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Débats et colère autour des développeurs russes écartés du noyau Linux

Une décision d'au-dessus

Débats et colère autour des développeurs russes écartés du noyau Linux

Crédits : Unsplash

Il y a quelques jours, on apprenait qu’une douzaine de personnes avaient été écartées de la maintenance du noyau Linux pour ce que l’on supposait alors être une nationalité russe ou une trop grande proximité avec la Russie. L’hypothèse ne fait désormais plus de doutes, Linus Torvalds ayant (violemment) confirmé l’information.

Le 25 octobre à 14h27

Que s’est-il passé ? Le 22 octobre, Phoronix se faisait l’écho d’un évènement étrange : une douzaine de personnes impliquées dans le développement du noyau Linux étaient officiellement supprimées de la liste des mainteneurs.

Cette disparition intervenait dans le cadre d’un patch poussé par Greg Kroah-Hartman, mainteneur de la branche stable et de nombreux autres composants. Une note indiquait simplement : « Supprimer certaines entrées en raison de diverses exigences de conformité. Elles peuvent revenir à l'avenir si une documentation suffisante est fournie ».

Sans plus d’explications, l’hypothèse la plus évidente était un lien trop prononcé avec la Russie, soit parce que les mainteneurs étaient russes, soit parce qu’ils avaient une proximité avec le pays ou l’un de ses acteurs. Les noms concernés étaient tous à consonance russe et beaucoup avaient des adresses email de type « .ru ».

L’évènement n’est pas passé inaperçu, déclenchant des conversations entre les autres mainteneurs. Ils se demandaient notamment pourquoi cette décision soudaine et remettaient en question la brutalité du processus et le manque d’informations. Était également pointée du doigt une approche très américaine du problème.

Linus Torvalds s’en mêle

Le 23 octobre, le créateur de Linux rejoint la conversion avec son franc-parler coutumier.

« Ok, il y a beaucoup de trolls russes dans les parages. La raison pour laquelle le changement a été effectué est tout à fait claire, il ne sera pas annulé, et l'utilisation de plusieurs comptes anonymes aléatoires […] ne va rien changer. Et à l'information des spectateurs innocents qui ne sont pas des comptes d'usines de trolls, les "diverses exigences de conformité" ne sont pas uniquement une affaire américaine », débute ainsi Torvalds.

Il continue, plus offensif : « Si vous n'avez pas encore entendu parler des sanctions russes, vous devriez essayer de lire les nouvelles un jour. Et par "nouvelles", je n'entends pas le spam sponsorisé par l'État russe. Pour ce qui est de m'envoyer un correctif : utilisez la bouillie que vous appelez cervelle, s'il vous plaît ».

« Je suis Finlandais. Vous pensiez que je soutiendrais l'agression russe ? Apparemment, il ne s'agit pas seulement d'un manque d'informations réelles, mais aussi d'un manque de connaissances historiques », finit le père de Linux. Une référence sans doute à la Guerre d’Hiver, déclenchée par la Russie contre la Finlande le 30 novembre 1939, pour obtenir notamment ses ressources et une partie de son potentiel industriel. Mais un argument très personnel à une demande d'informations complémentaires.

Le problème était bien la Russie

Des informations plus précises ont finalement été publiées hier par un autre mainteneur du noyau, James Bottomley. En réponse à un commentaire estimant que la phrase initiale était « très vague », Bottomley commence par indiquer qu’ils ont « enfin obtenu l’autorisation » de publier un « vrai conseil » aux développeurs.

Le conseil est le suivant : « Si votre entreprise figure sur les listes SDN de l'OFAC, fait l'objet d'un programme de sanctions de l'OFAC ou est détenue/contrôlée par une entreprise figurant sur la liste, notre capacité à collaborer avec vous sera soumise à des restrictions et vous ne pourrez pas figurer dans le fichier MAINTAINERS ».

L’OFAC est l'Office of Foreign Assets Control du département américain du Trésor. Ce bureau tient à jour une liste nommée « Specially Designated Nationals and Blocked Persons » (ou SDN) dans laquelle on trouve les noms des personnes et entités soumises à des restrictions. Il s’agit d’une conséquence des multiples sanctions prononcées contre la Russie depuis le début de l’invasion de l’Ukraine.

Cette action est passée par voie d’avocats. On ne sait pas s’il s’agit d’une demande directe de l’OFAC ou si les avocats de la fondation Linux (dont le siège est aux États-Unis) ont alerté les développeurs sur l’obligation de conformité avec cette liste. En revanche, le code produit par les mainteneurs écartés reste en place, du moins pour l’instant.

L’impact des sanctions

Comme le souligne Ars Technica et le relevait déjà Phoronix il y a quelques jours, ce n’est pas la première fois que les sanctions contre la Russie s’invitent dans la gestion du noyau Linux.

Serge Semin, l’un des mainteneurs supprimés de la liste, a ainsi travaillé chez Baikal. Cette entreprise russe concevait des puces Arm, mais a dû fermer l’année dernière. Les sanctions avaient pour conséquence la révocation de la licence Arm. Semin a publié hier un long message d’adieu, dans lequel il exprime sa frustration devant le processus cavalier. Il ajoute que son travail sur le noyau était « purement volontaire ».

Le 25 octobre à 14h27

Commentaires (5)

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Un élément qui manque pour comprendre aussi pourquoi le projet se soumet à l'OFAC, c'est que la Linux Foundation a son siège aux USA, et est donc soumise aux lois états-uniennes.
Exact, j'avais oublié de préciser, j'ai ajouté une parenthèse :chinois:
Top merci ;)
Vlad dire : "Mais ça être raciste !"

Linus dire : "Mais vas donc te faire cuire le..."

Bottomley dire : "Ça être obligation légale imposée par Soviet Suprême États-unien ! Toi comprendre ?"

Vlad dire "Achhhh, nostalgie ! Bon vieux temps ! Froid, mais bon ! Moi payer nouvelle usine à trolls pour faire passer simple message : Soviet bon, camarades ! Soviet solution à tous vos problèmes ! Votez Soviet Marinesky-Trumpi-LePenov !"

Illustration : Ce débat sur France Inter, où l'on apprends que beaucoup de gens "archipellisés" ne croient plus en la Démocratie, mais au contraire aspirent à la dictature, à l'autorité, parce qu'ils ont de moins en moins de repères moraux / de limites, qu'ils sont de plus en plus dans leur bulle, leur clan, leur île, de plus en plus détachés du fait politique...

Avant ça, dans un bulletin d'info quelconque, j'entends que de plus en plus de signes (à commencer par la Corée du Nord qui envoie des soldats en Ukraine pour soutenir Poutine + le sommet des BRICS +++...) d'une mondialisation des conflits....

En d'autres termes : d'une guerre généralisée. :craint:
Et pour certains (je ne généralise pas) qui rêvent d'une autocratie à la russe, ce sont les mêmes qui hurlaient à la dictature au moment des Gilets jaunes ou du pass sanitaire… Parfois il ne faut pas chercher à comprendre lorsqu'il n'y a aucune logique !

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