Le gouvernement ouvre le chantier de l’identification numérique
Marché aux puces
Le 16 janvier 2018 à 16h04
6 min
Droit
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Le gouvernement a officiellement installé le 5 janvier dernier un programme interministériel chargé de concevoir et de mettre sur pied, d’ici la rentrée 2019, une « solution complète » d’identité numérique sécurisée. Un dispositif qui se révélerait utile pour réaliser des démarches administratives, mais pas uniquement.
« Il est devenu indispensable de pouvoir attester de l’authenticité de son identité dans le cadre des technologies existantes. » Le député Patrick Hetzel, suivi par une trentaine d’élus Les Républicains, a profité de l’examen du projet de loi Darmanin (« pour un État au service d’une société de confiance ») pour évoquer l’encadrement, selon lui trop « strict », des dispositifs biométriques : lecteurs d’empreintes digitales, systèmes de reconnaissance faciale, etc.
Le parlementaire a plus exactement « recyclé », sous forme d’amendement, une proposition de loi déposée en 2014 par son collègue Olivier Marleix – mais jamais inscrite à l’ordre du jour.
S’il était adopté, ce texte permettrait à des entreprises (ou même à l’État) d’accéder et d’utiliser les empreintes digitales de Français, telles que collectées lors de la confection de la carte d’identité ou du passeport électronique, « à des fins autres que l’authentification de l’état civil ». Chaque individu concerné devrait préalablement fournir son « consentement explicite ».
Il y a toutefois fort à parier que le gouvernement s’oppose à cet amendement, en évoquant les récents travaux qui viennent d’être confiés à Valérie Peneau, de l’Inspection générale de l’administration, au sujet de l’identité numérique.
Un programme interministériel consacré à l'identification numérique
« L'objectif à atteindre consiste à développer pour l'ensemble des citoyens, des étrangers en situation régulière et des entreprises, un parcours d'identification numérique fluide s'intégrant au sein de la Plateforme Numérique de l'État (PNE) et de France Connect », indique sobrement la lettre de mission de l’intéressée (PDF), signée le 5 janvier dernier par le ministre de l’Intérieur, Gérard Collomb, la Garde des Sceaux, Nicole Belloubet, et le secrétaire d’État au Numérique, Mounir Mahjoubi.
Le gouvernement veut plus concrètement que chaque citoyen – ou même entreprise – puisse, d’ici septembre 2019, justifier de son identité « de façon sécurisée, ergonomique et accessible ». Et ce aussi bien pour des « échanges de données liées à des démarches administratives », que pour « des usages plus étendus telles des transactions commerciales sur Internet ».
Un chantier qui apparaît ambitieux mais non moins nécessaire, à l’heure où la majorité espère dématérialiser l’intégralité des démarches administratives d’ici la fin du quinquennat...
Lancement du parcours d'identification numérique avec @gerardcollomb et @NBelloubet. Notre objectif : doter tous les citoyens et les entreprises dès 2019 d'un mécanisme d'identification simple pour des services publics numériques de qualité et facilement accessibles. pic.twitter.com/UaBtv45wtJ
— Mounir Mahjoubi (@mounir) 5 janvier 2018
Les solutions sur lesquelles va plancher Valérie Peneau devront comporter « au moins deux niveaux (dont le niveau faible et élevé), utilisables aussi bien par les services publics (administrations centrales, établissements publics et collectivités locales) que par des acteurs privés », précise sa lettre de mission.
L’idée est bien entendu de garantir une sécurisation adaptée à la « sensibilité » des démarches : moindre pour les procédures les plus basiques, forte dès lors qu’on touchera par exemple aux procurations de vote – ou pourquoi pas au vote électronique.
L’exécutif souhaite d’autre part que ces dispositifs permettent « l’échange automatisé de données entre administrations », « sous le contrôle de l’utilisateur » – dans la droite lignée de France Connect et du programme « Dites-le-nous une fois ».
Mise en perspective des différentes solutions envisageables
Sous le « portage » politique du ministère de l’Intérieur, la directrice du « programme interministériel pour la conception et la mise en œuvre du parcours d’identification numérique de niveau faible et élevé » devra définir et comparer plusieurs scénarios possibles, en s’intéressant aux solutions publiques comme privées, françaises ou étrangères.
« Un scénario possible est celui de la carte d'identité numérique » avait notamment déclaré Mounir Mahjoubi, en octobre dernier devant l’Assemblée nationale, les yeux visiblement rivés vers l’exemple estonien.
« La conception de ce parcours d’identification devra spécialement veiller à l’intérêt des utilisateurs et ainsi de prendre un soin particulier à l’ergonomie, la facilité d’usage et l’accompagnement de la population, tout en simplifiant les modalités de création, de distribution et de renouvellement des titres » souligne au passage l’exécutif dans sa lettre de mission.
