimer ou à bloquer le contenu en ligne de l'organisation pour les utilisateurs britanniques.

La mouvance dite « accélérationniste » et la « guerre raciale »

Il s'agirait du « premier réseau terroriste en ligne » (et le sixième groupe d'extrême droite) à être ainsi « interdit », aux côtés de 75 groupes interdits pour des idéologies islamistes extrêmes ou autres, et de 14 groupes liés à l'Irlande du Nord, précise le ministère :

« Si le terrorisme d'inspiration islamiste continue de représenter la plus grande menace terroriste pour les intérêts du Royaume-Uni, la menace du terrorisme d'extrême droite s'accroît et évolue, notamment par la radicalisation d'individus de plus en plus jeunes à partir de contenus dangereux en ligne. »

L'AFP rappelle que Terrorgram, qui tire son nom de la plate-forme Telegram, fait partie de la mouvance dite « accélérationniste », qui considère qu’une « guerre raciale » est imminente en Occident et qu’il est de son devoir d’en « accélérer l’avènement, notamment en commettant des attentats ».

Un jeune homme de 19 ans qui avait tué deux hommes en octobre 2022 dans un bar gay de Bratislava, en Slovaquie, avant de se suicider, avait cité ce groupe et ses publications dans son texte de revendication.

Une enquête du Digital Forensic Research Lab (DFRLab) de 2020 montrait que Terrorgram qualifiait également de « saints » Timothy McVeigh, qui tua 168 personnes à Oklahoma en 1995 dans le pire attentat de terrorisme domestique aux USA, Anders Breivik, qui assassina 77 personnes, pour la plupart des adolescents, en Norvège en 2011 au nom de la lutte contre le multiculturalisme et la théorie complotiste de l'« Eurabia », Dylann Roof, qui tua neuf Afro-Américains dans une église en 2015, ou encore Brenton Tarrant, l'auteur des attentats de Christchurch contre deux mosquées en Nouvelle-Zélande qui firent 51 morts en 2019.

« Le Grand Remplacement » comme inspiration terroriste

Ce que ne précisent pas les autorités britanniques, c'est que Terrorgram n'est pas un groupe terroriste avec une hiérarchie et des cellules dédiées, mais un réseau décentralisé, pour ne pas dire une nébuleuse, que DFRLab et d'autres avait aussi qualifiée de « Terrorwave », de groupes suprématistes blancs, néonazis et accélérationnistes, d'influenceurs et de pages de mèmes, dont la plupart sont sur Telegram.

Leur objectif collectif, précise l'Anti-Defamation League, est de « promouvoir le terrorisme » et d' « inspirer les individus à mener des attaques terroristes en groupe ou par des "loups solitaires" ».

La première mention de Terrorgram remonterait à 2020, lorsque l'ONG antiraciste Hope not Hate l'a utilisé pour surnommer « un ensemble de quelques douzaines de canaux publics et de groupes de discussion privés sur l'application de messagerie Telegram », qui était alors « en train de devenir une plaque tournante centrale » du terrorisme d'extrême-droite.

L'année 2019 avait en effet été « marquée par l'émergence d'une nouvelle forme de violence d'extrême droite dans les pays occidentaux », relevait Hope not Hate. À commencer par les attentats de Christchurch de Brenton Tarrant qui avait, pour se justifier, publié un manifeste de 74 pages intitulé « Le Grand Remplacement », en référence à la théorie complotiste d'extrême droite introduite en 2010 par l'écrivain français Renaud Camus, dans lequel il déplorait l'expansion de l'islam et un « génocide blanc ».

Un mois plus tard, un adolescent abattait une femme dans une synagogue en Californie. En août, un jeune homme de 21 ans massacrait 22 personnes dans un magasin Walmart au Texas. En octobre, un homme de 27 ans exécutait un passant et un employé d'un kebab voisin après avoir tenté, en vain, de pénétrer dans une synagogue allemande lors de la fête juive du Yom Kippour.

