Au Sénat, CSA et Hadopi débattent de leur avenir
Débats fusionnels
Le 17 janvier 2014 à 13h05
10 min
Droit
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Pendant plus de deux heures et demie, les présidents de la CNIL, du CSA, de l’ARCEP et de la Hadopi ont échangé hier au Sénat lors d’une table ronde « relative à la régulation dans le domaine des technologies de l’information ». Comme l’on pouvait s’y attendre, le futur transfert des compétences de la Hadopi au CSA fut bien entendu au centre des discussions. Compte-rendu.
« Sans que l'on sache s'il s'agit vraiment d'une question de fond, liée aux évolutions de la régulation, d'un sujet de rationalisation administrative, qui semble devoir conduire à des fusions permanentes, ou d'une idée purement conjoncturelle afin de donner l'impression que l'on réfléchit, la volonté de réformer la gouvernance de la régulation des nouveaux médias resurgit régulièrement. » C’est par ces quelques mots que la sénatrice Catherine Morin-Desailly a accueilli hier matin les invités de sa table ronde. Étaient ainsi conviés : Isabelle Falque-Pierrotin, la présidente de la Commission nationale de l’informatique et des libertés (CNIL), Olivier Schrameck, le président du Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA), Jean-Ludovic Silicani, le président de l’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes (ARCEP), ainsi que Marie-Françoise Marais et Mireille Imbert-Quaretta, respectivement présidentes de la Hadopi et de la Commission de protection des droits de la même institution.
Si le thème de la rencontre était bien celui de la régulation à l'heure d’Internet et de la convergence numérique, les regards étaient principalement tournés vers le CSA et la Hadopi, étant donné que le gouvernement a promis, comme le rapport Lescure le préconisait, de supprimer l’institution en charge de mettre en œuvre la riposte graduée. Mais il ne s’agit que d’un changement de façade, puisqu’il est prévu de confier la plupart des missions de la Haute autorité au gendarme de l’audiovisuel. La ministre de la Culture l’a d’ailleurs martelé la semaine dernière, également devant le Sénat : « La loi sur la création transfèrera [les compétences de la Hadopi] au CSA, ce qui constituera une rationalisation bienvenue de l'organisation administrative ».
Marie-Françoise Marais vante la Hadopi, cette « start-up administrative »
L’argument de la rationalisation, tel qu’évoqué par Aurélie Filippetti, n’a d’ailleurs pas échappé à Marie-Françoise Marais. « Je sais que le changement est en vogue, mais j'oserais tout de même suggérer que la stabilité est parfois gage d'efficacité et de rationalisation » a ainsi rétorqué la présidente de la Hadopi. « Je crains en effet que le lien de cause à effet entre fusion et rationalisation ne soit pas acquis. Au-delà des coûts immédiats d'une fusion, je crois que les risques de perte d'efficience à moyen et long terme mériteraient d'être mesurés » a-t-elle déclaré. Avant d’ajouter : « Si vous me permettez ce clin d'œil : les économies c'est comme les antibiotiques, ça n'est pas automatique ! »
Très rapidement, et sans que cela ne soit une surprise, l’on comprend que la Rue du Texel est vivement opposée à ce que ses compétences soient confiées au CSA. Au contraire, Marie-Françoise Marais défend l’option du maintien de la Hadopi, une « start-up administrative » dont elle s’acharne à justifier l’existence. « L'Hadopi est le fruit d'un choix fait par le législateur, d'une autorité dédiée, spécialisée et experte des secteurs culturels » commence ainsi par rappeler Marais, avant de vanter ses mérites. « C'est une autorité proche de son environnement, se plait-elle ainsi à raconter, ne serait-ce que par l'intermédiaire de ses agents, très actifs sur Twitter pour la plupart - et je suis certaine qu'aujourd'hui ils sont en train de "tweeter à mort" ».
