[Interview] Me Stéphane Cottineau, l’avocat de l’enseignant censuré par Facebook
L'Origine du Monde, l'originalité de Facebook
Le 07 janvier 2016 à 16h30
3 min
Droit
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Un enseignant a attaqué Facebook, le réseau social ayant fermé son compte où était placardée une photo de l’Origine du Monde, le tableau de Gustave Courbet représentant un sexe féminin. Next INpact revient sur cette affaire avec son avocat, Me Stéphane Cottineau.
Qu’espérez-vous dans ce dossier ?
Déjà que la justice française se déclare compétente, ce qu’elle a déjà fait devant le juge de la mise en état (la décision en PDF, ndlr). Nous voulons en conséquence que la Cour d’appel de Paris confirme cette décision. Ensuite, après cette confirmation, nous voulons pouvoir débattre sur le fond.
Sur le fond ?
On n’y est pas encore, mais mon client veut que son compte soit réactivé et qu’il perçoive des dommages et intérêts.
Quel est le montant réclamé ?
20 000 euros. Au-delà, notre souhait est que la liberté d’expression soit respectée, ces principes qui nous paraissent faire partie du socle juridique de notre droit. Et c’est vrai que cet enseignant a été particulièrement choqué que Facebook ne fasse pas la différence entre une œuvre d’art disponible dans un musée français et la pornographie.
Son compte n’a pas été réactivé, mais Facebook a pourtant assoupli ses conditions générales d’utilisation sur les œuvres d’art dénudées…
C’est ça le mystère. L’entreprise a souhaité aller jusqu’au bout du contentieux dans ce dossier, avec une attitude procédurière très dure à l’égard de ce particulier. Elle a usé de toutes les possibilités de recours, des arcanes de la procédure, afin de tenter de le dissuader… Pour nous, il est inconcevable que Facebook vienne en France faire du commerce, gagner de l’argent, proposer un service - ce qui est très bien -, mais sans répondre des éventuelles fautes civiles. Ce n’est pas logique, ni en opportunité, ni en droit. Cette décision est en outre susceptible de faire jurisprudence, puisque les clauses attributives de compétentes, il y en a partout.
La Cour d’appel de Pau a justement déjà jugé un dossier similaire...
Oui, mais dans le dossier actuel, le juge du tribunal de grande instance franchit une marche supplémentaire, en le disant plus formellement. Dans un tel contrat de consommation, il doit y avoir un choix du consommateur pour déterminer le tribunal compétent.
Que répond Facebook sur ce point en particulier ?
Facebook estime qu’il n’y a pas de contrat de consommation, car c’est un service gratuit. Nous répondons que c’est faux, puisqu’il y a une contrepartie (les données personnelles, ndrl). L’entreprise ajoute que mon client ne serait pas consommateur, mais professionnel, arguant que son profil LinkedIn indiquait qu’il était photographe, vidéaste et marin… En réalité, c’est bien un professeur des écoles qui adore la photo. Il en prend lors de concerts et d’expositions et les partage en ligne. Enfin, sur son bulletin de salaire, on peut lire « enseignant », pas « photographe ».
Quelles sont les prochaines étapes ?
Si la compétence des tribunaux français est confirmée mi-février, la procédure se poursuivra au fond devant le tribunal de grande instance avec sur la table, l’Origine du monde et la liberté d’expression.
[Interview] Me Stéphane Cottineau, l’avocat de l’enseignant censuré par Facebook
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Qu’espérez-vous dans ce dossier ?
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Sur le fond ?
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Quel est le montant réclamé ?
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Son compte n’a pas été réactivé, mais Facebook a pourtant assoupli ses conditions générales d’utilisation sur les œuvres d’art dénudées…
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La Cour d’appel de Pau a justement déjà jugé un dossier similaire...
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Que répond Facebook sur ce point en particulier ?
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Quelles sont les prochaines étapes ?
Commentaires (40)
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Abonnez-vousLe 11/01/2016 à 11h46
A mon avis, ça n’a rien à voir avec du prosélytisme. FB n’a qu’un dieu, et c’est le pognon.
Simplement, ils ne veulent pas s’aliéner une partie de leur clientèle potentielle qui, elle, est puritaine (que ce soient des gros ricains républicains ou des milliards de musulmans à l’autre bout du monde).
Ce n’est donc pas du puritanisme mais du marketing.
Le 11/01/2016 à 14h05
Le 07/01/2016 à 16h43
Ouai, une bonne dérouillée juridique à FB histoire de remettre en place leur puritanisme malsain.
Le 07/01/2016 à 17h15
J’espère qu’il seta débouté sur le fond histoire que les citoyens arrêtent d’utiliser cet outil mercantile et malsain.
