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Haine illicite en ligne : la proposition de loi d’Éric Ciotti

Bas de l'haine

Haine illicite en ligne : la proposition de loi d'Éric Ciotti

Le 25 février 2019 à 16h51

Nous avons pu nous procurer la proposition de loi déposée par Éric Ciotti, destinée « à lutter contre les injures commises notamment en raison de l’appartenance à une religion ». Le texte va beaucoup plus loin que son objet puisqu’il oblige les gros hébergeurs à réclamer une pièce d’identité à tous ceux qui souhaitent accéder à leurs services.

La semaine dernière, le député Éric Ciotti (LR) a déposé une proposition de loi destinée à lutter contre les actes antisémites (notre actualité). Le texte, prévu de longue date, vient coiffer au poteau la future proposition de loi contre la haine illicite sur Internet, que déposera la députée LREM Laetitia Avia en mai prochain.

Nous venons de nous procurer la « PPL » du député des Alpes Maritimes auprès de son bureau parlementaire. Avec elle, l'élu entend s’attaquer au « sentiment d’impunité » des « auteurs de propos haineux sur Internet », sans oublier la responsabilité des hébergeurs de contenus, les Twitter et Facebook, mais bien au-delà encore. 

En son article 1, la proposition de loi Ciotti entend d’abord modifier la loi du 21 juin 2004 pour la confiance dans l’économie numérique. L’article 6-I-2 de cette LCEN prévoit aujourd’hui que les hébergeurs ne peuvent voir leur responsabilité civile engagée s’ils n’avaient pas connaissance du caractère illicite des informations stockées dans leurs serveurs ou si, dès le moment où ils en ont eu cette connaissance, ils ont agi « promptement » pour opérer un retrait. 

L’article 6-I-3 organise une responsabilité similaire cette fois au pénal, avec toujours cette nécessité de prompte suppression. Dans sa décision du 10 juin 2004, le Conseil constitutionnel a toutefois inséré une réserve d’interprétation : l’illicéité dont il est ici question est celle relative aux seuls contenus « manifestement » illicites. Ceux dont le caractère illicite apparent est donc flagrant, évident, indiscutable. 

Éric Ciotti veut revoir cette disposition pour remplacer l’adverbe « promptement » attaché à la responsabilité pénale par les mots « dans un délai de vingt-quatre heures ». En somme une obligation de retrait rapide mais chronométrée. Avec un détail d'importance : elle concernerait l’ensemble des hébergeurs, pas les seules plateformes Twitter ou Facebook qui ne peuvent être individualisées dans la loi. Elle contraindrait donc tous ces intermédiaires à retirer un contenu d’apparence illicite dont ils ont connaissance dans un délai d’une journée.

En cas de retard ou de refus de suppression, le député compte sanctionner les indélicats d’une amende non de 375 000 euros comme aujourd’hui, mais de 37,5 millions d’euros. Une échelle inspirée des 50 millions d’euros en vigueur en Allemagne ou encore des préconisations du rapport Avia de septembre 2018. 

Obligation de fourniture d’une pièce d’identité dès l’accès aux services

L’autre gros morceau arrive à l’article 2 de la « PPL ». Pour lutter contre ce « sentiment d’impunité », cette disposition propose « de rendre obligatoire pour les réseaux sociaux la vérification de l’identité de leurs membres ». Ainsi, « si un individu veut ouvrir un compte Twitter, Facebook, etc.… il devra au préalable fournir une pièce d’identité au site internet ainsi qu’une déclaration de responsabilité pour les propos qu’il tient ».

Selon Éric Ciotti, « l’objectif est double : celui qui publie un message sera non seulement identifiable immédiatement, mais aussi responsable des contenus qu’il aura publiés ».

