5G, orchestrateur, V2X : les expérimentations d’Orange sur la voiture autonome
Un réseau pour les commander toutes
Le 11 décembre 2017 à 15h16
9 min
Sciences et espace
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Orange travaille sur la voiture connectée et/ou autonome, qui exploitera notamment la 5G. Lors du Salon de la Recherche 2017, nous avons pu échanger avec les équipes de l'opérateur sur des questions relatives à la sécurité et au respect de la vie privée avec ces véhicules. Des problématiques suscitant plusieurs débats.
Le salon de la recherche d'Orange est l'occasion pour l'opérateur de présenter ses travaux et son orientation pour les années à venir. L'édition 2017, qui se tenait la semaine dernière, était placée sous le signe des objets connectés, des assistants numériques et de la vie privée.
Il était aussi bien évidemment question de 5G, et Orange nous confirme une nouvelle fois qu'il vise l'horizon 2020 pour le lancement de son réseau commercial. L'un des responsables de l'entreprise pense néanmoins que les premiers terminaux mobiles seront disponibles un peu avant, probablement aux alentours de mi-2019.
Sur place, nous avons également pu échanger avec une partie des équipes en charge des technologies liées aux voitures autonomes. Elles planchent notamment sur des échanges d'informations entre les voitures et avec l'infrastructure, grâce au V2X (Vehicle-to-everything).
Des technologies qui ne sont pas sans soulever des questions sur le respect de la vie privée, auxquelles Orange tente d'apporter des éléments de réponse.
L'utilité de la 5G pour la voiture connectée et/ou autonome du futur
La société nous explique tout d'abord qu'elle fait partie de la 5GCAR (5e Generation Communication Automotive Research and innovation), un groupe de travail réunissant plusieurs acteurs (Ericsson, PSA, Volvo, etc.). La phase 2 de ce projet a officiellement débuté le 1er juin de cette année (elle est prévue pour durer deux ans), avec une enveloppe de 154 millions d'euros proposée par la 5GPPP (5G Infrastructure Public Private Partnership).
Ensemble, les différents acteurs planchent sur des solutions techniques pour les voitures du futur. Ils fournissent de la documentation, mais pas de standardisation. Le 5GCAR est un « influenceur », pas une instance de normalisation, nous expliquent les chercheurs d'Orange.
Comme d'autres avant lui, le groupe explique la manière dont la 5G, la virtualisation et le « slicing » (la possibilité de découper le réseau en plusieurs tranches, avec des fonctionnalités et des services différents) sont utilisés.
Afin d'être la plus efficace possible, la voiture autonome devra disposer d'une connexion avec une faible latence, surtout lorsqu'il s'agira de réagir en urgence à une situation. L'entreprise a ainsi mis sur pieds un circuit de test fermé, avec des véhicules passant de cellule en cellule lors de leur déplacement, afin de simuler une utilisation réelle.
Lors du transfert d'informations depuis une voiture, vers le réseau d'Orange, avec un retour vers un autre véhicule (V2N2V), l'opérateur annonce une latence de 17 ms seulement. De plus, contrairement à un réseau classique, elle reste faible même si la charge augmente grâce à une QoS maison.
Des exemples concrets de technologies pour les véhicules autonomes
Parmi les exemples mis en avant dans le cadre du programme « Towards 5G » (ils avaient déjà été présentés au MWC de Barcelone), la diffusion de vidéo d'un véhicule encombrant pour donner des indications à ceux qui se trouvent derrière : ils peuvent ainsi savoir s'ils ont le temps et la possibilité d'effectuer un dépassement ou non.
S'il s'agit pour le moment de transmettre de la vidéo pour la démonstration, à terme les voitures s'échangeront des messages – attention ne pas dépasser – voire simplement des « objets » pour les voitures autonomes. La vidéo en direct peut en effet être troublante pour le conducteur/passager, selon Orange.
D'autres informations pourront également être échangées entre les véhicules et l'infrastructure (signalisation, embouteillage, etc.). Le tout prend le nom de V2X, avec de nombreuses sous-catégories : V2I (Vehicle-to-Infrastructure), V2V (Vehicle-to-vehicle), V2P (Vehicle-to-Pedestrian), etc.
L'idée d'un orchestrateur pour organiser et fluidifier le trafic, grâce à une intelligence artificielle, est également avancée, avec la prise en compte des véhicules non connectés nous précise l'opérateur. « Avec les capteurs sur les bords de la route et dans les véhicules, on va pouvoir déduire quels véhicules sont connectés ou non ». L'orchestrateur se chargera alors d'adapter le trafic au mieux en jouant sur les paramètres qu'il peut contrôler : les voitures autonomes.