De premiers prototypes attendus pour la fin 2018, pour un déploiement courant 2019
Pour répondre à ce défi aux multiples facettes – techniques, juridiques, financières... –, Valérie Peneau sera épaulée par cinq agents à temps plein, dont un issu de la Direction interministérielle au numérique (DINSIC). Elle pourra par ailleurs s’appuyer sur les services de différents ministères, ainsi que sur des acteurs publics de type ANTS ou ANSSI (Agence nationale de la sécurité des systèmes d'information).
Sa feuille de route est la suivante :
- Mise en place d’un comité de pilotage et d’orientation du projet, lequel a vocation à faire le lien avec l’exécutif et la CNIL.
- Avant la fin mars, une « première note d’étape » devra présenter « la gouvernance élargie du projet, ses premières conclusions, ainsi que le calendrier de chantiers à mener » (usages, solutions, aspects économiques...).
- D’ici « environ trois mois », un événement de type « Assises de l’identité numérique » sera préparé afin de mettre en avant « la communication des principes gouvernant cette initiative gouvernementale et du cadrage s’y appliquant ».
- D’ici à la fin de l’automne 2018, de premiers prototypes devront être « livrés ».
- Une première « solution complète » sera ouverte au public « dès que possible et au plus tard à la rentrée 2019 », après notification auprès de la Commission européenne.
La lettre de mission de Valérie Peneau laisse entrevoir un élargissement de la gouvernance de ce projet, via l’introduction d’un « comité consultatif » composé d’acteurs publics tels que le Conseil national du numérique ou l’Autorité des marchés financiers, mais aussi privés (avocats spécialisés, représentants d’usagers... « liés par une charte de confidentialité »).
Le gouvernement ouvre le chantier de l’identification numérique
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Un programme interministériel consacré à l'identification numérique
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Mise en perspective des différentes solutions envisageables
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De premiers prototypes attendus pour la fin 2018, pour un déploiement courant 2019
Commentaires (37)
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Abonnez-vousLe 16/01/2018 à 21h37
+1, c’est déjà suffisamment chiant d’avoir le postier qui vient chez toi vérifier ton ausweis, je ne vois pas ce que ça apporte de plus
Le 16/01/2018 à 21h46
Le 16/01/2018 à 22h12
Nan mais ça c’est pas grave.
Q1 2019 -> centre de service de 50 dev ouvert en urgence pour commencer terminer le site. Vous inquiétez pas, c’est pas grave, c’est l’état qui paie " />
Le 17/01/2018 à 00h44
Ils devraient revoir The Net avec Sandra Bullock avant (vous n’êtes même pas un numéro, vous n’existez plus)" />
Le 17/01/2018 à 07h48
En fait l’Etat va utiliser sa légitimité et les fond publics pour créer un ID unique nécessaire pour quelques démarches administratives mais indispensable pour des intérêts privés?
Un Ministère orwelien bientôt en place pour assurer à Amazon et consort une croissance épanouie.
Le 17/01/2018 à 07h54
Arrêtez de râler, c’est notre projet
Le 17/01/2018 à 07h58
ah…SI c’est projet, alors il doit-être……………………………………….. !
Le 17/01/2018 à 08h53
Mouais…. je vois pas trop l’intérêt !
Le 17/01/2018 à 08h58
Alors de mes lointaines études en droit, il semble bien que l’identité se prouve par tout moyen, y compris une concordance de témoignage(s) (source).
Même si on ne peut encore rien affirmer, la méthode envisagée à des relents de fascisme assez prononcés…
Le 17/01/2018 à 09h50
De base, la carte d’identité n’est pas obligatoire.
Bon courage pour la vie de tous les jours pour ceux qui n’en ont pas " />
Le 17/01/2018 à 09h55
le permis de conduire suffit dans quasi tous les cas. Bon, moi je ne l’ai pas" />
Il y a également la carte vitale, mais c’est moche parce qu’il y a le numéro Pétain dessus
Le 17/01/2018 à 10h11
ça c’est ce que poussait la CNIL il me semble, justement avec l’argument que mettre de la biométrie partout n’était pas top niveau fichage/surveillance.
Le 17/01/2018 à 12h21
Ils veulent s’appuyer sur l’ANTS?! Mouarffff
Ils sont sensé utiliser France Connect, mais y a rien qui marche…
Cf l’histoire édifiante de Christian Quest, un connaisseur du sujet
https://medium.com/@cq94/ants-administration-2-0-ou-z%C3%A9ro-point%C3%A9-f2cde413b868
Le 17/01/2018 à 20h35
En six lettres :S.A.F.A.R.I.(#14h42 du 18/02/2015 avec Louis Joinet)
«#CNIL40ans📺
«Dites-vous bien que pour stocker toutes les informations des Français, il faudrait une batterie d’ordinateurs comme celle-ci … et un immeuble de huit étages ! »
Michel Chevalet - 1974 → http://sites.ina.fr/cnil-40-ans/focus/chapitre/2/medias/CAF88045000»
Twitter
En d’autres termes, il n’est pas nécessaire de créer un fichier central pour avoir un fichier central, une base de données unifiée pour avoir une base de données unifiée. Il suffit d’un droit de communication, d’un droit d’accès à différentes bases de données pour agréger, centraliser les données concernant un individu identifié.
