Affaire Hachette : Filippetti réitère ses critiques envers Amazon
Et joue au toréro avec l'Américain
Le 12 août 2014 à 16h10
6 min
Société numérique
Société
En guerre avec la branche américaine d'Hachette depuis des mois, Amazon continue de faire couler de l'encre électronique. Aurélie Filippetti, la ministre de la Culture, a ainsi déclaré au Monde que les pratiques du cybermarchand étaient inacceptables, confirmant ses propres propos du mois de mai dernier.
900 auteurs contre Amazon dans le New York Times
Si cela transparait peu en France, de l'autre côté de l'Atlantique, l'opposition entre Amazon et Hachette prend un peu plus d'importance chaque jour. Le dernier évènement date de dimanche. Un groupe de 900 auteurs, comprenant notamment Stephen King, ont acheté une double page du New York Times pour pointer du doigt les pratiques du marchand. Il faut dire que ce dernier souhaite tirer les prix des ebooks vers le bas, qu'il trouve trop élevés. Les éditeurs refusant son « désir » se voient ainsi désavantagés sur le site de la boutique en ligne, que ce soit par des délais de livraison importants ou l'impossibilité de précommander leurs futurs livres. Disney, aussi en guerre face au géant, en subit d'ailleurs actuellement les conséquences pour ses derniers films.
Amazon, en riposte, a créé le site ReadersUnited.com. Le créateur du Kindle y explique notamment que la baisse du prix de l'ebook n'est que la suite logique d'un marché qui a toujours tiré les tarifs vers le bas. Un peu d'histoire est ainsi faite, le marchand rappelant que l'arrivée massive du livre de poche un peu avant la seconde Guerre mondiale avait aussi bouleversé le marché, les auteurs comme les éditeurs pointant du doigt ces petits livres à prix cassé. La page vise toutefois directement Hachette. Sa condamnation pour collusion (en savoir plus) est ainsi rappelée avec finesse, et il est demandé aux internautes d'écrire directement au PDG d'Hachette USA en faveur de la baisse des prix des ebooks.
« Je défends l'écosystème du livre en entier, pas un acteur en particulier »
« Cet épisode est une nouvelle révélation des pratiques inqualifiables et anticoncurrentielles d'Amazon, a pour sa part réagi Aurélie Filippetti dans les colonnes du Monde. C'est un abus de position dominante et une atteinte inacceptable contre l'accès aux livres. Amazon porte atteinte à la diversité littéraire et éditoriale. » La ministre note cependant que ce n'est pas le cas Hachette qui est ici en cause. D'ailleurs, « les auteurs qui ont signé la tribune ne sont pas tous publiés par Hachette, ils ont simplement conscience de l'intérêt général. Pour ma part, je défends l'écosystème du livre en entier, pas un acteur en particulier. »
Cette réaction chez nos confrères n'est pas surprenante, sachant qu'en mai dernier, sur le site officiel du ministère de la Culture, Aurélie Filippetti avait déjà prononcé un discours similaire. Elle jugeait ainsi « inacceptables les pratiques d’Amazon (...) Une nouvelle étape a été franchie par le groupe de vente en ligne. Faire du chantage aux éditeurs en restreignant l'accès du public aux livres de leurs catalogues pour leur imposer des conditions commerciales plus dures n'est pas tolérable » estimait alors la ministre il y a moins de trois mois.
Filippetti menaçait alors directement Amazon d'une enquête par la Commission européenne pour abus de position dominante. Un message en partie écouté, dès lors qu'une semaine plus tard, Joaquin Almunia, le commissaire européen à la concurrence, indiquait que la Commission essayait « de comprendre ce qui se passe là-bas. Nous regardons et essayons de comprendre. » Il n'était toutefois pas question à ce moment d'une enquête et encore moins de sanction sur le sujet, sachant que le conflit a lieu outre-Atlantique pour l'instant.
