Quoique bancale, la Commission Copie privée peut continuer ses travaux
Merci le Conseil d’État
Le 02 juillet 2020 à 12h18
6 min
Droit
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Les ayants droit ont pu pousser un « ouf » de soulagement. La Commission Copie privée pourra poursuivre ses travaux, malgré l’absence des consommateurs, dixit le Conseil d’État. Mieux, ils profitent d’une majorité absolue pour avancer rapidement sur un nouveau chantier : l’assujettissement des disques durs nus.
Depuis sa naissance, la Commission Copie privée peut s’enorgueillir d’un magnifique paritarisme. À droite, un collège de redevables de 12 personnes. À gauche, un collège de bénéficiaires de 12 autres personnes. Quoi de plus équilibré pour une telle instance chargée de définir l’assiette et le taux de la redevance Copie privée ?
Sauf que le Code de la propriété intellectuelle, suivant la bonne vieille règle du diviser pour mieux régner, a sectionné le premier collège en deux. Les 12 ayants droit font ainsi face à 6 représentants des consommateurs et 6 représentants des fabricants et importateurs. La parité existe bien, mais elle n’est donc que de façade.
Même le plus mauvais des stratèges comprendra qu’une association de consommateurs n’est pas sur la même longueur d’onde qu’un fabricant de disques durs externes Une structure sociale différente, des objectifs différents, une représentativité différente. Le moqueur dirait qu’il y a autant de points de comparaison entre d’une part la Confédération nationale des associations familiales catholiques et d’autre part la Fédération Française des Télécoms, deux des membres, qu’entre un fabricant de chaussettes et un producteur d’huile d’olive.
Dans le camp des bénéficiaires, les ayants droit, eux, parlent d’une même voix. Leur but ? La maximisation des rendements, puisqu’ils votent les sommes qu’ils vont percevoir lors de la mise sur le marché des supports d’enregistrement. Et ces montants dépassent quelque peu les cliquetis de l’argent de poche : 279 millions d’euros collectés en 2018.
Des représentants des consommateurs absents depuis plusieurs mois
Si l’on revient ainsi sur la composition de la commission, c’est qu’un contentieux a été porté jusqu’au Conseil d’État par plusieurs représentants des industriels. Et pour cause, voilà plusieurs mois que des ceux associations de consommateurs n’ont plus siégé autour de la table.
En octobre 2019, Next INpact avait fait un tour d’horizon. Ils déploraient une présence-prétexte, un jeu de dupe ou encore l’inutilité de leurs actions. À quoi bon continuer à faire mine de plancher sur la copie privée lorsque les 12 voix des ayants droit, aidées régulièrement par celle du président Jean Musitelli, raflent tous les votes des décisions stratégiques ?
Doigt sur le Code de la propriété intellectuelle, l’Alliance française des industries du numérique (AFNUM) et le Syndicat des entreprises de commerce international de matériel, audio, vidéo et informatique grand public (SECIMAVI) ont donc décidé de battre le fer devant la haute juridiction administrative.
Et pour cause, selon l’article R. 311 - 6 du code, doit être « déclaré démissionnaire d’office par le président tout membre qui n’a pas participé sans motif valable à trois séances consécutives de la commission ». En clair, un membre qui se fait porter pâle plus de trois fois est d’office démissionnaire. Et une application littérale de cette disposition devrait entrainer une grande purge, sachant que des organisations de consommateurs n’ont jamais siégé, ou presque !
Ne pas confondre membres représentants et organisations représentées
Sis à quelques mètres de la Rue de Valois, le Conseil d’État a eu toutefois une autre grille de lecture, partageant d’ailleurs celle de Jean Musitelli, lui-même conseiller d’État : certes, l’arrêté de nomination du 30 novembre 2018 signé des ministres de la Culture et de l’Économie est venu désigner « membres de la commission », les 24 organisations représentées. Toutefois, cette expression a été jugée « erronée » dans l’ordonnance du 19 juin 2020révélée par Doctrine.fr .
