Des députés veulent taxer les « bénéfices exceptionnels » des GAFAM durant la crise sanitaire
David contre Goliath, le retour
Le 25 novembre 2020 à 14h42
6 min
Droit
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Un groupe de députés de la Commission des finances, porté par Guillaume Peltier (LR), a proposé ce mercredi 18 novembre de créer un « prélèvement sur les bénéfices supplémentaires des GAFAM pour soutenir nos commerces de proximité et nos librairies ».
La plateforme américaine d’e-commerce Amazon est sous le feu des critiques depuis le début de ce deuxième confinement. Suite au boycott de celle-ci, lancé par le député Mathieu Orphelin (ex-LREM), c’était en début de semaine au tour du député de la majorité et ex-secrétaire d’État au numérique Mounir Mahjoubi d'affirmer qu’« un euro dépensé sur Amazon c’est deux fois moins d’emplois qu’un euro dépensé sur le site d’une PME ou d’un commerce de proximité », citant comme source une note d’analyse qu’il a lui-même réalisée.
La proposition de loi portée par Guillaume Peltier va en ce sens, et part du principe que « si aucune leçon n’a été tirée au sommet de l’État depuis la "première vague", nos commerces de proximité, nos libraires, nos coiffeurs, nos restaurateurs […] sont menacés d’une disparition pure et simple, et sans espoir de retour ». Face à la croissance fulgurante de géants du numérique comme Amazon – qui déclare avoir triplé ses bénéfices nets au troisième trimestre (6,2 milliards de dollars) – le député du Loir-et-Cher propose de créer une taxe exceptionnelle sur les GAFAM.
Un énième coup d’épée dans l’eau ?
Ce n’est pas la première fois que le Parlement planche sur une taxe spécifique aux grands acteurs du numérique. Le projet de loi relatif à la « taxe sur les services numériques » porté par Bruno Le Maire avait été adopté le 11 juillet 2019.
Il prévoit une taxe de 3 % et a rapporté 350 millions d’euros en 2019. Elle sera également prélevée en 2021. Celui devenu ministre de l'Économie souhaitait dans le même temps l’exporter au niveau européen voire au-delà, mais il a récemment été bloqué par l’OCDE dans un contexte de tensions transatlantiques.
La proposition portée par le député LR Guillaume Peltier est sensiblement plus ambitieuse. Elle vise en effet à imposer « un nouveau prélèvement de 50 % sur les bénéfices exceptionnels des GAFAM depuis le premier confinement de cette année, c’est‑à‑dire directement dus à la crise sanitaire du Covid‑19 ».
L’objectif est de transférer intégralement les montants prélevés vers un fonds dédié à des « dispositifs d’aides financières au profit des personnes physiques et morales de droit privé exerçant une activité commerciale ou artisanale » (article 1).
Thierry Ben Samoun, avocat fiscaliste à Marseille, reste sceptique. Contacté, par Next INpact, il explique : « Toute proposition de loi qui cherche à imposer les bénéfices des GAFAM n’a pas de sens ». En effet, il est, selon lui, impossible de quantifier les bénéfices des géants du numérique en France.
« Nous avons accès à un bilan de ceux-ci pour leur activité mondiale, leur siège étant aux États-Unis, mais pas pour leur activité en France », précise-t-il. « Il est strictement impossible d’imposer les GAFAM sur leurs bénéfices car ils n’ont pas d’établissement stable en France. Nous n’avons aucun élément déclaratif sur leurs bénéfices en France », poursuit l’avocat marseillais.
Le spectre de la double imposition
Sur ce point, le bureau du député Peltier, contacté là encore par Next Inpact, précise : « La société Amazon (principalement visée dans le dispositif juridique) a des activités majoritairement hors numériques, alors même que l’optimisation fiscale des GAFAM concerne l’ensemble des activités, numériques ou hors numériques ». Par ailleurs, continue-t-il, « le bénéfice visé dans cette proposition de loi est celui qui est issu des produits commandés par voie électronique, en France […]».
L'autre difficulté de la proposition de loi en question tient dans le ciblage des entreprises visées : la taxe portée par Bruno Le Maire touche ainsi une multinationale française comme Criteo. Le texte de Guillaume Peltier établit une taxe exceptionnelle annuelle pour 2020 et 2021 sur toutes les « ventes de bien commandés par voie électronique » réalisées par les « opérateurs qui ont un chiffre d’affaires annuel supérieur à 750 millions d’euros à l’échelle mondiale et de 25 millions d’euros à l’échelle du territoire français lors du dernier exercice clos ».
