Depuis maintenant plusieurs mois, nous vous proposons un dossier au long cours sur les dessous de l’intelligence artificielle… mais c’est quoi exactement une intelligence artificielle et n’est-ce pas une manière trompeuse ou marketing de présenter ce domaine de l’informatique ?
Cette question très intéressante a été soulevée par JNSON dans nos commentaires : « Même s'il faut bien que le titre évoque quelque chose qui parle, je ne suis pas sûr que de parler "d'IA" est une bonne idée. Il faudrait plutôt parler d'algorithmes d'apprentissage supervisés dans ce cas ou non supervisés pour les auto-encodeurs. Parler d'IA évoque l'intelligence, et c'est plutôt trompeur. C'est donc plutôt un terme commercial à mon sens ».
Pour la faire courte : oui, je suis d’accord. Pour détailler davantage et expliquer mon choix sémantique, je vous propose de lire cet édito. Car cette question mérite une réponse détaillée sur mon approche et ma vision de l’intelligence artificielle. J‘utilise la première personne, car c’est une analyse assez personnelle dans la mesure où aucune définition ne fait consensus.
Allez, direction le dictionnaire
Oublions ce que nous savons (ou pensons savoir) et imaginons qu’on découvre pour la première fois le terme intelligence artificielle, en se demandant ce que ça peut bien être. Première approche, partons à la quête d’une définition. Un rappel tout de même : la notion d’intelligence artificielle n’est pas nouvelle, loin de là puisque la naissance de ce terme remonte à la conférence de Dartmouth en 1956.
Voici ce qu’en dit le Larousse : « Ensemble de théories et de techniques mises en œuvre en vue de réaliser des machines capables de simuler l'intelligence humaine ». C’est également celle de l’encyclopédie libre Wikipédia.
Passons au Robert : « ensemble des théories et des techniques développant des programmes informatiques complexes capables de simuler certains traits de l'intelligence humaine (raisonnement, apprentissage…) ». Le dictionnaire en ligne est un peu plus prolixe avec l’ajout de « programmes informatiques complexes » et la précision de « certains traits » pour la comparaison avec l‘humain.
Le Centre de Recherche Informatique de Montréal (CRIM) reprend l’idée de « programmes informatiques complexes capables de simuler certains traits de l’intelligence humaine », mais ajoute une dimension marketing : « L’IA permet aux entreprises d’automatiser certaines tâches, de faire des prédictions de manière simple et précise, et de les aider dans leurs prises de décision ».
La suite de son propos résume assez bien la situation : « Aujourd’hui l’expression est souvent utilisée pour presque toute application qui effectue des tâches complexes nécessitant auparavant une intervention humaine, mais il est important de connaître d’autres termes liés à l’IA pour comprendre sa dimension ».
La CNIL se distingue sur sa définition de l’IA
On se tourne vers la CNIL. Cette fois-ci, la Commission introduit un nouveau mot important – algorithme – et supprime le terme humain de sa définition : « L’intelligence artificielle est un procédé logique et automatisé reposant généralement sur un algorithme et en mesure de réaliser des tâches bien définies ».
La CNIL parle dans la suite de sa définition d’un rapprochement avec l’humain, mais pas directement puisqu’elle cite une autre institution : « Pour le Parlement européen, constitue une intelligence artificielle tout outil utilisé par une machine afin de "reproduire des comportements liés aux humains, tels que le raisonnement, la planification et la créativité" ».
Bref, vous l’aurez compris, ce n’est pas simple et il n’y a pas une définition de l’intelligence artificielle ni même un consensus sur le fait de rapprocher l’intelligence artificielle de celle humaine. L’approche de la CNIL est intéressante. Une définition assez précise sans rapprochement humain, mais juste après une autre définition reprenant le rapprochement avec l'humain. Preuve qu’il est difficile de passer à côté.
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Commentaires (12)
#1
Et si on commence à évoquer les algorithmes stochastiques, là c'est le drame
#1.1
Ça peut paraître absurde d'un point de vue mathématique, mais en informatique les PRNG peuvent être rendus déterministes avec une graine déterminée (notamment utilisé pour reproduire localement des tests "aléatoires", dédié à trouver des comportement inattendus: e.g. https://docs.tigerbeetle.com/about/vopr/).
