Les injures et diffamations toujours en ligne pourraient être attaquées (presque) indéfiniment
Au temps pour moi
Le 09 septembre 2016 à 07h40
4 min
Droit
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Dans le cadre du projet de loi sur l’égalité et la citoyenneté, Thani Mohamed Soilihi (PS), le vice-président de la commission des lois du Sénat, Alain Richard (PS) et François Pillet (LR) veulent revoir le régime de la prescription en ligne pour tenir compte des spécificités d’Internet.
Début juillet, François Pillet et Thani Mohamed Soilihi, respectivement sénateurs du Cher et de Mayotte ont dévoilé les conclusions de leur mission d’information sur la liberté de la presse à l’épreuve d’Internet. Dans la nasse, ils proposent l’instauration d’un droit à réparation civile en matière de presse, un droit de réponse en ligne revu et corrigé, mais surtout une modification des règles de prescription, toujours en matière d’injure et de diffamation.
Techniquement, il s’agirait de s’attaquer au point de départ fixé aujourd’hui à partir de la date de publication du message litigieux (l’article 65 de la loi de 1881). Dans leur rapport, ces élus regrettent en effet que « la prescription de l'action publique [puisse] être acquise alors même que l'écrit est toujours en ligne ». Et pour cause, « sur Internet, le passé, c'est le présent permanent ! » râle leur collègue François Zochhetto (UDI).
Deux amendements pour revoir le point de départ de la prescription
Près de deux mois plus tard, les deux compères, rejoints par Alain Richard veulent passer des écrits à l’acte. Ils ont déposé des amendements identiques (202 et 267) au sein de la commission spéciale, celle chargée d’examiner le projet de loi sur l’égalité et la citoyenneté.
L’idée, donc ? Faire débuter le délai « à compter de la date à laquelle cesse la mise à disposition du public du message » susceptible de déclencher l’action publique ou l’action civile. Sachant que cette prescription est en principe de trois mois, voire un an pour les délits de ce type commis en raison du sexe, de l’orientation ou de l’identité sexuelle ou du handicap.
Les élus s’inspirent du régime des infractions dites continues, où la prescription débute dès que l’infraction cesse. Avec une précision : ce mécanisme ne vaudrait que pour les messages publiés en ligne, non ceux reproduits sur support papier, puisque le cas échéant, on reviendrait en effet à la règle actuelle. Les journaux traditionnels peuvent donc souffler.
Un pari à la porte du Conseil constitutionnel
À supposer que ces amendements soient finalement adoptés, quelles seraient les chances de conformité à la Constitution ? En 2004, le Conseil constitutionnel avait déjà censuré une disposition similaire accrochée au projet de loi sur la confiance dans l’économie numérique. Le juge suprême n'avait pas totalement fermé la porte, considérant que « par elle-même, la prise en compte de différences dans les conditions d'accessibilité d'un message dans le temps, selon qu'il est publié sur un support papier ou qu'il est disponible sur un support informatique, n'est pas contraire au principe d'égalité ».
Douze ans plus tard, avec l’explosion des réseaux sociaux et la démocratisation de l’outil informatique, les trois sénateurs parient sur une évolution de la sensibilité rue de Montpensier. Si ce pari est gagné, les effets seront rugueux : toute victime pourrait faire condamner celui qui a déversé sa bile dans un message toujours accessible des années après sa mise en ligne.
Mohamed Soilihi, Richard et Pillet ont déposé d’autres amendements. Dans le n°200 et 265, ils veulent par exemple « supprimer l’automaticité de la fin des poursuites en cas de désistement du plaignant », toujours pour les infractions de presse. Une mesure suggérée également par le rapport de juillet dernier.
Après examen en commission, le texte sera discuté en séance publique les 4, 5 et 6 octobre 2016.
Les injures et diffamations toujours en ligne pourraient être attaquées (presque) indéfiniment
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Deux amendements pour revoir le point de départ de la prescription
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Un pari à la porte du Conseil constitutionnel
Commentaires (38)
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Abonnez-vousLe 09/09/2016 à 08h01
et quand les politiques insultent tout un peuple c’est quoi l’amande?
Le 09/09/2016 à 08h02
Un fruit ;)
Le 09/09/2016 à 08h07
Et pis bon, j’a voté ,j’ai le droit de les juger non sur leurs dires , promesses non tenues , incompétences, etc…et donc de les traiter de con*ds …
Mais bon, seuls les fortunés encore une fois pourrons faire ce genre de procédure et aller jusqu’au bout ….
Le 09/09/2016 à 08h07
Le 09/09/2016 à 08h12
Une tape sur l’épaule et le droit de choisir entre la peste et le choléra pour 2017
Le 09/09/2016 à 08h28
Est-ce que leur comportement est considéré comme une insulte à eux-même?
Le 09/09/2016 à 08h37
Marc,
Je croyais que la durée de prescription pour les propos en ligne était passée de 3 mois à 1 an, pour tenir compte de la différence avec la presse classique. Ce n’est pas le cas ?
En revanche je ne comprends pas bien cette demande : “Dans le n°200 et 265, ils veulent par exemple « supprimer l’automaticité de la fin des poursuites en cas de désistement du plaignant », toujours pour les infractions de presse. ”
Le 09/09/2016 à 08h38
toute victime pourrait faire condamner celui qui a déversé sa bile dans un message toujours accessible des années après sa mise en ligne.
