G237 : un proto-amas survitaminé qui remet en cause notre compréhension de l'Univers lointain

Il était bien plancké

G237 : un proto-amas survitaminé qui remet en cause notre compréhension de l’Univers lointain

G237 : un proto-amas survitaminé qui remet en cause notre compréhension de l'Univers lointain

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« PHz G237.01+42.50 » est un chantier galactique qui tournait à plein régime lorsque l’univers avait 3 milliards d’années seulement. De nouvelles données permettent d’en apprendre davantage sur cette usine à gaz… en soulevant au passage de nouvelles questions.

Avant d‘entrer dans le vif du sujet, commençons par quelques rappels importants, aussi bien sur les termes que sur les ordres de grandeur dont il est question. « Les proto-amas de galaxies sont des ensembles de galaxies très jeunes en cours de rapprochement sous l’effet de la gravitation et qui vont donner naissance aux plus grandes structures gravitationnelles connues : des amas de galaxies dans l'univers proche ».

Notre « petite » Voie lactée dans le super-amas de Vierge

Notre galaxie, la Voie lactée, compte des centaines de milliards d’étoiles parmi lesquelles on retrouve notre Soleil. Un proto-amas est donc un regroupement de plusieurs galaxies, contenant chacune des milliards d’étoiles.

« Notre Voie lactée appartient au Groupe Local, dont elle est l’une des deux galaxies les plus massives, avec Andromède, et qui contient plus de 30 galaxies, la plupart étant des galaxies naines. Notre Groupe Local fait lui-même partie du Super-amas de Vierge, qui contient environ 50 groupes comme le nôtre », explique Françoise Combes. L’Étude des mécanismes de formation à l’œuvre au sein de ces structures « pourrait s’avérer précieuse pour appréhender l’histoire de l’Univers », ajoute le CNRS.

Dans deux publications (ici et ), une équipe internationale de chercheurs donne « des informations essentielles » sur un proto-amas baptisé PHz G237.01+42.50 (G237 en abrégé, nous allons d’ailleurs nous en tenir à cette version) : « Cette découverte est une étape importante vers l'atteinte de notre objectif ultime : comprendre l'assemblage des amas de galaxies, les structures les plus massives qui existent dans l'univers », explique Brenda Frye de l’université d’Arizona et co-auteur des deux publications. 

G237 : 63 galaxies à 11 milliards d’années-lumière

G237 est l’un des 2 000 candidats des proto-amas avec un taux de formation d'étoiles très important repéré il y a une dizaine d’années par le satellite Planck de l’ESA, lancé en 2009 afin de sonder le fond diffus cosmologique.

C'est le premier proto-amas confirmé par spectroscopie, c’est-à-dire en étudiant les spectres des rayonnements électromagnétiques. Grâce à des observations du Large Binocular Telescope en Arizona et du télescope Subaru au Japon, les chercheurs ont pu « identifier 63 galaxies appartenant au proto-amas G237 ».

Pour situer ce dernier dans l’univers, il se trouve à environ 11 milliards d'années-lumière de la Terre. Les observations dont il est question aujourd’hui montrent donc le proto-amas tel qu'il était lorsque l'univers n’avait que trois milliards d'années.

G237
Crédits : CNRS

Un cliché du passé de notre super-amas de la Vierge

Ce qui est intéressant pour les chercheurs, c’est que « le destin de ce proto-amas de galaxies est d'évoluer vers un système cosmique complexe similaire au super-amas de la Vierge », dans lequel se trouve donc notre système Solaire.  Pour le moment, G237 et le super-amas de la Vierge sont très loin d’être identiques.

« Les observations de Planck laissent entrevoir un proto-amas avec un taux de formation d'étoiles prodigieux, dix mille fois plus élevé que celui de notre galaxie », explique le CNRS. Avant d’en arriver à cette conclusion, les scientifiques ont fait face à des données qu’ils n’arrivaient pas à expliquer.

Pour la métaphore, Brenda Frye, compare les « proto-amas de galaxies comme G237 à un chantier naval de galaxies dans lequel des galaxies massives sont assemblées ».

Une production d’étoiles dopée aux hormones 

« Au début, les observations de G237 donnaient un taux total de formation d'étoiles trop élevé, et l'équipe a eu du mal à donner du sens aux données. [Il] semblait former des étoiles à un rythme 10 000 fois supérieur à celui de la Voie lactée. Avec une telle vitesse, le proto-amas aurait rapidement dû utiliser son carburant stellaire et basculer vers un système complexe similaire au super-amas de la Vierge », explique l’université d’Arizona.

Problème, « chacune des 63 galaxies découvertes jusqu'à présent dans G237 était comme une usine d'étoiles survitaminée […] C'est un peu comme si les galaxies faisaient des heures supplémentaires pour assembler les étoiles. Le rythme de production était insoutenable ». Pour maintenir la cadence, il fallait que les galaxies disposent de « carburant » supplémentaire, du gaz d’hydrogène en l’occurrence.

Mais « nous ne savons pas d'où venait ce gaz », reconnait Brenda Frye. En fait, il s’est avéré qu’une partie des données ne provenaient pas du proto-amas, les modèles ont donc été ajustés. Néanmoins, même après « la suppression des observations non pertinentes, le taux total de formation d'étoiles restait élevé ».

