Data : pourquoi il n’y a pas (encore) de campagne électorale 2.0 en France
Data Yoyo
Le 04 janvier 2021 à 14h11
19 min
Droit
Droit
« L’application qui va faire gagner l’élection », « Le logiciel miracle inspiré des États-Unis », « L’algorithme secret qui booste la campagne ». Avant chaque campagne, ce marronnier envahit la presse. Derrière les titres putaclics, les promesses sont rarement tenues. En approche des élections 2022, enquête sur les coulisses du monde de la data électorale.
Le premier à s’être lancé dans la campagne présidentielle de 2022 est Jean-Luc Mélenchon. Comme en 2017, le leader de la France insoumise l’a fait avec un site de campagne appelant les internautes à le parrainer, et surtout de lui donner adresse mail et numéro de téléphone.
Une base de sympathisants qui sera précieuse pour structurer sa campagne et organiser les militants. Près de 200 000 personnes ont déjà signé. Un bon départ, même si à l’issue de la campagne 2017, Jean-Luc Mélenchon avait rassemblé 500 000 signatures.
Emmanuel Macron avait utilisé la même technique : l’adhésion à la République en Marche, gratuite sur simple enregistrement, lui a permis d’avoir une base de 400 000 sympathisants.
Le formulaire pour soutenir la base de données de Jean-Luc Mélenchon
Une fois recueillies, les adresses peuvent intégrer des outils de management de campagne. Le plus connu est sans conteste NationBuilder. Cette plateforme permet de gérer un outil de contact, animer un site ou lancer une campagne de dons.
Sur son site, NationBuilder évoque le poids déterminant de son outil pour la victoire d’En Marche aux législatives de 2017 : « Emmanuel Macron et ses candidats avaient à leur disposition - en plus de leur optimisme, et de l’appétit des Français pour le changement - un outil numérique sophistiqué pour organiser leurs efforts de campagnes : la solution ‘Network’ de NationBuilder »
Ce storytelling, repris par certains articles de presse, est assez éloigné de la réalité. Pour un responsable de campagne, « NationBuilder est une bonne plateforme pour une petite campagne. Mais ce n’est pas révolutionnaire : il s’agit d’adaptation d’outils connus dans le monde de l’entreprise depuis longtemps. »
Utilisé par de nombreux candidats en 2017, NationBuilder était depuis en recul en raison des incertitudes liées au RGPD. La société américaine se repositionne cependant sur le marché européen. Elle héberge ainsi, aux États-Unis, les sites du Parti socialiste ou du Parti communiste français. Si le cœur du communisme français est hébergé chez l’Oncle Sam...
Les mentions légales du PCF
Il n’y a pas que les données des sympathisants qui intéressent les politiques. Les datas sont précieuses pour l’analyse électorale et comprendre l’opinion. En croisant les résultats des précédentes élections, les données Insee et les listes électorales (accessibles à tous les candidats), plusieurs solutions promettent, via un algorithme, d’analyser les dynamiques et d’indiquer les secteurs prioritaires à cibler.
Quand les candidats à la présidentielle en appellent aux data-brokers
Pour contacter les électeurs, il faut toutefois disposer de données nominatives, en plus des listes électorales : il est donc fréquent que les politiques louent des fichiers de contacts. La pratique est ancienne et avait déjà cours dans les années 80. Jacques Chirac l’avait aussi fortement utilisé en 2002 pour s’adresser à différentes catégories d’électeurs, via les fichiers professionnels.
En 2016, selon La Lettre A, François Fillon avait fait appel à Optin Machin, une société du broker de mails Arthur Media Group. Pour 57 600 euros, il avait envoyé en avril 2017 près de 2 millions de mails. Son programme Santé fut envoyé aux 750 000 abonnés des newsletters du Figaro Santé et de Top Santé, ses propositions Sécurité aux abonnés de plus de 50 ans de la newsletter de Météo France, son programme Familles aux abonnés de la newsletter de la Croix.
Ce n’est pas le seul. Juste avant le premier tour, Emmanuel Macron avait fait appel à une opération de phoning, via la société Selfcontact. 240 000 € pour délivrer à 6,6 millions de Français un message préenregistré.
L’opération s’est avérée être un fiasco. Selon nos informations, elle a engendré près de la moitié des 673 signalements à la CNIL durant toute la campagne présidentielle. L’équipe s’était pourtant assurée de la conformité à la loi Informatique et Libertés, et avait même demandé au prestataire de revoir sa copie pour un meilleur respect du consentement préalable.
Au final, même dans les clous de la loi, face au bad buzz, l’opération a été stoppée en plein vol. On était pourtant loin de l’utilisation pointue de la data : les 6 600 000 appels prévus visaient la France entière des plus de 30 ans vivant dans les zones moyennes et aisées, sans qu’ils soient forcément inscrits sur les listes électorales.