Les voitures basiques ne pourront pas être écartées de l'équation au début et « on aura besoin de cette brique » pour le futur ajoute Orange. Pour le moment, l'opérateur ne va proposer qu'un « démonstrateur technique de la faisabilité » pour un cas d'usage précis : l'insertion d'une voiture sur l'autoroute.
Au final, « c'est toujours la voiture qui va prendre la décision »
Nous avons ensuite demandé à Orange comment il s'était assuré que l'objet, la vidéo ou le message envoyé (par l'infrastructure, une autre voiture, l'orchestrateur, etc.) était légitime et provenait bien d'une autorité compétente : « On ne s'est pas occupé de la partie sécurité dans le projet Towards 5G, mais par contre dans le projet 5GCAR c'est tout un des paquets de travail d'identifier les problématiques de sécurité et de les adresser ».
Il faut maintenant trouver le juste milieu entre sécurité et latence, car le premier n'est pas sans incidence sur le second, nous expliquent les chercheurs de l'entreprise.
Dans tous les cas, « les véhicules autonomes auront leurs capteurs, ce sera juste comme un capteur supplémentaire : si d'un coup on leur dit il y a un freinage d'urgence devant, mais que tous les autres capteurs du véhicule ne voient rien, il ne va pas piler. Il sait très bien qu'il n'y a personne. C'est toujours la voiture qui va prendre la décision en se basant sur les informations dont elle dispose, et qui sont les plus sûrs : ses capteurs ».
Vie privée : les demandes de la CNIL vs celles de la Défense
Qu'en est-il du respect de la vie privée ? Les orchestrateurs « ne sont pas censés enregistrer les déplacements des véhicules et ils ne sont pas censés savoir à qui ils appartiennent » nous affirme Orange. Des solutions peuvent être mises en place, mais il parait bien difficile (voire impossible) de ne garantir aucune traçabilité.
De plus, « d'un côté il y a la CNIL qui demande qu'on ne trace personne, mais de l'autre il y a la Défense qui demande que tout soit tracé » ; une problématique que l'on retrouve déjà sur Internet. Dans tous les cas, le projet 5GCAR s'intéresse davantage au côté sécurité que vie privée, même s'il faudra bien se pencher sur les deux sujets à un moment donné.
Pour rappel, la CNIL publiait en octobre un « pack de conformité » sur la question.
Vers des « opérateurs de confiance » pour les voitures autonomes ?
Orange évoque également une possible délégation des données personnelles à « des opérateurs de confiance ». Dans la même idée que Bouygues Telecom, Orange, Free Mobile et SFR qui savent actuellement quel est votre smartphone ou mobile, et où vous vous trouvez.
« On a délégué à Orange (par exemple) le droit de savoir où vous vous trouvez, avec évidemment en contrepartie l'interdiction d'utiliser ces données. C'est une des pistes envisageables. Ils peuvent savoir où vous êtes, mais il leur est interdit de le divulguer ». Mais quel sera le poids d'une telle volonté fasse au bulldozer de la loi Renseignement ?
Le technicien d'Orange surenchérit : « On a besoin de savoir où sont les gens. Indépendamment des autorités judiciaires, il y a le côté technique ». Bref, la problématique n'est pas simple, comme la solution d'ailleurs.
« Un mode furtif » à l'étude pour la police... quid des autres ?
Et si l'on refuse de partager la position de sa voiture connectée/autonome ? « Typiquement, on a un peu prévu le cas avec les véhicules d'urgence. Avec le gyrophare on peut signaler notre présence aux autres. Mais peut-être que si on est la police on ne veut pas que tous les bandits sachent où l'on est. On a fait un mode furtif en quelque sorte : quand on appuie dessus, le véhicule arrête d'émettre sa position ».
On peut donc envisager que des particuliers souhaitent également en profiter. Par contre, rien ne dit qu'à terme il sera toujours possible d'être déconnecté à cause de toutes les problématiques de sécurité, notamment lorsqu'une majorité des véhicules sera autonome.
« C'est un vrai débat »
Dans tous les cas, « c'est un vrai débat » et de nombreux films ont déjà exploré cet avenir futuriste... mais nous nous en approchons désormais à grands pas. Il faudra également que les pays s'accordent pour faire transiter les données au-delà des frontières, et donc les voitures autonomes. Là encore, c'est actuellement un sujet de discussion nous précise Orange.
