La drôle de trajectoire politique d’Elon Musk
Peut-on séparer l'homme du CEO ?
À une semaine du scrutin pour la présidentielle des États-Unis, le rôle joué par le dirigeant de multiples entreprises numériques est toujours plus important, au point d’interroger sur les effets qu’il pourrait avoir sur ses activités économiques.
Le 29 octobre à 08h58
7 min
Société numérique
Société
Si l’on sélectionne bien les informations, Elon Musk a enregistré plusieurs réussites de taille en octobre. Le 13 octobre, Space X réalisait un « exploit technique » en lançant sa fusée géante Starship et en parvenant à récupérer le booster Super Heavy sans accroc.
Quelques jours plus tôt, Tesla avait organisé la démonstration de son Robotaxi lors d’un événement intitulé « We, Robots » et faisant la part belle à l’esthétique futuriste… et robotisée, donc, même si les robots humanoïdes présentés au cours de l’événement étaient dirigés par des humains.
En parallèle, l’homme se positionne toujours plus ouvertement en faveur du candidat Trump pour la campagne présidentielle états-unienne. Le Wall Street Journal vient par ailleurs de révéler que l'entrepreneur échangeait régulièrement avec le président russe Vladimir Poutine. Des pratiques qui interrogent, au regard des liens étroits que ses entreprises ont mêlés au fil du temps avec l'administration des États-Unis.
Positionnement politique clair
En termes de positions publiques, Elon Musk alterne provocations, désinformation et pratiques à la limite de la légalité pour promouvoir la candidature républicaine. Lui qui avait par le passé soutenu des candidats démocrates a opéré un virage politique net à la faveur de la pandémie de Covid, puis du rachat de Twitter, qu'il a transformé en X et en bastion de la parole d'extrême-droite.
En août, le Center for Countering Digital Hate rapportait que l’entrepreneur avait promu 50 allégations débunkées dans les médias sur son compte X au cours du seul premier semestre 2024, leur fournissant une visibilité accrue.
Dans les mois qui ont suivi, Musk a non seulement participé à la promotion de désinformation à la suite des ouragans Helene et Milton, mais on l’a vu aussi surgir lors d’un meeting de campagne de Donald Trump. Dans les jours qui ont suivi, l’entrepreneur a annoncé qu’il payerait les internautes qui parraineraient des électeurs républicains dans l’un des États pivots 47 dollars par personne convaincue, par l’intermédiaire de son America PAC.
Puis il s’est engagé à donner un million de dollars chaque jour à une personne qui signerait une pétition « en faveur du premier et du deuxième amendement » de la Constitution des États-Unis, chère au camp républicain. À condition qu’elle soit inscrite sur la liste électorale de l’un des sept États clés en question – sachant que le simple fait de signer ladite pétition permet déjà de recevoir 100 dollars.
Oppositions judiciaires
La dynamique interroge quand on connaît le nombre d'accords commerciaux passés par les sociétés de Musk avec le gouvernement fédéral. En 2021, SpaceX a conclu un contrat de 1,8 milliard de dollars avec la NASA, ce qui en fait le principal lanceur du Pentagone et de la NASA. Un tel lien a permis à Musk d’obtenir une autorisation de sécurité qui lui fournit l’accès à certaines informations classifiées.
En 2023, une longue enquête du New Yorker montrait que l’entrepreneur était devenu une sorte d’éminence grise de l’administration états-unienne, s’étant aussi rendu indispensable auprès de différents bureaux de l’aviation fédérale, des transports ou de la santé.
Un an plus tard, ses relations sont fraiches avec certaines de ces entités. Le milliardaire vient par exemple d’attaquer la Commission côtière de Californie en justice après que celle-ci lui a refusé une augmentation du nombre de lancements de Falcon 9 (de 36 à 50 par an). Pour Musk, la Commission a pris sa décision influencée par un biais négatif envers ses opinions politiques, détaille Business Insider, ce que cette dernière conteste.
Auprès de Politico, cela dit, l’expert des contrats gouvernementaux américains Jerry McGinn souligne que les fonctionnaires de l’administration s’intéressent plus à l’efficacité réelle d’un SpaceX qu’aux tweets de son patron.
Mais les ennuis pourraient venir d’ailleurs : le ministère de la Justice états-unien a prévenu Elon Musk que ses loteries pouvaient être illégales, ce qui ne l’a pour le moment pas démotivé dans son projet. Le 28 octobre, l'État de Philadelphie a attaqué le milliardaire en justice, arguant que les loteries lancées sur son territoire doivent d'abord être agréées par l'État. Son procureur Larry Krasner pointe par ailleurs que demander des informations personnelles et un engagement politique à des citoyens en échange des chances de gagner était illégal.
