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Pas de droit d’auteur sur la saveur d’un aliment, selon l’avocat général (CJUE)

Exquis

Pas de droit d’auteur sur la saveur d'un aliment, selon l’avocat général (CJUE)

Le 25 juillet 2018 à 15h29

L’avocat général de la Cour de justice de l'Union éuropéenne a fait la fine bouche. Une saveur ne peut se protéger avec le droit d’auteur. La CJUE rendra son arrêt dans quelques semaines. Âpre sujet.

Le Heksenkaas, un savoureux fromage à tartiner à la crème fraîche et aux fines herbes aurait, au goût de la société néerlandaise Levola, été copié par la société Smilde et son vil Witte Wievenkaas. Contrefaçon à ses droits d’auteur, a-t-elle affirmé en substance devant les juridictions néerlandaises. L’affaire a rapidement tourné au vinaigre, au point que la CJUE ne soit saisie d’une fumante question préjudicielle. 

Peut-on protéger une saveur au titre du droit d’auteur ? Dans ses conclusions, fraichement rendues ce jour, Melchior Wathelet a répondu par la négative. Il ne s’agit certes que d’un avis porté au nez de la Cour, celle-ci devant rendre son arrêt sous peu, mais l’analyse n’en reste pas moins délectable.

Avant de s’attaquer au plat principal, l’avocat général a d’abord remis à chaud la notion « d’œuvre ». Le droit européen ne procédant à aucun renvoi dans les cuisines des pays, l’expression est nécessairement autonome, et donc avec un sens et une portée « identiques dans l’ensemble des États membres ». Cette précision n’est pas neutre. Elle interdit qu’un pays puisse créer un droit d’auteur sur la saveur, du moins dehors du cadre européen.

La recette de l'avocat général

Ainsi, mis au fourneau, reste le gros morceau du gibier. La recette de l’avocat est simple. Pour qu’un objet puisse être protégé, il faut d’abord un soupçon d’originalité, mais avant tout une bonne dose d’« œuvre ». Sachant, nuance importante, qu’un objet original n’est pas nécessairement une œuvre.

Souci : aucun texte ne répond expressément à la problématique, ni même ne définit ce qu’est une œuvre. La Convention de Berne, texte ô combien fondateur, évoque bien des « œuvres littéraires et artistiques » lesquelles ont pour ingrédients  « toutes les productions du domaine littéraire, scientifique et artistique, quel qu’en soit le mode ou la forme d’expression ». Il cite quelques exemples, mais la liste n’est pas exhaustive… Une certitude : elle n’intègre pas les saveurs, les odeurs ni même les parfums.

Néanmoins, ces exemples ont un bouquet commun : ils n’évoquent que des œuvres « perçues par des moyens visuels ou sonores, tels que les livres et les compositions musicales », délaissant les autres sens : goût, odorat ou toucher. « À ma connaissance, aucune autre disposition du droit international ne protège, par le droit d’auteur, la saveur d’un produit alimentaire » insistent les conclusions, avant de poursuivre le raisonnement acidulé.

Premier rappel : « La protection au titre du droit d’auteur s’étend aux expressions originales et non aux idées, aux procédures, aux méthodes de fonctionnement ou aux concepts mathématiques, en tant que tels ». Dès lors, « si la forme dans laquelle une recette est exprimée (l’expression) peut être protégée par le droit d’auteur si l’expression est originale, le droit d’auteur ne protège pas la recette en tant que telle (l’idée) ». Soulagement pour les blogs de recettes de cuisine !

Subjectivité et impressionnisme

Consacrer ces expressions originales imposerait que les saveurs soient « identifiables avec suffisamment de précision et d’objectivité ». Or, ceci est « actuellement impossible », en l’état des techniques. La saveur est qualitative, liée à l’expérience gustative, « sur la base de l’expérience subjective et des impressions suscitées par l’aliment sur lesdits organes sensoriels ».

