Travailler sur 9 fichiers perso depuis son boulot n’est pas toujours abusif
Même si c'est pour son mari qui est boucher...
Le 12 novembre 2014 à 14h20
5 min
Droit
Droit
Au travers d’une décision en date du 13 octobre dernier, la cour d’appel de Basse-Terre a rappelé que les salariés pouvaient utiliser le matériel informatique de leur employeur à des fins personnelles, mais dans certaines limites. En l’occurrence, les juges ont considéré que le licenciement d’une secrétaire qui avait réalisé des travaux sur neuf fichiers (le tout étalé sur une période d'un an) n’était pas justifié.
Lorsqu’il licencie sa secrétaire de direction en février 2011, et ce un an et demi après l’avoir embauchée en CDI, le responsable de la société guadeloupéenne « Alliance management » est sûrement loin d’imaginer qu’il va essuyer un tel revers devant les tribunaux. La liste des reproches à l’encontre Cathia X est en effet extrêmement longue : manquements répétés à l’exercice de ses fonctions (remises accordées à des clients sans accord de la direction, factures encaissées sans que cela ne soit noté, erreurs dans le suivi de la facturation...), comportement « de nature à déstructurer l'harmonie nécessaire à la bonne marche de nos services », utilisation du matériel informatique de l’entreprise « à des fins très personnelles et de manière abusive et sans autorisation »...
La secrétaire fut ainsi remerciée pour « faute lourde », c’est-à-dire sans préavis ni aucune indemnité de licenciement. Pourtant, saisie par l’ex-salariée, la justice a décidé par deux fois que ce licenciement était en fait sans cause réelle et sérieuse. En clair, il n’était pas justifié, tout simplement parce que l’employeur ne fournissait pas la preuve de ces prétendus manquements devant les tribunaux.
Seule exception, et c’est celle qui nous intéresse le plus : l’utilisation du matériel informatique de l’entreprise à des fins personnelles. Alliance Management a en effet rapporté durant le procès d’appel un constat d'huissier établi en janvier 2012, près d’un an après le licenciement de Cathia X. Il ressortait de cet élément « que sur l'un des ordinateurs de la Société ALLIANCE MANAGEMENT, utilisé par une dame A, qui aurait copié le dossier d'utilisateur de Mme X, figure en tout et pour tout 9 fichiers, correspondant à des documents pouvant avoir un rapport avec des proches de Mme X. » explique la cour d’appel dans sa décision (que l'on peut consulter sur Légifrance).
Un usage « très modéré » qui ne justifiait donc pas le licenciement
Dans ces fichiers, on retrouvait « en particulier un avis d'appel d'offres pour un marché de construction de 2 immeubles, dont le maître d'ouvrage est Monsieur B, lequel serait le compagnon de Madame X, un courrier à l'en-tête de M. B, et des fichiers concernant la BOUCHERIE X, correspondant à une liste de boissons, des étiquettes d'adresse, un menu, des tarifs de boissons, des tarifs de grillades et une reconnaissance de dette ».
Mais si la cour d’appel de Basse-Terre a considéré que les travaux menés sur ces fichiers informatiques avaient bel et bien « pu être établis par Mme X sur son poste de travail à des fins personnelles ou pour des proches », elle a dans le même temps clairement retenu que cela ne pouvait justifier le licenciement de la salariée.
Les juges expliquent en effet qu’il y avait lieu « d'observer que ces 9 documents ont été établis au cours d'une année de travail, et de considérer dès lors que Mme X a fait un usage très modéré, à des fins personnelles, du matériel informatique de l'entreprise, sans porter atteinte aux intérêts de celle-ci, comme le permettent les termes (...) du règlement intérieur de l'entreprise rappelées par l'employeur lui-même dans la lettre de licenciement ».
En matière d’utilisation des ordinateurs et/ou d’Internet depuis son lieu de travail, la justice reconnaît de manière constante que le salarié peut en faire un usage personnel, à condition que celui-ci ne devienne pas abusif. Ici, la cour d’appel a jugé que Cathia X était restée dans les limites de l'acceptable. Définitivement considéré « sans cause réelle et sérieuse », le licenciement de la secrétaire de direction a été jugé abusif, et l'ex-salariée a obtenu 5 000 euros d’indemnités, plus 500 euros au titre de ses frais de justice.
