Google s’échappe de la loi contre les fausses informations
Une loi pour rien ?
Le 16 avril 2019 à 09h07
5 min
Droit
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La loi contre les fausses informations sera sans effet chez Google. Le géant du numérique a décidé tout simplement de s’extirper du champ de ce texte, sans qu’on puisse le sanctionner.
Publiée au Journal officiel le 23 décembre 2018, la loi « relative à la manipulation de l’information » veut lutter contre les « fakenews » en une période charnière : les trois mois précédents un rendez-vous électoral d’importance. L’agenda des européennes permet ainsi d’activer l’une de ses principales dispositions.
Selon l’article 1er de la loi, les grandes plateformes, celles dépassant un seuil de connexion à définir, devront accompagner les publicités promouvant des contenus « se rattachant à un débat d'intérêt général », de tout un flot d’informations.
L’idée ? L’exemple de l’affaire Cambridge Analytica en tête, il s’agit d’éviter que des groupes de pression usent du levier publicitaire pour convertir l’opinion à une cause chère à un parti déterminé.
Des obligations conditionnées à certaines publicités
Les plateformes concernées sont ainsi contraintes, pour les seules publicités tombant dans ce champ,
« 1° De fournir à l'utilisateur une information loyale, claire et transparente sur l'identité de la personne physique ou sur la raison sociale, le siège social et l'objet social de la personne morale et de celle pour le compte de laquelle, le cas échéant, elle a déclaré agir, qui verse à la plateforme des rémunérations en contrepartie de la promotion de contenus d'information se rattachant à un débat d'intérêt général ;
« 2° De fournir à l'utilisateur une information loyale, claire et transparente sur l'utilisation de ses données personnelles dans le cadre de la promotion d'un contenu d'information se rattachant à un débat d'intérêt général ;
« 3° De rendre public le montant des rémunérations reçues en contrepartie de la promotion de tels contenus d'information lorsque leur montant est supérieur à un seuil déterminé.
« Ces informations sont agrégées au sein d'un registre mis à la disposition du public par voie électronique, dans un format ouvert, et régulièrement mis à jour au cours de la période mentionnée au premier alinéa du présent article ».
Le sujet avait déjà occasionné un bras de fer entre le gouvernement et Twitter, le réseau social ayant refusé un temps la campagne #OuiJeVote au motif de ne pouvoir respecter la nouvelle loi.
Après la tempête politique, le conflit s’est soldé par un compromis, l’entreprise ayant finalement décidé « après de nombreux échanges, (…) d'autoriser désormais les publicités encourageant la participation électorale ». Néanmoins, le service en ligne a tout autant décidé d’interdire par principe les publicités ciblées, même pour « les campagnes appelant à aller voter ».
Plus de publicités soumises à la loi anti-fakenews chez Google
Google a emboité le pas de manière plus frontale encore. Dans une mise à jour de ses conditions relatives aux annonces publicitaires (les « Googles Ads »), l’entreprise indique qu’à compter du 15 avril jusqu’au 26 mai, les annonces « incluant du contenu informatif concernant un débat d'intérêt général » sont tout simplement interdites.
Par cette clause, Google s’exclut d’un claquement de doigts du champ de la loi, plus exactement ses principales dispositions : puisque ces annonces sont interdites, il ne sera plus nécessaire d’afficher les informations que souhaitait imposer le législateur.
Google n’aura donc pas à se confronter à cette législation aux difficultés d’interprétation multiples.
Dans ces mêmes pages, le géant ajoute que cette interdiction « n'inclut pas les annonces d'informations neutres sur les élections, diffusées par les organes officiels de communication du gouvernement », et de citer en exemple « les annonces de participation citoyenne du Service d'information du Gouvernement et de la Direction générale de la communication du Parlement européen ». En clair, le gouvernement pourra toujours lancer une campagne appelant à aller voter, s’il le souhaite. Mais pas plus.
