Mise hors ligne à la mi-février, la série parodique sur Les Chevaliers du Zodiaque vient d'être rétablie par YouTube. Il aura fallu une mise en demeure « pédagogique » d'un avocat pour obtenir gain de cause. Pour lui, les vidéastes ne doivent pas compter que sur les recours automatisés de Google pour faire valoir leurs droits.
Il y a de ces petites victoires inattendues. Fin janvier, le vidéaste StateAlchemist appelait les internautes à sauvegarder les épisodes de sa série parodique « Les Chevaliers du Zodiaque Abrégé ». La chaine était menacée de suppression par YouTube, suite à des réclamations du propriétaire de la série originelle, Toei Animation. Lassé de près de dix ans de remises en ligne, StateAlchemist jette l'éponge.
À la mi-février, ses chaines disparaissent des écrans. Pourtant, hier, « CDZAbridged » est revenue en ligne. « C'est un avocat qui est venu vers moi après la vidéo d'appel à la sauvegarde, pour proposer son expertise "pro bono". Sans lui, j'aurais laissé couler » nous déclare le vidéaste.
Il s'agit de Jonathan Urbach, un spécialiste de la propriété intellectuelle et fan de la première heure de la série. « Ça m'avait crevé le cœur » justifie-t-il. Après de premiers contacts en décembre, ils ont travaillé ces dernières semaines au rétablissement de la parodie, en explicitant son contenu et le droit européen à la plateforme américaine, ainsi qu'à l'ayant droit japonais.
Une mise en demeure à vocation pédagogique
Les chaines ont été supprimées suite à un examen manuel de Toei Animation en janvier. La vidéo de StateAlchemist, invitant les internautes à remettre en ligne eux-mêmes les épisodes, a été retirée par la plateforme vidéo « pour atteinte aux règles de leur communauté ».
Le 6 mars, Jonathan Urbach a envoyé une mise en demeure à Google et à Toei Animation (en France, aux États-Unis et au Japon), pour leur demander le rétablissement des chaines de StateAlchemist. « Cela a pris la forme d'une mise en demeure parce que nous demandions quelque chose. Ce n'était pas virulent. Sa portée était bien plus informative que comminatoire » déclare l'avocat.
Selon lui, quand des vidéos ou des chaines sont supprimées, deux options s'offrent à l'internaute. Soit s'adresser à l'auteur des notifications pour copyright, en leur demandant le retrait. Soit utiliser une dernière voie de recours, une fois les vidéos supprimées, quand des vidéos pouvant se prévaloir d'une exception spécifique au droit d'auteur sont concernées. Les deux options ont été utilisées ici, avec la mise en demeure.
Il n'est pas certain que son action a directement mené au rétablissement de la chaine « CDZAbridged », en l'absence de réponse claire de Google. Tout juste StateAlchemist a-t-il reçu 13 notifications, lui signalant que les réclamations pour copyright portées sur chacun des 13 épisodes de la série ont été levées.
Le premier épisode de CDZAbridged
Un long dossier pour justifier la remise en ligne
L'élaboration du dossier, « prouvant point par point la légalité de CDZA, avec possibilité de limitation de diffusions à la France » selon StateAlchemist, est particulière en soi. L'opération dirigée par l'avocat est éloignée de la réaction habituelle des vidéastes visés par une suppression de leurs contenus sur YouTube.
« On a beaucoup travaillé pour démontrer le caractère parodique de son œuvre. On a fait une véritable explication de texte de CDZAbridged, dont une partie considérable par StateAlchemist » explique l'avocat. Après la lettre de mise en demeure, ce sont une dizaine de pages d'annexes qui détaillent « les transformations de l'histoire des Chevaliers du Zodiaque, le travestissement des personnages, de l'intrigue, les références extérieures, le quatrième mur... ». Autrement dit, les gags de la série ont été décortiqués et expliqués à Google et à l'ayant droit.
L'autre défi de la mise en demeure étant bien plus juridique. Urbach a entrepris d'expliciter les exceptions au droit d'auteur, en France et en Europe, qui incluent noir sur blanc la parodie. Dans l'absolu, « les conditions [pour une remise en ligne des vidéos] ne sont pas très claires parce que YouTube n'a peut-être pas envie de l'être ». La société s'appuie sur la notion de « fair use », issue du copyright américain, dont les exceptions sont sujettes à interprétation libre, rappelle l'avocat. Soit le contraire du droit d'auteur européen, qui délimite clairement les exceptions possibles.
En comptant la rédaction, les traductions et divers échanges, l'affaire aurait pris une vingtaine d'heures sur trois semaines. Jonathan Urbach assure avoir eu confiance en la Toei, qui connaît l'intérêt des Français pour l'animation japonaise. Il estime aussi avoir « proposé un travail sérieux pour les aider à comprendre les particularités du droit français ». La réponse en seulement 13 jours serait même une preuve de bonne foi, selon lui.