Une jauge de tolérance évoluant au fil des litiges
Cette décision vient de ce fait compléter la jurisprudence relative à la délimitation des usages « abusifs » du Net ou du matériel informatique de l’entreprise. En 2013, la cour d’appel de Bordeaux a par exemple estimé que surfer une heure par semaine sur Internet (sur la base d’un temps partiel de 30 heures) ne pouvait pas être considéré comme une période de consultation « déraisonnable et donc réellement abusive ». En revanche, la Cour de cassation a considéré en 2009 qu’utiliser Internet pendant 41 heures sur son lieu de travail, et ce sur une période d’un mois, justifiait bien un licenciement pour faute grave.
Le 12 novembre 2014 à 14h20
Travailler sur 9 fichiers perso depuis son boulot n’est pas toujours abusif
-
Un usage « très modéré » qui ne justifiait donc pas le licenciement
-
Une jauge de tolérance évoluant au fil des litiges
Commentaires (33)
Vous devez être abonné pour pouvoir commenter.
Déjà abonné ? Se connecter
Abonnez-vousLe 12/11/2014 à 14h23
#1
“Ne vous en faites pas Patron, je telecharge des fichiers… Importants. Quoi? Il y a ma femme dessus, mince, ca devient un fichier perso alors… Combien pour l’indemnité?” " />
Le 12/11/2014 à 14h30
#2
regarde son dossier “Perso”
Le 12/11/2014 à 14h30
#3
C’est moi ou Cathia X ça fait très… actrice porno ? " />
Le 12/11/2014 à 14h33
#4
Attention, en France, ce n’est qu’à partir du niveau de la Cour de Cassation que se crée une jurisprudence (et donc les niveaux supérieurs si ça en arrive là, tels que le Conseil Constitutionnel, les Cours Européennes…)
Le 12/11/2014 à 14h39
#5
Le 12/11/2014 à 14h41
#6
Google est ton ami " />
" />
Le 12/11/2014 à 14h50
#7
Ah, M. et Mme X, toujours impliqués dans des affaires tordues " />
Le 12/11/2014 à 14h59
#8
On fait du perso au boulot, du boulot avant le dodo et entre les deux, on prend le métro.
Oh oh !
Le 12/11/2014 à 15h18
#9
Puisque certaines entreprises considerent normale de faire du rab a la maison … je vois pas en quoi c’est mal de faire quelques trucs perso, au boulot …
Maintenant tant que c’est pas 3 demies journees de boulot perdues par semaine ca va … la en l’occurence 9 fichiers dans l’annee, a moins que le travail derriere soit monumentale, je ne pense pas que cela ait eu un impact enorme, surtout que la dame avait pas l’air tres douee …
Le 12/11/2014 à 15h22
#10
Non la jurisprudence ce fait sur tout les arrêts rendu. Et pas que sur la cour de cassation qui elle juge la forme et plus précisément si l’arrêt rendu par le tribunal ou la cour d’appel respect la loi.
D’ou le fait qu’elle a possibilité de casser une décision et de renvoyer à nouveau au tribunal ou à la cour d’appel.
La jurisprudence par les arrêt rendu fait par la suite office de règle ou de coutume.
Le 12/11/2014 à 15h42
#11
Attendez … j’ai pas tout comprite ce qui s’est passé (Fin de journée de travail, toussa, toussa " />).
Si elle s’est faite virée, les autres manquement de cette charmante personne n’ont pas été invoqué par l’employeur ? Il y a avait pas de preuve pour ca mais juste un constat d’huissier comme quoi elle avait utilisé son poste pour utiliser 9 fichiers personnel ?
Dans ce cas, les employeurs sont de gros boulet … a moins que je n’ais rien capté (Ce qui ne serait pas pour m’étonner).
Le 12/11/2014 à 15h47
#12
J’ai tenté et c’est brutal. " />
Le 12/11/2014 à 15h56
#13
Il y a plusieurs accusations, dont “remises accordées à des clients sans accord de la direction, factures encaissées sans que cela ne soit noté, erreurs dans le suivi de la facturation” qui apparemment n’ont pas ete prouvee et/ou documentee par le plaignant, donc c’est siot tu le crois soit tu dis que tu es innocent tant que tu ne peux prouver la culpabilite de la personne, ce qui est le cas de la lgislation francaise. Par contre, il pouvait prouver l’utilisation “abusives” a titre personnel du materiel professionnel sauf que la somme de travail n’est pas jugee assez enorme pour impactee le travail de la demoiselle.
