Hadopi : Free perd une manche, l’État doit payer le retard du décret Indemnisation
Il a frit mais il a compris
Le 23 août 2016 à 15h19
6 min
Droit
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Ces jugements n’avaient pas été ébruités en avril dernier. Free a perdu ses deux procédures initiées contre la Hadopi et l’État pour savoir qui, de l’un ou l’autre, devait indemniser son intervention forcée dans la riposte graduée. Dans un autre dossier, l'État est désormais tenu de payer 100 euros par jour, faute d'avoir publié un important décret d'application.
Voilà une casserole qui traine aux fesses de la réponse graduée depuis son cri primal : les FAI sont contraints d’identifier les torrents d’adresses IP adressées quotidiennement par la Hadopi, puis de réacheminer les emails d’avertissements vers leurs abonnés le tout gratuitement.
Le ministère de la Culture condamné pour avoir trainé des pieds
Pourtant, la jurisprudence constitutionnelle tout comme la loi obligent à une juste compensation des FAI pour ces activités fortement teintées de puissance publique. Selon l'article 34.1 du code des postes et des télécommunications, les opérateurs doivent en effet être remboursés « des surcoûts identifiables et spécifiques des prestations assurées » pour les besoins « de la recherche, de la constatation et de la poursuite (…) d'un manquement à l'obligation » de sécurisation qu’impose la loi Hadopi.
Le hic, bien connu, est que cette même disposition renvoie à un décret le soin de définir les menus détails de cette compensation. Décret que n’a jamais eu l’idée de publier le ministère de la Culture... depuis l’adoption de la loi en 2009 ! Résultat des courses : les FAI sont obligés de bosser à l’œil, en prenant à leur charge les frais d’investissement et de fonctionnement de ces opérations que la CNIL elle-même sait sensibles.
Évidemment, la situation n’avait aucune chance d’éviter la case des tribunaux. Bouygues Télécom avait par exemple obtenu gain de cause devant le Conseil d’État en décembre 2015, avec à la clef un joli chèque de 900 000 euros calculé en avril dernier. L’État avait en effet été reconnu fautif de ne pas avoir publié ce fameux décret d’application dans un délai dit raisonnable, « dépassé » depuis le mois de septembre 2010.
Deux procédures lancées en vain par Free devant le tribunal administratif...
Mais Bouygues n’est pas le seul soldat au front. En 2013, Free initiait une autre stratégie : deux procédures cette fois devant le tribunal administratif. L’une contre la haute autorité, l’autre contre l’État (deux jugements disponibles ci-dessous).
En mai 2013, le FAI demandait ainsi à la Hadopi de lui verser la somme rondelette de 4,6 millions d’euros, toujours au titre des prestations d’identification et de réacheminement de recommandations réalisées entre octobre 2010 et décembre 2015 (soit une moyenne de 74 000 euros par mois). Pour l’opérateur, principalement, la Hadopi serait coupable d’une faute en s’abstenant de compenser ces surcoûts. Analyse évidemment contestée par la rue de Texel.
Le tribunal administratif de Paris a finalement rejeté sa demande : la Hadopi n’a commis aucune faute en refusant d’honorer les factures Free. Dès lors que la loi renvoie à un décret le soin de définir ce barème, et même si ce décret n’est pas publié, elle « ne pouvait, par voie réglementaire ou de manière conventionnelle, définir elle-même les modalités d’une telle compensation » expliquent les juges. Le FAI a même été condamné à verser 1 500 euros à la Hadopi, au titre des frais exposés.
Le 21 juin 2013, Free saisissait aussi le ministère de la Culture d’une première demande préalable d’indemnisation, rejetée implicitement. En clair : la rue de Valois a fait le mort. L’opérateur avait du coup attaqué cette décision silencieuse dans une procédure en responsabilité sans faute, épinglant une rupture d’égalité devant les charges publiques. En face, le ministère lui a répondu en substance que les conditions d’engagement de cette responsabilité n’étaient pas réunies.
Le tribunal administratif va là encore repousser la demande du FAI. Il n’est pas possible de rechercher la responsabilité sans faute de l’État dès lors que des dispositions législatives « ont expressément prévu un mécanisme de compensation financière des conséquences de leur mise en œuvre ». Circulez !
... Mais le FAI ne baisse pas les bras
Aguiché par l’arrêt « Bouygues », Free avait ajouté en février 2016 quelques lignes à sa procédure : il y greffait aussi une procédure en responsabilité cette fois pour faute, fustigeant l’insouciance du Premier ministre à publier le fameux décret d’application sur les tarifs. Mais las, l’argument qui aurait pu parfaitement faire mouche, a été présenté trop tardivement. Il a donc été déclaré irrecevable.