Le 07/01/2016 à 17h30
J’espère espérer quelque chose mais en fait tartiflette.
Le 07/01/2016 à 17h57
J’espère qu’on aura un résultat vraiment positif.
Le 07/01/2016 à 18h24
Le 07/01/2016 à 18h30
Enfin 20000€ de dommages…
C’était son boulot sa page Facebook ?
Non il est enseignant, alors il a peut-être subit un préjudice moral…
Ça me trou le c… Une telle demande de dommages
Le 07/01/2016 à 20h05
Le puritanisme excessif de FB n’est qu’un prétexte, le mec cherche juste à soutirer 20K€ à FB.
Procès à l’américaine.
La justice a bien plus important à faire que de perdre du temps avec ce genre de guignol, mériterait de payer les frais découlant de ses magouilles.
Le 07/01/2016 à 20h47
ça me fait bizarre de voir la personne interviewée dire :
Déjà que la justice française se déclare compétente
[…]
Si la compétence des tribunaux français est confirmé
J’ai l’impression que ça fait un peu “Moi j’ai raison et si ils ne me donnent pas raison c’est que ce sont des branquignoles”.
Ou c’est juste que l’utilisation du mot “compétence” veut juste signifié que la procédure peut continuer?
Le 07/01/2016 à 20h57
Le 07/01/2016 à 21h05
Si c’est vraiment juger sur le fond, le fait que ça soit de l’art français risque de jouer en défaveur de FB.
Et vu que les instances se sont poser la question, j’imagine qu’ils sont motivés ;) non ?
Le 07/01/2016 à 22h50
Le lien vers Origin… c’est petit. Me suis fait eu comme un bleu.
Le 07/01/2016 à 23h13
+1 je suis de ton avis et de mickaelb
Un point qui n’a pas été soulevé dans les commentaires, c’est cette histoire de vidéo de viol relayé sur les réseaux sociaux entre autre FB et ceux malgré des avertissements d’internautes pour bloqué la vidéo sexuellement explicite, ils jugeaient que ça ne violait les conditions ou alors j’ai raté quelque chose entre temps.
Le 08/01/2016 à 05h37
Le 08/01/2016 à 06h54
Le 08/01/2016 à 06h58
Ici on parle de la compétence d’une autorité, pas d’une compétence professionnelle.
La Justice fonctionne grâce à une organisation judiciaire et des procédures judiciaires. Un tribunal ne peut pas juger n’importe quelle affaire, n’importe comment. C’est comme ça qu’on évite les abus de pouvoir et qu’on favorise l’impartialité de la Justice.
Le 08/01/2016 à 07h07
Il y a un point sur lequel je suis d’accord et pour lequel ce genre d’action peut être utile : Ce n’est pas parce que le service est « gratuit » que le fournisseur n’a aucune devoir envers ses utilisateurs. Comme dit très justement, le service est peut-être gratuit d’un point de vue pécuniaire, mais pas du point de vue des données récoltées et de l’argent que FB gagne grâce à elles.
Le 08/01/2016 à 07h10
Moi, je trouve courageux de se battre pour faire respecter ses droits. Les CGU de Facebook sont illisibles et ressemblent plus à une déclaration d’intérêts de la part de Facebook qu’à un vrai contrat (à côté, les CGV de SFR paraissent limpides).
Ce sont des procès comme ceux-là qui obligent les grosses organisations à changer leurs pratiques commerciales. Finalement, ça profitera à l’ensemble des utilisateurs de Facebook.
Le 08/01/2016 à 07h16
20 000 € correspond seulement à une demande d’une des parties au procès. C’est le tribunal qui décide.
En Justice civil, il faut d’abord demander pour avoir une chance que l’arbitrage du Tribunal accorde un peu de ce qu’on demande vis-à-vis de la partie adverse.
Le 08/01/2016 à 07h38
Le fait que Facebook semble y aller à fond niveau procédure pour user de tout les recours pour ne pas perdre ce procès montre bien que leur CGU ils y tiennent et qu’ils ont vraiment pas envie de se remettre en question là dessus. Parce que bon c’est pas les 20k€ qui les inquiètent.
Puis une défaite de Facebook là dessus et une jurisprudence ouvrirait la boîte de Pandore aussi bien chez nous qu’à l’internationale et les procès commenceraient à pleuvoir. M’étonnerait même pas que d’autres géant du secteur suivent ce procès avec intérêts et espèrent une victoire de leur concurrent.
