Taxe YouTube : les éléments de langage soufflés par le CNC à l’oreille des députés
Marcel et son orchestre
Le 07 décembre 2016 à 10h50
5 min
Droit
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Une note blanche pour vanter les charmes de la taxe sur la vidéo en ligne. Voilà le document circulant sous les manteaux parlementaires, que Next INpact diffuse. Mentionné dans ses propriétés, le CNC reconnaît en être l'auteur. Hier soir, les députés ont finalement adopté cette nouvelle ponction qui profitera à ce dernier.
Fin novembre, les députés Karine Berger et Marcel Rogemont notamment avaient fait voter un amendement en commission des finances visant à réintroduire une « taxe sur la diffusion en vidéo physique et en ligne de contenus audiovisuels » (voir notre actualité détaillée).
Cette taxe est taillée pour prélever une dîme sur les publicités en ligne de YouTube ou Dailymotion, mais aussi les accès payants aux vidéos à la demande, hébergées sur les plateformes. Après divers abattements, elle serait de 2 % (voire 10 % pour la pornographie ou les contenus violents). Ses fruits tomberaient, non dans les caisses de Bercy, mais directement dans les poches du Centre national du cinéma (CNC).
Selon les députés porteurs du texte, en effet, « l’extension de la taxe vidéo permet d’inclure dans le système vertueux du financement de la création cette nouvelle forme de diffusion des œuvres que constituent les plateformes gratuites. Elle permet ainsi d’abonder le Centre national du cinéma et de l’image animée, qui a vocation à soutenir toutes ces nouvelles créations qui ne transitent pas par les canaux traditionnels de la diffusion ».
Note blanche et colère noire
L’Association des Services Internet Communautaires ne comprend pas vraiment le lien entre l’assujettissement des vidéos de chat ou de conseils en maquillage et le CNC. Celle qui compte YouTube et Dailymotion dans ses rangs, a dénoncé « les arguments erronés qui ont été développés par le CNC » en amont de cet amendement avec une précision sucrée-salée : « quand on fait circuler une note blanche dans un format Word, il faut penser à vérifier les propriétés du document… »
Nous avons pu mettre la main sur ce fameux document. Une véritable trousse à outils proposée aux parlementaires, de beaux « éléments de réponse » permettant de s’armer face aux grincheux !
Les éléments de langage soufflé aux députés
Quelques exemples : « Une taxe prématurée qui n’a fait l’objet d’aucune évaluation, et qui sera complexe à collecter » ? Que nenni ! « Il ne s’agit pas de créer une nouvelle taxe, mais d’élargir l’assiette d’une taxe existant depuis des décennies (taxe sur les vidéogrammes) ». Et « la taxe ne sera pas complexe à collecter ».
À ceux qui estimeraient que « la taxe briderait la compétitivité de nombreux acteurs français », les partisans répondront qu'avec ses divers abattements, « la taxe aura quasi exclusivement des redevables étrangers » tels YouTube, iTunes, Netflix, Twitch TV, voire Facebook et en tout cas « les sites pornographiques dont la très grande majorité est établie hors de France » (sauf Dailymotion).
Pour répondre aux critiques, rien de mieux aussi qu’une série de questions : « pourquoi taxerait-on un modèle d’exploitation VàD fondé sur la vente ou la location (comme par exemple les plateformes françaises d’Orange, d’Universciné ou de FilmoTV) et pas le modèle concurrent de la VàD gratuite (majoritairement dominé par des plateformes étrangères) ? » ; « pourquoi taxerait-on la publicité sur la télévision ou sur le replay (…) et pas la ‘chaine thématique’ sur une plateforme gratuite, alors qu’elles ont le même objet, à savoir la mise à disposition du public d’œuvres audiovisuelles ? », etc.
Le CNC reconnaît être l'auteur de cette note
Cette belle taxe affectée « contribuera à financer un dispositif, le CNC, qui finance les contenus innovants sur le Net depuis très longtemps » vante encore le texte. Ses recettes permettront « de soutenir la création sur les nouvelles plateformes numériques, et d’aller au-delà des aides existantes, pourtant uniques en Europe ».
Enfin, « le CNC expérimente d’ailleurs avec les studios français de création numérique (Studio Bagel, Golden Moustache) des nouveaux dispositifs pour accompagner les nouveaux créateurs, futurs Norman ou Cyprien », rappelle ce même document.
Et effectivement, lorsqu'on scrute ses propriétés, on retrouve bien la trace « CNC ». Contacté, le mis en cause confirme sans rougir en être l'auteur, avec l'explication suivante : « cette note a été rédigée par le CNC à la demande des parlementaires ».
Les députés valident cette taxe en séance
Tard dans la nuit, les députés ont adopté cette taxe (3:21:51 de la vidéo). Et dans la bouche de certains, on a retrouvé quelques propos déjà entendus : « ce n’est pas la création en tant que telle d’une taxe, a par exemple claironné le socialiste Marcel Rogemont, puisque la taxe sur les vidéogrammes existe depuis 1993 ». Et comme le CNC, ce député plaide pour « une neutralité par rapport au mode de financement ».