Parmi les autres utilisations de bases payantes, le futur Président a également fait appel à La Poste pour mettre son programme dans 2,8 millions de boîtes aux lettres de certaines zones rurales, ciblées pour leur potentiel (coût 389 000 €). Comme l’avait relevé la Lettre A, l’équipe Macron a également procédé à l’envoi d’une lettre aux TPE/PME.
Comptez 94 573 € pour la location de 561 865 contacts BtoB de la Poste, auxquels il faut ajouter les frais d’impression, de mise sous pli et d’affranchissement. Soit environ 300 000 € pour 600 000 courriers. Une opération coûteuse, mais assez éloignée de ce qui se pratique aux États-Unis.
Le bon de commande de Selfcontact pour la campagne de phoning d’Emmanuel Macron
La campagne Macron, une campagne start-up ?
Si elle a souvent été caricaturée, la campagne Macron fut-elle si disruptive ? Pour Paul-Armand Veillon qui fut data-scientist pour la campagne : « LREM était une start-up, car il fallait tout créer. Il y avait beaucoup de jeunes auxquels on laissait une grande marge d’innovation, sur la manière de faire campagne ». Mais en politique, c’est souvent le cas : les campagnes sont des grosses machines qui se mettent en place très rapidement, pour quelques mois.
Parmi les outils datas utilisés, le parti a, à l’époque, abondamment communiqué sur sa Grande marche, qui visait à recueillir les paroles des Français en tapant à 300 000 portes. Le résultat devait permettre la construction du programme présidentiel. Mais si Proxem a fourni une belle analyse des contenus récoltés, à quoi a-t-elle servi ? A pas grand chose. Le programme ne s’est pas basé sur ses résultats.
La Grande marche est restée cependant un événement fondateur pour de nombreux marcheurs et a dynamisé la campagne sur le terrain.
Retiré depuis de la politique, Paul-Armand Veillon note qu’il y avait une forte écoute sur ses sujets, même si les datas n’ont pas conduit la campagne, qui, avec ses grands meetings, est restée plutôt classique.
Via un algorithme, les militants savaient dans quelles rues ils devaient prioritairement agir. Si cette fonctionnalité n’a pas toujours été utilisée, le fait de donner une appli aux militants les a encouragés à faire du porte-à-porte. Les datas ont également servi à identifier les meilleures circonscriptions pour les législatives et à affiner les stratégies de terrain des candidats.
Quand les leaders du marché quittent la politique
Sur la lancée de la présidentielle 2017, plusieurs sociétés espéraient une campagne des municipales porteuse. Mais, pour un bon observateur du secteur « le marché n’a pas explosé tel qu’on pouvait le penser. Les municipales qui se sont passées sont paradoxales. Il y avait moins d’équipes partantes pour utiliser ces outils, alors que depuis 2016, les choses étaient bien parties. Même si, du fait de la crise sanitaire, beaucoup de candidats ont ensuite fait appel au ciblage durant l’entre-deux tours ».
La rentrée a même été l’occasion d’un coup de tonnerre : la plus importante société de data électorale s’est retirée du marché. Explain (ex LMP) était l'entreprise de Guillaume Liegey, Arthur Muller et Vincent Pons. Après avoir encouragé François Hollande à miser sur le porte-à-porte en 2012, avec le logiciel 50 + 1, Explain entendait révolutionner la façon de gérer les élections. Mais face à la faiblesse du marché politique français, elle a préféré se recentrer sur d’autres secteurs.
Pour Arthur Muller que nous avons contacté, « il y a assez d’argent pour une petite entreprise de conseil, mais pas pour une vraie aventure entrepreneuriale. Les budgets des campagnes sont sans mesure avec ceux des USA ». D’autant que l’activité est très cyclique, contrairement aux États-Unis où de grosses élections ont lieu tous les deux ans. Explain a donc décidé de se concentrer sur d’autres marchés, tout comme Spallian. Les deux sociétés étaient pourtant leaders en France.
Faiblesse des partis, faiblesse des cadres
La faiblesse du marché français s’explique d’abord par celle de nos partis. Les partis politiques ne sont pas riches. Le financement public représente 66 millions d’euros (il était de 80 millions en 2000) et les dons et cotisations 58 millions (elles ont aussi tendance à baisser). Le tout pour plus de 400 partis.
Plus que les partis, ce sont les campagnes qui ont les moyens de recourir à ces outils, notamment pour les grosses élections (présidentielle, européennes, régionales) où les candidats peuvent se faire rembourser des sommes plus importantes. Et encore : la campagne 2017 la plus chère, celle d’Emmanuel Macron, a coûté 16,7 millions d’euros. A comparer aux 868 millions d’euros de celle de Joe Biden.