« L'Hadopi n'est pas une porte d'entrée vers la régulation des contenus sur Internet »
« La Hadopi est une marque ! Elle est identifiée par les Français, elle incarne la protection du droit d'auteur sur Internet » ajoute alors la locataire de la Rue du Texel. L’on se souvient à cet égard des millions d’euros d’argent public dépensés pour que l'institution soit si bien « identifiée », même si Marie-Françoise Marais l’assure : « Nous mettons en oeuvre une politique de réduction de tous nos postes de dépenses, à tel point que je ne pense pas qu'il soit possible d'aller plus loin sur cette voie sans entamer notre efficacité. »
Bref, la présidente de la Hadopi a bien mis en garde contre les fusions entre autorités administratives, qui peuvent parfois « s'avérer contre-productives ». D’autant qu’un tel projet ne lui semble pas pertinent sur le fond. « J'ai l'impression que la volonté de renforcer la régulation des contenus audiovisuels sur Internet détermine -à tort - un intérêt pour la Hadopi. On tape à notre porte. Ça nous honore... Mais j'envie de dire : "C'est à côté !" Séparons bien les sujets ! L'Hadopi n'est pas une porte d'entrée vers la régulation des contenus sur Internet » a-t-elle ainsi prévenu.
Parant son habit d’opposante à la mainmise du CSA sur l’internet, Marie-Françoise Marais n’a pas manqué d’égratigner son prétendant. « L'audiovisuel est un secteur fini (...) au sens mathématique du terme » a-t-elle ainsi fait valoir, expliquant qu’Internet « est en revanche un secteur infini à tous égards ».
Le CSA tente d'attester de sa légitimité à intervenir sur Internet
La réponse d’Olivier Schrameck, numéro un du CSA, n’a pas tardé. « Il n'y a pas d'audiovisuel fini, quelque soit l'acceptation du terme fini » a-t-il ainsi lancé, rappelant que le CSA intervenait « sur l'ensemble des services de communication audiovisuelle, y compris ceux diffusés via Internet ». En l’occurrence, sur les fameux « services de médias audiovisuels à la demande » (SMAD), c’est-à-dire les services de VOD ou de télévision de rattrapage tels que Pluzz ou MyTF1 par exemple.
Tout en soulignant que l’institution qu’il préside « n'a pas - et n'a jamais eu - pour ambition de devenir le régulateur général de l'internet », Olivier Schrameck s’est néanmoins efforcé de démontrer sa légitimité en la matière. « Dans ce contexte de convergence [numérique, ndlr], il est essentiel de rappeler que la loi de 1986 définit les services de communication audiovisuelle en fonction de la nature du service proposé, et non pas du tout en fonction du mode de diffusion » a-t-il ainsi expliqué, avant d’insister : « Sur Internet, le CSA régule ainsi les web TV, les web radios et bien entendu les SMAD ».
Aussi, Schrameck s’est montré extrêmement réservé quant à une éventuelle fusion de grande ampleur entre plusieurs régulateurs : « Je ne suis pas certain qu'il soit souhaitable - ni réaliste - de confier l'ensemble des régulations à une autorité unique. Internet, de plus en plus, irrigue tous les domaines de notre vie privée, publique et sociale. Un régulateur de l'internet serait donc conduit à couvrir un champ démesurément étendu à poursuivre des objectifs très nombreux et parfois contradictoires, et finalement à exercer un pouvoir exorbitant, peu compatible me semble-t-il avec les exigences de la démocratie et de la séparation des pouvoirs ».
Aux yeux du CSA, récupérer les missions de la Hadopi est pertinent
En revanche, s’agissant d’un rapprochement avec la Hadopi, le président du CSA a eu du mal à cacher qu’il y était largement favorable. « Il existe incontestablement, à notre sens, une communauté d'objectifs entre l’action de la Hadopi et celle du Conseil supérieur de l'audiovisuel » a-t-il ainsi fait valoir. Plus concrètement, il y a d'après lui différentes missions similaires qui sont aujourd’hui confiées aux deux institutions, et qui pourraient par conséquent n’être gérées que par une seule structure.
C’est tout d’abord le cas s’agissant de la mission de la Haute autorité concernant l’offre légale, qui « fait écho à la mission de soutien à la qualité et à la diversité des programmes qui incombe au CSA ». D’après Olivier Schrameck, « la mission d'observation des pratiques culturelles en ligne trouverait naturellement sa place, et une place importante, au sein du CSA ».
L’intéressé lorgne également sur la mission de régulation des mesures techniques de protection (MTP) confiée aujourd’hui à la Hadopi - et qu’elle a elle-même récupéré de l’ARMT : « Le transfert des missions de la Hadopi au CSA permettrait, nous l'espérons bien, de simplifier la régulation des mesures techniques de protection, aujourd'hui partagée entre la Hadopi - qui en a la compétence principale - et le CSA, qui veille à ce que les MTP mises en place par les éditeurs ou les distributeurs ne privent du droit à la copie privée ».