Plusieurs entreprises françaises risqueraient ainsi d'être taxées à deux reprises car il est impossible de cibler une société en particulier dans une loi, outre que le texte ne prévoit pas de système d'imputation.
Le droit fiscal, nerf de la guerre
Il y a fort à parier que les entreprises visées par ce dispositif échappent à cette taxe une fois de plus. En 2019, la cour administrative d’appel de Paris a confirmé l’annulation du redressement fiscal de Google, d’un montant de 1,5 milliard d’euros, le siège européen de la firme de Mountain View étant basé en Irlande et les critères de rattachement en vigueur en France n'étant pas suffisants.
« Plus largement, la taxation équitable des GAFAM est un combat à porter à l’échelle européenne et mondiale. […] Par ailleurs, le dépôt de propositions de loi à l’Assemblée nationale est aussi un moyen d’ouvrir un débat public sur un sujet majeur », nuance le bureau du député Guillaume Peltier. « [Nous] sommes favorables à une modernisation fiscale, pour l’adapter aux nouveaux enjeux du 21e siècle, la localisation objective de la création de valeur étant de plus en plus difficile avec les services numériques », précise-t-il.
Le bureau de citer une tribune du sénateur Alain Houpert et du docteur en droit Loup Bommier, approuvée par Guillaume Peltier : « Il aurait ainsi pu être envisagé de déployer le mécanisme d'une imposition unitaire du résultat en le réservant aux seules plateformes numériques, dans un premier temps. Ce modèle d'imposition prévoit d'imposer le bénéfice global de l'entreprise multinationale, non pas sur une base territoriale virtuelle, mais sur la base d'une clé de répartition représentative de son activité au niveau d'une juridiction fiscale ».
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Le spectre de la double imposition
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Le droit fiscal, nerf de la guerre
Commentaires (28)
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Abonnez-vousLe 25/11/2020 à 14h59
Encore une connerie populiste.
Qu’est-ce qu’il s’imagine, que le GAFAM ne vont pas répercuter le prix sur les clients français ?
Tout ça pour les donner à du restaurateurs qui fraudent le fisc à longueur de journée ? Qui vendent des plats réchauffés de Metro 7 ou 8 fois plus chers ?
Les commerçants reçoivent déja jusqu’à 10.000€ d’aide, leurs salariés sont au chomage partiel 100% payé par l’Etat.
Le 25/11/2020 à 15h44
Dans la proposition de loi : « Google, Apple, Facebook et Amazon (GAFAM) »
Même pas capables de remarquer que le M est pour Microsoft.
Apple n’a pas eu une année si monstrueuse que ça, Facebook et Google ont été touchés par la baisse des revenus publicitaires… Total en fait c’est juste Amazon qui est visée ? En quoi les quatre autres nuisent au commerce de proximité ? D’ailleurs le texte cible l’activité essentielle d’Amazon seule.
Les GAFAM, cet élément de langage qui ne veut rien dire
Le 25/11/2020 à 19h37
Tu as oublié de conclure par le fait qu’Amazon détient que 20% des parts de marché de la vente en ligne.
Faut-il alors taxer Darty, la Fnac, etc …
Le 26/11/2020 à 09h44
Si l’idée est de taxer exceptionnellement les ventes en ligne réalisées pendant le confinement, c’est un autre débat.
Mais alors il n’est plus question uniquement de GAFAM, et concerne aussi le libraire ou le chocolatier qui ont livré pendant le confinement.
S’il faut chercher des ressources exceptionnelles, je pointerais plus sur l’épargne forcée des gens qui ont moins dépensé (forcément…) pendant le confinement. Mais c’est socialement difficile à tenir…
Le 25/11/2020 à 15h44
oui, le commerce en ligne genere moins d’emploi non qualifie difficile.
Mais c’est l’avenir. J’etais sceptique avant mais depuis presque 2 ans je commande environ 95% de mes achats en ligne. Et je suis tres satisfait. On y passera tous, le confinement a accelerer la transition de plusieurs annees, il faut que la societe s’adapte.
Le 25/11/2020 à 15h46
Un problème ? inventons une
solutiontaxe !Le 25/11/2020 à 15h48
Mais non, il propose de le donner à l’ensemble des boutiques qui ont été obligées de passer par Amazon (ou autres marketplaces) pour pouvoir continuer à avoir un petit peu d’activité pendant le confinement parce-que par ailleurs le gouvernement leur a strictement interdit d’ouvrir.
C’est un grand classique : on commence par te péter les jambes, puis par t’aider à traverser la route, et on attend un grand merci.