S’il est impossible de bien identifier une œuvre en tant que saveur, c’est que l’étendue de sa protection l’est tout autant, d’autant que les saveurs sont « éphémères, volatiles et instables ». En conclusion, selon lui, la saveur n’est pas une œuvre. Elle ne peut bénéficier de la protection du droit d’auteur au regard de la directive de 2001 sur le sujet. Du vent !

Commentaires (25)

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J’aime bien le titre de cet article. 🥑

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La saveur de l’avocat on en parle ? <img data-src=" />

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L’avocat à eu bon goût dans sa décision.

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j’ai eu faim en lisant l’article

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Article à déguster et savoureux en diable&nbsp; !&nbsp; Merci pour cette mise en bouche avant le repas du soir !

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Bientôt un droit d’auteur sur l’odeur de certaines fientes ?<img data-src=" />





Ah, ce droit d’auteur… Si je le crois nécessaire dans certains domaines, il n’en reste pas moins que l’on en use et abuse… Mettre un droit d’auteur sur des saveurs ? Mais quelle connerie… Ca ne me fait même pas rire….

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Alleluia !



Beau texte et bonne nouvelle

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Super a tournure de ce texte. Bien inspiré.

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Or, ceci est « actuellement impossible »



Je suis le seul à relever le “actuellement”?

Je ne vois aucun argument qu’on pourra reprendre le jour où on aura des machines à objectifier le goût…

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Marc s’est fait plaisir sur la rédaction de cet article. C’est sympathique à lire :)

Bonne nouvelle en tout cas.

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Il me semble que ce n’est pas nouveau …



Bon nombre de fabricants tente bien de reproduire le gout de Nuetella ou Coca-Cola …. Il n’y a toujours pas le moindre procès sur le sujet.





Il n’y a pas encore un droit d’auteur sur la connerie humaine ?

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J’ai bloqué dessus aussi. C’est sans doute une façon de botter en touche supplémentaire de dire ça mais même si on avait les moyens d’identifications, ça resterait complètement stupide comme idée de breveter une saveur que l’on peut obtenir de plusieurs manières.

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Position logique.

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Bien vu ! <img data-src=" />

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elle* a fini par se rendre-compte :

“que c’était une GROSSE connerie” cette histoire de saveurs

après….que les Hollandais légifèrent, au niveau national, pourquoi pas…ça les regarde

mais….vouloir l’imposer à tt.-l’Europe, heu… !



* l’Europe

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Donc pas de droits à la copie de saveur privée, ça devient une copie privée de saveur

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C’est toujours bon de se tenir au parfum…

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Si je lis bien l’article la création d’un droit d’auteur à l’échelle national est interdit.

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dematbreizh a écrit :



C’est toujours bon de se tenir au parfum…





d’autant que là, y a à boire et à manger.



Même si c’est le cas le plus probable, espérons que la cour suive l’avis du guacamole de l’avocat général.


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Marc s’est bien amusé sur ce piquant article <img data-src=" />

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Quel beau champ lexical dans cet article !&nbsp;<img data-src=" />

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Des œuvres éphémères ça existe, pourtant, et je doute qu’elles échappent au droit d’auteur.

N’étant pas juriste et ayant plus lu l’article pour sa qualité littéraire que par intérêt pour des préparations fromagères industrielles, j’ai loupé un truc…

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jackjack2 a écrit :



Je suis le seul à relever le “actuellement”?

Je ne vois aucun argument qu’on pourra reprendre le jour où on aura des machines à objectifier le goût…







Sur d’autres publications, j’aurais suspecté une mauvaise traduction de “actually”… Le texte d’origine doit être du néerlandais traduit en anglais puis en français.



Marc ?


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Même sans erreur de traduction ça a du sens.

Il serait stupide de supposer qu’on ne pourra jamais définir scientifiquement une saveur.

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Ceci dit un fromage ce n’est pas qu’une saveur.

C’est aussi une texture, un fumet, une certaine façon de bouger des asticots…

Suffit de lire Astérix chez les Corses pour bien le comprendre. (et dans ce cas, c’est aussi une façon d’exploser).

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