Sortir d'une exception pour parodie « incantatoire »
La seconde chaine de StateAlchemist, Marvel Comique, reste pour le moment hors ligne. Nos deux interlocuteurs espèrent qu'il s'agit seulement d'un délai technique.
Que se passera-t-il si CDZAbridged est remis hors ligne ? « Nous aurons un précédent et nous serons prêts. Si la Toei est à l'origine de ces notifications, ce précédent sera à l'évidence beaucoup plus avantageux » dans le cadre d'une nouvelle mise en demeure, estime le spécialiste... dont le but est bien de pérenniser le maintien en ligne du travail de StateAlchemist.
Il appelle d'ailleurs les youtubeurs à ne pas se contenter de brandir l'exception pour parodie, en passant par les canaux offerts de prime abord par YouTube. « Assez souvent, les youtubeurs utilisent les exceptions au droit de propriété intellectuelle de manière un peu incantatoire » pense-t-il.
Pour l'avocat, ils ont bien plus intérêt à passer par les canaux légaux, en offrant une lecture rationnelle de la loi, alimentée par le détail des œuvres ciblées, dont les auteurs connaissent eux-mêmes chaque recoin. « Il vaut mieux s'affranchir des formats imposés [par Google] pour avoir des chances de succès. Il faut essayer, dans la mesure du possible, de s'encadrer de professionnels du droit, avec des investissements parfois nécessaires », ajoute-t-il.
« Je suis vraiment un légaliste, je considère que le droit protège. Je pense que c'est d'abord le langage du droit qui permettra le lien entre l'ensemble des acteurs », peu importe leurs nationalités, lance-t-il. Contacté, Google n'a pas encore répondu à nos sollicitations.
Commentaires (31)
#1
Ah bah voilà, ça c’est excellent.
Tellement de références culturelles dans cette série qu’il fallait absolument qu’elle reste en ligne.
du reste, je trouve un peu fort d’attaquer pour manquement au copyright alors que seuls certains extraits sont utilisés, sans les dialogues d’origine et dans une qualité vidéo digne d’un VHSRIP. Peut-être que les ayants-droits n’on pas aimé que la série soit limite plus agréable à regarder que l’originale ?
#2
Je pense que c’est d’abord le langage du droit qui permettra le lien entre l’ensemble des acteurs
Faudrait d’abord remettre un peu de logique dans droit d’auteur. J’aime bien CDZAbridged, mais ca reste de la repompe des graphisme de l’oeuvre originale. Le coté “parodique” vient de la bande son.
Du coup, est-ce que si je regarde CDZAbridged sans le son, c’est de la violation de droit d’auteur ?
#3
Extraits seulement, pas oeuvre entière. A ce moment-là, tu vires toutes les reviews sur Youtube qui prennent des extraits et te font des analyses…
#4
20*150€ = 3000 € ca donne une petite idée du prix a payer pour etre protégé par notre bon droit bien francais.
avec forcement le risque d’aller plus loin dans les procédure, donc plus chère …
#5
C’est bien le problème.
Certains podcasts vidéos que je regarde se sont fait bloquer leurs contenus par Youtube car ils mettaient en incrustation des extraits de quelques secondes des bandes annonces.
#6
Déjà eu cette discussion dans la news précédente.
CDZAbridged c’est 120 minutes de vidéo de l’oeuvre originale (soit environ 20% de l’arc “Zodiac Temples”).
Fait une vidéo en pompant 25min de Star Wars épisode IV (20% de 2 heures), et y a des chances que ce ne soit plus considéré comme un simple extrait. " />
#7
C’est un avocat qui est venu vers moi après la vidéo d’appel à la sauvegarde, pour proposer son expertise “pro bono”.
Donc si c’est U2 qui fait les doublages, ça passe comme une exception au droit d’auteur ?
#8
" />
Pro bono est l’abréviation de l’expression latine pro bono publico, signifiant « pour le bien public ». Le « pro bono » désigne l’engagement de volontaires qui donnent du sens à leur activité en s’impliquant dans des initiatives d’intérêt général à titre gracieux.
donc en gros, l’avocat (et si j’ai bien compris), à fait ça à titre gracieux (à moins que ça ne soit que l’expertise, et que la partie rédactionnelle aie été rémunérée " />)
#9
#10
La question est plus de savoir à partir de quel niveau de modification une œuvre devient une nouvelle œuvre.
L’intérêt du travail de StateAlchemist ici aurait-il était le même avec n’importe quel autre œuvre ou ne repose-t’il que sur le succès de l’œuvre originale ?
Je pense personnellement que le travail réalisé ici dépasse de loin l’œuvre originale, il s’en sert plus comme un canevas pour son travail.
Sinon dans des formes similaires, dans la loi américaine, le Mashup fait partie du faire-use.