Après ces deux jugements, Free n'allait évidemment pas baisser les bras. S'il n'a pas fait appel, il a lancé selon nos informations une nouvelle instance en prenant cette fois l'arme de la faute. Autant dire que l'épisode n'en est encore qu'à sa première saison et très logiquement l'État devrait une nouvelle fois être condamné.
Et pendant ce temps, l'Etat astreint à verser 100 euros par jour
Il y a dans ce méandre procédural un petit détail croustillant. Revenons un instant à l’arrêt du 23 décembre 2015, la décision Bouygues Télécom. Le Conseil d'État avait enjoint le Premier ministre à publier le fameux décret dans les 6 mois à compter de la notification de l’arrêt, sous astreintes de 100 euros par jour de retard. Or, plus de 6 mois plus tard, ce décret n’a toujours pas été publié !
Résultat ? Depuis fin juin, donc, l’État verse quotidiennement 100 euros pour réparer sa faute. Financièrement, n'importe quel apprenti comptable y verrait une superbe affaire pour la Rue de Valois : face aux sommes importantes réclamées par les FAI- des millions depuis la mise en route de la réponse graduée – ce montant ne représente que 36 500 pauvres petits euros par an.
N’oublions cependant pas que ce mécanisme de l’astreinte a aussi une forte portée symbolique : voilà l’État condamné comme un mauvais gus dans un garage pour la persistance de sa négligence caractérisée. Cela ne vous rappelle rien ?
Hadopi : Free perd une manche, l’État doit payer le retard du décret Indemnisation
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Le ministère de la Culture condamné pour avoir trainé des pieds
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Deux procédures lancées en vain par Free devant le tribunal administratif...
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... Mais le FAI ne baisse pas les bras
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Et pendant ce temps, l'Etat astreint à verser 100 euros par jour
Commentaires (48)
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Abonnez-vousLe 23/08/2016 à 15h51
Côté avocats ceux de Bouygues sont visiblement plus efficaces que ceux de Free. Il faudrait penser à changer de cabinet d’avocats du côté de chez Free. Avec mes quelques connaissances en droit je doit dire que l’angle d’attaque de Free est des plus bizarre et les réponses négatives du tribunal administratif me semblent tout à fait justifiées.
Et SFR/Orange ne bouge pas ?
Le 23/08/2016 à 15h54
Oui, il faudrait condamner le Premier ministre à payer avec ses propres deniers, je suis sûr qu’il éviterait ce genre de négligence caractérisée.
Le 23/08/2016 à 16h03
Quand on voit les amendes payees par l’Etat a l’Europe sur pas mal de sujets, plutot que de se conformer au droit europeen, les 36000 euros par an, ca doit les faire doucement sourire…
Edith : ortograf
Le 23/08/2016 à 16h05
Peut-être Free fait-elle exprès de ne pas remporter de bataille décisive ? Continuer des procédures de recouvrement auprès de l’Etat peut être un moyen de pression dans un marché des télécoms hautement subordonné au bon vouloir politique.
Qui plus est, les retombées médiatiques des procès en cours représentent peut-être plus que les coûts juridiques engagés. À chaque procès, le FAI reçoit une couverture médiatique qui est à son avantage, quelle que soit l’issue du procès. En effet, c’est le combat contre la Hadopi qui apporte la sympathie des clients et des prospects. Gagner ne fait que faire cesser ce combat, et donc l’intérêt de la presse. Perdre faire durer… le plaisir ?
Le 23/08/2016 à 16h08
Les payerait avec son indemnité de fonction." />
Le 23/08/2016 à 16h09
Pour apprendre au gens à payer ce qu’ils doivent aux zayantledroitdallezsefairefoutre la hadopi pirate les Fai. Belle démonstration de pédagogie " />
Le 23/08/2016 à 16h15
Ces actualités rocambolesques sont toujours d’une saveur lorsqu’ils passent sous la plume de Marc. 😏
Le 23/08/2016 à 16h17
C’est une lecture un peu biaisée du droit, je trouve. Il suffirait à l’Etat de toujours prévoir l’aspect financier dans un décrêt, mais de ne jamais le publier, pour qu’un tribunal dise « l’Etat a tout prévu, donc on ne peut rien lui reprocher » ?
Ou alors c’est un(e) juge qui a des problèmes d’itinérance ?
Le 23/08/2016 à 16h39
Le 23/08/2016 à 16h55
Les pirates “volent” les Zartistes.
Les mêmes Volent les FAI.
Les FAI volent se font payer par les pirates (et par les autres qui préfèrent la sodo pour des principes moraux).