Une marge d'appréciation
Le gouvernement et la majorité LREM ayant décidé de confier un pouvoir d’appréciation aux plateformes, Google pourra toujours refuser une campagne d’appel au vote qui soulèverait aussi des questions « se rattachant à un débat d'intérêt général ».
Google sera également hors du champ d’un autre article de la loi contre la manipulation de l’information. Il s’agit de celui qui contraint les plateformes « qui recourent à des algorithmes de recommandation, classement ou référencement de contenus d'information se rattachant à un débat d'intérêt général » à publier un flot de statistiques (part d'accès direct, sans recours aux algorithmes, parts d'accès indirects imputables aux algorithmes).
Seulement, cette dernière disposition vaut pour toute l’année, non sur les seuls trois mois avant une élection. Si elle ne change pas ses conditions internes, l'entreprise devra donc fournir ces informations à compter du 26 mai.
Google s’échappe de la loi contre les fausses informations
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Des obligations conditionnées à certaines publicités
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Plus de publicités soumises à la loi anti-fakenews chez Google
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Une marge d'appréciation
Commentaires (21)
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Abonnez-vousLe 16/04/2019 à 09h46
Cool, ça incitera p’tet nos chers politiques à penser leurs projet un minimum la prochaine fois. Et puis si la pub politique devient persona non grata chez les annonceurs, ils pourront toujours se rabattre sur les sites de streaming / warez " />
Maintenant, est-ce que ce genre de décision peut laisser penser qu’ils feront la même avec Google Actualité pour l’article 11 ? Parce que, Google qui s’affranchit de la pub (d’une toute petite partie, certes), c’est quand même pas anodin ..
Le 16/04/2019 à 09h55
Après twitter, c’est un nouveau pied de nez fait par Google, il nous manque FB pour boucler la boucle.
Ca présage que du bon sur la Loi contre les contenus haineux, à suivre la logique actuelle, ces plateformes pourraient décider ne pas vouloir apprécier du caractère haineux (manifestement/ou pas) d’une publication et, pour échapper à la Loi, indiquer que les posts en relation avec « la race, la religion, le sexe, l’orientation sexuelle ou le handicap » sont exclus par leurs CGU.
Ca semble débile, mais c’est exactement ce qui est fait par google sur la Loi anti-fakenews (en le limitant ici à la pub).
Au passage, ça démontre si certains en doutaient encore que ces plateformes ne peuvent pas être considérées comme garant de la liberté d’expression et surtout comme pouvant apprécier des abus de cette liberté.
Le 16/04/2019 à 10h07
Ah bah, voilà ce que donne une loi pondue par des gens qui n’y connaissent rien. " />
Le 16/04/2019 à 10h12
Castanier va hurler a la mort, apres twitter c’est google qui lui dit poliment prout…
Le 16/04/2019 à 10h28
Des CGU d’une entité privée qui sont au-dessus de la loi : nous attendons les réactions effarouchées de carbier dans 3, 2, 1…
Le 16/04/2019 à 10h38
C’est un vrai délice, twitter avait commencé en refusant la campagne pour aller voter ce qui a mis une bonne petite gifle de forain aux abrutis qui pondent ce genre de connerie sans réflexion.
J’ai commander un camion de pop-corn, j’attends les dérives des anciens articles 11 & 13 avec impatience, ça promet d’être extrêmement divertissant.
J’espère que Google fermera Google News ou qu’ils lancent leur propre journal et ne qu’ils ne mettent que le leur sur Google News.
(d’ailleurs, y’a pas de smiley pop-corn qui traine ici ? " /> )
Le 16/04/2019 à 10h38
Pourquoi un pied de nez? Je vois ça plutôt comme une victoire du gouvernement Je pense que ce dernier aurait voulu interdire les publicités à contenu politique, et que la loi “anti fake news” n’était qu’un pis aller pour rester dans les clous du droit.
Là Google va au-delà de ce qu’on lui demande et décide de lui-même de bannir ces publicités. Mission accomplie.
Le 16/04/2019 à 10h44
Le problème avec la liberté d’expression si tu l’as veux vraiment, elle est soit total, soit inexistante.
