Flight Simulator 2024 : un jumeau numérique de la Terre, mais un crash au décollage
Un problème de nuage
Microsoft a lancé hier son dernier Flight Simulator, logiquement estampillé 2024. Après une version 2020 particulièrement riche en mises à jour, la nouvelle se distingue par son usage intensif de l’intelligence artificielle. Pour autant, le lancement s’est révélé calamiteux, avec des serveurs sous-dimensionnés pour gérer l’afflux de connexions.
Le 20 novembre à 17h26
8 min
Société numérique
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Flight Simulator fait partie de ces licences un peu « légendaires » où chaque version constitue un petit évènement. Le jeu ne s’adresse pourtant pas à tout le monde. Il s’agit d’une simulation de pilotage d’avions (et autres appareils aériens) mettant largement l’accent sur le réalisme et l’authenticité. Il n’est pas simple à prendre en main et, comme dans « la vraie vie », il faut mieux savoir où l’on met les pieds.
L’édition 2020 a marqué les esprits, avec une modélisation qui a fini par pratiquement couvrir l’intégralité de la planète. Mais comme toujours dans ce genre de simulation, le niveau de détail dépendait de la zone visitée. Avec les années, le studio Asobo, qui en gère le développement, a ajouté de nombreuses (et volumineuses) mises à jour, chargées d’apporter la modélisation d’un nombre toujours plus important de villes et de lieux. En outre, Flight Simulator 2020 a instauré des modes plus simples, pour les « touristes numériques ». La question était donc posée : que pouvait-on attendre d’une nouvelle version ?
Un niveau de détail multiplié par 4 000
L’édition 2024 se veut beaucoup plus réaliste que la 2020, qui représentait déjà un saut important dans ce domaine. Ce réalisme réside aussi bien dans le rendu des décors que dans la physique appliquée à l’appareil piloté. Dans une interview accordée à BFM en septembre, le responsable Jörg Neumann évoquait 10 000 points répartis sur le fuselage de l’avion pour appliquer les mouvements de l’air.
Le nouveau jeu cherche surtout à rendre le monde virtuel plus vivant. Dans une autre interview, donnée cette fois à VentureBeat, on apprend ainsi que cette édition 2024 multiplie par 4 000 le niveau de détail de l’environnement, grâce à l’intelligence artificielle. L’équipe affirme avoir créé un « jumeau numérique complet » de la planète.
À RockPaperShotgun, Neumann expliquait hier que l’IA avait été utilisée pour créer les textures. Les données récupérées par les développeurs ont été découpées en 28 000 « tuiles », étiquetées selon ce qu’elles représentaient, dont le « biome » (forêt, désert, etc.) et le type de surface (gravier, herbe rase, brousse…).
Asobo et Microsoft ont également profité de l’importante communauté existant autour du jeu. Jörg Neumann indique ainsi que l’équipe (800 développeurs à temps plein pendant quatre ans) s’est largement appuyée sur les suggestions de la communauté.
« L'ensemble du processus est plus sain, je pense. Vous pouvez facilement répondre aux gens, car vous avez déjà un terrain d'entente. Ils vous ont fait part de leurs problèmes. Nous pouvons proposer des solutions. Ils nous donnent leur avis sur ces solutions. Lors de la mise en œuvre, nous allons jusqu'au bout de ce dont ils ont réellement besoin. Je crée des jeux depuis 30 ans. Je ne l'ai jamais fait de cette manière, et c'est mieux. Je ne reviendrai jamais en arrière », a ainsi déclaré le responsable.
L’interview revient sur plusieurs points intéressants, comme les données satellitaires constituant une mauvaise base pour la 3D, le rôle dévolu à quatre personnes à temps plein pour s’entretenir avec les gouvernements, les instituts géographiques et les sociétés de forage, ou encore le dosage entre simulation réaliste et gamification.
Mais ce qui nous intéresse aujourd’hui, c’est surtout le choix technique du studio sur le fonctionnement du jeu.
30 Go à l’installation… seulement ?
L’un des aspects frappants de Flight Simulator 2024 est son empreinte relativement faible sur le stockage : 30 Go. On est loin de jeux assez récents comme Baldur’s Gate 3 et Starfield avec leurs 120 Go, ou même… Flight Simulator 2020 et ses 130 Go dans sa version d’origine, avant le déluge de mises à jour et leurs centaines de Go. Mais ces 30 Go sont en trompe-l'œil.
Si vous volez haut, ils suffiront la plupart du temps. Mais si vous vous approchez du sol, votre ordinateur va commencer à télécharger un lot de plus en plus important de données. Avantage pour les joueurs : un nombre croissant de détails, les régions ayant été envisagées comme des biomes, avec texture du sol, la faune, la flore, etc. Si on s’approche de la savane, par exemple, les animaux vont apparaître et on pourra survoler des rhinocéros et des girafes. Il est même possible de se poser et de descendre à pied pour explorer le coin.