Mais une fois la campagne passée, il y a rarement de capitalisation des informations accumulées. Comme nous l’indique le chercheur Thomas Ehrhard, qui a coécrit une étude des acteurs et du marché de la technologie politique en France « les partis sont contraints de reconstituer leurs bases de données à chaque élection ».
On pourrait croire que les données sont ensuite partagées, mais les barons ne les donnent que rarement au siège national, alors qu’aux États-Unis, comme le souligne Arthur Muller, « les perdants d’une primaire donnent leur carnet d’adresses au vainqueur », . D’autant qu’en France, « le niveau de professionnalisme sur la gestion du fichier des sympathisants est souvent très faible. »
Autre point relevé par tous nos interlocuteurs : la faible culture data des cadres. Thomas Ehrhard note qu’ « au sein des partis français, il n’y a pas de pôles digitaux. Aux États-Unis les données sont gérées par des spécialistes, quand en France, elles le sont souvent par des communicants et des assistants. » Or, être expert en données, ce n’est pas gérer un compte Facebook.
Par ailleurs, il y a un turn-over important dans les partis politiques. Il empêche de capitaliser, alors que les stratégies data sont de long terme. Quand une élection est gagnée, personne ne veut rester au parti pour y devenir permanent : tous souhaitent intégrer un cabinet pour connaître l’exercice du pouvoir.
Un responsable, en poste, d’une campagne note qu’en France, les campagnes politiques fonctionnent de manière « très ancien régime » : « il y a une séparation entre les postes stratégiques et les postes techniques. Aux États-Unis, les responsables techs ont une formation politique très forte et se spécialisent sur la gestion des outils numériques. En France, la tech est souvent déléguée à des personnes extérieures. Et ce sont les politiques qui prennent les décisions en fonction de leurs intuitions et de ce qu’ils jugent prioritaire. » Résultat : on continue de préférer le meeting et le beau programme, malgré leur faible efficacité électorale.
133 000 € de pubs Facebook pour les eurodéputés RN
Pour miser sur les datas, il faudrait ensuite pouvoir les exploiter. Mais, contrairement aux États-Unis, la France apporte des limitations importantes. En période de campagne, six mois avant l’élection, les candidats ne peuvent pas faire de dépenses publicitaires. Pas de pubs télévisées, d’encarts dans la presse ou de contenus sponsorisés sur Facebook, Snapchat ou Twitter.
On notera que, même hors campagne, la plupart des politiques font très peu de dépenses publicitaires. Pour Paul-Armand Veillon, « la culture française fait que les gens n’aiment pas recevoir des publicités politiques ».
Ainsi, via la base publicitaire de Facebook nous avons décompté les contenus sponsorisés des politiques. EELV a investi 17 400 €, le RN 11 900 € (et Marine le Pen autant), En Marche ! 5 000 €, Jean-Christophe Cambadelis 4 200 €, Jean-Luc Mélenchon 1 700 €, le PCF 1 300 €, Nicolas Dupont-Aignan 1 200 €, les Républicains 750 € et le PS 162 €.
Des sommes modestes. Et les parlementaires ne sont pas plus actifs. Seuls les députés européens, qui disposent de nettement plus de moyens pour communiquer, dépensent plus. Le record étant atteint par le groupe Identité et Démocratie, qui fait la promotion des eurodéputés du Rassemblement national : 139 000 € de dépenses sur Facebook.
Même si elles ont plus de moyens que les partis, les campagnes se heurtent aussi au problème budgétaire. Une fois le logiciel acheté (entre 35 et 50 000 €), il faut compter 0,6 € pour envoyer un courrier, 0,5 € pour un pli boité ou 0,15 € pour envoyer un mail ciblé. Des montants qui font que seules les grosses campagnes y font appel. Une campagne législative dans une circonscription plafonne à 70 000 €.
Reste le porte-à-porte. Les candidats ne disposent toutefois pas forcément de toutes les forces militantes qu’ils souhaiteraient pour le faire. Un responsable d’une campagne régionale nous indique : « j’ai environ 200 militants à qui je peux demander de faire du porte-à-porte. Impossible de leur demander de traverser la région ».
En France on n’a pas de data, mais on a la CNIL
Les responsables data des campagnes se heurtent à une autre difficulté : en France, contrairement aux États-Unis (où les partis gèrent les inscriptions sur les listes électorales), il a très peu de données nominatives. La France ne possède même pas de nomenclature unifiée des bureaux de vote. Le RGPD interdit de faire des choses qui sont courantes aux États-Unis.