Le 12/11/2014 à 15h59
#14
manquements répétés à l’exercice de ses fonctions (remises accordées à des clients sans accord de la direction, factures encaissées sans que cela ne soit noté, erreurs dans le suivi de la facturation…), comportement « de nature à déstructurer l’harmonie nécessaire à la bonne marche de nos services », utilisation du matériel informatique de l’entreprise « à des fins très personnelles et de manière abusive et sans autorisation »…
[…]
l’employeur ne fournissait pas la preuve de ces prétendus manquements devant les tribunaux.
Ça pue le licenciement abusif pour faute de “j’aime pas ta gueule” à trouzemille km. " />
Il a pourtant oublié de préciser qu’elle violait des bébés phoques en téléchargeant de la musique illégalement.
Le 12/11/2014 à 16h16
#15
Le 12/11/2014 à 16h16
#16
Marrant mais dans ces affaires, c’est toujours la même histoire: un employeur qui croit qu’il peut virer un employé comme ça, sans aucun élément de preuve et en se basant sur des indices capillotractés (le coup des 9 fichiers persos en 1 an, fallait vraiment y croire pour que ça marche" />)
Le 12/11/2014 à 16h18
#17
Travailler pour quelqu’un c’est deja abusif imo, mais bon ca c’est un autre débat, monde capitaliste toussa toussa …
Le 12/11/2014 à 17h14
#18
Sans blague, 9 fichiers perso sur un poste de travail, certains considèrent cela comme abusif ? " />
Et ils pensaient que ça passerait, et que la nana (lourdée sans indemnité et obligée de rechercher du taf en justifiant son départ) resterait sans rien faire ? Y en a qui sont optimistes…
Le 12/11/2014 à 17h51
#19
Le 12/11/2014 à 18h00
#20
Une fois de plus, voici la preuve éclatante qu’en France, non seulement il n’est pas interdit de buller au travail puisque c’est légalement autorisé mais surtout que glander est vivement recommandé !…
Beau pays, belle société. Comment peut-on encore faire semblant de s’étonner que ça va mal économiquement ??? Pas besoin des politiques pour nous enfoncer au fond au trou ! On se débrouille très bien tous seuls pour y arriver !….
Le 12/11/2014 à 18h01
#21
Le 12/11/2014 à 18h04
#22
C’est le deux poids, deux mesures, de l’environnement professionnel.
Il est parfaitement normal que tu partes 4h après la fin de ton poste sans qu’on te paye tes heures, mais si tu arrives 1 minute en retard tu mérites un licenciement pour faute lourde.
La mentalité du travail est encore très arriérée malheureusement.
Le 12/11/2014 à 19h02
#23
“Travailler sur 9 fichiers perso depuis son boulot n’est pas toujours abusif”
A 10 fichiers oui, tu seras condamné(e), puis lapidé(e) en place publique !
\o/
" />
Le 12/11/2014 à 19h20
#24
Pas de preuve = pipeau.
Le 12/11/2014 à 20h12
#25
En effet, j’ai lu trop vite. Du coup je rejoins ton analyse.
Le 12/11/2014 à 20h16
#26
Dans ces fichiers, on retrouvait « en particulier un avis d’appel
d’offres pour un marché de construction de 2 immeubles, dont le maître
d’ouvrage est Monsieur B (…) ».
Auteur de l’article : Xavier B.
Complot. " />
Le 12/11/2014 à 20h50
#27
Le 13/11/2014 à 08h50
#28
Le 13/11/2014 à 09h08
#29
Le 13/11/2014 à 09h34
#30
Le 13/11/2014 à 09h47
#31
N’en déplaise au patron, si ton employé est à virer, tu dois toujours justifier un licenciement.
En l’occurrence, il lui reproche beaucoup de choses mais n’avance pas la moindre preuve, les prud’hommes ne peuvent donc qu’invalider le licenciement.
Tout blanc, tout noir.
Le 13/11/2014 à 10h41
#32
Le 13/11/2014 à 12h13
#33