Les explications de Manuel Valls sur l’affaire « DCRI / Wikipédia »
Et salue « le beau projet universel qu'est Wikipédia »
Le 02 octobre 2013 à 06h00
7 min
Droit
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L’exécutif ne s’était guère expliqué sur l’affaire dite « DCRI / Wikipédia », au cours de laquelle un membre de l’association Wikimédia France, également administrateur de la célèbre encyclopédie, fut contraint de supprimer des informations portant sur des installations militaires françaises. Aujourd’hui, le ministre de l’Intérieur affirme que « le droit, en l'occurrence le code pénal, a été appliqué » durant cette affaire. Retour sur les explications de Manuel Valls.
En avril dernier, la Direction centrale du renseignement intérieur (DCRI) provoquait un bel effet Streisand pour avoir réclamé d’urgence auprès du président de l'association Wikimédia France, au nom de la défense nationale, la suppression d’une entrée de la célèbre encyclopédie en ligne Wikipédia. La page en question concernait une installation militaire située à Pierre-sur-Haute, dans les monts du Forez.
À l’époque, la manœuvre avait suscité de vives réactions. Et pour cause : les pressions exercées lors de la convocation du bénévole de l’association Wikimédia France avaient conduit ce dernier à retirer des informations accessibles pour tous de longue date sur l’encyclopédie libre. Ces dernières se bornaient de surcroît « à agréger des informations publiques, la principale source étant un reportage sur la station diffusé par la chaîne locale "Télévision Loire 7", toujours disponible en ligne » affirmait ainsi le député socialiste Christian Paul, dans une question écrite adressée au ministre de l’Intérieur le 16 avril. Le parlementaire demandait d’une part à Manuel Valls quelles parties de l’article en question avaient justifié la démarche de la DCRI, mais aussi sur quelles bases juridiques celle-ci avait agi.
Plus de cinq mois et demi après la publication de cette question au Journal Officiel, le « premier flic de France » vient de donner une réponse à cette affaire - sur laquelle l’exécutif ne s’était guère expliqué. Tout d’abord, Manuel Valls relate les prémices du litige, lesquels remontent à plus de trois ans :
« En juin 2010, la direction centrale du renseignement intérieur (DCRI) était alertée par le ministère de la défense de l'existence sur le site Wikipédia d'un article compromettant des informations, relatives à la chaîne de transmission de l'ordre de mise à feu nucléaire, classifiées Confidentiel Défense et Secret Défense. Avisé, le parquet du tribunal de grande instance de Paris demandait à la DCRI de mener une enquête préliminaire pour atteinte au secret de la défense nationale (articles 413 - 9, 413 - 11 et 414 - 7 du code pénal). En novembre 2010, le vice-président de l'association Wikimédia France était entendu et affirmait que seule la Wikimedia Foundation, Inc., aux États-Unis, pouvait retirer l'article litigieux et identifier son auteur. Une demande d'entraide pénale internationale était donc présentée aux autorités américaines. Ces dernières l'ont toutefois rejetée, au motif que le délai légal de conservation des données était dépassé. Le parquet demandait alors à la DCRI de mettre un terme à son enquête. »
Une première enquête close en 2010, mais rebelote en 2013
Mais cette année, rebelote. « En janvier 2013, le ministère de la Défense informait la DCRI d'une nouvelle mise en ligne d'éléments compromettant des données classifiées, s'ajoutant à celles déjà accessibles sur Wikipédia » explique le ministre de l’Intérieur. Une nouvelle fois, le Parquet a confié une enquête préliminaire à la DCRI pour atteinte au secret de la défense nationale. « Le ministère de la défense faisait valoir que la publication de ces informations, classifiées, causait un préjudice important à la défense nationale » affirme Valls.
Sauf que la réponse du président de Wikimédia France, entendu par la DCRI en février, restait la même qu’en novembre 2010. Le ministre de l’Intérieur fait ainsi valoir que ce dernier « affirmait que, bien que possédant les droits d'administrateur du site Wikipédia, il ne prendrait pas la responsabilité de supprimer des données diffusées par la Wikimedia Foundation, Inc. ». La suite demeurait identique : en dépit des demandes formulées par les forces de l’ordre auprès de l’organisation américaine, cette dernière refusait de retirer les contenus considérés comme classifiés par les autorités françaises. Pourquoi une telle opposition ? La fondation expliquait au travers d’un communiqué que « rien ne lui permettait de déterminer le caractère litigieux de l’article incriminé » au regard des informations qui lui étaient fournies.
« Devant le refus des dirigeants de cette fondation de retirer toute information en ligne, le président de l'association Wikimédia France, administrateur de Wikipédia, qui risquait une mesure de garde à vue pour complicité de compromission du secret de la défense nationale, était une nouvelle fois convoqué en avril par la DCRI ». Nous y voilà... La suite, telle que racontée par la Place Beauvau, est bien connue. « L'intéressé consentait à supprimer l'article », poursuit ainsi le ministère de l’Intérieur.
Circulez, y'a rien à voir !