Car en dépit de ses propos très policés, le gendarme de l’audiovisuel ne l’a pas caché : le projet du gouvernement de confier les missions de la Hadopi au CSA présente selon lui « une pertinence certaine ».
Le CSA ne veut toujours pas de « képi » ni d'amendes administratives
Olivier Schrameck a cependant exprimé ses réserves sur deux points. Premièrement, il a repris ses distances vis-à-vis de la riposte graduée. « Si la réponse graduée devait être transférée par le législateur au CSA, il conviendrait à nos yeux que la commission chargée de la mettre en œuvre [la Commission de protection des droits, présidée par Mireille Imbert-Quaretta, ndlr] conserve une totale autonomie par rapport au collège du CSA, qu'on ne saurait transformer en gendarme des comportements individuels, sauf à dénaturer sa vocation première qui est de réguler la communication audiovisuelle dans l'intérêt du public ». L’on retrouve là les propos déjà tenus par le président du CSA quelques jours après la remise du rapport Lescure. Il affirmait alors qu’il ne souhaitait pas se voir affubler d’un « képi ».
Et pour cause : la mission Lescure a préconisé que les amendes infligées aux abonnés pris dans les filets de la riposte graduée soient réduites (60 euros) mais deviennent administratives. En clair, elles seraient sur ce principe décidées par l’autorité administrative en charge de la riposte graduée, et non pas par un juge - contrairement à aujourd’hui. « Nous ne sommes pas favorables au passage d'une procédure contraventionnelle à un système d'amendes administratives » a de nouveau martelé hier Olivier Schrameck.
Le président du CSA peut cependant se rassurer : Aurélie Filippetti a affirmé à plusieurs reprises qu’elle ne souhaitait pas suivre la piste des amendes administratives, telle que préconisée par Pierre Lescure et soutenue par certains ayants droit de la filière musicale notamment. Pour l’heure, l’on ne connaît que peu de détails quant au projet de loi sur la création préparé par la Rue de Valois. Néanmoins, le texte de la ministre de la Culture ne cesse d’être repoussé. Un temps promis pour Noël 2013, puis pour avant février 2014, ce projet de loi pourrait bien n’être examiné par le Parlement que d’ici l’automne prochain, voire plus tard. En attendant, CSA et Hadopi continuent de chercher à se tailler la part du lion, de même que certains acteurs extérieurs. Le premier veut réguler davantage les contenus audiovisuels diffusés sur Internet, tandis que le second voudrait que ses missions soient « rénovées », conformément à son dernier rapport d'activité. Tout le monde ne sortira cependant pas gagnant des débats qui devraient animer le Parlement d’ici quelques mois.
Au Sénat, CSA et Hadopi débattent de leur avenir
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Marie-Françoise Marais vante la Hadopi, cette « start-up administrative »
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« L'Hadopi n'est pas une porte d'entrée vers la régulation des contenus sur Internet »
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Le CSA tente d'attester de sa légitimité à intervenir sur Internet
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Aux yeux du CSA, récupérer les missions de la Hadopi est pertinent
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Le CSA ne veut toujours pas de « képi » ni d'amendes administratives
Commentaires (30)
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Abonnez-vousLe 17/01/2014 à 13h17
marc il est malade ?
(bon ok je lit)
Le 17/01/2014 à 13h20
Je sais que le changement est en vogue, mais j’oserais tout de même suggérer que la stabilité est parfois gage d’efficacité et de rationalisation. Je crains en effet que le lien de cause à effet entre fusion et rationalisation ne soit pas acquis. Au-delà des coûts immédiats d’une fusion, je crois que les risques de perte d’efficience à moyen et long terme mériteraient d’être mesurés.
v’là la langue de bois politique. une bonne âme peut traduire en français courant?
(non pas toi, tmisfree, t’es pas une bonne âme)
Le 17/01/2014 à 13h27
Le transfert des missions de la Hadopi au CSA permettrait, nous l’espérons bien, de simplifier la régulation des mesures techniques de protection, aujourd’hui partagée entre la Hadopi - qui en a la compétence principale - et le CSA, qui veille à ce que les MTP mises en place par les éditeurs ou les distributeurs ne privent du droit à la copie privée
Je doute que les gens de VLC auraient une meilleur que celle que leur a donné l’HADOPI sur ce sujet.