Tous avaient publié des manifestes « truffés d'argot et de références » à des groupes particuliers, et deux d'entre eux avaient streamé leurs actions en direct sur leurs réseaux sociaux, indiquant qu'ils ne considéraient pas leurs actions comme des incidents isolés, mais comme faisant partie d'une offensive plus large, s'inspirant des attaquants précédents et détaillant leurs motivations et leurs méthodes dans l'espoir de susciter d'autres déchaînements, résumait Hope not Hate :

« Ce qui relie ces deux phénomènes, c'est un écosystème d'extrême droite sanguinaire qui s'est enraciné ces dernières années, se répandant sur des chaînes publiques, des forums privés et des applications de messagerie. Cette sous-culture encourage et déifie les terroristes, et considère le meurtre de masse non seulement comme un moyen de révolution et de vengeance, mais aussi comme une forme de divertissement. C'est à ce public que ces tireurs se sont adressés lors de leurs attaques, et elle permet aux militants d'extrême droite en herbe de se radicaliser et de tisser des liens, et à de nouveaux groupes de se coaliser. »

Telegram, un « refuge pour les néonazis » exclus des autres réseaux

À l'époque, la société spécialisée SITE Intelligence Group avait indiqué que près de 80 % de son échantillon de 374 chaînes et groupes Telegram d'extrême droite avaient été créés après les attentats de Christchurch.

Elles y diffusaient « de manière prolifique de la propagande suprématiste blanche, des vidéos de lynchage et de fusillade, des manuels d'entraînement à la survie et à la guérilla, ainsi que des instructions pour fabriquer des armes, perpétrer des attentats et échapper à la détection », rapportait Hope not Hate.

La plupart des chaînes étaient en anglais (majoritairement d'Amérique) ou en ukrainien, bien qu'il en existait également en allemand et en espagnol. Les plus importantes avaient déjà accumulé « plus de 4 000 adeptes en moins d'un an », ce que l'ONG qualifiait de « considérable » pour des organisations exhortant les contributeurs à prendre les armes.

Une enquête de VICE News avait de son côté identifié que plus des deux tiers des 150 chaînes Telegram d'extrême-droite comptant plus de 300 abonnés analysées avaient, elles aussi, été créées en 2019. Elles proposaient, dans la foulée des attentats de Christchurch, « des guides pratiques pour fabriquer des bombes artisanales, stocker des armes sans que les autorités fédérales s'en aperçoivent et préparer une fusillade de masse » :

« Telegram a beaucoup de sens pour ces groupes : L'application permet aux utilisateurs de télécharger un nombre illimité de vidéos, d'images, de clips audio et d'autres fichiers, et son fondateur a affirmé à plusieurs reprises qu'il s'engageait à protéger les données des utilisateurs contre les tiers, y compris les gouvernements. »

En 2021, le Southern Poverty Law Center constatait que Telegram était devenu « un refuge pour les néonazis, les nationalistes blancs et les extrémistes antigouvernementaux exclus des sites de médias sociaux traditionnels ». Et ce, à cause du laxisme de sa modération.

Sur 36 chaînes d'extrême droite ayant été restreintes pour cause de violence, 21 avaient en effet continué à attirer des adeptes, « à un taux de croissance médian de 43,63 % entre 2019 et la fin de l'année 2020 ». Une chaîne associée au Nationalsozialistische Deutsche Arbeiterpartei International – un clin d'œil au titre officiel du parti nazi d'Hitler – avait même connu « une croissance de 2 031,87 % après avoir été " restreinte " par Telegram, faisant passer ses adeptes de 775 en 2019 à 16 522 en 2020 ».

Trois chaînes identifiées comme faisant partie du réseau Terrorgram, créées au printemps et à l'été 2020 avaient acquis collectivement plus de 16 100 adeptes à la fin de l'année, et connu une croissance à trois chiffres tout au long de l'année 2020, bien qu'elles aient été précédemment bannies de la plateforme ou limitées sur certains appareils.

