À l’occasion d’une conférence au Sénat sur les stratégies internationales de lutte contre le piratage des contenus culturels et sportifs, Denis Rapone, président de la Hadopi, a rédigé sa liste de Noël à l’attention du législateur. En préparation de la future loi sur l’audiovisuel, il plaide pour une modernisation de ses moyens d’action.
Jeudi, était organisé au Sénat, en commission des affaires culturelles, un colloque rassemblant de nombreux spécialistes du droit d’auteur. Si tous ont appelé à une collaboration accrue des intermédiaires, FAI et hébergeurs en tête, seuls les défenseurs des intérêts des ayants droit avaient été conviés pour l’occasion.
Un représentant coréen était ainsi venu présenter le mécanisme de blocage administratif en vigueur. Maria Fredenslund, directrice de la RettighedsAlliancen, a décrit pour sa part le régime de blocage des sites par un juge, dont la décision s’impose à l’ensemble des FAI adhérents à l’alliance.
Deux responsables portugais ont au contraire décrit le blocage conventionnel sous l’égide cette fois de l’administration. Évidemment, un représentant de la puissante MPAA invitait chaque pays à redoubler d’effort contre le piratage.
Sylvie Forbin, lobbyiste de Vivendi Universal jusqu’en 2016, a décrit ses missions à l’OMPI, sa nouvelle maison où elle est responsable du secteur du droit d'auteur et des industries de la création. Elle a décrit en particulier le BRIP (pour « Building Respect for IP »), future liste noire de « sites raisonnablement soupçonnés d’atteinte aux droits d’auteur », en vue de prévenir les publicités sur leurs pages et bientôt l'usage de moyens de paiement en leur sein. Un régime qui ressemble comme deux gouttes d’eau à celui initié en France, flirtant avec la ligne rouge de la légalité.
Dans la salle, Marie-Françoise Marais, première présidente de la Hadopi, avait fait le déplacement. Et pour cause, elle a depuis intégré un forum à l’OMPI où des juges spécialisés en propriété intellectuelle portent la bonne parole à leurs homologues. Elle est d’ailleurs le seul magistrat français au sein de l’organisation...
Devant une salle Clémenceau presque comble, l’objectif de cette journée fut assumé sans nuance par Denis Rapone : « nous avons organisé ce colloque pour partager avec tous les acteurs impliqués dans la lutte contre le piratage des contenus culturels ou sportifs l’expertise de nos homologues étrangers ». Face à ce panorama, couché sur un rapport, « nous avons ainsi sélectionné, parmi tous les systèmes que nous avons observés, ceux qui nous semblaient les plus pertinents pour nourrir le débat public en France ».
Hadopi défend son bilan et fracasse les opposants
Mais la posture a d’abord été celle d’une défense sans nuance du bilan. « Unique institution dédiée à la protection de la création sur Internet », cette haute autorité a une « capacité d’expertise », une « expérience de dix années d’exercice » durant lesquelles, grâce au levier de la riposte graduée, « les pratiques de piratage en pair à pair ont pratiquement diminué de moitié ». En conséquence, elle est « pleinement légitime pour organiser et coordonner un renforcement de l’action publique dans ce domaine ».
Toujours les yeux rivés sur le passé, Denis Rapone s’en est pris à ceux qui ont pratiqué « la critique systématique », alimentant « des polémiques outrancières », dénigrant le travail de l’institution, jusqu’à « gloser sur notre inutilité, voire sur notre nocivité à l’égard d’un internet qui était supposé devoir rester un espace de liberté absolue sans aucune régulation ». « Certains ont même spéculé sur la disparition pure et simple de notre institution ou, à défaut, sur son affaiblissement ».
On ne sait si l’intéressé vise la question de la contrefaçon de la police utilisée sur le premier logo Hadopi, le licenciement rocambolesque de l’ancien secrétaire général, ou la chronologie des plus beaux « fails », voire le vote d’un amendement programmant la fin de l’Hadopi d’ici 2022, finalement retoqué au Sénat sous la présidence de François Hollande.