Amazon : « Les ebooks peuvent et doivent être moins onéreux »
En France, du fait des prix fixes des livres, un tel débat peut difficilement avoir lieu. Aux États-Unis, où les tarifs sont libres et où chaque éditeur négocie avec chaque boutique, tout est possible. La philosophie d'Amazon est qu'avec des prix bas, les ventes exploseront. Sur ReadersUnited.com, la boutique explique que « nombreux ebooks sont vendus à 14,99 $ et même à 19,99 $. C'est anormalement élevé pour un ebook. Avec un ebook, il n'y a pas d'impression, pas de surimpression, pas besoin de prévoir, pas de retour, pas de ventes perdues à cause de rupture de stock, pas de frais d'entreposage, pas de frais de transport, et il n'y a pas de marché secondaire - les ebooks ne peuvent pas être revendus comme des livres d'occasion. Les ebooks peuvent et doivent être moins onéreux. »
Certains auteurs et éditeurs estiment néanmoins que brader les tarifs des livres électroniques aura à la fois des conséquences minimes sur les ventes en ligne, tout en dévalorisant leur travail et les livres papier. Qui a raison, qui a tort ? Il est difficile de trancher, dès lors qu'à première vue, les consommateurs ont tout pour pencher dans le sens du géant du commerce en ligne. Ce dernier ne le sait que trop bien et du fait de sa position de vendeur numéro un de livres aux États-Unis, il exploite ses atouts pour maintenir la pression sur Hachette et ses auteurs. Dans leur lettre disponible sur AuthorsUnited, les 900 auteurs demandent surtout que le conflit entre Hachette et Amazon prenne fin, puisque ce sont les écrivains qui sont pris en otage dans cette affaire. La page propose d'ailleurs d'écrire directement à Jeff Bezos, le fondateur et patron d'Amazon, ce qui explique la réplique similaire du cybermarchand via ReadersUnited.com.
« Ce sont des banderilles que nous continuerons à planter dans le flanc d'Amazon »
Notez qu'Aurélie Filippetti ne s'est pas contentée de rappeler au Monde sa pensée au sujet de ce conflit. À propos de l'interdiction des frais de port gratuit, qui a conduit les boutiques en ligne à pratiquer un tarif exorbitant de... 1 centime pour les frais d'envoi, la ministre a tenu à s'expliquer : « Nous n'avions jamais dit que cette loi allait tout régler. C'était un combat politique. Nous savions qu'ils allaient chercher à la contourner. Nous avons agi par la loi pour que cette entreprise ne puisse pas utiliser l'argument commercial de la gratuité des frais de port. Ce sont des banderilles que nous continuerons à planter dans le flanc d'Amazon. »
Si en France, aucune plainte contre Amazon n'a eu lieu vis-à-vis des livres et des ebooks, la compagnie américaine fait néanmoins l'objet d'une enquête fiscale, ce qui est aussi le cas outre-Manche. Quant à nos voisins allemands, les éditeurs locaux ont porté plainte en juin dernier contre la boutique en ligne pour abus de position dominante. Une plainte regardée de près par Bruxelles. Les problèmes d'Amazon sont donc loin d'être terminés.
Affaire Hachette : Filippetti réitère ses critiques envers Amazon
-
900 auteurs contre Amazon dans le New York Times
-
« Je défends l'écosystème du livre en entier, pas un acteur en particulier »
-
Amazon : « Les ebooks peuvent et doivent être moins onéreux »
-
« Ce sont des banderilles que nous continuerons à planter dans le flanc d'Amazon »
Commentaires (40)
Vous devez être abonné pour pouvoir commenter.
Déjà abonné ? Se connecter
Abonnez-vousLe 12/08/2014 à 18h29
Le 12/08/2014 à 18h35
Le 12/08/2014 à 18h49
Tu as surtout un rapport de force entre une nouvelle industrie face à d’autres qui ne veulent pas évolué. Ça me rappel des grandes surfaces qui ont carrément ôté de leur rayon certaine marques pour les faire plier.
Le 12/08/2014 à 19h08
Le 12/08/2014 à 19h25
Les propos d’Amazon sont cohérents et plutôt bons.
C’est surtout le chantage employé par Amazon qui est mauvais.
J’ai vu plus haut quelqu’un qui comparait Amazon devant vendre des livres Hachette à Carrefour qui doit vendre des Yaourt Yoplait. Cette comparaison est érronée pour un fait très simple : Amazon est en situation de quasi monopole sur le marché américain et doivent donc être à ce titre régulé.
Si en France, on se retrouvais avec une seule chaîne de distributeur, celle-ci serait alors probablement obligé de vendre des produits de marques qu’elle n’aime pas. Heureusement, ce n’est pas le cas.
Par contre, il s’est déjà produit une sorte de précédent discutable,
Un conflit s’est produit entre Leclerc et Lactalis, le second voulant imposer une augmentation de ses tarifs de 12% en justifiant une augmentation du prix du lait à été jusqu’à stopper toute livraison de produits à Leclerc dans le but de faire plier le distributeur.
