Loi Renseignement : l’anti-sèche d’Urvoas adressée aux députés
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Le 13 avril 2015 à 07h11
5 min
Droit
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Depuis la commission des lois, Jean-Jacques Urvoas a adressé une note aux députés pour leur expliquer les bienfaits du projet de loi sur le renseignement. Next INpact en diffuse son contenu.
Jean-Jacques Urvoas, président de la commission des lois et rapporteur du projet de loi sur le renseignement, a rédigé une note interne à destination des députés de la majorité notamment, afin de leur expliquer les charmes de ce texte. Alors que le projet entamera ses discussions aujourd’hui à partir de 16 heures, le député socialiste s’essaye à un jeu de questions-réponses et d’argumentaires, qu’on devrait retrouver dans la bouche des partisans cet après-midi.
Surveillance de masse ?
Par exemple, à la question « les services peuvent-ils surveiller tout le monde, tout le temps et partout ? », le parlementaire répond que « la Commission des Lois de l’Assemblée nationale a remplacé des notions jugées imprécises dans le texte du Gouvernement et pouvant donner lieu à des interprétations extensives (« sécurité nationale » et « paix publique ») par des notions bien connues du droit et au champ d’application clairement défini ». Plutôt qu’une surveillance de masse, le député Urvoas préfère évoquer « le principe d’une surveillance limitée à quelques individus qui présentent une menace avérée au regard de motivations sérieuses ». Seul détail non mentionné, les sept finalités qui servent de justification au déploiement des armes de surveillance massive, pourrait-on dire, ont été considérablement étendues lors de l’examen en commission parlementaire.
Comme expliqué au fil de notre longue analyse, parmi ces sept finalités, on est par exemple passé d’une justification tenant aux « intérêts essentiels de la politique étrangère et l’exécution des engagements européens et internationaux de la France » à celle des « intérêts majeurs de la politique étrangère et la prévention de toute forme d’ingérence étrangère ». De même, alors que le projet de loi visait « le recueil des renseignements relatifs aux intérêts publics », la commission évoque désormais : « le recueil des renseignements relatifs à la défense et à la promotion des intérêts publics », phrase suivie par les sept finalités. Ainsi défini, cet objectif autorisera un renseignement non seulement défensif, mais également offensif (« la promotion »), validant un renseignement pro actif au profit des intérêts français.
Autre chose, la surveillance pourra bien être massive via les fameuses boîtes noires qui serviront à anticiper une éventuelle menace terroriste sur les réseaux. Ce ne sont plus des personnes qui seront reniflées, mais bien un flot plus important de données afin de détecter des signaux faibles chez les FAI, les hébergeurs et les éditeurs de site.
Des contrôles en plus ou en moins ?
De même, Urvoas considère que le projet de loi a limité le recours aux opérations exceptionnelles, celles justifiées par l’urgence, qui se passent alors du moindre avis préalable de la commission nationale de contrôle des techniques de renseignement (CNCTR). C’est vrai, sauf que dans la version amendée, ce n’est plus le Premier ministre qui prend en charge ces opérations, mais un chef de service, le Premier ministre n’intervenant qu’a posteriori pour éventuellement faire cesser une surveillance illicite.
La CNCTR aurait par ailleurs gagné en compétence, toujours dans la version amendée en commission des lois. Une compétence toute relative puisque le silence gardé par son président, suite à une demande d’avis exprimée par le Premier ministre, vaudra encore et toujours consentement. Un tel mécanisme montre combien la disponibilité de la CNCTR sera primordiale, tout comme la musculature de ses moyens. Étrangler ses ressources conduira à démultiplier les autorisations accordées par défaut ou non précédées d’analyses solides. Problème, l’étude d’impact est silencieuse sur la question des ressources publiques qui seront allouées à ces opérations.
Le ballet des fausses antennes relais
À l’égard de l’IMSI-catcher, ces fausses antennes relai en capacité d’aspirer les données techniques ou écouter les téléphones passant dans son spectre, Urvoas prévient aussi que la version amendée du projet de loi « n’aborde [plus] la question du dispositif, mais celle des données collectées ». De fait, le texte en commission a effectivement abandonné cette approche technique pour se caler maintenant sur l’article 226 - 3 du Code pénal.
Cette référence permet surtout de légaliser la surveillance administrative via non seulement ces fausses antennes mais également tout « appareil » ou « dispositif technique » en capacité d’« ouvrir, de supprimer, de retarder ou de détourner des correspondances arrivées ou non à destination » ou « d'en prendre connaissance » ou « d'intercepter, de détourner, d'utiliser ou de divulguer des correspondances émises, transmises ou reçues par la voie électronique ». En clair, si cette référence au Code pénal encadre cette aspiration, elle déploie aussi dans le même temps un plus vaste champ d'action.