D’où la nécessité de faire appel à des data-brokers ou à des fichiers fournis par des amis. Ainsi pour ces régionales 2015 en Auvergne-Rhône Alpes, au budget d’1,3 millions, Laurent Wauquiez avait investi dans la data : recours à NationBuilder (24 000 €), études politiques et de cartographie électorale faites par Spallian (40 000 €), campagne téléphonique pour les deux tours (67 000 €).
Il avait également adressé des courriers postaux particuliers à plusieurs catégories professionnelles (agriculture, artisans). L’origine des données, parfois peu claire, a fait que son adversaire l’a accusé de détournements de fichiers. Dans son compte de campagne, nous n’avons retrouvé que peu de factures pour la location de base de données, comme celle de la CCI de l’Ardèche (mais pas des autres départements).
Crédits : Facture de la CCI de l’Ardèche pour les régionales 2015 de Laurent Wauquiez
Face aux dérives constatées, la CNIL tente d’agir. Elle met en place à chaque élection un observatoire des élections. Ce dernier produit des rapports que nous avons demandés à la CNIL. Elle a accepté de nous les transmettre, en caviardant largement toute information qui mettrait en cause tel ou tel candidat.
Nous avons également réussi à nous procurer une version non blancotée du rapport sur les élections de 2017. À la lecture de ces documents, on perçoit une évolution des critiques.
En 2012, ce qui posait problème était d’abord le flot de mails envoyés aux Français de l’étranger (2/3 des 327 réclamations reçues par la CNIL). Les candidats aux législatives avaient pu se procurer les mails des personnes enregistrées dans les ambassades. Certains ont décidé de spammer leurs électeurs potentiels, refusant le retrait des mécontents. D’autres ont même fait de la prospection commerciale.
A contrario, très peu de plaintes concernaient les SMS, le téléphone ou le courrier.
Progressivement ont émergé d’autres problématiques : d’abord, de plus en plus de citoyens se questionnent sur l’origine des données sur lesquelles s’appuient les candidats. Ensuite, ce qui semble le plus insupportable depuis 2017, ce sont les appels téléphoniques, notamment de boîte vocale.
Les chiffres de signalement que nous a fourni la CNIL pour les municipales 2020 recoupent ces constats. Avec 3 948 signalements, le nombre a explosé. Un signe que les citoyens sont de plus en plus sensibles aux problématiques RGPD. Si nous ne disposons pas du nom des listes visées par ces signalements, les villes recoupent celles où des polémiques sont apparues dans la presse : les appels téléphoniques d’Agnès Buzyn à Paris et les SMS des candidats LREM à Rennes, LR à Marseille et RN à Perpignan semblent avoir été diversement appréciés.
Répartition des signalements à la CNIL pour les municipales 2020
En 2017, la CNIL a également agi sur plusieurs failles de sécurité. La plus grave concernait la plateforme de suivi des paiements des primo-adhérents du PS qui lui a valu un avertissement public. Autres failles : le site d’Alain Juppé permettait l’accès aux données de 23 000 de ses soutiens et la mauvaise sécurisation de l’application Knock in de soutien à Nicolas Sarkozy.
D’autres points émergent des rapports de la CNIL. En 2014, elle fait part des risques de son instrumentalisation. Au moins 30 % des requêtes proviennent d’opposants politiques. Elle relève aussi la méconnaissance du champ et des compétences de la CNIL. De nombreuses personnes envoient un mail énervé à l'autorité sans pour autant déposer une plainte. Le rapport souligne aussi la faiblesse des partis politiques : le turn-over des responsables numériques est important, et le national n’a pas la main sur les pratiques locales.
Pour un observateur du secteur, « la CNIL a un rôle salutaire de gendarme : si elle ouvre une enquête, la presse la relaie ». Cette crainte du gendarme a joué sur les politiques, malgré certaines pratiques contestables. L'autorité agit lentement et n’hésite pas à aller au-delà de ce que prévoient les textes. Elle est ainsi plus restrictive pour la prospection politique que pour la prospection commerciale, comme si Auchan avait plus de droits qu’un politique à diffuser son information. Pour plusieurs de nos interlocuteurs, la CNIL gagnerait à être plus rapide, plus transparente et se recentrer sur ce qui relève des interdictions et des cas problématiques, et non du suivi des simples recommandations, parfois byzantines, qu’elle formule.
L’avenir des campagnes data
Peu d’argent, peu de données, peu de professionnalisme… l’avenir des datas électorales serait-il désespéré ? Si la technologie n’a pour l’instant pas changé les élections en France, certains misent sur la succession d’élections jusqu’en 2022 et des campagnes bousculées par la crise sanitaire. Plusieurs équipes pour les régionales ont pris le sujet au sérieux, recrutant dès à présent un responsable data pour leur campagne.
