Procédure-bâillon d’Avisa Partners : Next fait appel, le combat pour la liberté de la presse continue !
Avisa la population
Pour la 17ᵉ chambre correctionnelle du tribunal judiciaire de Paris, Avisa Partners – qui nous a attaqué avant d'abandonner les poursuites – n’a pas « eu un comportement abusif ». Nous ne sommes pas d’accord : nous considérons qu’il s'agit clairement d’une procédure-bâillon à notre encontre et que ces pratiques représentent un danger pour la liberté de la presse. Nous avons décidé de faire appel de cette décision.
Le 24 juin à 16h57
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Mise en demeure en juillet 2022
Rappel des faits. En juillet 2022, nous recevions (via un huissier de justice) un courrier de la part d'un avocat d’Avisa Partners nous demandant de retirer un article publié quelques jours plus tôt : « Fakir et Mediapart révèlent une entreprise (française) de désinformation massive ». Il résumait deux enquêtes effectuées par des confrères de Fakir et Mediapart à son sujet.
Selon la mise en demeure, ce brief portait « atteinte à l’honneur et à la réputation de Avisa Partners », non pas sur le fondement du droit de la presse, mais sur celui de l’article 6 de la LCEN. Face à ce que notre avocat a dénoncé par la suite comme une confusion juridique, nous n’avions pas retiré notre article relayant les enquêtes de nos confrères sur les agissements d’Avisa Partners.
Citation directe en novembre 2022
En septembre 2022, nous recevions une citation directe pour le 28 novembre 2022, au tribunal judiciaire de Paris. Avisa Partners nous demandait 10 000 euros de réparation pour le préjudice subi et 5 000 euros de frais d’avocats sur le fondement de la diffamation. Plusieurs de nos confrères, notamment Arrêt sur Images, Mediapart, l'ADN ou encore Reflets, étaient également attaqués par Avisa Partners.
Une audience a eu lieu le 28 novembre pour fixer le calendrier et imposer à Avisa le paiement d'une provision pour pouvoir continuer la procédure, ce qu’a fait Avisa dans le délai. Nous avions alors appris que l’audience des plaidoiries devait se dérouler le 26 février 2024. Elle n’a pas eu lieu : Avisa a abandonné les poursuites avant.
Juin 2023 : désistement d’Avisa Partners
En effet, en juin 2023, Avisa Partners a informé le tribunal, par e-mail, qu'elle se désistait, sans aucune justification. Désistement confirmé oralement par l’avocat de la société lors de l’audience du 30 juin 2023. Nous sommes près d’un an après la mise en demeure, sept mois après la première audience de fixation.
Arnaud Dassier, président d’Avisa Partners, expliquait fin juin à l’European Federation of Journalists que, « dans un souci d’apaisement et avec la volonté de ne pas être associé à des procédures qui pourraient être interprétées comme cherchant à entraver la liberté de la presse, Avisa Partners a décidé de retirer toutes les plaintes qu’elle avait déposées contre divers médias ».
Mais, on ne peut s’empêcher d’y voir une autre explication, comme le rapportait L’Informé début juin 2023 : Avisa Partners venait alors de remporter un contrat-cadre auprès de la Commission européenne pour… « aider l’Union Européenne à lutter contre la désinformation ». Les articles de Fakir et Médiapart, relayés par Next et les autres, tombaient donc plutôt mal. Mais, dès lors que les dés étaient jetés, plus besoin de faire taire la presse.
Procédure-bâillon : Next contre-attaque Avisa Partners
Du fait de ce désistement, ni Next ni les autres médias mis en cause n’ont eu l’occasion de faire valoir que les informations publiées ne portaient pas atteinte à l’honneur et à la considération d’Avisa. Ou, en tout état de cause, qu’elles reposaient sur une enquête journalistique réalisée dans les formes de l’état de l’art.
Next a donc décidé de contre-attaquer en formulant une demande reconventionnelle. Avec l’appui de notre avocat, Maitre Ronan Hardouin, nous souhaitions offrir au tribunal la possibilité de sanctionner cette procédure-bâillon.
Nous considérions, en effet, avoir été victime, ainsi que le définit le ministère de la Culture, d’« instrumentalisation de la justice mise en œuvre par une entreprise ou une institution, qui vise à prévenir ou à sanctionner l’expression d’une opinion qui lui serait préjudiciable, en impliquant notamment la personne qui formule cette opinion dans une procédure juridique coûteuse ».
En somme, nous défendions, avec les autres médias prévenus dans cette affaire, que le désistement d’Avisa n’était pas le résultat d’une volonté « d’apaiser » mais, au contraire, qu'il s’agissait du point final d’une stratégie bien réglée : faire taire la presse en attendant que l’orage passe. Le Miroir du Nord avait, par exemple, supprimé son article sur Avisa Partners suite à sa mise en demeure.
Le tribunal rejette notre demande
En décembre 2023, la 17ᵉ chambre correctionnelle du tribunal judiciaire de Paris explique qu’il n’est pas « démontré que la partie civile [Avisa Partners, ndlr] avait eu un comportement abusif dans le cadre de la procédure ».