Préférant s’appuyer sur des textes de rang supérieur, le Conseil d’État y a rappelé que la teneur de l’article L. 311 - 5 du Code de la propriété intellectuelle : la redevance est déterminée par une commission présidée par un représentant de l’État et composée, en outre, « pour moitié, de personnes désignées par les organisations représentant les bénéficiaires du droit à rémunération, pour un quart, de personnes désignées par les organisations représentant les fabricants ou importateurs des supports (…) et, pour un quart, de personnes désignées par les organisations représentant les consommateurs ».
Et selon l’article R. 311 - 2 du même code, fruit d’un décret, « les organisations appelées à désigner les membres de la commission ainsi que le nombre de personnes que chacune est appelée à désigner sont déterminées par arrêté conjoint des ministres chargés de la culture, de l’industrie et de la consommation ».
De l'or en branche
Dit autrement, pour le Conseil d’État qui valide ici la grille de lecture de Jean Musitelli, si des membres de la Commission Copie privée ne siègent plus, la démission automatique s’appliquant au bout de trois absences ne vaut qu’à l’encontre des personnes représentants les organisations, pas aux organisations elles-mêmes. Celles-ci sont donc en principe indéboulonnables, sauf démission volontaire de leur part.
Pour les ayants droit, c’est du pain béni, et même de l’or en branche, d’autant qu’une importante réforme est actuellement en cours : l’extension de la redevance aux disques durs nus et autres ordinateurs portables ou fixes. Soit l’assurance d’une rallonge de millions d’euros de « rémunération » dans leurs poches, qu’ils pourront faire adopter au sein d’une commission pseudo-paritaire, non seulement boiteuse, mais cul-de-jatte.
Quoique bancale, la Commission Copie privée peut continuer ses travaux
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Des représentants des consommateurs absents depuis plusieurs mois
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Ne pas confondre membres représentants et organisations représentées
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De l'or en branche
Commentaires (39)
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Abonnez-vousLe 02/07/2020 à 13h54
Cela pose aussi la question du rôle du Conseil d’Etat qui est à la fois le conseiller du gouvernement et la plus haute juridiction du contentieux administratif. Même si il existe des règles pour éviter les conflits d’intérêts notamment qu’un conseiller ayant participé à un avis sur un texte ne peut être dans une formation qui contrôlerai un recours contre ledit texte il y a toujours un risque de collusion et de copinage.
D’ailleurs c’est aussi tout le problème des nominations dans des instances plus ou moins indépendantes de magistrats tant de l’ordre judiciaire (juge de la c our de cassation) que de l’ordre administratif (conseiller du conseil d’état). Je pense que rester strictement impartial dans une instance ne doit pas être évident surtout quand des intérêts opposés s’y affrontent. Et on le voit bien au sein de la commission copie privée ou dans l’absolu si on avait 12 voix contre 12 voix ce serait au président de cette commission de faire la différence et jusqu’ici on voit dans quel camp sa voix porte. Après tout si on est logique cette commission est faite pour établir une redevance de la copie privée et seuls les bénéficiaires savent bien leur manque à gagner donc il faut soutenir ces pauvres malheureux !!!
Le 02/07/2020 à 14h07
Le 02/07/2020 à 14h16
J’ai bien fait d’acheter mes 4 disques pour mon nas il y a quelques mois alors " />
Le 02/07/2020 à 14h32
Facile ils ont plus qu’à démissionner pour montrer l’incurie du dispositif
Le 02/07/2020 à 14h51
C’est clair qu’il vaut mieux qu’ils démissionnent tous pour montrer qu’en fait cette commission copie-privée est une commission de racket institutionnalisé au profit d’entreprises pas forcément très propres du point de vue fiscal…
Le 02/07/2020 à 15h06
Sinon, on peut gripper la machine a cash : Voter un barème tellement exorbitant que plus personne n’achète de disque dur ou ordinateurs fixe/portable. Du genre une redevance qui double le prix du matériel acheté.
C’est ubuesque mais ca mettrait au grand jour ce système d’extorsion, car si l’on veut une société numérique, il faut pas qu’elle paie sa matière première un prix démesuré et ca réagirait un peu plus.
D’où l’intérêt que les asso des importateurs et consommateurs se mettent d’accord pour porter une mise ne place d’une redevance très élevée.