Concrètement, deux alinéas seraient ajoutés à la loi du 21 juin 2004 :

« Pour les besoins de la recherche, de la constatation et de la poursuite des infractions pénales, les personnes mentionnées au 2 du I [les hébergeurs, ndlr], dont l’activité dépasse un seuil de nombre de connexions défini par décret, doivent exiger de chaque utilisateur souhaitant accéder à leurs service [sic] la fourniture d’un document attestant de leur identité ainsi que la fourniture d’une déclaration de responsabilité pour les contenus qu’il diffuse » ;

« L’autorité judiciaire ainsi que les catégories d’agents de police désignées par décret peuvent requérir communication des documents mentionné [re-sic] au précédent alinéa. ».

Un texte qui va au-delà de Twitter ou Facebook

On remarque là encore que le texte n’est pas circonscrit aux seules plateformes comme Twitter ou Facebook, puisque, répétons-le, il est impossible de les cibler chirurgicalement. Du coup, l’ensemble des intermédiaires techniques qui stockent et diffusent des données issues des internautes serait frappé.

Pour éviter que ce régime ne s’applique à toute une économie numérique, un décret viendrait définir un seuil d’activation calculé selon un nombre de connexions. Tous les hébergeurs le dépassant seraient contraints de réclamer outre une pièce d’identité, le dépôt d’une déclaration de responsabilité. Fait notable, la PPL Ciotti ne renvoie pas au décret le soin de définir le contenu de cette déclaration, laissant chaque intermédiaire libre d’y placer ce qu’il veut.

Mieux, les hébergeurs devraient glaner ces documents auprès de tous « les utilisateurs souhaitant accéder à leurs services ». L’obligation existerait donc dès l’accès aux services, et même plus tôt encore, dès le souhait d’accéder à ces services, mais sûrement pas à l’ouverture d’un compte, contrairement à ce qu’annonce l’introduction de la proposition de loi.

On peut pourtant accéder aux services de nombreux hébergeurs, YouTube ou DailyMotion par exemple, sans ouverture de compte. « Accéder à un service, [c’est] ouvrir un compte. Sans compte, on accède à rien sinon à un service partiel » a tenté de nous expliquer l'un des attachés parlementaires d’Éric Ciotti, sans convaincre. 

Du sécuritaire à l'insécurité

La proposition de loi ne s’offusque en tout cas pas d’exiger de l’ensemble des hébergeurs la récolte d’une pièce d’identité, centralisant donc des dizaines de millions de documents sensibles, éparpillés auprès de l’ensemble des acteurs concernés.

L’hypothèse d’une brèche de sécurité ou d’un usage détourné de ces informations n’est pourtant pas délirante au regard de l’histoire de la cybersécurité ou de la donnée personnelle. Exiger une pièce d’identité, c’est surtout s’assurer que Facebook saura où vous habitez, connaîtra votre vrai visage, votre date de naissance, la couleur de vos yeux, avec qui vous vivez puisque votre conjoint, vos enfants, etc. vivant sous le même toit souhaiteront peut-être aussi « accéder » à ce réseau populaire.

C’est finalement la mort assurée de la tranquillité, la fin de la protection par le non-dit, par le pseudonymat, par le mensonge. Sauf pour les petits malins qui viendraient à utiliser la pièce d’identité d’un voisin, déportant le risque sur ces épaules tierces.

Un tel régime reviendrait à mettre un douanier privé à la porte de l’ensemble des services en ligne visés. Un formidable frein à la fluidité des échanges. Il rendrait aussi possible le stockage de ces documents scannés dans des centres de données aux États-Unis, en Russie ou ailleurs.

Facebook, maitre en reconnaissance faciale, peut déjà s'en pourlécher les babines.

Selon Éric Ciotti, ces pièces probantes devront en tout cas être tenues à disposition des autorités, judiciaires ou de police spécialement désignées, qui pourraient alors « requérir communication des documents ». Du coup, on voit mal comment « celui qui publie un message [serait] identifiable immédiatement » puisque l’identification exigera comme aujourd’hui le respect d’une procédure, un formalisme, soit des garanties inévitables. Et donc des moyens, comme l'a exposé Me Alexandre Archambault dans nos colonnes

L'injure publique intégrée dans le Code pénal

La PPL, enfin, envisage d'adapter dans le Code pénal une disposition issue de la loi de 1881. Elle vise à sanctionner certaines injures publiques :

« L'injure publique commise envers une personne ou un groupe de personnes à raison de leur appartenance ou de leur non-appartenance à une ethnie, une nation, une race ou une religion déterminée, sera punie de deux ans d'emprisonnement et de 70 000 € d'amende ».