Dans ce cas, l’industriel qui se dit numéro 1 mondial des produits laitier pensait imposer facilement ses tarifs au distributeur, c’était sans compter la concurrence qui a réussi à remplacer les références absentes des rayonnages.
Et là s’arrête la comparaison, puisqu’on ne peut décemment pas comparer des produits alimentaire à la culture…
Le 12/08/2014 à 19h32
Le 12/08/2014 à 19h32
Le 12/08/2014 à 19h41
Le 12/08/2014 à 19h47
Le 12/08/2014 à 19h53
Mon dieu que cette femme est rétrograde " />
Le 12/08/2014 à 20h06
Le 12/08/2014 à 20h24
Enfin le prix de l’ebook aussi haut c’est aussi un abus de position dominante il me semble
En plus je ne pense pas qu’on gardait les bouquins papiers dans un tiroir fermé à clé pour éviter qu’on les pirate lise .
Amazon abuse de sa position et Hachette aussi
( demandez donc aux maison de la presse ce que c’est que les imposés ! )
et la ministre ferait mieux de se mêler de choses sur lesquelles elle a possibilité d’agir plutot que sur des trucs pour lesquels de toutes façons elle ne pourra pas agir.
On ne parle pas de culture on parle de business , de frics, de royalties
de bénéfices, de ventes de profits!
" />
Le 12/08/2014 à 20h27
Le 12/08/2014 à 21h00
Le 12/08/2014 à 21h02
Le 12/08/2014 à 22h45
Les éditeurs français n’arrivent déjà pas à se regrouper pour être un concurrent sérieux en face d’amazon …
Je ne vois pas l’intérêt de cette ministre à essayer de sauver des gens qui n’ont pas la queue d’une idée pour commencer à sauver leur marché " />
Le 12/08/2014 à 22h49
Le 12/08/2014 à 23h34
Le 13/08/2014 à 05h01
Le 13/08/2014 à 07h26
Amazon vend à perte, ils veulent écraser le marcher pour avoir un monopole et pouvoir fixer leurs règles aux distributeurs puis aux consommateurs; leur stratégie est claire…
C’est le Microsoft de la distribution en quelque sorte.
Le 13/08/2014 à 07h32
Premièrement, de quel droit Amazon fixerait-il les prix de ses fournisseurs ?
Amazon ne souhaite pas fixer les prix mais les faire baisser. Et ce n’est pas une question de droit, un revendeur peut évidemment gérer les conditions de vente (tarif dans une certaine mesure, commandes, etc.) tout comme le fournisseur est bien celui qui fixe un premier tarif de vente intermédiaire et pourrait très bien refuser de vendre via Amazon.
Deuxièmement, pourquoi l’ebook serait moins cher ? Ce qui faisait le prix du livre papier, c’est l’objet physique ou le travail d’écriture ?
Les raisons ont globalement déjà été données. Et ce que tu payes n’est jamais simplement le travail d’écriture puisque le livre coûte bien plus cher que ce qui revient à l’auteur. Tu payes tous les intermédiaires de l’édition, la production et la distribution et même le libraire. À la fin ce que touche un auteur pour son travail d’écriture en moyenne sur un livre à 20€ c’est entre 8% et 15% (le pourcentage augmente s’il y a du succès), sachant qu’il y a des exceptions avec de rares écrivains qui touchent un pourcentage plus proche des 20%. Je te renvoie à cet article de l’Expresshttp://www.lexpress.fr/culture/livre/ce-que-gagnent-les-ecrivains_859800.html
Donc pourquoi l’e-book serait moins cher ? moins d’intermédiaires et moins de coûts de production, déjà. Ensuite pour une raison économique très simple expliquée par Amazon et d’autres : l’élasticité de la demande par rapport au prix sur les livres et apparemment d’autant plus sur les e-books. Les ventes permettraient ainsi de compenser plus que largement la baisse de prix, ce serait même rentable, y compris et surtout pour les auteurs si leur part n’est pas anormalement réduite par les éditeurs.
Alors on peut regretter les sales pratiques d’Amazon pour forcer la main à Hachette. Néanmoins ils ont raison et en plus ils ont fait trois offres à l’éditeur pour éviter que les auteurs ne payent l’addition du conflit. Comme par hasard Hachette a catégoriquement refusé à chaque fois.
Leynas.
Le 13/08/2014 à 08h26
Le 13/08/2014 à 08h32
Le 13/08/2014 à 08h33
Le 13/08/2014 à 08h41
Le 13/08/2014 à 09h04
Le 13/08/2014 à 12h13
Le 13/08/2014 à 16h56
Le 12/08/2014 à 16h18
Je ne suis pas du tout d’accord avec elle comme bien souvent d’ailleurs.