Rappelons que le Sénat a récemment fait un état de lieux et une étude de la stratégie de la France et de l'Europe dans le domaine des véhicules autonomes... Le résultat n'est pas spécialement reluisant et il reste beaucoup de travail (lire notre compte rendu). Dans l'Hexagone, Anne-Marie Idrac, la « haute responsable au véhicule autonome » en charge de coordonner les travaux du gouvernement, devrait rendre ses premières conclusions en mai 2018.
5G, orchestrateur, V2X : les expérimentations d’Orange sur la voiture autonome
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L'utilité de la 5G pour la voiture connectée et/ou autonome du futur
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Des exemples concrets de technologies pour les véhicules autonomes
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Au final, « c'est toujours la voiture qui va prendre la décision »
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Vie privée : les demandes de la CNIL vs celles de la Défense
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Vers des « opérateurs de confiance » pour les voitures autonomes ?
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« Un mode furtif » à l'étude pour la police... quid des autres ?
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« C'est un vrai débat »
Commentaires (33)
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Abonnez-vousLe 12/12/2017 à 16h15
Puisqu’on vous dit que ce sont Uber et Blablacar qui détournent les usagers des transports en commun, on va quand même pas se remettre en cause !
Pis m’en fous, je suis provincial et me déplace en voiture : 60 km domicile travail, 40min+/-2min en voiture, 1h30 hors grève/feuilles/neige/canicule/(insérer ici autres excuses foireuses SNCF) en train + bus… Vivement la voiture autonome, je pourrais finir ma nuit en plus !
Le 12/12/2017 à 16h31
C’est pas parce que t’es en voiture que tu ne vas pas « manger », comme tout le monde… " />
Déjà, tu vas commencer par ralentir à 80km/h maximum sur tout le réseau secondaire. D’ici la fin de mandature de l’exécutif, t’auras sans doute « gagné » (comprendre perdu) 1⁄2 heure à 1 heure de trajet en plus par jour, à ce rythme là.
Du coup, je compatis. " />
Le 12/12/2017 à 22h06
Le 13/12/2017 à 06h58
Autoroute sur 57 km, je ne devrais pas trop souffrir " />
Plus sérieusement, je suis prêt à passer 20% de temps en plus si je n’ai pas à conduire, ce sera 1h de sommeil en plus le matin et une heure de gagnée le soir à traiter les mails persos ou jouer (un 40” à la place du pare-brise et la manette à la place du volant, le rêve !)
Le 11/12/2017 à 15h17
Leur expérimentation en neutralité du net : Twitter
Le 11/12/2017 à 15h35
Je n’ai jamais pensé que le “Guide Michelin” pouvait être en numérique " /> (je suis encore vieux jeu)" />
Le 11/12/2017 à 15h51
J’aime bien le mode furtif, tu appuie et pouffe, big brother ne peux plus rien contre toi tadaaaa " />
Le 11/12/2017 à 15h55
Les véhicules autonomes c’est encore un pas de plus vers une totale dépendance vis à vis de quelques grands groupes… " />
Certes, on peut n’y voir que des avantages mais le réveil risque d’être assez brutal si tous ces systèmes devaient tomber entre les mains de véritables dictatures et il sera de toutes façon bien trop tard.
Et que je sache, les dictatures ne sont pas une espèce en voie de disparition, ça serait même plutôt le contraire par les temps qui courent. " />
Le 11/12/2017 à 15h55
Le 11/12/2017 à 15h59
Si elle a besoin d’une connexion internet, la voiture n’est certainement pas « autonome ».
Sinon :
Le 11/12/2017 à 16h19
Pas forcément, si tu lis cet article de la CNIL, tu vois qu’ils bossent vraiment sur le sujet, tout est à construire et les données personnelles sont un vrai sujet aujourd’hui, c’était pas le cas il y a 20 ans quand le web s’est développé à l’arrache sans penser aux données perso.
La CNIL parle de « privacy by design ».
Les constructeurs devront se plier aux lois. Si la loi dit que le véhicule ne doit pas trop causer avec son environnement, ils devront s’y tenir.
Comme toujours, nos politiques seront les derniers décideurs. " />
Le 11/12/2017 à 16h29
“Afin d’être la plus efficace possible, la voiture autonome devra
disposer d’une connexion avec une faible latence, surtout lorsqu’il
s’agira de réagir en urgence à une situation”
Super, encore de la novlangue.
Autonome, ça veux dire se démerde par soit même. Une voiture autonome qui a besoin d’une connexion avec faible latence n’est pas autonome, c’est un terminal avec des roues.
Le 11/12/2017 à 16h36
Autonome dans le sens “pas besoin de conducteur humain”. C’est le nom qu’on a donné à ces bagnoles, c’est tout, faut pas se braquer.