Autre avantage, l’abandon de l’IMSI-catcher va « éviter que la loi ne soit frappée d’obsolescence dès que la technique aura évoluée » ajoute Urvoas. Celui-ci prévient cependant que ces aspirations seront désormais autorisées non seulement contre le terrorisme, comme dans le projet de loi initial, « mais aussi pour l’espionnage, la criminalité organisée ou les violences graves portant atteintes à la sécurité publique, missions qui constituent de véritables préoccupations pour la sécurité de nos concitoyens ».
Loi Renseignement : l’anti-sèche d’Urvoas adressée aux députés
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Surveillance de masse ?
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Des contrôles en plus ou en moins ?
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Le ballet des fausses antennes relais
Commentaires (34)
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Abonnez-vousLe 13/04/2015 à 09h12
C’est, en essence, ce que je disais " />
Le 13/04/2015 à 09h21
Ami, entends-tu le vol noir des corbeaux sur la plaine?
Ami, entends-tu le bruit sourd du pays qu’on enchaîne?
Le 13/04/2015 à 09h34
que ce soit les USA, ou bien, maintenant la France :
“c’est pas TRES efficace ..leurs écoutes” !
ils n’ont pas put éviter : “le 11 Septembre, Mérah, Couachis, Coulibali, etc ….”
ils n’ont pas le Personnel nécessaire pour traiter les millions “de Data”, ils
sont OBLIGES de s’en remettre à des Algorithmes (peu fiables) !
sinon, y-aurait pas de : terroristes, pédophiles, etc…tout le monde étant fiché !!!
Le 13/04/2015 à 09h35
Je veux bien que ça allège le style, mais je suis moyennement convaincu par le fait d’appeler les gens directement par leur nom de famille.
Il me semblait que c’était un traitement réservé aux morts …
Le 13/04/2015 à 10h00
Tout dépend de ce qu’ils en font … Il ne faut pas être naïf sur le but recherché …
Le terrorisme et la sécurité ne sont qu’un alibi … Il y a aussi beaucoup de “terrorisme” économique ou politique ! Ben oui Airbus et Boeing (que l’on soit d’un coté ou de l’autre de L’Atlantique …) … L’écoute des députés européens … Bref ce qui rapporte plus que des terroristes … Malheureusement …
Le 13/04/2015 à 10h07
et quelle est cette solution A+ ?
(j’esperais au moins un AAAAA comme l’andouillette) " />
Le 13/04/2015 à 10h12
Ça serait un peu long à décrire, mais en gros c’est bien configuré même si IE 6 restera à la porte (TLS uniquement, chiffrement fort, aucun algorithme soupçonné d’avoir été compromis de présent, etc.). C’est un peu mieux que ma banque qui est notée F " />
Le 13/04/2015 à 10h53
Les débats commencent après 16h00, c’est ça ? " />(qu’on rigole de cette mascarade)
Anéfé " />
Le 13/04/2015 à 11h37
Le 13/04/2015 à 11h44
Le 13/04/2015 à 11h50
En écho à cet article, j’avais envoyé un mail au député du Rhône pour “faire pression” (à mon niveau quoi). Je dois l’avouer, j’ai repris certaines expressions de LQDN, mais avant tout c’était dans un objectif de clarté et pour éviter de faire toute faute de syntaxe dans le “politic game”. Voilà le résultat, un bon gros Ctrl+C / Ctrl+V de sa part…
http://www.scribd.com/doc/261254816/Mail-JL-Touraine
Le 13/04/2015 à 12h37
« le principe d’une surveillance limitée à quelques individus qui présentent une menace avérée au regard de motivations sérieuses ».
Tous les élus ayant un rôle sur les intérêts français et pouvant par leurs décisions devenir des menaces avérées, ils ne doivent avoir aucune objection à faire parti des premiers à être surveillés. " />
Le 13/04/2015 à 13h12
Le 13/04/2015 à 13h25
Je crois que l’amendement qu’ils viennent de déposer répond à ta question
Le 13/04/2015 à 14h09
Le 13/04/2015 à 16h51
Le 13/04/2015 à 17h01
Quand on annonce “supprimer, de retarder ou de détourner des correspondances”, pour moi ce n’est plus de la surveillance, c’est de l’action.