Donc.. La Licence Globale existe dans les faits. Elle ne coûte que 3€/mois de VPN. (et permet aussi d’éviter que Caze Neuve intercepte vos photos un peu SM pour sa collection, avec ses boîtes noires: double incitement!!)
Le 23/08/2016 à 17h52
L’état français (Sarkozy puis Hollande " />) fait tout pour faire fuir les entreprises de France " />
Le 23/08/2016 à 18h20
Xavier Niel le procédurier. Toujours à se plaindre. Par contre silence radio sur les problèmes récurrents de son réseau… On devrait l’attaquer de la même façon qu’il le fait.
Le 23/08/2016 à 18h27
Rien ne t’empêche de le faire.
Le 23/08/2016 à 18h27
Vas-y, fais le, si tu as du solide, tu vas gagner.
Pourquoi parler de X. Niel et pas de M. Bouygues qui a aussi réclamé son dû ?
Le 23/08/2016 à 18h38
Du solide ? Le réseau en itinérance à 3 Ko/s, mensonger, bridé, non conforme aux conditions générales de vente du service. Aucune communication ni explication aux consommateurs quant à ces problèmes qui ne les regardent d’ailleurs pas. Aucune communication lors de pannes répétitives et prolongées supérieures à la date de rétablissement maximale prévue lors du contrat souscris… Bref, la liste est longue.
Le 23/08/2016 à 18h41
Et bien fonce, je te dis, tu vas gagner.
Le 23/08/2016 à 18h46
Lol, j’ai touché un nerf dentaire ou quoi ? Je sais pas, on dirait Univers Freebox et ses éternelles défenseurs de Free. Non ? C’est quand même pas de ma faute si c’est la vérité. Je n’ai jamais insinué faire quoi que ce soit en justice contre eux. Je n’aurais d’ailleurs pas à le faire car ça va leur tomber dessus bien avant quand l’ARCEP aura réellement pris les mesures nécessaires. Et pis toute façon après plus de 4 ans chez eux j’en suis parti car j’en ai eu marre, c’est tout. Et l’article concernait Free cette fois-ci, je ne vois pas pourquoi me parler de Bouygues…
" />
Le 23/08/2016 à 18h49
J’ai testé un peu l’itinérance pendant ces vacances, même si je ne vois ce que ça vient faire là, ni comment ça implique free plus que Orange.
L’itinérance c’est compliqué parce que ça utilise un réseau utilisant aussi la 2G ( donc pas d’internet) et saturé ( antennes acceptant un nombre max de connection).
Sortir du réseau freemobile tout neuf pour se retrouver sur ce reseau fossile, c’est sûr que ça se sent.
Mais c’est parfois utilisable quand les étoiles s’alignent.
Le top c’est de capter la 4G free là où les 3 margoulins n’ont aucun réseau " />
Le 23/08/2016 à 18h56
Je n’ai aucun soucis avec mes dents.
Mais ton attaque sur X. Niel est déplacée alors que c’est l’État qui est fautif ici.
Quant à Bouygues Telecom, il est cité 4 fois dans l’article, voilà pourquoi tu aurais pu en parler.
Le 23/08/2016 à 19h26
Après le bon, la brute et le truand, voici la justice, la loi et les décrets
“Un film improbable” - TV nounours
“C’est pas faux” - Perceval Online
“Beaucoup d’effet de manche, mais un scénario nébuleux. Au final on a perdu notre temps ” - 60 millions de consommés
“On rigole encore” - Le Grecquois mag’
Le 23/08/2016 à 21h14
Le 23/08/2016 à 22h32
Ce qu’il faudrait ca serait que l’amende par jour soit cumulative…
100€ le premier jour, 200 le deuxieme…, 36500 au bout d’un an 🙃
Le 24/08/2016 à 04h56
Le 24/08/2016 à 06h24
La stratégie était différente car inspirée d’une jurisprudence ancienne du Conseil d’Etat qui entretemps a été modifiée… Free a été un peu pris dans cet étau. Ce n’est pas un pb de compétence de X ou Y…
Le 24/08/2016 à 06h26
La mise en cause de l’Etat est vraiment peu glorieuse. Il n’aurait aucun intérêt à démultiplier ce genre d’initiatives. En tout cas on suivra et claironnera chacune de ces étapes dans nos colonnes.
Le 24/08/2016 à 06h38
Le 24/08/2016 à 06h40
Je trouve ça plutôt idiot de la part de l’état de refuser de payer un service qu’ils exploitent.