A noter que c’est pas un anglicisme, c’est déjà pas mal. " />
Le 11/12/2017 à 16h41
Le 11/12/2017 à 16h49
RUSH HOUR assistance " />
Le 11/12/2017 à 18h26
Le 11/12/2017 à 19h56
Le 11/12/2017 à 20h20
Le 11/12/2017 à 21h42
Ouais, il y a un truc qui me choque dans le monde merveilleux d’orange:
Il faut une antenne relais 5G pour que 2 véhicules qui sont à 100m puissent se parler.
Ils n’ont pas pensé aux connections ad’hoc? Déjà c’est une erreur de design par conception, et ça montre le besoin d’être centralisé.
Ensuite, dès que tu passes les zones ou 95% de la population se frictionne 2h/jour (les bouchons), y’aura plus grand monde on dirait.
Enfin, vu qu’on parle principalement des périphériques urbains, comment gérer le flot de scooters et autres 2roues qui eux ne seront pas autonomes avant longtemps: Surtout vu leur comportement je vois bien un boitier qui envoie en permanence le message “ATTENTION, JE VAIS TE CRASHER, ATTENTION!” qui correspond en fait à leur attitude.
" />
Le 11/12/2017 à 22h41
Le 11/12/2017 à 22h48
une norme? un protocole?
Je cite l’article:
“La société nous explique tout d’abord qu’elle fait partie de la 5GCAR (5e Generation Communication Automotive Research and innovation), un groupe de travail réunissant plusieurs acteurs (Ericsson, PSA, Volvo, etc.). La phase 2 de ce projet a officiellement débuté le 1er juin de cette année (elle est prévue pour durer deux ans), avec une enveloppe de 154 millions d’euros proposée par la 5GPPP (5G Infrastructure Public Private Partnership).
Ensemble, les différents acteurs planchent sur des solutions techniques pour les voitures du futur. Ils fournissent de la documentation, mais pas de standardisation. Le 5GCAR est un « influenceur », pas une instance de normalisation, nous expliquent les chercheurs d’Orange.”
Je dirais plutôt un lobby, à l’opposé d’un standard.
" />
Le 12/12/2017 à 06h26
Quand je vois la tronche de la circulation sur Lille, non, 2ms c’est pas exagéré…
Exemples simples :
Il va y avoir une grosse phase de transition avec l’arrivée des véhicules autonomes… Dont celle de devoir prendre en compte le comportement abruti qu’on a sur la route.
Ca me paraît pas déconnant de prévoir des infras pouvant répondre de manière aussi rapide.
Le 12/12/2017 à 06h40
Le 12/12/2017 à 06h43
A l’instar de ce qui se passe pour les bornes de recharge des véhicules électriques, c’est malheureusement le mode de fonctionnent de l’industrie automobile (pas que française).
Le 12/12/2017 à 08h25
t’inquiète, une plaque numérilogique " />
Le 12/12/2017 à 08h58
Sachant que l’age moyen du parc automobile français actuel est pratiquement de 9 ans, il y a aussi un autre défi à relever : la pérennité d’une voiture autonome et connectée. Pendant combien de temps assurer les mises à jour ? A partir de quand va-t-elle devenir complètement obsolète et ne plus pouvoir communiquer de manière fiable et complète en V2X avec des modèles plus récents ?
Quand on voit qu’aujourd’hui, il peut être compliqué voir impossible, d’ajouter certaines fonctionnalités (compatibilité CarPlay par exemple) au système multimédia d’origine d’une voiture de plusieurs dizaines de milliers d’euros achetée il y a 2-3 ans…
Le 12/12/2017 à 09h10
Le 12/12/2017 à 09h43
Le 12/12/2017 à 10h19
Le 12/12/2017 à 14h17
Le 12/12/2017 à 15h21
Tout à fait d’accord…
Le problème majeur est la quantité phénoménale de véhicules qui circulent chaque jour avec très souvent une seule personne à bord. Les véhicules autonomes ne changeront pas grand chose à ça.
On peut penser ou au moins espérer que si les transports en commun étaient plus efficaces (quantité, ponctualité et confort correct) il y aurait nettement moins d’embouteillages dans les villes et ça serait sans doute aussi très positif pour la qualité de l’air de ces villes.
Je crois qu’à plus ou moins long terme le véhicule individuel est appelé à disparaître, ça serait en tous cas dans la logique des choses même si ça ne sera sûrement pas évident de faire entrer ça dans les mentalités.
Le 12/12/2017 à 15h35
D’ailleurs, y’aurait pas une ‘tite grève RER A/B aujourd’hui ?
Le 12/12/2017 à 16h04
Un peu de commisération pour les pauv’ banlieusards, s’te plait… " />