Si les plus importantes sociétés ont quitté le marché, de nouvelles apparaissent. Hatis, dirigé par Paul Hatte, un ancien conseiller de Nicolas Sarkozy, a proposé son application Carata majoritairement aux candidats de droite, comme Rachida Dati. Quorum revendique avoir accompagné une centaine de campagnes municipales. Autre acteur émergent : Poligma, société basée à Montpellier qui propose, via son logiciel Récit de croiser liste électorale avec des données marketing.
Nous avons pu nous entretenir avec Stéphane Boisson, son PDG. S’il n’y a pas de baguette magique, ses outils peuvent être utiles. Outre la modélisation électorale, il propose, via le data-brooker Zecible, de recouper les listes électorales fournies par les candidats avec une base de 24 millions de mails, qui permet de catégoriser les électeurs, et donc de leur adresser un message pertinent.
Le candidat, sans accéder à la base de données, peut alors adresser des mails ciblés, après un premier courrier envoyé aux internautes. Le tout en respectant les contraintes du RGPD.
Pour un directeur de campagne très à gauche, « ce n’est pas l’algorithme qui permet d’avoir des voix, ce sont les actions militantes. Ça ne fait pas gagner, mais cela permet de structurer une campagne ». Un autre insiste sur ce point. « Cela permet d’affiner nos messages, de prioriser nos événements et de globalement rendre la campagne plus efficace ». Une politique datas peut booster l’appel aux dons, pour répondre au problème récurrent des financements. D’autant qu’un décret signé en novembre assouplit le recours à des plateformes en ligne.
Mais la donnée ne sauvera jamais une absence de stratégie et un mauvais candidat. Et une stratégie datas efficace nécessite des cadres formés, un suivi de long terme et une bonne intégration dans la campagne.
En France, il y a une prime aux élus locaux sortants qui abusent de la communication institutionnelle. Les outils de ciblage peuvent permettre d’ouvrir le jeu. Mais serait-il souhaitable d’aller plus loin en matière de datas et de budget ? Comme l’indique Arthur Muller, les « budgets américains n’amènent pas forcément plus de démocratie. »
Les campagnes françaises n’ont effectivement rien à voir avec les campagnes américaines. Est-ce si grave ?
Data : pourquoi il n’y a pas (encore) de campagne électorale 2.0 en France
-
Quand les candidats à la présidentielle en appellent aux data-brokers
-
La campagne Macron, une campagne start-up ?
-
Quand les leaders du marché quittent la politique
-
Faiblesse des partis, faiblesse des cadres
-
133 000 € de pubs Facebook pour les eurodéputés RN
-
En France on n’a pas de data, mais on a la CNIL
-
L’avenir des campagnes data
Commentaires (37)
Vous devez être abonné pour pouvoir commenter.
Déjà abonné ? Se connecter
Abonnez-vousLe 04/01/2021 à 14h37
Excellent article sur un sujet rarement traité dans les médias, merci !
Le 04/01/2021 à 14h48
En résumé, les campagnes électorales en France brassent bien moins d’argent qu’aux US et c’est tant mieux.
Le 04/01/2021 à 15h38
Et la loi nous protège également bien mieux contre le ciblage et le fichage. Et c’est tant mieux aussi.
Le 04/01/2021 à 15h38
Il manque l’aspect “Utilisation de la base de contact des français de l’étranger pour envoyer de la pub électorale, même hors élection”.
C’est ce qui m’a fait me désinscrire du consulat.
Le 04/01/2021 à 15h45
On y consacre tout un paragraphe “En 2012, ce qui posait problème était d’abord le flot de mails envoyés aux Français de l’étranger (2⁄3 des 327 réclamations reçues par la CNIL). Les candidats aux législatives avaient pu se procurer les mails des personnes enregistrées dans les ambassades. Certains ont décidé de spammer leurs électeurs potentiels, refusant le retrait des mécontents. D’autres ont même fait de la prospection commerciale.”
C’est très présent dans le rapport CNIL sur les élections 2012. Depuis, les candidats se sont calmés apparemment (à en juger des rapports CNIL)
Le 04/01/2021 à 16h02
J’avais effectivement loupé ce paragraphe
Et je confirme, ils se sont pas calmés.