C’est ici que l’on revient sur le fonctionnement par IA. Le modèle créé par Asobo pour Flight Simulator 2024 n’a pas généré la totalité des textures et des détails pour l’ensemble de la planète. Quand un joueur s’approche d’un environnement, des requêtes sont envoyées aux serveurs. En réponse, les détails et textures sont envoyés au joueur. Quand une zone a été calculée, elle est partagée automatiquement aux autres personnes qui s’en approcheraient, afin que les calculs ne soient pas refaits.
L’inconvénient, on s’en doute, réside dans le flux. Même si les données ne sont pas sauvegardées sur le disque, le flux représente en moyenne 5 Go par heure. Il s’agit d’un chiffre donné par Jörg Neumann dans plusieurs interviews, mais la consommation réelle dépend de l’usage et reste à mesurer par un grand nombre de joueurs. Un fonctionnement qui risque non seulement de représenter un gros problème dans les pays où il existe un palier mensuel de données consommées, mais qui a mis les serveurs de Microsoft à mal dès le lancement.
Crash au décollage
Les premières heures du jeu ont en effet été compliquées. Lancé hier soir, de très nombreux joueurs n’ont pas pu mettre la main sur leur avion pour un premier tour. L’écran de chargement concentre les reproches, puisque dans la plupart des cas, il reste bloqué sur un certain pourcentage, sans plus progresser.
Hier soir, vers 19 h, Microsoft a reconnu le problème. « Nous avons pris connaissance de rapports d'utilisateurs faisant état de longs temps de chargement initial dans Microsoft Flight Simulator 2024. En raison du grand nombre d'utilisateurs qui initialisent la simulation simultanément, nous avons un grand nombre de demandes de serveur. Nous nous efforçons de résoudre les problèmes dès que possible. Pour les utilisateurs dont le chargement initial a dépassé 90 % et ne progresse plus, nous recommandons un redémarrage. Sinon, nous conseillons d'attendre que le chargement se déroule normalement », a indiqué l’entreprise sur X.
Sous le tweet, on peut lire de nombreuses réactions en colère. Si certains abordent ces problèmes avec humour (« ça arrive les retards sur les vols »), beaucoup soulignent que Flight Simulator 2020 avait eu de gros soucis à son lancement, quand d’autres disent leur incompréhension face à l’attente de millions de joueurs.
Le torrent de connexions est probablement dû en partie à un lancement simultané sur PC et consoles Xbox, d'autant qu'il est présent dans le Game Pass. Quand bien même, le chargement initial n’était pas la seule difficulté. « Nous avons pris connaissance de rapports faisant état d'avions manquants dans les écrans Ma bibliothèque et Sélection d'avions dans Microsoft Flight Simulator 2024. Ce problème est lié aux problèmes de serveur que nous travaillons actuellement à résoudre », a ainsi ajouté le compte officiel une heure plus tard.
Un peu après minuit, les équipes indiquaient travailler encore sur le problème et pointaient vers une page du support Xbox pour vérifier le statut du service. À l’heure actuelle, tout serait rentré dans l’ordre. Si l’on regarde les derniers commentaires sur X, on peut voir que beaucoup signalent encore divers problèmes, même si celui de l’écran de chargement semble avoir été réglé.
Flight Simulator 2024 : un jumeau numérique de la Terre, mais un crash au décollage
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Un niveau de détail multiplié par 4 000
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30 Go à l’installation… seulement ?
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Crash au décollage
Commentaires (27)
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Abonnez-vousModifié le 20/11/2024 à 17h39
Modifié le 20/11/2024 à 17h50
Le 20/11/2024 à 17h58
Le 20/11/2024 à 19h04
Le nombre d'améliorations relativement à FS2020 dépasse largement mes attentes.
En même temps, le jeu est très cher et la charge au lancement était prévisible. En plus c'est littéralement le métier de Microsoft. Donc ne pas être capable de gérer ça, c'est inacceptable considérant le prix que les gens ont payé, en plus de donner une mauvaise image de leurs services cloud.
Le 21/11/2024 à 00h22
S'ils ont intégré ça, je fonce.
Le 21/11/2024 à 00h42
Modifié le 20/11/2024 à 18h37
Notamment quand le jeu complet est basé sur du téléchargement permanent.
C'est bien la radinerie d'entités ne sachant plus quoi faire de leur pognon qui crée ces problèmes.
Les plus radins sont bien les plus riches.
Côté technique, il est aujourd'hui infiniment plus facile de faire changer d'échelle facilement et rapidement des infrastructures qu'il y a encore une dizaine d'années.
D'autant plus que la licence appartient à une entité qui croule sous le poids de la marge générée en
pigeonnant de crédules clientsvendant de l'infrastructure maquillée en service.On est donc bien face à un mammouth Picsou.
Que le jeu se fasse démonter dans les avis ? C'est temporaire. Et vomir sur cela en critiquant des "enfants gâtés", dans le cas présent, c'est se tromper de cible.
Il y a bien des enfants gâtés à qui il faudrait siffler la fin de la récréation et à qui apprendre la vie.