Le 13/04/2015 à 07h29
La propagande habituelle, comme d’habitude. Ça fournit également une anti-sèche aux députés avant de passer à la télé. En revanche, toujours rien pour éclairer la représentation nationale sur le coût que cela va représenter. Bon j’ai pas attendu la promulgation de la loi pour faire quelques changements dans ma gestion des connexions SSL, c’est noté A+ par ssllabs et le fournisseur « de solutions cryptographiques » n’est pas en France " />
Le 13/04/2015 à 07h31
Toujours plus et encore plus grâce à la subtilité des mots de la langue française.
Et surtout la volonté de vraiment mettre toute la population sous contrôle non judiciaire 😈
Le 13/04/2015 à 07h38
Le 13/04/2015 à 07h45
Sachant que tout ceci ne sert à rien … Comparé à ce qui se fait : France : terribles révélations sur la surveillance massive
Le 13/04/2015 à 07h46
Le 13/04/2015 à 07h48
Après des études de droit public à l’université de Bretagne occidentale et des études de science politique à l’université de Rennes I, il poursuit son cursus à Paris en obtenant un DESS de Communication politique et sociale à la Sorbonne en rédigeant un mémoire sur la popularité comparée de Michel Rocard et de Simone Veil. Il obtient un doctorat en science politique consacré au “Tableau électoral de la Bretagne occidentale, 1973-1993”.
Encore un qui n’a rien fait de ses 10 doigts, coûte une blinde à la Nation, et vient nous pourrir la vie.
Le 13/04/2015 à 07h52
Le 13/04/2015 à 08h02
Ah mais du coup les rebuffades prennent tout leur sens : “promis, cette loi ne va pas entraîner une surveillance massive. Parce qu’elle est déjà là, en fait.”
Le 13/04/2015 à 08h08
Il n’y a pas si longtemps, je me souviens que certains demandaient à quoi pouvait vraiment servir le projet HADOPI, vu toutes les façons de contourner, etc à présent nous avons la réponse en vraie grandeur, même pire que ce qu’on aurait pu croire.
Et, comme d’habitude, une écrasante majorité votera cette perte des libertés, sous les applaudissements des mêmes qu’hier.
Ami entends tu le bruit des bottes qui approchent…
Le 13/04/2015 à 08h10
Le 13/04/2015 à 08h18
Moi maintenant je répond à tout ceux qui me disent “j’ai rien à cacher donc qu’on me surveille ne me dérange pas”:
Ca ne te dérangera donc pas que les services de renseignement mettent une caméra dans ta douche pour surveiller que ta femme ne prépare éventuellement pas un attentat depuis ta cabine de douche?
Le 13/04/2015 à 08h21
« le principe d’une surveillance limitée à quelques individus qui présentent une menace avérée au regard de motivations sérieuses »
au début*…..mais qu’en sera-t-il dans 5 ans, une fois cette loi en place ?
au début, TOUTES LES LOIS, sont “limitées à ..”, puis c’est APRES que ça “foire” ! " />
* le temps du rodage
Le 13/04/2015 à 08h25
C’est quand même con que les quelques députés actifs qui tentent de légitimer leur salaire le fasse au détriment de leur légitimité électorale…
… et que ce soit dans 70% des cas pour faire du liberticide et/ou du totalement à côté de la plaque.
Le 13/04/2015 à 08h42
Ben si, ça légitime justement : maintenant ça n’est plus attaquable devant la justice, ils sont couverts par ce texte.
Le 13/04/2015 à 08h43
“les fameuses boîtes noires qui serviront à anticiper une éventuelle menace terroriste sur les réseaux.”
Merdum, mais c’est Person of interest !! On est mal, on est mal :)
Le 13/04/2015 à 08h57
Le 13/04/2015 à 07h26
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Tout à fait le type de discours que j’exècre : C’est super, on va pouvoir encore surveiller davantage que prévu, mais au final on surveillera moins que prévu, pour nos concitoyens.
Comme le faisait remarquer John Oliver avec Edward Snowden il y a une semaine, c’est comme nous mettre un flingue sur la tempe en nous disant “je ne vais pas tirer, promis”
mais aussi pour l’espionnage, la criminalité organisée ou les violences graves portant atteintes à la sécurité publique, missions qui constituent de véritables préoccupations pour la sécurité de nos concitoyens
A mon avis, les anonymous seront les premiers à tomber dans la catégorie “espionnage” ou “crime organisé”.
Le jour où tu sais que tes conversations peuvent être écoutées, c’est le jour où tu réfléchis à ce que tu peux ou pas dire, et c’est la mort lente de la liberté d’expression.