Le 04/01/2021 à 15h38
Je suis étonné de ce paragraphe :
Un des aspects des recours de Trump contre les élections est la détection des https://www.washingtonpost.com/politics/heres-what-happened-when-a-georgia-lawmaker-scrutinized-the-trump-campaigns-list-of-allegedly-illegal-votes/2020/12/10/1400d628-3b06-11eb-bc68-96af0daae728_story.html)
électeurs. Les soutiens de Trump ont recours à des analyse statistiques et à des fichiers commerciaux pour faire des rapprochement car ils n’ont pas accès à toutes les données des états, ce qui les amène à confondre des homonymes (c.f.Dans le dernier enregistrement de Trump, il demande justement un accès aux données, que le secrétaire d’état de Géorgie lui refuse:
Le 04/01/2021 à 15h47
Tout n’est pas possible, même aux USA. Mais les bases de données des deux grands partis sont incomparables à celles des partis français. Incomparables. Et c’est un discours repris unanimement par mes interlocuteurs (je précise que je n’ai interrogé personne aux USA)
Le 04/01/2021 à 16h17
Mais ont-il véritablement lu les politiques de confidentialité des sites où ils donnent leurs données personnelles ? Perso c’est ce que je fais systématiquement : je regarde où sont stockées les données, et avec qui elles sont partagées. Et c’est souvent très vague, de sorte qu’on n’est pas plus informé. Donc je finis par ne jamais m’inscrire, ne serait-ce qu’à une newsletter.
En dehors du champ politique, quand je vois le nombre de sociétés commerciales qui se servent de l’e-mail collecté pour la seule finalité de la gestion de la commande, et qu’elles l’utilisent pour envoyer leurs pubs, ou demander de mettre un commentaire, je me dis qu’on est très loin d’avoir une population “sensible aux problématiques RGPD”.
PS : dans ces fameux e-mails qui me demandent mon avis, “très important pour améliorer la qualité de leur service”, désormais je mets systématiquement 1 étoile, avec un petit laïus qui cite quelques articles du RGPD, et les amendes prévues par la CNIL. Ca ne sert pas à grand-chose, mais parfois ça passe la modération, et l’avis est publié. Si tout le monde faisait ça, les notes s’effondreraient, et les mauvais pratiques disparaitraient.
Le 04/01/2021 à 16h52
Au cas où tu ne le saurais pas, parfois certaines personnes (principalement au bas de l’échelle) sont payées en fonction de l’avis que tu donnes: donc à la limite abstiens toi.
Le 04/01/2021 à 17h52
Bin pourquoi perds tu ton temps à les lire? C’est évident que ce sera toujours flou, tarabiscoté même. Ma plus grosse perte de temps c’est de trouver le bouton “tout refuser”.
Le 04/01/2021 à 18h19
Parce que certains (rares) sites sont précis sur ce qu’ils font de ces données. Donc parfois, j’accepte ces règles et j’autorise le traitement de les données.
Le 04/01/2021 à 18h04
Alors tiens, faisant des campagnes très régulièrement depuis 4 ou 5 ans, par quelle méthode voudriez-vous être informé ?
En gros le téléphone c’est non (tu m’étonnes …), je sais que les mails au Français de l’étranger (1 mail par campagne et par personne quand on le faisait, on ne l’a pas fait pour les Européennes tiens …) faisaient déjà un peu râler (ce que je peux comprendre, je militerais bien pour la possibilité d’avoir une info “Ne veux pas recevoir de sollicitation politique lors de l’inscription”).
Du coup par quoi peut-on passer pour vous toucher les amis ? ;)
Le 05/01/2021 à 10h28
“Si vous vous établissez en Suisse pour une durée de plus de 6 mois, vous êtes invités à vous inscrire au registre des français établis hors de France.
Grâce à cette inscription, nous vous communiquerons des informations (échéances électorales, sécurité, événements) et serons en mesure de contacter vos proches en cas d’urgence.”
Nul part il est indiqué que ce biai de communication sera transmis a des tiers.
Si j’avais reçu les programmes ou les informations de campagne du consulat avant les élections, j’aurais compris. Mais j’ai reçu directement des mails (et dans le cas de LFI/LREM, plusieurs dizaines) venant de parti politique.
Le 06/01/2021 à 11h15
Alors j’avoue qu’avoir un site où l’on pourrait déposer nos documents et que vous ne receviez qu’un e-mail serait pour une grande partie des candidats largement suffisants.
Le truc c’est qu’en tant que parti politique, on a le droit de demander la liste des Français de l’étranger, donc ensuite on fait “ce que l’on veut” avec. Certains font un truc sérieux (quand on l’a utilisé, pour notre part, accès au listing par seulement 3 personnes, envoi d’un ou deux e-mails max, stockage du fichier de manière chiffré, destruction des données après usage et utilisation uniquement dans le cadre d’une campagne électorale), mais tous ne font pas ce genre d’effort.
Et même comme cela, je ne suis pas convaincu que l’on recommencera pour la prochaine élection …
Le 06/01/2021 à 13h32
Je me suis personnellement désinscris de la liste du consulat. Parce qu’en plus des informations politiques qui ne me concernent pas (Je ne vote pas aux présidentielles, estimant que je ne devrais pas avoir mon mot à dire l’exécutif d’un pays dans lequel je ne vis pas) ,mon consulat Zurichois ne mets pas en place de session de vote pour les parlementaires (Ce que le consulat de Genève faisait, j’avais pu voter à Neuchâtel en 2012). Ayant autre chose à faire que 5h de train pour aller voter, je passerai mon tour aux prochaines legislatives.