Conclusion de Manuel Valls ? « Rien dans cette affaire ne saurait s'apparenter à une quelconque atteinte à la liberté d'expression ou à la liberté de la presse ». D’après lui, « le droit, en l'occurrence le code pénal, a été appliqué ». Bref, circulez, y’a rien à voir ! Sans préciser quelles parties de l’article en question justifiaient l’action de la DCRI - et donc sans attester de leur classification - le premier flic de France couvre ses services et contredit la version de ceux qui affirmaient que toutes les informations contenues dans cet article étaient « publiques ».
Valls salue « le beau projet universel qu'est Wikipédia »
Prenant un peu de recul sur le sujet, comme l’y avait invité le député Christian Paul, Manuel Valls ajoute que « les vérifications entreprises n'ont pas permis de déceler la mise en ligne par Wikipédia d'informations aussi détaillées sur les bases américaines que celles présentes sur les bases militaires françaises ». Autrement dit, l’encyclopédie libre serait davantage fournie s’agissant de nos installations militaires que de celles de nos voisins d’outre-Atlantique. « Or, bien qu'elle soit de droit américain, il est légitime que la fondation Wikimédia respecte les lois et règlements et intérêts fondamentaux de l'ensemble des espaces culturels couverts par le beau projet universel qu'est Wikipédia » lance le ministre de l’Intérieur, sans que l’on comprenne en quoi un plus grand nombre de détails signifie automatiquement que la publication de ceux-ci est illicite...
« Au-delà de cette situation particulière, il faut aujourd'hui faire face au déploiement des nouvelles technologies et repenser le cadre de nouveaux équilibres entre l'exigence absolue de respect de la liberté d'information et l'exigence tout aussi absolue de sauvegarde de la sécurité des intérêts fondamentaux de la nation » conclut Manuel Valls. L’intéressé laisse ainsi entendre que le groupe de travail interministériel sur la cybercriminalité, dont les conclusions sont promises pour la fin du mois prochain, devrait se pencher sur le sujet.
Les explications de Manuel Valls sur l’affaire « DCRI / Wikipédia »
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Une première enquête close en 2010, mais rebelote en 2013
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Circulez, y'a rien à voir !
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Valls salue « le beau projet universel qu'est Wikipédia »
Commentaires (35)
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Abonnez-vousLe 02/10/2013 à 13h54
Le 02/10/2013 à 13h56
Belle langue de bois, avec copeaux et sciure sur le dessus. On n’a rien fait d’illégal juste un coup de pression parce qu’on pouvait rien faire d’illégal…
L’intérieur des locaux passe à la télé sur une chaîne locale et c’est wikipedia qui prend… La DCRI entre Tarnac, Mehra, Guillaume Dasquié, cette affaire etc. c’est pas un service de renseignement intérieur c’est l’auberge espagnole… " />
Le 02/10/2013 à 17h14
Le 02/10/2013 à 17h34
le ministre de l’Intérieur affirme que « le droit, en l’occurrence le code pénal, a été appliqué » durant cette affaire.
c’est la faute aux PTT " />
On n’avait plus de bottin alors on a dû se rabattre sur le code pénal (bien plus contondant car la Loi est dure)
Le 02/10/2013 à 18h06
Le 02/10/2013 à 22h47
Le 03/10/2013 à 13h53
Le 04/10/2013 à 03h25
Ce qui est surtout moche, c’est que l’arbitraire d’un ministre fait à peine réagir : je n’ai pas lu beaucoup de commentaires appelant à la Résistance alors que la liberté d’expression se fait piétiner !… Et par un type qui a autant d’arrogance qu’un Papon !.. Mais de quoi d’autre s’attendre avec un transfuge de chez le nain ?…
Le 02/10/2013 à 07h51
Et notre ministre ne répond pas précisément aux questions du député pourtant de son parti !
Ses services ont utilisé une menace de privation de liberté et de poursuite pour complicité pour faire plier l’administrateur de Wikipedia et il les couvre !
Si ses services voulaient supprimer les informations de l’article, ils pouvaient le faire sans faire pression sur cet administrateur.
En ne le faisant pas, ils étaient tout aussi susceptibles d’être poursuivis en tant que responsables de complicité de compromission du secret de la défense nationale.
Ce chantage à la mise en examen est un scandale dans un état de droit et qu’un ministre couvre ceux qui l’ont fait n’est pas honorable.
Enfin, l’administrateur de Wikipedia n’aurait pas dû céder et se laisser mettre en garde à vue et demander un avocat. On aurait au moins vu s’il y avait des bases légales à l’intervention de la DCRI.
Il n’est pas bon que la police fasse la justice elle-même.
Le 02/10/2013 à 08h14
Le 02/10/2013 à 08h15
Une mise en garde signalait que toute nouvelle diffusion de cet article engagerait la responsabilité pénale de l’administrateur qui y procéderait. Rien dans cette affaire ne saurait s’apparenter à une quelconque atteinte à la liberté d’expression ou à la liberté de la presse, particulièrement protégées
Tu pourrais pas réagir au fait que cette mise en garde a été un échec, un wikipédien n’étant pas français ayant remis l’article et les informations et même l’article a été traduit en plusieurs langue ??