On notera que le gouvernement s’est opposé à ce mécanisme, notamment sur l’autel du principe d’égalité. Avec Laure de la Raudière, le député Lionel Tardy est aussi monté au créneau : « Je ne comprends pas que l’on taxe toujours davantage le numérique pour financer l’audiovisuel : en l’espèce ce sont toutes les vidéos, indistinctement, qui financeraient le cinéma français. Comme on l’a observé lors de l’examen du PLF initial, une telle mesure serait de surcroît une usine à gaz, que je me garderai bien de décrire dans le détail, à rapporter aux recettes espérées, à savoir 1 million d’euros ».
Le texte devra être adopté dans les mêmes termes par les sénateurs et espérer passer entre les fourches du Conseil constitutionnel.
Taxe YouTube : les éléments de langage soufflés par le CNC à l’oreille des députés
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Les éléments de langage soufflé aux députés
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Le CNC reconnaît être l'auteur de cette note
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Les députés valident cette taxe en séance
Commentaires (32)
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Abonnez-vousLe 07/12/2016 à 11h55
Rien de très étonnant au final. On sait très bien que le CNC est un grand lobbyiste. Mais l’info permet d’identifier les cancres ayant bêtement plagié.
Le 07/12/2016 à 12h00
Ils ont ont le génie pour trouver des vaches à lait à traire." />
A quand une taxe sur les kleenex, vu que le porn qui est taxé booste leurs ventes." />
Le 07/12/2016 à 12h20
“Il s’agit d’une mesure de neutralité et d’égalité fiscale”
Ah ben ouais dès qu’il s’agit de taxer là y’a du monde pour accepter la neutralité et l’égalité
Quelle bande de gogoles !
Le 07/12/2016 à 12h28
Mais au point où on en est pourquoi on ne taxerait pas les permis de chasse pour le CNC (aucun rapport… oui et alors? Ici ça ne dérange pas non plus), idem le prix du ticket à la piscine… faudrait que ça aille en partie dans les poches du CNC, tiens les lunettes aussi, mine de rien, on s’approche déjà car les lunettes pour ceux qui voient mal ça leur permet de regarder les créations du cinéma français : CQFD!
Faudrait inventer un nouveau mot pour décrire le régime existant en France : ce n’est plus une république mais une lobbyique.
Le 07/12/2016 à 12h36
Le 07/12/2016 à 12h42
sans oublier une taxe sur les yeux. Doublée pour ceux qui en ont deux !
Le 07/12/2016 à 12h47
Le 07/12/2016 à 12h50
@Marc Ress :
Je me demande comment ils font pour ne taxer que la publicité en ligne, comment ils mesurent ça ? Youtube ne déclare pas ses recettes publicitaires ? (j’ai peut-être mal lu l’article pardon)
Et pour une chaîne de télévision comme TF1, pourquoi ne taxent-ils pas la pub séparément ?
Le 07/12/2016 à 12h59
toto a écrit
pitêtre qu’il a fait un truc dans le style
hummm non.
Le 07/12/2016 à 13h03
([quote:1 : nom de la personne]
Comment tu fais pour citer l’article (avec “Marc a écrit :”) ?[/quote]) Sans les parenthèses et sans espace autour du 1.
Ex :
Le 07/12/2016 à 13h05
Je ne suis pas abonné donc je n’ai pas lu l’article, mais comment vont-ils taxer les entreprises étrangères qui n’ont pas de siège social en France ? Blocage DNS en cas de refus de payer ?
Est-ce que cela ne serait pas contre-productif et au final seules les petites boites françaises paieraient ?
Le 07/12/2016 à 13h05
[quote:Ami-Kuns] faut peut-être que ce soit un utilisateur reconnu et toto…. " /> [/quote]
Le 07/12/2016 à 13h37
Pour faire un peu de mauvais esprit quand même:
“pour accompagner les nouveaux créateurs, futurs Norman ou Cyprien ” => Personnellement je serais nettement plus convaincu s’il s’agissait d’accompagner les nouveaux créateurs pour qu’ils ne nous servent surtout pas la même soupe que Norman ou Cyprien, création, originalité, tout ça.
Ceci dit, je trouve les éléments de langage assez peu convainquants, mais ça ne veut pas dire que je rejette l’idée de taxe en bloc.
En effet, on peut se poser la question de l’égalité dans l’autre sens:
Dans l’hypothèse admise d’avoir un état légitime pour taxer un produit d’un domaine afin de financer la création dans ce domaine (je précise le cadre car on pourrait me rétorquer que de toute façon “l’exception culturelle” n’a pas lieu d’être de base. ça se discute, certes, mais je pars du principe que ça n’est pas remis en cause)
Ne serait-il pas normal, si on le fait pour le cinéma et la télé, de taxer également les plateforme de vidéo [à condition, en proportion, de financer des projets de création visant ces plateformes au même titre que le reste] ?