Depuis quelques mois, je reçois également des informations concernant des placements financiers de la part de l’UFE (Union des Français de l’Etranger) à qui je n’avais rien demandé et dont je ne suis pas adhérent. Cela a été la goutte d’eau.
La situation devrait être simple :
L’admission automatique du second, sans information préalable, est un manquement grave.
Le 07/01/2021 à 08h49
Je valide aussi :)
Le 04/01/2021 à 18h12
Le 04/01/2021 à 18h21
Par les journaux. En période électorale, faites des interviews dans lesquelles vous exposez vos arguments, votre programme et répondez réellement aux questions des journalistes
Le 04/01/2021 à 18h31
Alors ça, c’est l’idéal, MAIS en gros, pour prendre mon exemple. Sur une candidature pour une législative, les 4 à 6 gros candidats on une demi-page et les autres auront 1/8° de page de journal.
Et les journalistes n’ont pas d’obligation de nous prendre en compte (puisque petit).
À noter que les contacts que l’on a eus avec les journalistes ont toujours été cordiaux et sérieux, que se soit en réel ou au téléphone. Mais quand tu es un petit, les journalistes ils n’ont pas vraiment le temps pour toi …
Le 04/01/2021 à 18h34
Ce genre de truc ça fonctionne même pas :
Le 04/01/2021 à 18h40
En fait pour le moment, le seul truc à peu près égalitaire (enfin …) C’est les spots TV. Les règles pour accéder à ce genre de spots sont “neutre” et tu as pas mal de soutien pour les petits mouvements (en gros des équipes de France TV qui te file un vrai coup de main et le matos qui va bien).
Le reste, c’est 100 % inégalitaire (même l’impression des bulletins est la charge des candidats …)
Le 05/01/2021 à 00h25
+1, c’est un avis qui va probablement être lié à l’employé qui en dernier ressort a traité la commande ou demande… C’est pas à eux qu’il faut faire payer la politique du site.
Par contre on brasse moins d’argent mais tout de même bien trop par rapport à ce que la loi autorise (mais personne n’ose s’opposer à un résultat d’élection truquée). Comme quoi, tout ce qui compte, c’est vraiment de compter les voix justement…
Le 05/01/2021 à 08h20
Et ce ne peut être effectué QUE physiquement par des citoyens lambda et de tous opinions pour éviter les bourrages d’urnes.
Personnellement j’arrêterais de voter le jour où des politiques chercheront à mettre en place des machines à voter ou qu’ils utilisent le vote en ligne…
-
Le 05/01/2021 à 08h15
Encore faut-il avoir à faire à des journalistes suffisamment impartiaux pour rester équitable ce qui est de plus en plus difficile à trouver surtout dans les grands médias qui appartiennent à de grand groupes commerciaux ayant leurs propres priorités et enjeux…
-
Le 05/01/2021 à 08h32
Donc tu met toujours 5* ? En effet c’est rarement la faute du gars en bas de l’échelle. Bien souvent il fait qu’appliquer des consignes.
Si le gars à des soucis à causse d’une mauvaise note sur le RGPD, alors qu’il fait bien son boulots par ailleurs, le problèmes ne vient pas du clients mais de l’employeur…
Le 05/01/2021 à 10h32
@carbier
Donc sous prétexte que des emplois sont en jeu (ça reste à prouver, je n’ai jamais entendu qu’un avis négatif mettait l’emploi en danger, mais je fais comme si l’argument était valable), on laisse l’entreprise faire des choses illégales ?
Dans ce cas on laisse aussi se développer le travail au noir, puisque s’il on le sanctionne, le risque est que la personne perde son boulot, voire que le poste disparaisse ?
De plus j’ai bien précisé que dans le commentaire, je critiquais le non respect de la loi Informatique et Libertés, et non la prestation des employés. Donc si ces avis sont pris en compte, l’employé n’est pas menacé, et si l’avis n’est pas considéré, il n’y a pas d’inquiétude à avoir non plus.
D’ailleurs la plupart des “faites-nous part de votre avis” c’est sur l’objet en lui-même, pas sur le vendeur ou le transporteur. J’utilise juste cette tribune pour leur rappeler certaines règles, et pour que ce soit bien visible (ce qui n’est pas le cas si j’envoie juste un e-mail au SAV).
Le 05/01/2021 à 11h11
Quel rapport entre le nombre d’étoiles et le RGPD ?
La note n’est pas obligatoire et il est bien plus productif de contacter la CNIL.
Au pire, si vous allez au bout de vos principes vous n’achetez plus soit le produit, soit la marque, soit via le site en question.