Si l’on meure, que l’on meure tous ensemble, les ayants droits y compris
Le 02/07/2020 à 15h08
[HS]
Bah oui, avec en plus le “?700M” et le nom d’un film qui par chance se trouve dans cette page.. Et par “chance”, je suis tombé sur une première page avec plus de 15 000 références. Puis je suis remonté à la racine et je suis tombé sur le c*l.
C’est tout bête, on est d’accord, mais dans la pratique, très peu de monde sait se servir des capacités proposées par un bon moteur de recherche (je suis bien obligé de qualifier celui de Google de “bon”…)
On a tous, sur ce site, plus ou moins le nez dans le guidon des nouvelles technologies, du coup notre perception est biaisée.
Moi-même j’ai découvert certaines de ces possibilités très récemment.
[/HS]
Le 02/07/2020 à 15h15
Ce qui me parait bizarre c’est que si cette lecture est retenue (et je suis sûr qu’(il y a eu des personnes pour se poser la question du bien fondé de la chose) alors pourquoi ils n’ont pas agit plus tôt ? A moins qu’une fois démissionnaires ils ne puissent plus jamais revenir à la table des négo si le vent tournait ?
Le 02/07/2020 à 15h25
Le 02/07/2020 à 15h54
Le 02/07/2020 à 15h55
Ca ne fera qu’enrichir les petits commerces de l’espace Schengen hors France et d’une grosse multinational pratiquant de l’optimisation fiscale.
Le 02/07/2020 à 16h17
Il me semble bien que oui, mais je ne suis pas tout à fait certain. La notion de copie privée s’attache à l’usage (la copie à des fin d’utilisation privée), mais pas trop aux moyens techniques.
Exception, le fait de contourner une mesure technique de protection pour la copie: la copie privée porte sur les copies légales, mais contourner une mesure de protection est illégal, donc hors-champ de la copie privée.
Du coup paradoxalement, la musique de Deezer rentre dans le champ de la CP quand elle est chiffrée, mais si tu trouvait un moyen de casser ce chiffrement, ça ne devrait plus être considéré comme étant de la CP.
De même, un RIP de CD audio classique c’est de la CP alors qu’un RIP de Bluray nécessite de contourner une mesure de sécurité, et est donc illégal et hors CP.
Bon en pratique, les enquêtes d’usages sont suffisamment floues pour ne pas trop faire la différence, et les tarifs qui en découlent sont très arbitraires, donc ça n’a pas trop d’importance.
Le 02/07/2020 à 17h02
Le 02/07/2020 à 19h22
Le 03/07/2020 à 05h02
Le 03/07/2020 à 05h09
Le 02/07/2020 à 12h31
Vu qu’ils sont devenus de simples spectateurs, pourquoi les industriels siègent t’ils encore à la commission ?
Le 02/07/2020 à 12h36
Au fait les représentants (ayants-droits, industriels, consommateurs) sont-ils rénumérés si ils ne siègent pas??
Une des raisons expliquant alors que les associations de consommateurs ne démissionnent pas mais préfèrent se porter pâle seraient de toucher des sous.
Le 02/07/2020 à 12h46
il n’y a pas de rémunération, de mémoire.
https://www.performance-publique.budget.gouv.fr/sites/performance_publique/files/files/documents/jaunes-2019/Jaune2019_commissions.pdf
Le 02/07/2020 à 12h47
Si le partage devient légal, vous pensez qu’il faudra combien de temps pour qu’il soit réintégré dans les barèmes ?
Et avec quelle prise en compte dans les sondages au doigt mouillé ?
" />
Le 02/07/2020 à 13h04
Cette décision du coseil d’état, même si elle était prévisible est absolument inadmissible.
Les associations ET les industries devraient de fait démissionner volontairement. Puisque de toutes façons ça fait des années qu’ils ne peuvent rien faire contre la mafia de copie france.
Le 02/07/2020 à 13h04
Pour le coup, le concept de la RCP aurait du sens puisque n’achetant plus, elle deviendrait équivalente à une licence globale (tel que je le comprend).