Et vu les dérives de l’humain, je sais pas lequel des deux cas est le pire.
Mais oui, si tu veux un “semblant” de liberté d’expression, tu l’aurais de moins en moins à travers les plateformes classiques. Ce sera de plus en plus à travers des plateformes décentralisées.
Le problème c’est que dans ce genre de plateforme, tu as le meilleurs, mais surtout le pire et ça devient vite toxique.
Perso, j’ai quitté depuis longtemps les plateformes “sociales” classique, le seul qui me reste c’est mastodon.
Le 16/04/2019 à 10h54
Le 16/04/2019 à 11h22
Personnellement je pense que le débat sur les fake news ne sert pas à grand chose sachant qu’il y à déjà bien assez de vrai news qui ne sont quasiment jamais traités dans la plupart des medias… Du coup ont est obligés de taper dans “l’alternatif” qui bien souvent peut paraitre au yeux des non avertis comme un site propagandiste et par conséquent plein de “fake news”.
Et je ne parle pas des sujet “buzz” très dangereux et qui au final passé quelques jours ne sont plus traités et que par la suite il n y à aucun suivis, ce qui peut conduire à de “fake news” ou de “fake thoughts”.
Le 16/04/2019 à 11h30
Le traitement de l’information est toujours aussi drole.
1- Google ne s’échappe de rien
2- La loi n’est pas inutile vu que le but ultime a été atteint: Google interdit toutes les campagnes de pubs politiques ciblées pendant les campagnes électorales.
Si tous les réseaux sociaux pouvaient faire de même.
Le 16/04/2019 à 12h27
Je suis tout a fait d’accord avec toi, et je suis extrêmement content que la France (que ce soit voulu ou non au final) avec cette loi ne se rapproche pas de la méthode “Américaine” de campagne à outrance sur tout les médias.
Le 16/04/2019 à 12h44
Le 16/04/2019 à 13h30
Haha, Macron va se faire tirer les oreilles par ses sponsors publicitaires, qui adorent l’argent public (Bygmalion…) " />
Le 16/04/2019 à 14h07
Dans le fond, avec tout ce combo de lois liberticides, on a l’équivalent moderne de l’affichage électoral dans le monde numérique qui est simplement occupé à disparaître.
Autant la lutte contre les fake news est une chose importante, autant faire des lois déraisonnables, mal écrites et qui finalement pénalisent l’expression politique, est plutôt une dérive inquiétante, surtout dans des pays gangrenés par des taux d’abstention déjà élevés.
On attend avec attention la manière dont les GAFAS vont “échapper” à la directive droit d’auteur et au règlement antiterroristes dans les prochains mois…
Le 16/04/2019 à 16h08
Le 16/04/2019 à 16h26
Là c’est plutôt google qui se soumet à la loi en interdisant purement et simplement la publicité politique pendant la période électorale.
Mais in fine, le problème reste entier.
Le 16/04/2019 à 19h16
Toutes les “communications” gouvernementales ou politiques ne sont que pure daube. Bravo à Google de boycotter ce caca.
Le 17/04/2019 à 01h58
Je suis d’accord que la loi sur les fausses information est débile et dangereuse
Mais penser que la liberté d’espression est totale ou inexistante est extrème
Il y a clairement des problèmes avec la publication de contenu sur internet à l’heure actuelle
Je ne vois pas en quoi cela serait un atteinte fondamentale de la liberté d’expression…
Le 17/04/2019 à 05h19
Petite question : qu’en sera-t-il des militants et propagandistes de toute part qui sévissent sur les médias sociaux (et ici même) et désinforment les gens ?
Il ne s’agit que rarement de communication officielles des partis (ou des pratiques officieuses telles que l’achat de bots et compagnie), mais pourtant ça vomi de la connerie à tout va juste pour promouvoir ou dénigrer et désinformer.
Le 17/04/2019 à 07h20
Quand on n’est plus concerné, on n’est plus soumis (d’où le verbe « échappe » en titre).