Après faut dire que les gens qui sont en cause s’en fichent un peu vu que c’est pas eux qui trinquent, mais si tu leur retires les 3K€/mois chacun, ils vont peut être commencer à se dire qu’ils devraient travailler…
Le 24/08/2016 à 07h38
Bon, quand le décret sera publié, je ne vous dis pas la gueule de l’ardoise…
Le tout pour une milice privée par les majors et pour les majors… Ils ont droit à l’aide juridictionnelle ou quoi ? Peuvent pas se la payer eux-mêmes leur gagdopi ?
Le 24/08/2016 à 07h43
Le 24/08/2016 à 07h56
En fait, toute la discussion actuelle est de trouver une voie pour minorer un max le montant de cette ardoise. Petit détail que je n’ai pas soulevé dans cette actu, c’est la Hadopi qui paiera ces frais, non le ministère de la Culture. L’ardoise ancienne -> Etat. L’ardoise future -> Hadopi. Des montants trop gourmands viendraient limiter consécutivement la riposte graduée, sauf à supposer une générosité dans la subvention publique…
Le 24/08/2016 à 08h00
Sais-tu si dans la demande actuelle de budget de 9 millions d’€, cette ardoise future a été prévue ?
Vu le peu d’écart avec le budget précédent, je dirais que non.
Le 24/08/2016 à 08h00
Le dossier Free reposait d’abord sur une responsabilité sans faute de la part de la Hadopi et de l’Etat. L’argument a été rejeté.
Free a tenté de développer en février 2016 l’argument de la faute (la non publication du décret prévu par le législateur), mais déposé hors délai dans le cadre de cette procédure, cela a donc été refusé, car irrecevable.
Saisissant la balle au bond, Free a embrayé donc sur une nouvelle procédure pour faute cette fois devant le Conseil d’Etat. L’idée ? Se voir reconnaître une indemnisation pour la défaillance du premier ministre, à l’instar de ce qu’avait fait Bouygues Télécom, qui a empoché pour le passé, 900K€. Ils auraient tort de cracher dessus non ? ;)
Le 23/08/2016 à 15h28
Pas grave, c’est une opération blanche pour l’État, les 100 euros par jours. Elle passe de sa poche de gauche à celle de droite." /> (Et cela fait travailler 2 comptable pendant 1 minute au ralenti)" />
Le 23/08/2016 à 15h31
Y’a-t-il une limite à la durée des astreintes, ou leurs principes pourraient-ils être attaqués ultérieurement ?
Ma question en plus clair : y’a-t-il un recours possible contre le fait que l’Etat préfère sciemment payer les astreintes que les FAI ?
Le 23/08/2016 à 15h36
Même si il y avait un recours possible il y aurait un décret publié en urgence pour dire à free d’aller se f…
Le 23/08/2016 à 15h47
D’un autre coté, l’état paye free, avec nos impôts… Qu’est ce qu’il en ont a f….re !? (Oui, je suis grognon, j’ai payé mes impôts il y a 1h)
Le 24/08/2016 à 08h02
En tout logique oui, mais j’attends la publication des “jaunes budgétaires” dans quelques jours pour me forger une certitude. Puisque c’est la Hadopi qui va payer, elle va nécessairement anticiper un barème. Cela fera partie d’une de mes prochaines actus, mais ne pas le dire sur Internet stp, j’aimerais en avoir la primeur ;)
Le 24/08/2016 à 08h06
Promis, je ne dirai rien. Ça reste entre nous ici.
Le 24/08/2016 à 08h20
Le 24/08/2016 à 08h52
Le 24/08/2016 à 14h22
De toutes façons que ça soit l’état ou la hadopi qui payent les anciennes et nouvelles ardoises ça revient au même : l’argent vient du budget de l’état et donc en très grande partie de nos impôts.
Le 24/08/2016 à 20h40
Ca doit être dur de faire une multiplication.
Le 25/08/2016 à 05h47
Facile pourtant.
“On rembourse rien, nada, que dalle, peau d’zob, pour 1 million identifications par mois. Soit 0 x 1 000 000 donc 0.”
Le 25/08/2016 à 09h57
bun vu qu’on est dans une administration un calcul se fait obligatoirement via un tableur…..comme le dit tableur leur sert de firewall , j’imagine pas quel soft ils utilisent à la place.
Le 25/08/2016 à 10h07
Le 25/08/2016 à 16h51
Le 28/08/2016 à 08h21
Le 28/08/2016 à 10h24
Salut,
Je précise que je n’y connais quasi que dalle en droit.
Si le décret n’est toujours pas publié, quelle est la suite de l’histoire ?
Une procédure de manquement sur manquement ?
L’union européenne à la rescousse ?
Bouygues doit attendre 10 ans avant de tout perdre ?
Parce que là dans le genre condamnation lourde de chez lourde, ça peut commencer à risque gros