Des terroristes de 18 ans radicalisés à coups de mèmes et shitposts

Entre mai et octobre 2022, l'Italian Team for Security, Terroristic Issues & Managing Emergencies (ITSTIME) a identifié cinq attaques suprémacistes ou accélérationnistes, dont deux « sanctifiés » (et revendiqués) par la nébuleuse Terrorgram. Tous deux avaient été perpétrés, à l'encontre de minorités ethniques et de genre, par des terroristes ayant mentionné le fait de s'être radicalisés en ligne, et publiés des manifestes de revendication.

L'un d'entre eux, qui avait fait deux morts à l'entrée d'un bar gay à Bratislava, émanait d'un slovaque de 19 ans, Juraj Krajčik, qui voulait s'en prendre aux « ennemis de la race blanche », et justifia son acte dans un manifeste homophobe, transphobe, islamophobe, antisémite et complotiste. Le texte, qui niait l'existence de l'Holocauste, attribuait également la pandémie de COVID-19 et les mesures de vaccination à un « complot juif visant à former la race blanche à l'obéissance », et remerciait Terrorgram pour ses « conseils tactiques et son art inspirant ».

Cette mention fit de lui  « le premier Saint de Terrorgram », à savoir la première personne à déclarer sans équivoque que les meurtres qu'elle avait commis avaient été directement influencés et inspirés par la propagande de leur réseau. De quoi lui permettre de figurer dans le « Calendrier des Saints » de Terrorgram, qui célèbre les attentats terroristes des suprémacistes blancs qui ont façonné leur mouvement, et qui les documentent de manière exhaustive dans l’espoir d’en inspirer davantage.

En janvier 2022, le calendrier recensait « 94 affiches glorifiant le meurtre de plus de 600 personnes », dont le massacre (à coups de fer à repasser puis de couteau dans la tête) d'un couple et de leurs deux fils de 10 et 12 ans, perpétré la veille de Noël 1985 par David Lewis Rice, qu'il pensait (à tort) être juifs et communistes.

Terrorgram Calendar of Saints Left Coast Right Watch

Le second, qui fit 13 victimes (dont 11 Afro-Américains) à Buffalo, dans l'État de New York, avait été live-streamé sur Twich par son auteur de 18 ans, Payton S. Gendron, qui avait préalablement partagé sur Google Doc un manifeste de 180 pages dénonçant l' « immigration de masse » et se référant explicitement à la théorie conspirationniste du « Grand remplacement ».

Le jeune terroriste, qui voulait « terroriser toutes les personnes non blanches et non chrétiennes et à leur faire quitter le pays » y expliquait aussi s'être radicalisé sur le forum /pol/ (pour « politiquement incorrect ») de 4chan et le site d'information néonazi The Daily Stormer, dont les infographies, shitposts et mèmes l'avaient aidé à adopter des opinions néo-nazies, antisémites, éco-fascistes, ethno-nationalistes, populistes et suprémacistes blanches.

Son manifeste, en bonne partie plagié à partir de références qu'il avait lues, copiées et collées sur Internet, affirmait également que les juifs et les élites sociétales étaient « responsables de l'inclusion des transgenres et de l'immigration non blanche », que les Noirs tuaient les Blancs « de manière disproportionnée » et que les non-Blancs allaient « submerger et anéantir la race blanche ». Il se référait aussi explicitement à Dylann Roof, Anders Behring Breivik et Brenton Tarrant, dont il avait d'ailleurs copié-collé une partie de son propre manifeste.

« Arrêtez de parler, commencez à tuer »

Le Global Network on Extremism and Technology (GNET) du Centre international d'étude de la radicalisation (ICSR), un centre de recherche universitaire du département d'études sur la guerre du King's College de Londres, s'est quant à lui penché sur « Hard Reset : A Terrorgram Publication », une série de magazines numériques particulièrement prisée par Terrorgram.

Dans cet e-zine de 261 pages, 25 sont consacrées à des descriptions détaillées des tactiques, techniques et procédures (TTP, dont 7 pages consacrées à la fabrication d'explosifs), 50 à la description des « meilleures cibles » à attaquer, en particulier les infrastructures critiques (47) telles que les voies ferrées, les LGBTQ+ (11), les forces de l'ordre (8) et les centres d'interruption volontaire de grossesse (7). 52 pages contiennent en outre un appel à l'action ou une approbation de la violence terroriste et 31 sont consacrées à des récits explicatifs, en particulier d'accélérationnisme néofasciste.