Il n’en demeure pas moins qu’aux aigris de la Hadopi, Rapone adresse un message clair : « nos contempteurs, qui ont voulu instruire un procès en sorcellerie numérique (…), se sont mépris sur notre capacité à poursuivre résolument notre action, car elle n’est rien d’autre que la mise en œuvre d’une politique publique essentielle qui, à travers la lutte contre le piratage, vise à la préservation de la richesse de la création et de la diversité culturelle ».
Les yeux tournés vers l’avenir cette fois, il demande qu’Hadopi soit désormais rendue plus efficace encore, et ce en jouant sur plusieurs facteurs.
Hadopi veut plus d'efficacité
Il s’interroge en premier lieu « sur la meilleure façon d’agir en cas d’échec de la phase pédagogique d’avertissements ». Selon un dernier bilan, la Hadopi a pu s’enorgueillir d’une hausse des suites judiciaires. Mais ces procédures sont très en retrait des rêves initiaux des ayants droit, géniteurs de l’institution et qui souhaitaient en faire une machine à sanctions.
En creux, on retrouve sans nul doute la volonté d’instaurer un système de sanctions qui seraient infligées d’une manière ou d’une autre par la Rue de Texel, et non comme aujourd’hui par un juge.
Ce chantier attise de nombreuses convoitises. Aux dernières rencontres cinématographiques de Dijon, le milieu du cinéma avait ainsi plaidé pour une transaction forfaitaire, négociée par l’autorité, afin de rendre optionnel le recours au parquet. Dans l’étude commandée à deux conseillers d’État par la Hadopi, ceux-ci avaient justement conclu à la faisabilité de ce dispositif (l’étude). Nulle surprise de retrouver ce même projet sous la plume d’Aurore Bergé, dans son rapport sur l’audiovisuel, publié fin 2018.
Le président de la Hadopi a d’autres souhaits dans sa besace. Il veut que la Hadopi s’attaque également « à de nouveaux usages illégaux ». Devant les sénateurs de la commission de la Culture, il considère que les « moyens de lutte contre le piratage gagneraient aujourd’hui à être amplifiés par des mesures législatives nouvelles ». Hasard du calendrier, le gouvernement va présenter d’ici cet été, un projet de loi pour transposer en France la directive sur les services de médias audiovisuels. Nombreux espèrent que la fenêtre de tir profite à la lutte contre le piratage.
Cela fait d’ailleurs plusieurs mois, sinon des années, que l’autorité souhaite devenir une sorte de tiers de confiance pour caractériser l’illicéité d’un site Internet, histoire de mâcher le travail des ayants droit et du juge.
Commentaires (31)
#1
" /> mais c’est qu’ils y croient à leur truc pourri.. " />
on a pas mieux à faire des budgets publics, non ? " />
#2
….. a rédigé sa liste de Noël…….
je saurai, maintenant, A QUI l’envoyer ! " />
#3
«vise à la préservation de la richesse de la création et de la diversité culturelle ».
Pourtant PirateBay fait un meilleur travail dans la préservation de la culture que toutes les plateformes légales bourrées de DRM
#4
J’te jure… Comment on fait pour trouver un film de 2001 autrement qu’en le piratant ou en l’achetant en Bluray import ? Parce que naturellement, en France… on aura jamais le remaster. Comment font les passionnés de cinéma asiatique ? Parce que tout le monde s’en branle, en France. Comment on fait pour retrouver un film norvégien de 1968 ?
« Préservation de la diversité culturelle, » mon cul…
#5
Le p2p n’a baissé que de moitié en 10 ans ? Et ils en sont fiers, en plus…
#6
“grâce au levier de la riposte graduée, « les pratiques de piratage en pair à pair ont pratiquement diminué de moitié ».”