La loi de 1881 prévoit en comparaison six mois d'emprisonnement et 22 500 euros d'amende. Ce glissement dans le Code pénal n’est pas neutre, puisque les rigueurs procédurales y sont plus importantes avec déjà une prescription passant d’un à six ans.

Commentaires (25)

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Selon Éric Ciotti, « l’objectif est double : celui qui publie un

message sera non seulement identifiable immédiatement, mais aussi

responsable des contenus qu’il aura publiés ».





Que je sache l’injure publique ou les propos diffamatoire sont déjà condamnable en Fance non ?

Au lieu de voiloir encore une fois faire une nouvelle loi ne pourrait-on pas déjà faire appliquer celle qui existe ?   

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Donc tout le monde va passer sous vpn … c’est la dgsi qui va kiffer … puis instauration du DPI et de boite noire directement dans la box internet.

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RuMaRoCO a écrit :



Au lieu de voiloir encore une fois faire une nouvelle loi ne pourrait-on pas déjà faire appliquer celle qui existe ?





<img data-src=" /> Si on devait appliquer celles déjà existante, on n’aurait pas besoin d’en créer de nouvelle et comment veux-tu que des mec comme Ciotti puissent démontrer leur utilité aux yeux du peuple ? <img data-src=" /> <img data-src=" />


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sans compter les grossières fautes d’orthographe et de syntaxe



et dire que ces types là ont une visibilité publique, ils sont invités sur les plateaux et on leur donne la parole constamment, ils sont écoutés, pris au sérieux, et payés avec des deniers publics depuis 20 piges… et tu peux compter sur eux, c’est pas de si tôt qu’ils renonceront à leurs petits privilèges, ils vont s’y accrocher jusqu’à la mort. c’est pas demain la veille qu’on les verra plus attiser la haine et montrer leur sale gueule partout dans les médias




  pauvre France
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La limite est juste à l’inscription, c’est ça ? Eh bien, étonnamment, à l’inscription, j’étais Belge, en vacance en France.



Boom. Fini.

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Cette loi enfreint quasiment tous les articles du RGPD. La Cour de Justice de l’UE sera donc saisie certainement très prochainement.

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Un docx de 3 pages 14 en police 13 interligne 1.5 pour dire “en tôle les islamogauchiasses ! “.



Il veut pas faire comme mariani et être en accord avec ses idées une bonne fois pour toutes celui-ci ?

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Bête question pratique mais serait-il possible de publier la PPL aussi en PDF ?

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Haine licite : Cela correspond a quoi ?<img data-src=" /><img data-src=" />

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La seule bonne chose de cette PPL : ce petit minable encourrait immédiatement ces 2 ans de taule + 70 k€ d’amende, vu tous les propos haineux qu’il balance à longueur de temps sur les immigrés (dont il est lui-même fils de) et les musulmans.

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il devra au préalable fournir une pièce d’identité : Google et cie doivent se frotter les mains pour ces futurs données.<img data-src=" />

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LOL, désolé, mais j’ai pas plus long.&nbsp;

Ce mec est soit complètement idiot soit mue par une volonté faire la nique a tout adversaire politique (ou les deux <img data-src=" />).

Bientôt twitteranonymous.com qui permettra d’ouvrir un compte tranquilou depuis une ip étrangère.

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Ciotti, Ciotti… ah oui, le gars qui à soutenu Zemmour, avec Le Pen, Alliot, Dupont-Aignan et Boutin quand i-Télé l’a viré !

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Qu’est-ce qu’on ferait pas pour avoir une loi qui porte son nom… <img data-src=" />

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« Accéder à un service, [c’est] ouvrir un compte. Sans compte, on accède à rien sinon à un service partiel » a tenté de nous expliquer l’un des attachés parlementaires d’Éric Ciotti, sans convaincre



J’espère que vous lui avez demandé sa pièce d’identité.