Le 05/01/2021 à 11h43
@carbier, relire mon message d’hier pour comprendre le lien. Vu que tu y as répondu je pensais que tu l’avais lu.
Quant à la productivité de la CNIL sur un tel sujet… C’est vraiment le dernier de ses soucis. Je n’ai jamais eu de retours de mes précédentes plaintes, à part l’accusé de réception, qui dit que je recevrai plus tard un courrier m’indiquant s’ils vont plus loin ou non (je n’ai jamais rien reçu de tel, que ce soit positif ou négatif). Mes dossiers doivent être en bas de la pile, la CNIL a probablement d’autres dossiers plus importants, ou pas assez d’effectif pour traiter toutes les demandes.
Donc je fais plus simple, on me demande mon avis, je réponds. J’ai accepté leurs CGU, je n’ai pas coché la case pour accepter une autre finalité que le traitement de ma commande. Eux ne respectent pas la loi, donc je ne respecte pas leurs règles.
C’est dingue, ces sites ne respectent pas la législation, mais c’est à moi de changer mes habitudes de consommation
Si ma façon de faire te déplaît, hé bien… tant pis, ça te fait une occasion de plus de râler ici, félicitations :)
Le 05/01/2021 à 12h25
La CNIL ne blanchit pas suffisamment vite la data. Autrement dit il est improductif d’y quémander… le pseudo-monde réel de NationBuilder ou autre pseudo-statisticiens c’est l’équivalent de Disneyland, on est vite déçu du carton pâte…
Le 05/01/2021 à 12h40
Je mets ce que je pense, ou je ne réponds pas. Déjà parce que je suis contre le mensonge par principe.
Oui et non, si la définition/vérification de “bien faire son boulot” c’est la satisfaction du client…
Le 05/01/2021 à 13h26
On est d’accord. Je réagissais juste sur le fait de s’auto-censuré pour ne pas nuire au gars au bats de l’échelle. Après le respect du RGPD fait partie de l’expérience utilisateur. De plus, il arrive, que les sollicitations d’avis post achats soit particulièrement pénible. Je me souvient d’avoir été appelé 3 fois lors de l’achat d’un wolkswagen à 5 jours d’intervalle (une polo en plus, même pas un grosse voiture).
Le 05/01/2021 à 16h02
« Optin Machin », sérieux ? J’aime beaucoup, mais c’est surprenant, humour et affaires faisant rarement bon ménage…
« La Grande Marche » – LREM n’as pas peur d’évoquer des associations Maoïstes ?!
Le 05/01/2021 à 16h19
Euh, je comprends que la comparaison avec les États-Unis d’Amérique est souvent inévitable lorsqu’on évoque le Numérique, mais est-elle vraiment pertinente pour les comparaisons politiques ?
C’est quand même un peu l’une des démocraties les plus éloignées de la France en terme de fonctionnement, ce n’était pas possible d’en trouver d’autres ?
Justement, je suis tombé sur l’histoire de la campagne du Brexit, ici spécifiquement sur l’utilisation des données par les gagnants.
(Ils ont crée leur propre logiciel eux-mêmes, et l’offrent d’ailleurs à qui en veut.)
(Ils ont recruté des spécialistes en physique et en apprentissage automatique.)
https://dominiccummings.com/2016/10/29/on-the-referendum-20-the-campaign-physics-and-data-science-vote-leaves-voter-intention-collection-system-vics-now-available-for-all/ (en)
Ils ont distribué un milliard d’annonces numériques ciblées, principalement par Facebook et 125 millions de feuillets, dont 70 millions par 12 000 volontaires.
Le 06/01/2021 à 09h21
Je fais cette comparaison parce qu’elle faite par les entreprises et les candidats eux-mêmes. Et qu’elle revient dans les articles de presse sur le sujet “campagne à la [Obama/Trump/Biden/insérez ici le nom du dernier candidat victorieux]
Le 06/01/2021 à 08h31
C’est savoureux parceque c’est l’exemple parfait.
Les concessionnaires auto sont des franchises indépendantes. Les coups de téléphone que tu as reçus ne proviennent pas de la franchise mais de la maison mère et la notation sert à octroyer des bonus ou des malus aux concessions.
Bref, si tu descends une note par rapport au problème de l’appel, tu ne fais que plomber le concessionnaire, la maison mère ne sera absolument pas touchée et s’en foutra d’ailleurs. Parcequ’au final ils ne retiennent que la note.
Le 06/01/2021 à 17h30
Je vais me répéter, mais ce qui est fait de mon évaluation par celui la reçoit, ce n’est pas mon problème.
Concernant mon exemple, sur les 3 appels 2 venaient du concessionnaires. Je m’étendrais pas plus car on commence à devenir réellement hors sujet.