G237 est désormais comparé à un « chantier naval qui travaille avec une grande efficacité pour assembler les galaxies et les étoiles, avec un approvisionnement énergétique durable ». Selon l’université d’Arizona, le surplus de « carburant » pourrait en fait transiter par la toile cosmique, et plus exactement par ses longs filaments de gaz très ténus, qui peuvent mesurer plusieurs millions d’années-lumière et qui relient les galaxies entre elles. 

Des milliers de masses solaires chaque année

À l’aide d’observations supplémentaires, les chercheurs ont identifié deux fortes concentrations de galaxies dans ce proto-amas. Les chiffres ont de quoi donner le tournis : « Chacune d'entre elles devrait s'effondrer dans environ 10 milliards d'années en un amas de galaxies dont le halo de matière noire aura une masse de 500 à 600 […] millions de millions [soit 10¹², ndlr] de masses solaires, soit l’équivalent actuel des plus grands amas de galaxies », explique le CNRS.

« Nous estimons que le taux total de formation d'étoiles dans le proto-amas est remarquablement élevé, au moins 2 200 masses solaires par an, et probablement deux fois plus, d'après le nombre estimé de galaxies obscurcies par la poussière qui n'ont pas été détectées par les observations optiques, mais se révèlent dans l’infrarouge », explique Mari Polletta, l’auteure principale d’une des deux publications.

Toujours plus de questions

Pour l’astrophysicien Hervé Dole (co-signataire des deux études) « c'est une grande réussite de voir enfin l'un de ces proto-amas étudiés en détail ». Mais, comme toujours en pareille situation, « de nombreuses questions restent ouvertes », car ces giga structures « remettent en cause les modèles de leur formation et en partie notre compréhension de la formation des étoiles dans les halos de matière noire les plus massifs de l'Univers lointain ».

Pour l’université d’Arizona, ces découvertes soulèvent deux principales questions : quels mécanismes conduisent à cette « prodigieuse » formation d'étoiles et quand l'approvisionnement en hydrogène s'épuisera-t-il ? Une fois « à sec », ce chantier galactique fermera ses portes et se transformera en un « super-amas similaire à celui dans lequel se trouve notre Voie lactée ».

Euclid et le James Webb Telescope sont demandés à l’accueil

Des campagnes d’observations continuent évidemment de se dérouler en parallèle sur les milliers d’autres candidats repérés par Planck, ce qui permettra d’avoir plus de données et ainsi vérifier si G237 est un cas particulier ou au contraire dans la moyenne.

Ce sera notamment le cas de la mission européenne Euclid, qui devrait décoller en 2023 et permettrait d’identifier d’autres structures de ce type ». Les scientifiques pourraient alors « dégager des lois plus générales que celles fondées sur quelques cas individuels ».

Le James Webb Telescope est aussi attendu de pied ferme par l’équipe de Brenda Frye.

Commentaires (8)



« une masse de 500 à 600 trillions (millions de millions) de masses solaires »




En échelle courte (utilisée par les Anglo-Saxons) ; car chez nous, qui utilisons l’échelle longue, ça correspond en fait à 500 à 600 billions de masses solaires (10¹²). Le trillion, pour nous, c’est 10¹⁸.



(L’article Wikipédia indique que le SI préconise l’emploi des préfixes de mesures qui, eux, ne changent pas : donc ça équivaut à 500 ou 600 T (téra) masses solaires)



(reply:1910398:Trit’)




C’est le CNRS qui l’écrit ainsi… mais pour éviter toute confusion j’ai revu la citation afin de ne laisser que des millions (de millions), avec une précision en puissance de 10 :chinois:


Ce sous-titre :incline:



Merci de nous faire rêver Sébastien !


Tout ça est passionnant et pose tellement de questions…



À chaque fois que je lis des trucs sur l’univers, ça me fait penser à une belle réplique du film “Contact” où une gamine demande à son père si il y a d’autres habitants dans l’univers.



Réponse du père :



Je ne sais pas mais l’univers est tellement vaste et nous sommes si petits que, si nous étions seuls, ça serait un beau gâchis d’espace.”



À priori ça serait une citation de Carl Sagan.


En fait le film “Contact” a tout simplement été inspiré par le roman de Carl Sagan du même nom… :D



“Pour situer ce dernier dans l’univers, il se trouve à environ 11 milliards d’années-lumière de la Terre.”




Ah oui, là on situe tout de suite mieux l’endroit :mdr:
C’est à côté du Dernier Bar avant la Fin du Monde, si je comprends bien?


:non: :non:



Soyons précis…
C’est dans la deuxième galaxie à gauche en sortant du trou de ver d’Interstellar. :windu:



Attention au fait que pour lutter contre la transmission de la co-vide sidéral qui attaque quelques cerveaux humains, un pass-univers pourra être demandé. :fumer:


Merci pour cet article, un sujet passionnant!
C’est une des raison pour laquelle je me suis abonné ici, l’astronomie/physique étant ma deuxième passion après le PC :p
bisous


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