Bien que le tribunal ait confirmé le principe selon lequel une procédure pouvait être jugée abusive même sans que le prévenu ait bénéficié d’une relaxe, il a considéré, dans notre cas, que la société Avisa Partners n’aurait pas eu un comportement fautif puisqu’elle s’est désistée lors de la première audience relai. Il n’y a donc eu, pour le tribunal, aucun « maintien artificiel de la procédure initialement engagée ».
Dont acte. Mais nous ne sommes pas d’accord ! Pour nous, le maintien ou non dans la procédure ne doit pas être le juge de paix. Sinon, n’importe quelle entreprise pourrait lancer des procédures bâillon contre des médias, se désister juste avant le procès et ne rien risquer.
Seules comptent les raisons qui ont déclenché l’action. Nous pensons qu’il s’agissait en l’occurrence pour Avisa de museler la presse le temps de conclure un nouveau marché et de communiquer sur la réorganisation du groupe Avisa.
Ce n’est d'ailleurs pas la première action du genre d’Avisa Partners. En 2020, elle avait déjà porté plainte contre Le Figaro, avant de se désister quelques jours seulement avant le procès, ainsi qu’a pu le relater Intelligence Online.
Next fait appel au nom de la liberté de la presse
Notre avocat nous a prévenus : nous ne comptons pas nous enrichir dans le cadre de cette procédure. À peine pouvons-nous espérer couvrir nos frais. Mais il est des principes auxquels on ne déroge pas : chez Next, nous n’avons jamais transigé avec la liberté de la presse.
Si nous avons largement évolué depuis nos débuts il y a plus de 20 ans et plusieurs fois changé de nom, notre engagement et nos valeurs sont restés les mêmes. C’est encore le cas aujourd’hui et pour les années à venir.
Si cette mésaventure permet de faire avancer la jurisprudence naissante sur les procédures-bâillon, il n’y a pas d’hésitation à avoir : interjetons appel !
Au regard du subtil équilibre entre droit au procès et abus de procédure, le débat risque d’être intéressant. Nous ne manquerons pas de vous informer.
La date des plaidoiries est fixée au 16 octobre, le délibéré quelques semaines plus tard.
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Procédure-bâillon d’Avisa Partners : Next fait appel, le combat pour la liberté de la presse continue !
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Commentaires (26)
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Abonnez-vousLe 24/06/2024 à 17h06
Le 24/06/2024 à 17h08
Modifié le 24/06/2024 à 17h48
J'ai du manquer l'actu ou la brève parlant de cet abandon.
"Nous considérions, en effet, avoir été victime"Drole de conjugaison, vous ne le considérez plus ?"Nous ne manquerons pas de vous informer."
Ah, cette fois je ne manquerai rien.
Bravo à vous, ceci est une cause qui (à mon avis) mérite d'être défendue.
Edit 1 : Après vérif rapide, c'est moi qui ne sais pas conjuguer.
Pour éditer mon message, on me l'a d'abord proposé sur seulement 3 lignes, ce qui n'est absolument pas pratique (pour ne pas dire impossible et tenant du miracle) pour sélectionner les 2 lignes que je voulais barrer (mais je suis têtu et j'y suis parvenu quand même).
Quand j'ai ajouté une ligne à la fin pour indiquer pourquoi je modifiais, le cadre s'est agrandi pour laisser place à mon message entier.
Si vous pouviez supprimer l'étape où on ne me propose que 3 lignes, ça serait super.
Edit 2 : Je suis victime d'un bug, ça barre rien.
Ok, j'ai compris j'ai pas le droit de tenter d'aérer le texte.
Le 24/06/2024 à 17h59
Le 24/06/2024 à 18h03
Le 24/06/2024 à 17h35
En tout cas, je vous souhaite de gagner : je suis toujours du côté de David, jamais du côté de Goliath. ;)
Le 24/06/2024 à 18h33
Pardon...
Le 24/06/2024 à 20h00
(en vrai, je voulais la faire, mais j'ai oublié) .
Le 24/06/2024 à 17h40
Le 24/06/2024 à 17h51
Sinon je ne me rappelais pas que les poursuites avaient été abandonnées.
Le 24/06/2024 à 18h58
Le 24/06/2024 à 19h39
Ouf ! Heureusement que c’est dit parce que sinon ça ressemblerait à un gros effet Streisand ! 😂
Le 24/06/2024 à 20h02
Le 24/06/2024 à 20h09
Le 24/06/2024 à 21h25
Je suis fier de vous soutenir
Le 24/06/2024 à 21h34
Le 24/06/2024 à 22h57
Le 24/06/2024 à 23h03
Heureux de lire ces mots.
Le 25/06/2024 à 00h36
Modifié le 25/06/2024 à 01h41
Et en plus, ils polluent wikipedia !! Honte à eux.
En tous cas, ils ont de bons avocats.
Le 25/06/2024 à 09h15
Le 25/06/2024 à 09h32
Le 25/06/2024 à 09h59
Le 25/06/2024 à 10h23
Le 25/06/2024 à 10h28
Le 25/06/2024 à 16h27