Quant au commentaire sur les restaurateurs, je suis sans doute naïf mais je pense qu’il en concerne une minorité… En général, la profession (comme tous ceux qui vivent du tourisme au passage) a été largement sinistrée cette année, on aura de la chance s’il n’y a pas une belle cascade de faillites début 2021 (avec le chômage associé).
edit
Le 25/11/2020 à 17h07
Le cannabiste à évalué la légalisation du cannabis ( lien ) à 29 milliard d’euros en économie et environ 750 millions de g ains chaque année en taxe. Avec à la clef la création d’environ 340.000 emplois.
Si à ça tu ajoute que ça permettra de réguler naturellement une partie de l’insécurité tu te pose vraiment la question, pourquoi ne le font t’il pas ?
Même en économisant 1 milliard au lieu de 29 et en ayant 500 millions de taxe dans la poche chaque année avec 100.00 emploi ça serait un putain de boost dans l’économie.
Mais à la place, prohibition et nouvelles taxes…
Le 25/11/2020 à 17h36
Déjà, il faudrait m’expliquer le lien entre les restaurateurs, les coiffeurs et co avec Amazon …
Pour les concurrents français, il faudrait qu’ils se bougent le cul aussi.
Du coté de chez Amazon : pas de frais de ports à partir de 25€, retour avec étiquette pré-payé (et généralement gratuit), des tarifs attractifs.
Chez LDLC (et ça doit être similaire avec les autres) : 7€ de frais de ports mini, retour à ta charge, des tarifs plus haut que chez la concurrence.
Alors, pourquoi continuer à engraisser les acteurs français ?
Précédemment, mes achats étaient essentiellement chez LDLC. J’ai basculé chez Materiel.Net puis Hardware.fr il y a 1-2 ans pour certaines pièces.
Maintenant, c’est chez Amazon parce que j’ai pas à m’emmerder en cas de problème.
Après, je me doute bien qu’on peut pas comparer deux acteurs de ce genre, surtout quand l’américain est bien implanté mais bon, il y a toujours des compromis hein :
Le 26/11/2020 à 10h43
Oh j’sais pas peut-être que dans le tas y’en a qui payent leurs impôts en France et pas un autre…Ça se répercute peut-être sur les prix et offres, sur la capacité a avoir pris une position dominante…
Ce que j’aime bien c’est le “engraisser” les acteurs français…par contre on “engraisse” pas l’acteur américain ? ;)
Le 26/11/2020 à 14h23
Sur un plan économique, c’est sympa de comparer les acteurs sur le plan de la performance auprès des consommateurs. Mais peut-être y a-t-il autre chose à prendre en compte tu ne crois pas?
A commencer que depuis des années, paradoxalement, les acteurs français type Darty sont fortement pénalisés par rapport à un acteur américain de type Amazon, qui a pas du tout les mêmes charges. Il est bon aussi de suivre un peu l’actualité et d’avoir certains autres facteurs en tête, comme le type de jobs et les rémunérations allant avec, avec l’esprit américain qui va avec. Chez eux avant la crise sanitaire, c’était plein emploi. Ils ont bcp moins ce modèle de CDI et compagnie.
Note que je compare pas les deux systèmes. En revanche quand un acteur comme uber ou amazon vient en france en jouant ces cartes là, ben le tissu économique national morfle. C’est très simplifié (et même simpliste) ce que je dis. Là où je veux en venir, c’est que ta comparaison de prix, c’est la partie émergée de l’iceberg dès lors que tu veux parler d’économie.
Le 25/11/2020 à 18h06
+Touça
C’est vraiment lourd de voir cet acronyme utilisé à tout va pour désigner seulement Amazon. Les gens ne savent pas du tout l’utiliser, c’est juste devnu un épouvantail indéfini à agiter pour faire peur.
Les GAFAM … Bouuuuuuuuuuuuuuuuuhhh (et là vous avez peur ? et là ? et là ? et là ?)
C’est lamentable.
Le 25/11/2020 à 18h14
La France est en état d’urgence sanitaire et bientôt économique.
Pour moi, toutes les solutions qui ne mettent pas en péril la survie des grandes plate-formes de vente en ligne sont acceptables.
Le 25/11/2020 à 18h16
Autre remarque :
On n’hésite pas à réduire les libertés fondamentales des citoyens au nom du bien collectif. Un juste retour des chose serait de faire la même chose pour les personnes morales.
Le 25/11/2020 à 19h26
Tu vis dans quel pays? En France, les personnes morales sont beaucoup plus importantes que les personnes physiques.
Exemple au hasard : macron qui suspend les loyers pendant le premier confinement, mais uniquement pour les entreprises, pas pour les paysans…..