The Hard Reset: A Terrorgram Publication CTG Threat Hunter on Telegram

The Counterterrorism Group (CTG) relève pour sa part que le e-zine avait aussi publié une vidéo contenant des images et des extraits de livestreams de fusillades de masse antérieures, accompagnés de mots tels que « Kill, Kill, Kill », se référant à la théorie complotiste du « Grand Remplacement », pour qui « la population blanche caucasienne sera démographiquement et culturellement remplacée par des populations non blanches par le biais de migrations massives ».

D'après CTG, la publication de « The Hard Reset » est « probablement destinée à servir d'inspiration et de guide pour commettre des fusillades de masse et des attentats terroristes », de nombreuses images appelant à la violence, l'une d'entre elles déclarant spécifiquement : « Arrêtez de parler, commencez à tuer ».

Une influenceuse néo-nazie fan des tueurs en série

En mars 2023, un observatoire de l'extrême-droite néo-nazie et suprémaciste, Left Coast Right Watch, identifiait une Américaine de 33 ans vivant à Sacramento, Dallas Erin Humber, comme l'une des figures de proue de Terrorgram. Elle était connue pour lire à haute voix dans des audiobooks les manifestes de tueurs de masse suprémacistes. On ne la connaissait que sous les noms de « narratrice », « wahmen » (argot péjoratif pour « femme ») ou sous le pseudo qu'elle s'était choisi : « Miss Gorehound » (Miss chien de garde).

L'analyse de ses traces numériques révélait qu'à l'âge de 13 ans, elle se décrivait elle-même comme une « fangirl désespérée » des tueurs en série. Usant de pseudos tels que « Reichsfuhrer D-chan », « prettydictator » ou « xNazixInjectionx », elle leur rendait hommage en les représentant sous la forme de chibis (mascottes enfantines d'anime japonais) éclaboussés de sang, tout en se présentant dans les jeux de rôle en ligne comme une « Lolita politiquement radicale » et en intitulant son journal en ligne intitulé « Diary of a Young National Socialist » (Journal d'une jeune national-socialiste).

Un dessin de Dallas Humber souhaitant joyeux anniversaire au médecin SS d'Auschwitz Joseph Mengele
Un dessin de Dallas Humber souhaitant joyeux anniversaire au médecin SS d'Auschwitz Joseph Mengele

20 ans plus tard, ses fantasmes gore n'avaient pas changé, sinon qu'elle incitait, en sus, ses correspondants à prendre les armes et à tuer des gens. Son attrait pour l'iconographie nippone l'a fait s'intéresser à l'ero guro, un mouvement artistique et littéraire japonais combinant l'érotisme à des éléments macabres et grotesques, voire au « hentai snuff », avec une fascination vis-à-vis des violences sexistes et sexuelles faites aux femmes :

« Presque toutes les œuvres de cette période représentent des femmes maltraitées, [...] représentant des scènes de torture, de démembrement et de violence sexuelle explicite. La plupart du temps, les seules femmes qui ne sont pas soumises à la violence et à la brutalité la perpétuent - contre d'autres femmes. Les hommes, quant à eux, sont présentés comme forts, puissants et héroïques. »

Deux jours après l'attentat de Bratislava, Humber participait à la publication d'un « documentaire » consacré au terroriste slovaque, qu'elle qualifiait de « Saint Juraj Krajčík, sixième disciple de Tarrant et premier Saint de Terrorgram ». Pendant 24 minutes, il alternait séquences d'actualités, massacres diffusés en direct et propagande recyclée de la Division Atomwaffen (« Division armes nucléaires », en allemand, un réseau terroriste néonazi américain fondé en 2013 dans le sud des États-Unis dont une dizaine de membres avaient commis des meurtres ou planifié des attentats), sur fond de bande-son synthwave. La voix d'Humber y énumérait près de 100 attaques terroristes contre des infrastructures, le gouvernement et des groupes de personnes marginalisées, dans ce qu'elle qualifiait d' « héritage de la terreur blanche ».