Liens proches avec Poutine
À l’international, le milliardaire ne présente pas un visage plus stable. Le Washington Post révèle ainsi que le milliardaire a entretenu des contacts réguliers avec le président russe Vladimir Poutine pendant les deux dernières années. Des contacts qui semblent n’avoir été connus que d’une poignée d’agents de la Maison-Blanche, mais qui n’ont pas pour autant provoqué d’alerte pour éventuelle faille de sécurité.
Mi-octobre, l’ex-cheffe de la justice puis commissaire en charge des « valeurs et de la transparence » de l’Union européenne, Věra Jourová, a de son côté qualifié Elon Musk de « promoteur du mal », s’inquiétant auprès de Politico du « pouvoir monstrueux » des plus grandes entreprises de la tech. Avant même les révélations du Washington Post, le Financial Times le qualifiait de « missile géopolitique non-guidé » pour son rôle, en tant que patron de Starlink, dans de multiples conflits mondiaux. Next a par ailleurs détaillé son opposition brutale avec la Justice brésilienne – pays où Musk entretient de bonnes relations avec l'ex-président conservateur Jair Bolsonaro, qui l'a défendu face au juge de la Cour suprême.
Au fil des mois, les intérêts d’Elon Musk et ceux de Vladimir Poutine se sont rencontrés de manière de plus en plus évidente, souligne le Washington Post, que ce soit en termes de promotion de désinformation, d’intérêts économiques (après avoir fourni internet aux troupes ukrainiennes via Starlink, Musk s’est de plus en plus ouvertement plaint du coût économique d’une telle offre), voire strictement politique.
L’influence russe sur la droite américaine est de mieux en mieux connue. Quant à Musk, Donald Trump lui a promis un poste dans son gouvernement s’il remportait l’élection. Si c’était Kamala Harris qui remportait le scrutin, le milliardaire a par ailleurs suggéré auprès de l’éditorialiste conservateur Tucker Carlson qu’il risquerait la prison (ce qui reste à confirmer).
La drôle de trajectoire politique d’Elon Musk
-
Positionnement politique clair
-
Oppositions judiciaires
-
Liens proches avec Poutine
Commentaires (12)
Vous devez être abonné pour pouvoir commenter.
Déjà abonné ? Se connecter
Abonnez-vousModifié le 29/10/2024 à 10h15
Ca ne lui ferait surement pas de mal... Même si ca n'arrivera jamais.
Le 29/10/2024 à 12h00
Le 21/11/2024 à 13h55
Modifié le 29/10/2024 à 09h50
C'est dans un asile qu'il faudrait l'enfermer. Et même là, les "fous" paraîtraient sains d'esprit à côté du melon qu'il possède à la place de la tête.
Sarcasme mis à part, Musk n'est pas le seul danger même s'il focalise beaucoup l'attention par ses agissements. Ce sont les ultra-riches en général, hormis peut-être quelques rares exceptions, qui sont un danger pour le reste de l'humanité.
Et non ce n'est pas faire la guerre aux riches que de dire cela. Mais juste faire le constat d'une triste réalité.
Quand je pense que des empires ont été démantelés dans le passé, avec l'émergence de loi antitrust, justement pour éviter ce type de situation. Et là on observe. Dans la peur, mais on se contente d'observer...
Le 29/10/2024 à 09h56
Le 29/10/2024 à 09h58
Le 29/10/2024 à 10h00
Le 29/10/2024 à 18h01
Le 29/10/2024 à 18h15
Le 29/10/2024 à 18h41
Le 29/10/2024 à 19h00
Le 30/10/2024 à 09h01
Les extravagances, même si elles sont trop souvent malsaines, sont rapidement éclipsées par les résultats individuels. Il est milliardaire, il s’est fait « tout seul ». Ce qu’il dit a forcément du sens et il mérite d’être suivi.
Quelle tentation pour lui que de venir peser dans le débat. Et de le faire à sa manière inimitable, sans complexe, par des moyens inédits.
Au fond Trump et Musk ont pas mal de points en commun. Le sans vergogne, l’outrance assumée, l’absence de peur du ridicule, la réaction instinctive (je sors le truc comme il me passe par la tête à l’instant t). Je tente, en dehors de toute contrainte extérieure, et on verra après. Parce qu’ils savent que dans un pays comme ça, ça fait plus gagner de points qu’en perdre.