Le 17/01/2014 à 13h34
Le 17/01/2014 à 13h34
une idée purement conjoncturelle afin de donner l’impression que l’on réfléchit
Pas sûr que ça marche " />
Le 17/01/2014 à 14h07
Un régulateur de l’internet serait donc conduit à couvrir un champ démesurément étendu à poursuivre des objectifs très nombreux et parfois contradictoires, et finalement à exercer un pouvoir exorbitant, peu compatible me semble-t-il avec les exigences de la démocratie et de la séparation des pouvoirs ».
Il est mignon il croit encore être en démocratie " />
Le 17/01/2014 à 14h29
et le CSA, qui veille à ce que les MTP mises en place par les éditeurs ou les distributeurs ne privent du droit à la copie privée ».
Soit il y a un problème de compréhension quelque part soit ils sont pas très efficace sur ce point. " />
Le 17/01/2014 à 14h38
Le 17/01/2014 à 14h54
Tout en soulignant que l’institution qu’il préside « n’a pas - et n’a jamais eu - pour ambition de devenir le régulateur général de l’internet »
Alzheimer, ce fléau de nos citoyens les plus âgés.
À l’époque ou le CSA en discutais avec l’Iran et l’Angola ça devait être moins mielleux comme ton !
Le 17/01/2014 à 14h55
Le 17/01/2014 à 15h00
Le 17/01/2014 à 15h02
Les vautours se disputent la carcasse d’Hadopi. Bon appétit, bande de creuvards." />
Le 17/01/2014 à 15h05
Le 17/01/2014 à 15h14
Marie-Françoise sera bientôt à la retraite, il est parti acheté un riad à Marrakech pour s’y installer pour les vieux jours " />
Le 17/01/2014 à 15h17
Le 17/01/2014 à 15h19
Hadopi, voilà où ça en est…
“Father, I want to kill you, mother, I want to…”
" />" />" />" />" />
Le 17/01/2014 à 15h19
Le 17/01/2014 à 15h20
Le 17/01/2014 à 15h21
ho merde C_S… ca fait un bail.
t’as disparu ou t’as emprunté le casque de francois ?
Le 17/01/2014 à 15h31
Le 17/01/2014 à 15h32
Le 17/01/2014 à 15h32
Le 17/01/2014 à 15h43
vla le gars il dit ‘ouais hu j’ai pas trop de temps, chuis occupé toussa”
mais dés qu’il voit passer un commentaire parlant de torrent, il a encore le reflexe de répondre ‘faut demander a tim-timmy’
" />" />" />
(bon c’pas tous ca mais j’ai une conf a voir. bon weekend les potos)
Le 17/01/2014 à 16h09
« Si vous me permettez ce clin d’œil : les économies c’est comme les antibiotiques, ça n’est pas automatique ! »
Ah ouais quand même, elle ose comparer la hadopi à la médecine. " />
On a repoussé les limites.
Et la suite est pire, j’ai bien fait de pas voir la vidéo.
et le CSA, qui veille à ce que les MTP mises en place par les éditeurs ou les distributeurs ne privent du droit à la copie privée
ah bon ?
CSA…sauf à dénaturer sa vocation première qui est de réguler la communication audiovisuelle dans l’intérêt du public
J’ai du mal comprendre, j’étais persuadé que sa vocation première était toute autre.
Tout le monde ne sortira cependant pas gagnant des débats qui devraient animer le Parlement d’ici quelques mois.
Mais il risque d’y avoir un paquet de perdants, toujours les mêmes.
Le 17/01/2014 à 16h31
Je comprends tout à fait le rapport entre le CSA et la HADOPI, les deux sont des institutions dirigées par une pseudo élite administrative vieillissante et incapable de s’adapter aux évolution technologiques.
Le 17/01/2014 à 17h10
c’est quand meme super drole de voir une reunion enorme dedie a l’informatique ou y’a personne qui comprend quelque chose de quoi il parlent " />.
Ca se voit meme sur leur visage " />
Le 17/01/2014 à 19h21
Le 17/01/2014 à 23h27
Le 18/01/2014 à 00h02
Travaux de commission Groupe d’études Médias et nouvelles technologies - “La régulation dans le domaine des technologies de l’information”
Le 18/01/2014 à 12h18