White Terror, a Terrorgram productionLeft Coast Right Watch

Elle avait aussi dessiné des cartes postales envoyées à Dylann Roof, Brenton Tarrant et Anders Breivik, afin de devenir leur « correspondante », tout en enregistrant une version audio du « manifeste » de plus de 1 500 pages du terroriste norvégien. Depuis, elle s'est rebaptisée « Right Wing Book Club » (RWBC), et a rajouté de nombreux autres manifestes de tueurs de masse à sa collection de livres audio, qu'elle qualifie d' « évangiles », cherchant à embrigader de nouveaux « loups solitaires » potentiels.

L'article a été mis à jour le 25/04/2024 à 14 h pour mentionner le massacre perpétré par David Lewis Rice.

Commentaires (15)

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"La loi de 2000 sur le terrorisme (TACT) érige en effet en infraction pénale le fait pour une personne « de recueillir ou de posséder des informations, ou de les consulter en ligne, susceptibles d'être utiles à une personne commettant des actes de terrorisme ou s'y préparant », souligne le communiqué."

Quid des journalistes enquêtant sur le sujet ? Des sociologues ? Ils sont en exception ou bien ils n'ont plus le droit de bosser ces sujets ? 🤔
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C'est quand même pas mal l'amnésie vis à vis des exactions il y a 80 ans par la même mouvance fasciste.
Ils étaient où tous ces gens lors des cours d'Histoire pendant leurs études s'ils en ont fait.
Avec les mêmes idées des années 1930 ils recommencent.
Alors demain nous pourrons célébrer les jeunesses nationales, n'oublions pas de remettre le culte de la personnalité puis le parti unique, les médias seront muselés et cerise sur le gâteau réouverture des camps pour les non-adhérents à leur idéologie de "peste brune".
Sans dénoter que tout ça se fait dans la "douceur" d'un oubli notoire et surtout de dire merci à la population pour cette occultation volontaire de notre Histoire "noire". :mad:
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Parce qu'il ne s'est absolument rien passé ces 80 dernières années peut-être ? Prenons un exemple au hasard, pour savoir la différence entre ceux qui s'amusent à l'expression la plus ignoble possible (ce qui en effet peut entraîner le passage à l'acte de quelques fous) et ceux qui agissent réellement, officiellement.
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Pour les seuls États-Unis, le terrorisme d'extrême droite [...] a ainsi tué 134 personnes depuis le 11 septembre 2001 (plus 17 autres pour le terrorisme mysogine/incel), contre 107 pour le terrorisme djihadiste, 13 pour le terrorisme séparatiste ou suprémaciste noir, et 1 pour le terrorisme d'extrême-gauche, relevait pour sa part un rapport du think-tank libéral New America en 2023.

J'ai franchement du mal à croire qu'il n'y aurait eu qu'un seul mort pour le terrorisme d'extrême-gauche aux USA, surtout quand on lit le rapport en question pour voir les attaques comptabilisés.

Par exemple il est compté l'attaque à Buffalo en 2022 avec 10 morts et un manifesto très clair sur l'intention extrême-droite de la personne, ou encore l'attaque à Jacksonville en 2023 qui a causé 3 victimes de couleur noire et qui était racialement motivée.

Quand je vois ces critères, je ne comprends alors pas pourquoi il n'est pas compté les attaques genre celui de Nashville qui a causé 6 victimes, avec le manifesto pointant un biais idéologique vers l'extrème-gauche. Ça date pourtant de 2023.

Que l'extrême-droite détient le monopole, pas de problème (enfin si, c'en est un). Mais CE rapport, euh... je doute qu'il soit exhaustif et donc je le vois mal comme une source crédible. Et puis vu toutes les tueries qu'il y a aux USA, je suis même étonné que ces nombres ne soient pas plus élevés.