Hon hon " />
Grace au développement de la Fibre et a la bonification de l’adsl qui ont mené vers la généralisation du “piratage” via le streaming " />
#7
Il y a ça aussi : « sur la meilleure façon d’agir en cas d’échec de la phase pédagogique d’avertissements »
#8
#9
ils n’ont fait (réussi) QUE de déplacer le blème !
#10
Effet d’hadopi chez moi : Avant je piratais et j’achetais un peu … maintenant je n’achète plus rien et ne pirate plus rien ! " />
Ils peuvent faire quoi contre ca ? " />" />
#11
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Tu bluffes Martoni.
#14
Hadopi… On a beau toujours lui taper dessus, il se débat toujours l’animal.
#15
Quoi c’est pas encore mort cette merde, aucun vrai informaticien n’a encore osé leur dire que leur raisonnement technique était dépassé (y’a genre 15 ans que je p2p plus quand je télécharge des truc qui sont pas sur netflix)
Car oui que cela plaise ou non a ces crétin au pouvoir il est hors de question que je prenne un pass de ceci ou pass de cela, je prend netflix, et ce qui ont pas je télécharge (et si ca leur plait pas qu’il double mon salaire puis on en reparlera).
#16
“purée : 10 ans” !!! " />
#17
On arrête le Web. On fait disparaître le Web. Là, nous aurons efficacement lutté contre le piratage.
Non mais les membres de l’Hadopi… Combien d’année de retard ont-il ?
Bon, ok, le piratage, ou plutôt le téléchargement d’oeuvres protégées par le droit d’auteur, c’est interdit. Nous avons une loi qui s’appelle le Code de la propriété intellectuelle. Les Internautes français peuvent en penser ce qu’ils veulent mais elle existe.
Qu’une personne souhaite vivre du fruit de son travail, tout le monde peut le comprendre. Acheter un film, un jeu vidéo, de la musique, une peinture, une sculpture, ect…, c’est reconnaître le travail des personnes qui se sont investies pour réaliser ces créations. Oui, ça fait très moralisateur, sauf que c’est la réalité.
Sauf que les membres de l’Hadopi sont dépassés comme ceux de l’ALPA, la SNEP ou encore la Sacem. Ils n’ont qu’un mot à la bouche “répression”. Encore faudrait-il que tout ce beau monde se mettent à jour et comprennent que les Internautes français ont des attentes bien précises. Elle se concrétisent dans la SVOD, mais la chronologie des médias est défavorable pour ces plates-formes, dans les plates-formes d’écoute de musique en streaming et dans les plat-formes de ventes numériques de jeux vidéos.
Après, malgré notre loi sur la propriété intellectuelle, ils auront toujours un temps de retard sur la lutte contre le téléchargement illégal. Pour moi, je considère leur bataille aussi perdue d’avance que la lutte contre le terrorisme et la pédophilie sur Internet.
#18
Pourtant c’est pas compliqué, il faut une offre légale valable. Je vais pas prendre 15 abonnements SVOD pour réussir à avoir un catalogue complet au niveau film et série. Au moins pour la musique les mecs ont compris le truc, pas d’exclusivité, catalogue quasiment identique chez tout le monde et pas de chronologie. Bizarrement j’ai pas télécharger de musique depuis plusieurs années car j’ai tout légalement, ce qui n’est pas les cas pour les films et séries.
#19
On en reparle de la licence globale?
parce que quelques part, un pass truc ou un abonnement quelconque a un service n’est ni plus ni moins que cela: permettre un accès a un “lieu” ou il est possible de consommer l’ensemble des produits sans se limiter a la quantité. La différence entre les deux est la simplicité d’utilisation du bordel.
Perso, un site d’état ou une structure indépendante voir associative bref pas une boite dans le sens commercial du terme (hum coucou TPB) sur abonnement ou il est possible de trouver l’ENSEMBLE (donc sans exception aucune) des œuvres produite (sans se farcir de délais a la con entre la date de sortie et celle de consommation) dispo en streaming ou en DL me conviendrais bien.