Mais du coup je découvre que pour Facebook je suis un pro vu que j’ai pas indiqué mon vrai métier mais le fait que je travail pour mon site web qui est mon portfolio de photographe. Comme quoi Facebook et les lois françaises c’est pas l’amour. Sans numéro SIREN je ne suis pas pro.
Du coup ils viennent de découvrir que ho mon dieu des gens mentent dans leur profil Facebook en indiquant pas leur vrai taf. Zut qui va acheter leur bdd faussé maintenant? lol
Le 08/01/2016 à 08h29
FB qui tente de se défendre en utilisant comme preuve un autre réseau asocial…
pathétique.
Et sinon, mon profil FB à l’abandon indique que je travaille chez Aperture Science, FB le croit vraiment?
Le 08/01/2016 à 08h54
Le 08/01/2016 à 08h58
Le 08/01/2016 à 09h41
Personnellement, je trouve cela très bien de se battre pour la liberté d’expression (sans vouloir parler de l’annus horribilis que nous venons de passer).
Mais je tique toujours sur la somme demandée.
Je vais être peut-être un peu dur mais je trouve cela trop facile d’attaquer une grosse boite (même une qui ne manque pas d’argent comme ici) pour un prétexte qui est fort louable mais qui me paraît détourné pour gagner de l’argent…
Il m’aurait paru plus logique de demander 1€ symbolique de dommages et intérêt alors je vous le dis de but en blanc, je veux que ce monsieur gagne son procès mais je veux pas qu’il se mette un euro en poche !
Le 08/01/2016 à 09h44
Quel est l’ordre de grandeur de la somme nécessaire pour aller aussi loin au tribunal ? ( Avocat, frais de justice etc…)
Pour savoir si les 20k€ sont déconnant.
Le 08/01/2016 à 09h47
j’espère qu’il faut espérer. espérons !
Le 08/01/2016 à 09h48
Ce ne sont pas les dommages et intérets qui financeraientla procédure, ceux-ci valent réparation du préjudice subi. Dans quasiment tous les cas, c’est le perdant qui paye ou rembourse ces frais.
Le 08/01/2016 à 11h50
C’est pas interdit d’être puritain. Et d’être malsain non plus, d’ailleurs.
Le 08/01/2016 à 13h47
Avec un cabinet qui ne déconne pas au niveau des honoraires, tu vas être entre 1800 et 3000 € pour la première instance au TGI et pareil pour l’appel. C’est selon la complexité de l’affaire.
Ce que je te dis vaut pour une ville moyenne (Caen en l’occurrence) et me semble transposable à Pau.
Forcément, avec un conseil parisien, tu paies plus cher, mais les locaux dans Paris ont plus de chances de générer des charges supérieures à un cabinet à Argentan.
Après, comme te l’a dit IGI111, ça n’a rien à voir avec les 20 000 € qui sont la réparation de son préjudice … pour une question de principe, il pouvait demander 1€.
S’il gagne, tous les frais annexes (huissier, etc …) seront à la charge du perdant (que je pense solvable) et les honoraires seront en partie pris en charge par Facebook dans la proportion décidée par la juridiction au titre de l’article 700 du CPC.
Il est aussi possible qu’il ait une protection juridique qui prenne une partie/la totalité de ses frais d’avocat en charge.
Le 08/01/2016 à 17h29
Le 08/01/2016 à 18h19
Le 08/01/2016 à 18h35
D’un point de vue pratique, tu as raison.
Le 08/01/2016 à 18h52
Cela dit l’industrie du divertissement française (communément appelée “exception culturelle” ou “création culturelle”) aurait besoin d’une bonne réforme* du Code de Propriété intellectuelle, ce dernier étant une véritable usine à gaz qui permet à Hachette, Vivendi et d’autres de faire des bénéfices sur le dos des contribuables et des consommateurs de culture (si on considère que la culture puisse se consommer).
* article Next Inpact 07/01/2016 :
Dix organisations unies pour défendre les biens communs dans la loi Lemaire
Le 08/01/2016 à 20h17
Pas forcément. C’est au juge de décider.
Frais de justice : dépens et hors dépens.
Le 08/01/2016 à 20h50
Le 10/01/2016 à 14h57
Voilà la news qui en parle. 480 commentaires ;-)
Le 11/01/2016 à 10h13
L’intérêt d’être puritain ?
Le 11/01/2016 à 11h15
L’intérêt? J’en sais rien, mais ceux qui le sont doivent bien y trouver un intérêt. En tout cas, dans la mesure où ce n’est pas illégal, il n’y a pas de raison que FB soit condamné pour cela.
Le 11/01/2016 à 11h28
Si, parce que c’est du prosélytisme religieux. Et que FB en tant qu’acteur important du Web a la responsabilité, a mon sens, de rester neutre.