Simplement : Pas ceux que tu crois.
Le 20/11/2024 à 20h47
On appelle ça le progrès ?
Le 21/11/2024 à 03h26
A mon avis MS a sciemment choisi de ne pas prévoir l'infra nécessaire pour absorber le lancement, car dans 2 semaines ça sera déjà bien plus calme et ils se seraient retrouvés avec une sur-capacité.
Perso, je reste sur MSFS2020 encore quelques temps, le temps que mes addons soient 100% compatibles avec la version 2024 (mon install de MSFS2020 pèse plus de 600Go 😅)
Le 21/11/2024 à 19h39
Le 20/11/2024 à 18h08
Ils sont tous connectés et farcis de bugs "qu'on corrigera Day1 avec le sacro-saint patch de lancement", et jamais l'éventualité d'une indispo serveur n'est incluse dans les specs (pour ledit patch ou ici le contenu distant).
Changer sa consommation de jeux vidéos vers des indé me semble la seule chose à faire, après tout on est sur du divertissement, rien de vital.
Le 20/11/2024 à 22h04
Les pics de charges, ça a toujours existé : on n’a pas attendu les réseaux et internet pour ça.
En admettant que cette idée de fournir « à la demande » des parties/détail du jeu qui ne seront sinon peut être pas utilisées est pertinente.
La question qui peut se poser, c’est la cause ou les causes du goulet d’étranglement.
On dimensionne rarement une plateforme pour qu’elle réponde à un pic de charge anticipé comme exceptionnel : lors de ces pics, on sait que l’on aura plus ou moins de latence. Sauf pour certains systèmes critiques sur lesquels il peut être permis de surdimensionner pour gérer en toute tranquillité les 1% du temps de haute pression. Sinon le coût lui même est considéré comme surdimensionné (armada de chasses neiges dans les régions rarement soumises à la neige).
Si c’est un problème de dimensionnement serveurs, à l’heure du cloud, et entre les mains d’un mastodonte comme Microsoft ça peut certes interroger. En principe on est sur des architectures plus ou moins agiles : on doit pouvoir dimensionner en fonction du temps et en minimiser les exagérations de coûts liés.
En revanche si c’est une question de tuyaux, alors il y a des cas où on ne peut pas faire grand chose je suppose. On ne fait pas des autoroutes à 50 voies juste pour gérer les vacances de Pâques et le chassé croisé d’été. Ok c’est chiant les bouchons. Mais on fait avec ce qu’il y’a. Ou sinon faut partir en décalé.
Modifié le 21/11/2024 à 00h50
... et justement pour répondre de façon souple et efficiente a une demande variable. C'est même la promesse initiale de la notion de cloud.
Donc si le fail du lancement résulte plus de choix de design hasardeux plutot qu'une itération de la loi de Murphy, en tant qu'archi, à leur place, j'aurais pas vraiment le sentiment du devoir accompli a cette heure-ci.
Après, est-ce que ça vaut le shitstorm en cours d'early gamers frustrés de pas avoir pu jouer day 1 dans de bonnes conditions, perso - l'âge aidant - je répondrais par la négative. Y'a quand même plus grave en ce bas monde.
Reste que ça représente quand même une belle pierre dans le jardin d'un Microsoft dont un des coeurs de métier aujourd'hui est l'offre cloud au travers d'azure
Le 21/11/2024 à 14h16
Le 20/11/2024 à 18h53
Le 20/11/2024 à 19h16
Le 20/11/2024 à 23h10
Le 20/11/2024 à 19h50
Le 20/11/2024 à 21h05
Le 20/11/2024 à 23h11
En plus un tel jeu qui constamment télécharge des données, au secours pour le petites connexions. Il est recommandé 50 Mbps... tout le monde n'a pas.
Le 21/11/2024 à 10h54
Le 21/11/2024 à 07h02
Le 21/11/2024 à 09h17
J’avais bien aimé FS2020, mais pas assez motivé pour m’y investir et jouer régulièrement.
Et puis je vois que FS2024 sort à 80€ : waouh ! Ça les vaut sûrement mais j’attendrais quelques semaines pour y jouer sur Game Pass.
Modifié le 21/11/2024 à 09h57
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Modifié le 21/11/2024 à 12h30
Admiration car le studio est foutrement talentueux. Ils utilisent leur propre moteur maison et ils le font très bien. (Suffit de voir leur autre jeu plus modeste A Plague Tale Innocence et Requiem)
Mais le dégoût me vient du fait de cette obsession de vouloir être absolument dépendant d'internet. Non seulement leur jeu est entaché par les problèmes de serveurs mais aussi par le fait d'être toujours plus en dé-posésion de nos jeux. Je ne suis pas sûr que les gens qui ont acheté le jeu pourront continuer à jouer encore dans 10, 20 ans avec cette méthode. Mais cela colle avec la logique du milieu et de Microsoft...
Au risque de me répéter. Vive GOG et les autres stores DrmFree.
Le 21/11/2024 à 15h24
Le 21/11/2024 à 17h14