Le 25/11/2020 à 22h19
Pondre sur une taxe sur des bénéfices non-déclarés, c’est n’importe quoi et ils le savent … Ils pourraient bien monter la taxe à 100% que ça ne changerait rien. C’est juste une diversion des autres sujets actuels, couplée à tentative de récupérer des points d’opinion à peu de frais.
Le 26/11/2020 à 09h46
Si c’est députés voulaient taxer les bénéfices HABITUELLES des GAFAM, ils sortiraient de l’UE des paradis fiscaux pour les rentiers, et du chômage et des taxes pour les travailleurs, comme décidé démocratiquement par les Français lors du referendum de 2005. Ces députés sont complices des voleurs d’impôts
Le 26/11/2020 à 11h25
Si, et c’est même pire je dirais.
Mais quand on veut être le concurrent d’Amazon, on y met les moyens.
Par exemple avec Darty :
Chez LDLC :
Chez Amazon :
Et d’après la grille tarifaire, ça dépasse pas les 10€ (sauf livraison dans une pièce précise)
Amazon
Le 26/11/2020 à 16h36
Qu’attends Darty ou La Fnac ou autre pour créer une marketplace & une logisitique au même niveau que celle d’Amazon ?
Un des avantages d’amazon c’est leur GUI et leur achalandise.
Aller sur CDiscount ou manomano c’est un vrai calvaire, en terme d’interface et la plupart du temps ya pas ce que je cherche.
Quant au prix, c’est vrai c’est c’est plus cher chez les autres , notamment sur les frais de port. Ya ptet un truc à faire entre les enseignes & les transporteurs sur le sujet (ptet une loi ? )
Le 26/11/2020 à 16h43
Pas de chance : la seule chose qui marche pour lutter contre des monopoles étrangers, c’est le protectionnisme - vous savez : le truc que l’UE nous interdit bec et ongles, au nom d’un néo-libéralisme ubuesque, qui continue de détruite notre industrie, nos emplois, nos services publics, et maintenant notre santé !
Bref, ça ne peut que capoter, parce que les GAFAM iront devant la CJUE, rappeler les traités européens à des parlementaires sans pouvoir législatif, donc sans pouvoir réel autre que celui d’obéir à Bruxelles et de transposer les GOPÉ annuelles en droit français.
Faudra aussi que M. Peltier m’explique en quoi amazon est une concurrence pour les coiffeurs - et même les restaurateurs… Le confinement 2 va tuer bien plus de commerces (et de gens malheureusement) dans les prochaines semaines qu’amazon en un an. De là à dire que les parlementaires, qui couvrent les agissement honteux de l’élysée et de matignon en refusant d’enclencher l’article 68 de la Constitution, ont trouvé leur bouc émissaire…
Il faut bien faire semblant quand on touche du fric pour jouer la comédie.
Le 27/11/2020 à 10h58
Bah surtout qu’interdire de vendre des véhicules chinois en France sous prétexte qu’on a renault & peugeot, alors que 98% des composants de ces marques viennent… de chine, on est sur du financier plus que sur de la prod. Donc du vent.
Le 27/11/2020 à 15h14
et ali express qui fait son trou petit à petit sans rien dire …
Le 27/11/2020 à 15h20
Moi j’ai une proposition de loi, chaque fois qu’un député dis le mot taxe ou sort une connerie, il doit mettre 50 boules dans une cagnotte. Avec ma loi dans une semaine on nique le quatar.
Le 27/11/2020 à 23h14
Eh ! Oh ! Moi je voulais bien dépenser, c’est Macrouille qui m’en a empêché. C’est donc à lui de mettre la main à sa poche.
Le 28/11/2020 à 11h47
Tout l’argent personnel d’Emmanuel Macron n’est qu’une goutte d’eau par rapport aux pertes énormes liées à l’épidémie.
Le 27/11/2020 à 23h20
Si on aurait étendu ça au porte-parole du gouvernement avec Sibeth Ndiaye ça aurait pris moins de 24 heures.
Le 30/11/2020 à 13h27
Si Amazon veut le marché français (enfin ses consommateurs ..) sans pour autant en accepter la contrepartie (fiscale et sociale), alors il faut calculer rapport bénéfice/coût pour la France.
S’il est à notre désavantage, entamer un bras de fer avec Amazon (et les autres) et tant pis pour les défenseurs américanophiles. Au passage, les américains sont protectionnistes quand même et nous sommes en guerre économique ouverte contre eux (c’est un peu simpliste de ma part mais l’idée est là).
Le 01/12/2020 à 09h16
Même Randy Marshall s’y est mit avec succès !