Le discours d’Amazon s’appuie sur des faits précis qui ne sont malheureusement pas retoqués par un argumentaire solide mais par un discours évasif
Faire du chantage aux éditeurs en restreignant l’accès du public aux livres de leurs catalogues pour leur imposer des conditions commerciales plus dures n’est pas tolérable
Quid des pratiques commerciales imposées aux internautes ? La récente condamnation d’Hachette pour collusion ne met elle pas en avant de spratiques à condamner par les politiques locaux ? (puisque ca a été sanctionné par l’UE)
Elle n’a pas du avoir de pot de vin (oui c’est facile ^^ )
Le 12/08/2014 à 16h19
De quoi ils se plaignent ? C’est “la main invisible du marché” qui régule tout “naturellement”…
Le 12/08/2014 à 16h25
On peut la critiquer pour Hadopi, ça doit être fermé depuis belle lurette et c’est encore en place.
Le 12/08/2014 à 16h29
des banderilles bof, je dirais plutôt des cure-dents
Le 12/08/2014 à 16h29
A croire qu’il n’y avait rien avant Amazon… " />
Hachette et les 900 auteurs qui vont bien ne devraient même pas se soucier d’Amazon et aller vendre leur livre ailleurs " />
Le 12/08/2014 à 16h38
Le 12/08/2014 à 16h55
Le 12/08/2014 à 17h04
Ce sont des banderilles que nous continuerons à planter dans le flanc d’Amazon
Et ce sont des téléchargements illégaux que les internautes continueront à planter bien profondément dans le * de tous ces dinosaures qui refusent d’évoluer.
Encore une industrie qui refuse d’entrer dans le 21ème siècle et qui va venir pleurer aux téléchargements illégaux d’ici quelques années. Ça arrive plus tard que pour les autres mais c’est le même manège, et le résultat sera identique.
Perso j’achète les livres papier et je pirate leur version numérique. Mais quand je n’aurais plus de place pour les stocker, je n’aurais aucun scrupule si les prix ne sont pas plus raisonnables.
On verra donc à ce moment là, mais déjà pour ma part les traductions Françaises c’est terminé. VO uniquement pour les livres en Anglais. Quand ils respecteront un peu plus leurs lecteurs et arrêteront de faire n’importe quoi on verra.
Le 12/08/2014 à 17h33
Donc, pour eux, un ebook doit être plus cher qu’un poche si je comprends bien…
On ne peut pas revendiquer le prix d’une impression de qualité dans le prix d’un ebook, même pas le prix de l’impression d’un poche…
Quant aux prix des serveurs, je pense qu’amazon s’en sort mieux avec les ebooks, ça évite d’avoir des frais de ports gratuits qui eux leur coûtent réellement.
Donc, ça doit baisser.
Le 12/08/2014 à 17h46
Je suis plutôt d’accord avec elle pour une fois.
Premièrement, de quel droit Amazon fixerait-il les prix de ses fournisseurs ?
Deuxièmement, pourquoi l’ebook serait moins cher ? Ce qui faisait le prix du livre papier, c’est l’objet physique ou le travail d’écriture ?
Troisièmement et c’est là que je suis en désaccord complet avec elle :
Nous n’avions jamais dit que cette loi allait tout régler. C’était un combat politique. Nous savions qu’ils allaient chercher à la contourner. Nous avons agi par la loi pour que cette entreprise ne puisse pas utiliser l’argument commercial de la gratuité des frais de port. Ce sont des banderilles que nous continuerons à planter dans le flanc d’Amazon.
Faire voter une loi en sachant qu’elle sera contournée c’est vraiment du dernier naze, ça dévalorise complètement son rôle normatif.
En plus, ça participe de l’inflation législative puisqu’il faudra en faire une qui règle le problème.
Enfin, c’est proprement scandaleux déjà de faire et au surplus d’avouer faire des lois anti-xxx, la loi est générale et impersonnelle.
Le 12/08/2014 à 18h08
Le 12/08/2014 à 18h09
Moi, je me dit simplement : amazon est un marchand, il vend ce qu’il veut. Il trouve que les ebook hachette sont trop cher et décide de ne pas en vendre, grand bien lui en fait. Putain, mais si on retranscrit ça dans un magasin, c’est comme si carrefour etait obligé de vendre les yaourts yoplait.