Le 16/01/2018 à 16h48
Le 16/01/2018 à 16h50
Le monde de la publicité se frotte déjà les mains." />
Le 16/01/2018 à 16h51
autant l’idée est plutôt bonne, mais l’ouverture aux acteurs privés d’une identification forte comporte un risque de dérives comme celles citées précédemment.
Le 16/01/2018 à 17h14
Quelqu’un peut me faire un devis pour une pierre tombale ?
Avec une belle inscription du genre : “Erreur 404 Vie privée inconnue”
Le 16/01/2018 à 17h20
Au contraire, t’auras tout tes accès facebook/google/instagram, toutes les pages que t’as visité dans ta vie, tes favoris sur youporn, ton dernier avis sur la machine à laver que t’as achetée..
Un genre de profil publicitaire..
Ci git Yutani, amateur de bukake-gros seins, qui a fini par changer sa vieille clio en 2025 quand l’embrayage a lâché en allant voir sa maitresse, à l’insu de sa femme et ses trois enfants (dont un n’est pas de lui).
Le 16/01/2018 à 17h26
Les prototypes seront Open-Source ?? Histoire que l’on puisse auditer comment notre identité est chiffrée dans les flux.
Le 16/01/2018 à 17h30
Le 16/01/2018 à 17h37
Le 16/01/2018 à 17h38
Le 16/01/2018 à 17h42
le problème c’est la biométrie, pas le fait de vouloir simplifier les démarches administratives en ligne.
Le 16/01/2018 à 17h45
Le 16/01/2018 à 18h38
Le 16/01/2018 à 19h00
Les délais annoncés me paraissent très courts. J’irais même dire totalement irréalistes.
Le 16/01/2018 à 19h21
Valérie Peneau sera épaulée par cinq agents à temps plein
appli web d’identification pour 60+ millions d’utilisateurs, devteam de 6 personnes, go-live Q3 2019.
easy. " />
Le 16/01/2018 à 19h36
Moins de 6 personnes dans la devteam, il va falloir gérer le déploiement et les tests de ce merdier (oui, vu les délais et les compétences gouvernementales actuelles, il y a peu de chance que ce soit autre chose qu’un merdier total :) )
Le 16/01/2018 à 19h44
En Estonie, tu as une puce dans la carte d’identité avec laquelle tu signes les documents officiel. Me semble pas qu’ils te demande les empreintes pour la créer.
Le 16/01/2018 à 16h09
je n’ai pas compris, c’est en dehors ou en complément de France Connect ?
Le 16/01/2018 à 16h27
Chaque individu concerné devrait préalablement fournir son « consentement explicite ».
Une petite ligne qu’on fera sauter dans quelques années, quand on aura recupéré un nombre d’empreintes suffisant " />
Ceux qui auront refusé auront quelque chose à cacher " />
Le 16/01/2018 à 16h30
On cède au nom de la facilité que pourrait permettre “l’identification numérique” envisagée, la meilleur garantie contre les dérives totalitaires (naturellement d’un état, mais aussi des GAFAS).
Je l’admets, je préfère un système perfectible d’identification par CB ou CI (parfois contourné) que le système envisagé.
Le 16/01/2018 à 16h31
Chaque individu concerné devrait préalablement fournir son « consentement explicite ».
l’emploi du conditionnel veut tout dire …
Traduction : “rien a battre de ton autorisation” " />
edit : cramé… " />
Le 16/01/2018 à 16h35
Une fois que ce sera en place, on vera dans un an ou deux l’hadopi v2 avec utilisation des données biométriques, ou un pjl anti terroriste qui viendra imposer l’authentification de tout les internautes…
Le 16/01/2018 à 16h38
Le 16/01/2018 à 16h42
En clair, c’est un adieu total à la vie privée qu’ils sont en train de mettre en place.
Il est certain que dès qu’elles le pourront les entreprises useront et abuseront de ce système pour vendre et te demanderont systématiquement ton ID pour acheter. (du moins, au début ce sera flexible mais une fois que les gens seront habitués, ce sera systématique).
Il ne sera ainsi bientôt plus possible de faire la moindre chose sans devoir t’identifier, le moindre mouvement sera ainsi enregistré et on pourra savoir ce que tu as bu, mangé, fait heure par heure…
Je sais pas si vous le voyez venir, mais ça n’augure rien de bon pour l’avenir.