Sinon, autant pour la poursuite des infractions pénales, je vois comment la carte d’identité pourrait être utilisée, mais pour la recherche et la constatation des infractions il n’y a pas besoin de l’identité à ce stade. Sauf bien sûr si l’objectif non avoué est aussi de pouvoir faire de la recherche inversée : quand quelqu’un est arrêté, voire simplement soupçonné (ce qui est la porte ouvert à plein d’abus), demander aux hébergeurs s’ils connaissent cette personne et ensuite chercher des preuves dans les propos publiés.

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Associer ça avec le respect de la RGPD va être amusant. Et donc, ça serait applicable à n’importe quel forum, blog, commentaires sur les sites de vente en ligne, AlloCiné, Nextinpact, etc.

La CNIL doit voir ça d’un bon œil..

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Bref on a compris que tout ce remue-ménage (qu’est-ce qui en est à l’origine déjà ?) n’est qu’une offensive de certains lobbies pour faire de la France la dictature de leurs rêves, ils en ont rien à foutre de la haine, de l’antisémitisme et compagnie, bien au contraire ils espèrent en fabriquer le plus possible.

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Un .docx ?!!

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Irrecevabilité pour vice de forme. “Proposition rejetée” (© C. Albanel)

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Ami-Kuns a écrit :



Haine licite : Cela correspond a quoi ?<img data-src=" /><img data-src=" />







Ce doit être les Haters x)



Sinon c’est magnifique ce genre de propositions d’affichage, faut pas oublier que Ciotti est en guerre avec Estrosi en ce moment donc la proposition est purement marketing.


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Ami-Kuns a écrit :



Haine licite : Cela correspond a quoi ?<img data-src=" /><img data-src=" />





Bonne question

Comme tout ce qui n’est pas interdit est autorisé il va devoir expliqué (c’est peut être déjà le cas …) tout ce qui est illicite de haïr.


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En fait, en lisant entre les lignes, on comprend que Ciotti est un infiltré de Facebook dont le rôle est de tout faire pour que facebook puisse récupérer les identités exactes de ses utilisateurs.



Je ne vois très objectivement pas d’autres raisons qui puissent justifier la hargne du monsieur sur le sujet.

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Ami-Kuns a écrit :



Haine licite : Cela correspond a quoi ?<img data-src=" /><img data-src=" />



Ca correspond à tout ce qui n’est pas pour lui : là tu as le droit de haïr, menacer, etc. <img data-src=" />







js2082 a écrit :



En fait, en lisant entre les lignes, on comprend que Ciotti est un infiltré de Facebook dont le rôle est de tout faire pour que facebook puisse récupérer les identités exactes de ses utilisateurs.



Je ne vois très objectivement pas d’autres raisons qui puissent justifier la hargne du monsieur sur le sujet.



J’en vois une autre : il est juste vraiment très con (chose qu’il a déjà prouvé plusieurs fois dans le passé).

C’est quand même lui qui a bloqué avec qques autres un centre des impôts durant un des premiers actes des gilets jaunes… Un samedi (jour où le centre des impôts est fermé, donc)…


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N’oublie pas les instances Mastodon !



Tiens, je vais en créer une, et m’ouvrir de fausses identités Twitter avec les cartes d’identités de mes membres

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L’injure publique commise envers une personne ou un groupe de personnes à raison de leur appartenance ou de leur non-appartenance à une ethnie, une nation, une race ou une religion déterminée, sera punie de deux ans d’emprisonnement et de 70 000 € d’amende





Bon maintenant va falloir raquer, Éric Ciotti !

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Le CIC a encore refait son coup de distribuer des joints à l’Assemblée Nationale et Ciotti les a tous gardés pour lui ?

Haine illicite en ligne : la proposition de loi d’Éric Ciotti

  • Obligation de fourniture d’une pièce d’identité dès l’accès aux services

  • Un texte qui va au-delà de Twitter ou Facebook

  • Du sécuritaire à l'insécurité

  • L'injure publique intégrée dans le Code pénal

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