ça reste une forme de création audio-visuelle. (je rappelle que le CNC n’englobe pas que le cinéma dans les trucs qu’il finance)
Je trouve que la question mérite d’être discutée, mais pas sous forme d’une décision de taxation, plutôt sous la forme d’une redéfinition des missions du CNC.
Par exemple, une obligation de financer pour une plateforme en fonction du montant collecté sur cette plateforme. (est-ce que ça a du sens ? quid des éléments portables sur plusieurs ?)
Le 07/12/2016 à 13h38
Le 07/12/2016 à 13h51
Une parasitocratie ?
Le 07/12/2016 à 13h51
> le CNC expérimente d’ailleurs avec les studios français de création numérique (Studio Bagel, Golden Moustache) des nouveaux dispositifs pour accompagner les nouveaux créateurs
Peut etre que sans taxe (qui leur sera répercutée par youtube) ils toucheraient plus gràce à leur contenu, vous pensez pas ?
Wow, j’viens d’inventer un super mode de financement !
Le 07/12/2016 à 14h07
Ca ressemble pas mal à ce qu’a proposé les mec du NesBlog (vidéoet lettreici).
En soit, je trouve ça personnellement une mauvaise idée (pas dans l’intention, mais dans l’application). Tout d’abord car ça créer une Nième taxe en France, comme ci déjà ce n’était pas assez la galère administrative. Si ça continue, pour la moindre activité, il faudra commencer par embaucher une juriste comptable à plein temps pour être sûr que l’on n’oublie pas une taxe ou une déclaration.
Ensuite, le CNC nous l’a déjà fait, ça va faire comme pour les média traditionnels, tout l’argent ira dans les poches d’une poignée de privilégiés qui pourront alors utiliser leur argent pour asseoir encore plus leur statut de privilégié. On risque surtout de centraliser les pouvoirs, on va finir avec 4 grosses boites de productions “Youtube” qui vont canaliser toutes les rémunérations pour produire les contenus qu’ils veulent dont surtout celle de leur “copains”. Rien que dans la description de la vidéo, ça commence mal, il y a une liste de seulement 43 youtubeurs qui réunissent déjà à eux seul “15 millions d’abonnés cumulés et 1.55 milliard de vues”.
Le 07/12/2016 à 16h07
Le but est de rendre les gros youtubeurs dépendant de l’état en les subventionnant, puis en les soumettant au CSA pour en faire de gentils publicitaires politiquement correct, le minitel 2.0… ou la Corée du Nord " />
Le 07/12/2016 à 18h24
« les sites pornographiques dont la très grande majorité est établie hors de France » (sauf Dailymotion)
" />
Le 08/12/2016 à 09h15
Bon ba, aboule le fric le CNC, je veux ma part pour filmer mes vidéos chez moi et avoir une chance de percer sur Youtube :) C’est pas à ça qu’est supposée servir cette taxe ? A un moment faudra penser à rendre cet argent collecté hein…
Le 08/12/2016 à 10h18
quoi, y a pas de porno sur Dailymotion ? " />
mais ça " />
Le 08/12/2016 à 16h04
Est-ce là l’aveu de parlementaires qui ne savent pas pourquoi ils votent cette loi ?
Le 09/12/2016 à 08h31
au fonds, si j’ai bien compris c’est une adaptation du système actuel au nouveaux modes de transmission. On en prend les avantages et les inconvénients.
Je suis partagé parce que les podcasts et les émissions web sont une formidable source de divertissement et d’information que j’apprécie beaucoup, et il y a pas mal de youtubers qui font de l’excellent boulot dans la liste et qui méritent une grosse reconnaissance, mais je suis philosophiquement opposé à ce système qui a démontré plus d’une fois ses dérives et son inefficacité.
J’ai tendance à dire que si le financement par la pub sur youtube ne leur convient pas, alors il faut qu’ils trouvent un autre business model, mais je sais bien que ça pose de nombreux problèmes, et que je serais le premier à gueuler si une vidéo n’est pas accessible sur mon site favori.
Le 07/12/2016 à 10h59
Un moyen détourné pour imposer les GAFAM…
Le 07/12/2016 à 11h03
Une taxe qui fait payer Twitch pour financer le Centre national du cinéma
Il y a qu’en France qu’on a l’imagination pour ça
Le 07/12/2016 à 11h11
Ça veut dire que quand je serais devant un site " /> ça va cotiser pour la sortie du prochain “les bronzés sur la lune” ? Ça risque de tout me couper ça…
Le 07/12/2016 à 11h12
Le 07/12/2016 à 11h13
Le 07/12/2016 à 11h25
Le 07/12/2016 à 11h41
Donc les mêmes qui suppriment en masse des vidéos sur YouTube à cause de leur droit de rente sur les auteurs, veulent récupérer, sans rien faire, une partie de l’argent de cette activité qu’ils ont toujours dénoncé comme illégale… ça ne s’appellerait pas du recel ça? " />
Le 07/12/2016 à 11h47
Le CNC serait bien inspiré de mettre un hola aux salaires des stars françaises, surtout au vu des résultats en salles.
Le 07/12/2016 à 11h48