Amusant, le ministre s’arrête dans l’historique au moment cela devient intéressant. Il passe directement à la conclusion.
Sous-entendre que les wikipédia favorise les américains, c’est fort de café. Peut-être que justement eux, ils vérifient avant de donner des autorisations de filmer dans leur base. Et c’est aussi oublier le nombre de fuites: wikileaks avec les documents des ambassades ou de la guerre en Irak, SNOWDEN avec une partie du fonctionnement de la NSA. Je trouve que l’avant-dernière phrase c’est carrément de l’anti-USA primaire. La dernière phrase c’est pour faire passer la pilule.
Le 02/10/2013 à 08h23
Le 02/10/2013 à 08h40
Le 02/10/2013 à 08h44
Ou comment des explications peuvent donner encore plus mal à la tête qu’avant les explications. " />
Merci monsieur Valls.
Le 02/10/2013 à 08h47
Le 02/10/2013 à 08h48
si jamais il apprend qu’on peut trouver wikipedia sur CD ROM, il risque de les renvoyer en Roumanie. " />
Le 02/10/2013 à 10h05
Le 02/10/2013 à 10h07
Le 02/10/2013 à 11h04
Hmm….
Donc on supprime des informations PUBLIQUES (car déjà diffusées sur une chaine publique) soi-disant compromettantes (pourquoi les avoir diffusées sur une chaine publique alors?) et on en demande la suppression en menaçant l’un des intervenants ayant eu le malheur de publier des informations publiques…
Et ce n’est pas une violation ni de la liberté de presse ni de la liberté d’expression?" />
Le tout sous couvert de “Sécurité Nationale” tandis que l’on renouvelle des contrats avec Micro$oft, Applle & Co (donc au NSA)? " />
Si quelqu’un doutait que l’on était gouvernés par des cons au dessus des lois, voilà une preuve supplémentaire " />" />
Le 02/10/2013 à 12h21
Qu’est ce que ça va être quand la DCRI va s’apercevoir d’ici deux ans qu’on peut zoomer sur leur bâtiment dans Google Maps " />
Le 02/10/2013 à 12h25
Le 02/10/2013 à 12h46
Le 02/10/2013 à 13h19
Le 02/10/2013 à 13h39
Et sur Wikipédia, il n’y a jamais eu de guerre d’édition de la page “Manuel Valls” en provenance d’IP ministérielles ?
Le 02/10/2013 à 06h05
bouhh .. ce mec me donne de l’urticaire…
Le 02/10/2013 à 06h09
Il ne faut pas oublier qu’on attaque le terrorisme a coup de scotch et d’étiquette sur nos bagages dans les trains et gares en France ….. Donc avoir les codes nucléaire sur Wikipédia " />
Le 02/10/2013 à 06h14
cette dernière refusait de retirer les contenus considérés comme classifiés par les autorités françaises.
Marrant, quand il s’agissait d’une autre affaire d’informations confidentielles, les américains ont criaient au loup…
Sur les sujets de secret défense ou de renseignement, ce n’est pas trop l’entraide qui prime " />
Le 02/10/2013 à 06h15
le premier flic de France couvre ses services et contredit la version de ceux qui affirmaient que toutes les informations contenues dans cet article étaient « publiques ».
Publiées ne serait-ce qu’une fois en ligne, elles le sont au moins devenues. Demander le retrait de ce qui serait litigieux ne fait qu’attirer l’attention sur les contenus “secrets”.
Couvrir pour couvrir, c’est crétin: Soit il y a eu une fuite emmerdante et retrouver discrètement le coupable serait plus malin que d’attirer l’attention ainsi. Soit ça ne pose pas de réel problème et on comprends qu’il mette presque 6 mois à répondre.
Dans tous les cas, Hollande aurait dû comprendre que si les électeurs ont pied’cul-té Sarko y’a 16 mois, il n’était peut-être pas approprié de nous remettre un clone issu de son camp.
Le 02/10/2013 à 06h28
Comme d’habitude dans la “justice a charge” francaise, on ne regarde pas meme les elements …
Des elements rendus publics par la DCRI elle meme ne peuvent pas etre source d’une incrimination pour compromission du secret defense.
Si l’administrateur de Wikipedia a un bon avocat, un recours pour procedure abusive s’impose.
Le 02/10/2013 à 06h30
Il parait jeune visuellement mais il est comme les autres !
Un politique qui ne connait ou comprend le fonctionnement d’Internet, édifiant. " />
Le 02/10/2013 à 06h33
Et le reportage a-t-il reçu une demande de retrait? Car si ce que dit Wikipédia est exact, les informations issues de ce reportage sont tout aussi sensibles.
Sur le fond on ne peut pas en vouloir à la DCRI de protéger les installations militaires françaises, mais sur la forme ça laisse à désirer…
Le 02/10/2013 à 07h00
Le 02/10/2013 à 07h14
Elle est bien loin l’époque de tonton Miterrand, à l’époque ça se faisait rapidement, proprement et discrètement.
Ou pas.
Le 02/10/2013 à 07h48
Le 02/10/2013 à 07h51
Aussi imbécile que quand les services britanniques ont détruit des disques durs contenant des info sensibles venant de Snowden …