Ensuite, un comptage du nombre de “vues” par œuvre permettrait une juste rétribution (si pas vue, pas payé)
Bon ca m’enpècherait pas les abus (connections multiple d’origines douteuses) ou partage de compte mais ca reste mieux que tout le reste.
Le problème est qu’actuellement ce système monolithique existe et pas forcément dans sa meilleure version en plus (coucou steam) et commence à se déliter avec ce que ca apporte: multiplication des store donc multiplication et abonnements nécessaire pour profiter de l’ensemble du catalogue, obligation de se plier a des CGU multiples, etc…
Cela devra également apporter des choses intéressante du genre: mise en place de la concurrence, tirage des prix ou des conditions en faveurs des studio voir mix entre les univers développés par store pour créer des oeuvres communes disponibles sur les deux plates forme mais cela restera un beau bordel pour avoir accès a l’ensemble des oeuvres.
De toute façon, l’un des meilleurs moyens de diffusion reste et restera le partage direct entre membre d’une société: le seul moyen de ne pas être victime d’une obscure censure de tel ou tel contenu. Avec, la aussi, ce que cela apporte de bon et de mauvais.
#20
Inutile d’ergoter sur son efficacité, la baisse du p2p pour le téléchargement illégal ne lui est certainement pas imputable, le directdowload mais surtout netflix pour les séries et dezzer-spotify etc… pour la musique, sont les principaux (seuls?) responsables.
Un grand merci à Hollande qui en son temps avait tout le loisir de dégommer ce truc qui n’a aucune espèce d’utilité et coute “un pognon de dingue”, mais qui, comme sur bien des sujets, s’est littéralement dégonflé.
Aujourd’hui ce truc plus inutile que jamais, n’a plus que la surenchère pour tenter de justifier son existence, chose qu’il ne manque pas de faire.
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#23
Hadopi veut plus d’efficacité
C’est combien de brouzoufs, plus d’efficacité ?
" />
#24
…gloser sur notre inutilité, voire sur notre nocivité à l’égard d’un internet qui était supposé devoir rester un espace de liberté absolue sans aucune régulation…
Quant vous vouliez couper Internet à plusieurs millions de Français, vous êtes bien passé pour des dinosaures de classe mondial " />
Puis devant votre incompétence à expliquer concrètement ce qu’est votre fumeuse “sécurisation de connexion internet” que vous exigez des gens, là vous êtes devenus des ânes de classe mondial " />
#25
on peut pas directement donner le budget de l Hadopi aux ayants droits et basta?
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Mieux : on ne donne rien ! Qu’ils organisent avec de l’argent privé la défense de leurs intérêts privés.
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J’en ai déjà parlé dans différentes news sur ce sujet.
c’est exactement ce que je proposais comme solution.
Une plateforme unique où l’on peut tout trouver sans avoir à prendre 10 abonnements. Cette plateforme étant gérée par l’état ou autre et avec une licence globale. Les producteurs de contenus pourraient passer par cette plateforme pour la diffusion et la rémunération se feraient aux nombres de vues. C’est surement compliqué d’un point de vue technique ou juridique mais c’était l’idée.
J’avais aussi couplé ça avec la lutte contre la contrefaçon. les ayants droits ne pourraient engager d’action que si le contenu est disponible sur cette plateforme globalisée. S’ils refusent de mettre le contenu à disposition, pas de recours possibles.
J’évoquais aussi la suppression des exclusivités ou à la rigueur une durée faible 1 à 3 mois) et l’obligation de ventes des droits à tout ceux qui le veulent.
C’est juste une idée qui mériterait selon moi à être développer et c’est selon moi quelque chose qui permettrait de simplifier l’accès à tous tout en rémunérant qui de droit.
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