Le 02/07/2020 à 13h07
“Si le partage devient légal”, alors je partagerai la requête “google hack” que j’ai trouvé totalement par hasard et qui m’a mené droit vers un site (indexé par erreur car mal configuré par son propriétaire) qui recense quelque chose comme 50 000 films en DDL sans tracking…
Le 02/07/2020 à 13h17
Mieux, ils profitent d’une majorité absolue pour avancer rapidement sur un nouveau chantier : l’assujettissement des disques durs nus…
comme quoi “la politique de la chaise-vide” peut être à double-tranchant !!! " />
Le 02/07/2020 à 13h45
Tu parles d’ajouter intitle: “index of” dans la recherche ?
Le 02/07/2020 à 13h46
Merci de ton retour
Le 03/07/2020 à 05h17
Le 03/07/2020 à 06h49
“qu’un conseiller ayant participé à un avis sur un texte ne peut être dans une formation qui contrôlerai un recours contre ledit texte il y a toujours un risque de collusion et de copinage. ”
Qu’il y ait des mesures ou pas, c’est la définition même du conflit d’intérêt…
Le 03/07/2020 à 06h55
Légalement il n’y a pas de différence puisque c’est le support qui est taxé, seul le pseudo taux de taxation est indexé sur la destination du stockage…
Le 03/07/2020 à 07h11
Ça dépend si on regarde la taxe telle qu’appliquée (auquel cas tu as raison) ou la façon dont son montant devrait être défini (auquel cas les deux ne devraient pas être considérés de la même façon)
En théorie, si on se mettait tous à pirater 100% de nos fichiers, l’enquête d’usage suivante devrait conclure à une RCP nulle. En théorie " />
Le 03/07/2020 à 08h24
Quand j’ai lu le titre de l’article dans mon aggrégateur de flux, je me suis dit : “sans déc”.
Le 03/07/2020 à 08h34
Le 03/07/2020 à 10h07
Taxer de Copie Privée les disques nu, c’est comme accuser quelqu’un de viol sans qu’il soit commis.
Ils ont le matériel pour, alors ils sont coupable.
(Moi, avoir un avis tranché sur ça … mheuuu non 😇 - C’est pas comme si nous vivions dans un monde où il est moins grave de tuer quelqu’un que de télécharger un film 🤔🤔)
Le 03/07/2020 à 11h28
Magasin avec des stocks infinis et coûts de production nuls ?
Le 03/07/2020 à 11h32
C’était pour illustrer.
Après faut pas oublier que les couts de productions ne sont pas nuls non plus: outre la production de l’œuvre, il fat compter les couts de stockage et de reproduction (électricité, usure du matériel stockant + cout de connexion)
Le 03/07/2020 à 18h34
Jean Musitelli, lui-même conseiller d’État " />
Confédération nationale des associations familiales catholiques
Qu’est-ce qu’ils foutent là, eux ? On est plus dans un état laïc ?
Le 03/07/2020 à 23h58
TAXEURS 12 VOIES :
Seule Copie France est chargée de percevoir et de répartir le montant de la rémunération pour copie privée.
==> LOL
PAYEURS 12 VOIES :
===> C’est quoi ces assos de farfelus ??? Des assos et des syndicats de vendus qui touchent de l’argent public et choisis par Copie France elle même.
Forcément quand Copie France parle d’une seule voie, trop facile d’utiliser la moindre partie adverse pour diviser et mieux reigner.
Le 04/07/2020 à 09h11
Une seule voix, la voie de la taxe donc.
Pour bien faire, la Commission Copie privée devrait se voter une rémunération, parce que ça bosse dure. Puis pour cette même rémunération, travailler moins. Histoire de réduire le bilan écologique de la commission. Enfin, se mettre d’accord (ce qui ne devrait plus être trop difficile) pour enfin taxer tout ce qui ne l’était pas encore. Ils sont très ouverts aux suggestions, alors je suggère d’inclure la RAM dans l’assiette d’assujetissement.
Le 04/07/2020 à 18h14
Ces histoires d’ayant droits français commence à me désespérer.
Dites moi ils sont comment chez nos voisins ? Aussi profiteur ?