#11
Tout à fait. Et sans ces possibilités de détourner des œuvres originales, on n’aurait pas eu ces grands classiques que sont La Classe Américaine ou Derrick contre Superman. Qui sont d’ailleurs sur Youtube…
#12
Bah oui, parce que ça n’entre dans aucune des conditions de l’exception de parodie…
D’après ton lien, je ne vois pas pourquoi CDZNoSound serait moins une parodie que CDZAbridged.
(1) La parodie doit avoir un but humoristique
(2) La parodie ne doit pas avoir d’intention de nuire
(3) L’œuvre parodique ne doit pas se confondre avec l’œuvre première
(4) L’œuvre ne doit pas avoir de finalités promotionnelles/publicitaires certaines
J’ai l’impression que tout l’argumentaire repose sur le point 1: si c’est drôle, c’est une parodie donc c’est légal.
Bref, faut faire comme l’avocat et expliquer “pourquoi c’est drole” ?
#Kulunmouton
#13
En tout cas merci pour cette découverte, je suis en train de me marrer comme un con " />
#14
Je savais pour CdZAbridged… mais pas pour Marvel Comique. Je comprends pourquoi il n’y avait pas eu de sketch depuis longtemps. ^^;
#15
Pour info, la chaine Marvel Comique est aussi revenue " />
#16
" />
#17
[quote]
Autrement dit, les gags de la série ont été décortiqués et expliqués à Google et à l’ayant droit.
[/quote ]
Ça m’a fait immédiatement penser àhttps://www.youtube.com/watch?v=ig-aJzjLe6s
#18
Dans ce cas-ci oui pro-bono. D’après l’article, il recommande au youtubeurs de passer plus souvent aux moyens légaux. Bref c’est aussi de la comm’ pour lui.
Le commentaire original reste donc valide. Combien ca couterait, et qui doit payer dans tel cas ? Ca prend un temps fou (20h quand même et c’est un cas évident…) pour quel gain ? Je ne vois pas de compensation mentionnée. Toei et youtube mériterait de cracher le fric pour la perte de temps et le forfait avocat.
Bref du bordel d’ordre légal. Comme la politique, c’est un domaine maintenant bien éloigné du “peuple”
#19
#20
en effet, je ne l’avais pas pris sous cet angle là, et du coup tiens bien son sens " />
@sscrit : mea culpa " />
#21
Je suis bien d’accord que ca touche tout le monde. Le probleme concerne la lourdeur des recours et la complexite des textes (au sens general, je n’ai pas le livre de ce droit sur ma table de chevet " />). Pour le second, il y a bien surement des sites pour expliquer de facon simplifiee (mais dans ce cas, un citoyen peut-il se baser dessus pour faire valoir son droit ?), mais pour le premier ? Une lettre pre-remplie de mise en demeure peut etre utile mais si tu dois detailler exactement pourquoi telle blague rentre dans le cadre de la parodie ou pour tout autre revendication, lol quoi.
Bref, recourir a un avocat est lourd, et dans la situation presente, nul benefice en est retire d’apres l’article. S’il n’y a pas moyen de se renflouer, une telle demande est une perte nette de temps et d’argent pour la personne lesee. Ce qu’il faudrait au moins, c’est un service d’ombudsman externe a youtube (finance par youtube+ayant-droit+autre), plutot que leur service interne du “oui oui on verifie nous-meme, lulz”. Et acces a des actions de groupes evidemment.
PS: Y’a une notion sociologique ou autre, selon laquelle nous ne sommes pas egaux face au recours au droit. C’est-a-dire celui qui peut se payer un service juridique a toujours un avantage. D’un cote les “faibles” n’ayant pas les moyens en temps et/ou argent de subir la procedure, de l’autre les “forts” genre grosse boite avec service juridique/boite d’avocat. Du coup il y a toujours une notion de chantage “vous acceptez pas notre demande ‘a l’amiable’ on vous attaque en justice”. Si quelqu’un a le terme exact je suis preneur, google me laisse chou blanc sur ce coup-ci !
#22
Moi qui veut faire une parodie intitulée “Star Wars Episode 3.15.21_fc27 : Affreux, Sales et Méchants”, va falloir que je fasse gaffe…
" />" />" />" />" />
#23
Good news ! J’adore CDZA :-)
#24
Les 13 vidéos, mais pas le trailer ?" />
#25
En tout cas, cela donne à réfléchier sur le potentiel d’un marché pour du service juridique auprès des créateurs. Cette fois non plus pour les protéger des copies mais pour les protéger des démarche abusive des plateformes…
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#27
#28
(Spoiler) Ca parle du noyau de l’Empire et de ses états fédérés ? " />
#29
Pas vraiment, l’histoire se déroulera dans les six mois qui ont suivi la guerre des clones et l’ordre 66.
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#31
Il faut juste commencer à se passer de YouTube, épicétou !
Il y a une bonne demi-douzaine d’alternatives décentralisées dans les cartons…
https://maniacgeek.net/2017/12/13/les-alternatives-a-youtube/9107/