Va falloir que je reprenne ma TL Twitter, il y a de la maille à se faire " />
Le 09/09/2016 à 08h40
Encore un moyen de mettre la société au pas. Il suffit d’être un peu chatouilleux sur les magouilles de tel ou tel dirigeant et c’est bon, diffamation, et la ferme !
Le 09/09/2016 à 08h44
Salut,
Sauf erreur de ma part, la durée de 3 mois c’est pour une injure ou diffamation “normale”, mais portée à un an si elle a un caractère raciste/antisémite/homophobe/handiphobe/discriminatoire etc.
Le 09/09/2016 à 10h40
Le 09/09/2016 à 10h49
Comme quoi Cahuzac n’a rien inventé :-)
Le 09/09/2016 à 11h10
Le 09/09/2016 à 11h31
Ces sénateurs ont-ils conscience que les publications de presse papier sont archivés, notamment dans les bibliothèques, et par conséquent toujours accessibles au public ?
Qu’en est-il des archives numériques de la presse papier ?
Et qu’en est-il des archives numériques de la presse papier ayant déjà conduit à des condamnations, voire des retraits de publication ?
Enfin, la prescription ne permet-elle pas aussi aux victimes de « passer à autre chose », en éliminant une éventuelle pression sociale de poursuivre les auteurs des propos litigieux ? « Qui ne dit rien consent », obligeant ainsi les victimes à des procédures systématiques, sous peine de se voir la diffamation devenir vérité absolue ?
Le 09/09/2016 à 12h56
Heu… La présence dans le code pénal de la diffamation et l’injure ne datent pas vraiment d’hier " /> .
Le 09/09/2016 à 12h58
Tu participes au concours du commentaire le moins pertinent ou quoi ? Tu aurais dû lire les commentaires qui précédaient.
Le 09/09/2016 à 13h00
Le 09/09/2016 à 13h30
C’est l’effet Michel Rocard, on peut t’accuser de tout et dans une durée indéterminée.
" />
Le 09/09/2016 à 18h14
Le 10/09/2016 à 05h56
Le 10/09/2016 à 07h45
C’est le cas, mais tu viens de me voler la 1ère place… " />
Le 11/09/2016 à 13h12
D’ailleur, chacun sais que françois Ferdinand, pearl harbor, la maccarena, J.Bieber, c’est la faute à Rocard !!" />
Le 09/09/2016 à 08h45
Le 09/09/2016 à 08h46
Mêmes des crimes important on une prescription qui ne depasse pas 10 ans sachant qu’il s’agit de delit je doute que celà passe. Parce que la prescription pour un délit est de 3 ans actuellement, aveccette loi celà revient à dire qu’il n’y à pas de prescription pour ce type de délit contrairement à tout les autres.
Pour plus de detail c’est en dessous.
http://droit-finances.commentcamarche.net/contents/1407-prescription-des-delits-…
Le 09/09/2016 à 08h49
Le 09/09/2016 à 08h52
10⁄10 " />
Le 09/09/2016 à 08h58
C’est tellement précis comme modif que ca a l’air louche, il doit y avoir sur internet un texte qu’ils veulent faire disparaitre , plus qu’a trouver lequel
Le 09/09/2016 à 09h05
Le 09/09/2016 à 09h14
Le 09/09/2016 à 09h19
Je crois que tu n’as toujours pas compris ce que sont l’insulte et la diffamation, et la question abordée dans l’article sur la durée de prescription.
NB : la diffamation consiste à imputer publiquement à une personne des faits de nature à porter atteinte à l’honneur et à la considération de cette personne. Par opposition à l’injure, qui est toute expression outrageante ne comportant l’imputation d’aucun fait précis.
Un billet intéressant qui en parle : http://www.maitre-eolas.fr/post/2008/09/18/1081-si-on-ne-peut-plus-dire-n-import…
Le 09/09/2016 à 09h29
Donc si je dis qu’un certain N.S. est petit avec des grandes zoreilles … je risquerais gros si cette loi a la c*n passe …
J’en tremble d’avance ! " />
Le 09/09/2016 à 09h30
Je sais pas quoi en penser.
-Si quelqu’un écrit un texte diffamatoire ou injurieux sur toi et que tu t’en rends compte 3 mois plus tard tu fais quoi ? Tu laisse passer et laisse le texte sur internet jusqu’à ce que tu puisse le faire dé-référencer ?
-En même temps si tu balance un tweet débile ou t’insulte un mec quelconque (parce que t’es pas assez mature) et qu’on vient te faire chier pour ca 10 ans plus tard…
Bref question complexe je trouve.
Le 09/09/2016 à 09h36
Le 09/09/2016 à 09h48
Le 09/09/2016 à 09h59
Tant que tu reste factuel tu ne risque rien.
Le 09/09/2016 à 10h08
C’est surtout unr mesure pour protéger les hommes politiques et autres grands de ce monde qui ont trempés dans des affaires par trop nettes. Certaines vérités doivent les déranger, il leur suffira de dire que c’est diffamatoire et hop, poursuites…
Le 09/09/2016 à 10h19
Question : si un internaute injure un politique et que cette même injure a déjà fait l’objet d’un jugement et d’une relaxe auparavant, que risque ledit internaute ?
Pour faire court : ai-je le droit de dire de Nadine Morano que c’est une c ?
Le 09/09/2016 à 10h23