Je prévois déjà des réponses bien chaudes contre mon post :fume:
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De ce que je rappelle de l'attaque de Nashville (je m'y étais pas penché plus que ça, corrigez-moi si je me trompe), l'auteur des faits avait attaqué une école dans laquelle il avait été élève par le passé et y avait été persécuté. Si c'est bien le cas, le motif me paraît plus personnel que politique.

Et même remarque pour le nombre morts totaux : ne sont recensé dans ce rapport que les attentats à motivation politique. Les trouzemilles tueries annuelles de timbrés qui ne revendiquent rien de particulier ne sont pas comptabilisées.
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Simplement parceque l'extreme gauche est beaucoup moins présente aux US qu'en Europe. Tu regardes cela au travers du prisme d'un Français.

Aux USA le nombre de sympathisants d'extrème droite est infiniment supérieur à celui d'extreme gauche, Sachant qu'en plus ce sont les plus farouches défenseurs du port d'armes et de leur utilisation, il n'y a rien de choquant la dedans.
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Au début de l'article, je ne comprenais pas. Je croyais que l'intention était satirique:"Terorgram" ,ca me faisait penser aux nazis sur la face cachée de la lune comme dans un bon gros nanard du dimanche... L'impression persiste à la lecture, avec des protagonistes décérébrés faisant moultes références à la culture populaire entre Conan le barbare, Rambo, idiocracie et divers mangas. Et puis force est de constater que non, je me suis trompé. Un article de J. M. Manach en plus, c'est rarement de la godriole. C'est désespérant.

Et dire qu'une part tres significative de la population s'apprête à voter pour des partis dont l'imaginaire est largement partagé avec celui de ces "saints" (le grand remplacement étant publiquement revendiqué par certains de leurs représentants)... Je comprends pourquoi, mais ça ne pardonne pas. Nous nous en mordrons tous les doigts, moi compris pour n'avoir pas fait assez pour convaincre mes concitoyens de réfléchir autrement.

D'ailleurs, les "saints" me font penser que la distinction entre terrorisme religieux et idéologique évoquée en début d'article n'est absolument pas pertinente : l'imaginaire et le schéma dialectique sont pour grande partie identiques. (En tant qu'athé je considère que toute religion, même modérée et en accord avec les normes temporelles, est une idéologie politique. Mais c'est une opinion qui est loin de faire consensus, donc je limite l'analogie au champ de l'extrémisme politique et religieux)
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Je rappelle juste que Trump c'est fait élire en 2015 ça fait même pas 10 ans Positions_politiques_de_Donald_Trumps grace aux votes des Républicains MAGA mais aussi l'Alt-right qui se décline sous diverses formes https://fr.wikipedia.org/wiki/Alt-right
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D'ailleurs, les "saints" me font penser que la distinction entre terrorisme religieux et idéologique évoquée en début d'article n'est absolument pas pertinente : l'imaginaire et le schéma dialectique sont pour grande partie identiques. (En tant qu'athé je considère que toute religion, même modérée et en accord avec les normes temporelles, est une idéologie politique. Mais c'est une opinion qui est loin de faire consensus, donc je limite l'analogie au champ de l'extrémisme politique et religieux)
C'est clair qu'à la lecture de cet article je me suis fais la réflexion que c'était quasi identique à tout ce qu'on peux voir créé par les terroristes islamiques.
La rhétorique, le fond et la forme sont les mêmes. C'est à se demander s'il ne se copie pas les uns les autres...
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Leur objectif collectif, précise l'Anti-Defamation League, est de « promouvoir le terrorisme » et d' « inspirer les individus à mener des attaques terroristes en groupe ou par des "loups solitaires" ».
Petit rappel : le terrorisme n'est jamais une fin en soi, une idéologie. C'est un moyen mis au service d'un projet politique (radical, violent, extrême, fascite, ismaliste... nommez votre poison).

Ainsi, la présentation faite plus loin dans l'article par Hope Not Hate me semble bien plus pertinante pour décrire ce phénomène :

Cette sous-culture encourage et déifie les terroristes, et considère le meurtre de masse non seulement comme un moyen de révolution et de vengeance, mais aussi comme une forme de divertissement. C'est à ce public que ces tireurs se sont adressés lors de leurs attaques, et elle permet aux militants d'extrême droite en herbe de se radicaliser et de tisser des liens, et à de nouveaux groupes de se coaliser.
Et j'en profite pour faire de la pub au journaliste Wassim Nasr de France24 qui fait un boulot formidable sur le sujet.
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Merci pour ce travail journalistique. Tu me fais découvrir un phénomène que je ne connaissais pas, t'appuyant sur des sources que je pourrai approfondir et illustrant avec des images pertinentes. Merci beaucoup!

Maintenant j'ai peur. Vous n'avez pas peur de retomber en Europe dans le fascisme?


Autrement, la distinction des motifs d'attentats proposée m'étonne. Il y a:
- la religion,
- l'idéologie,
- le nationalisme/séparatisme et
- non identifié.

Quand l'idéologie est définie comme système de croyances et de valeur, cette catégorisation tient plus la route.

Est-ce la doctrine des religions monothéistes de tuer celleux qui ne croient pas au même Dieu? Non

Est-ce un droit des populations à déterminer le régime sous lequel elles vivent? Oui. Que ce soit les kurdes, les arméniens, les bretons ou les palestinien·nes décimé·es.

Maintenant, quel est le système de croyance le plus meurtrier, injuste et dangereux pour l'avenir? Qu'est-ce qui provoque tant de morts au travail, des suicides, des mal-êtres, des pollutions de tout ce qui est, responsable de milliers de morts de la faim, et d'encore plus d'individus souffrant de malbouffe? Qu'est-ce qui pousse à une Europe forteresse et une exploitation inhumaine de la vie (humaine et écologique) dans l'hémisphère sud? L'idéologie capitaliste néo-libérale, accompagnée de son culte de la productivité et son mensonge méritocratique.

Pour ce qui est des religions, il me semble qu'on a affaire à une instrumentalisation de celles-ci pour le maintien de privilèges de l'un ou l'autre. C'est pas nouveau.

Enfin une idéologie nommée nul part sur cette page, c'est celle qui sous-tend le terme de féminicide. En Suisse, "le Bureau fédéral de l'égalité des sexes rapporte que chaque semaine une femme survit à une tentative de féminicide."
( https://www.stopfemizid.ch/francais#anchor1). Quelle est l'idéologie derrière la croyance qu'une femme et son corps appartient à un homme, que ce soit son mari, père ou frère, à tel point qu'il a droit de mort sur celle-ci? J'offre un abonnement annuel NEXT à la personne qui répond correctement à cette question.
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On parle de terrorristes Incel, aka: "involuntary celibate", très ancré dans les milieux d'extrême-droite d'ailleurs.

Source : fr.wikipedia.org Wikipedia
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oui tu approches. Les incels en sont une forme extrême :yaisse: La "règle 30 d'internet" en est une autre. Tu l'as?
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C'est terrifiant et consternant qu'un type ayant tué deux enfants ligotés à coups de fer à repasser dans la tête soit considéré comme un héros par ces furax.

Il y a un volume conséquent de psychiatrie qui se perd.
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L'article Wikipedia consacré à David Lewis Rice, dont la peine de mort a été commuée en prison à vie au motif qu'il souffrait de paranoïa, FYI.

Terrorgram, la fabrique de terroristes d’extrême-droite, à coups de mèmes et de shitposts

  • Pour Terrorgram, les terroristes néo-fascistes sont des « Saints »

  • La mouvance dite « accélérationniste » et la « guerre raciale »

  • « Le Grand Remplacement » comme inspiration terroriste

  • Telegram, un « refuge pour les néonazis » exclus des autres réseaux

  • Des terroristes de 18 ans radicalisés à coups de mèmes et shitposts

  • « Arrêtez de parler, commencez à tuer »

  • Une influenceuse néo-nazie fan des tueurs en série

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