Historique des modifications :
Posté le 24/09/2024 à 08h16
Si on considère que le générateur aléatoire fait partie des entrées et est reproductible, c'est jouable, non?
Ça peut paraître absurde d'un point de vue mathématique, mais en informatique les PRNG peuvent être rendus déterministes avec une graine déterminée (notamment utilisé pour reproduire localement des tests "aléatoires", dédié à trouver des comportement inattendus: e.g. https://docs.tigerbeetle.com/about/vopr/).
#1.2
Même si, en réalité, en stochastique, on va plutôt utiliser un TRNG qu'un PRNG pour éviter les comportements aberrants.
#1.3
#2
Il n'y a pas forcément de phase d'apprentissage en IA, elle regroupe plein plein de méthodes différentes.
Et au départ, le domaine de recherche a été créé avec pour objectif de simuler l'intelligence humaine (ou des parties de celle-ci) :
Conférence de Dartmouth
#3
Au passage, merci pour ton article, très clair, concis (ce que je ne vais pas réussir à faire), et aussi parce que c'est la première fois que j'ai accès à ce type de débat, car ce fut longtemps assez confus pour moi même. Aussi, ce que je vais dire est juste une interprétation personnelle, et je pense que c'est une invitation simplement à réfléchir à la question.
Mais ma question ne visais pas à reprendre toute discussion qui emploi le mot IA ni n'importe comment. Et justement, puisqu'il s'agit de parler au plus grand nombre, il est important de relativiser le terme "IA", et d'autant plus si cette IA est impressionnante. Ce qui est commercial à mon sens, ce n'est peut être même pas le terme, ni le fait que l'IA soit commercialisée, mais paradoxalement le résultat que la dite IA produit. Je me suis rendu compte/rappelé que le terme me dérangeait moins dans le passé, quand il n'était pas aussi populaire, ou quand il était seulement populaire dans la SF, donc dans une perspective qui nous apparaissait peut être moins palpable. Ce n'est pas le fait que l'IA soit populaire le problème, c'est le fait que ça prend de l'ampleur, et donc que les éventuelles conséquences (non visible à faible échelle) prennent de l'ampleur aussi. Je situe mon questionnement sur l'acceptabilité du terme Intelligence au moment des premiers robots de Boston Dynamics. Ils impressionnaient tellement, moi y compris, que lorsque des personnes commençaient à parler de Terminator au premier degré (en incluant James Cameron), en oubliant que ce sont les humains qui crée et commandent l'IA, ça a commencé à me déranger, car alors puisque l'IA était intelligente, c'est donc qu'elle était responsable, même si personne ne le disait comme ça. Cela m'a laissé pensé, peut être à tord, qu'il y avait un glissement des responsabilités perçues (et là, des techniques commerciales peuvent s'y engouffrer, puisque même Facebook annonçait ne pas comprendre ses algorithmes).
Bien sûr, je ne dis pas qu'il ne peut pas y avoir de gros problèmes avec ce type de robot, au sens, où il peut très bien y avoir un bug qui apparaît, qui ne fait pas totalement planter la machine pour la rendre inopérante, et qui la laisse s'emporter, avec d'autres machines, entraînant une réaction en chaîne d'évènements et de décisions, dont le résultat serait catastrophique à grande échelle. Mais ce n'est pas pour cela que ces machines sont capables de discernement je pense, et à la fin, les concepteurs, les financeurs, et les utilisateurs, et les régulateurs sont responsables des actions qu'ils entreprennent. Mais je ne veux pas non plus dire qu'un développeur doit être tenu responsable d'un bug qui ferait planter toutes les machines du parc informatique mondial, c'est tout un système qu'il faut questionner à mon avis.
Puis il y a eu les images générées via des filtres de convolution, et pour aller vite les agents conversationnels qui ont enfoncé le clou de l'illusion. La j'ai pu lire des personnes dire que l'IA nous ressemble, y compris dans sa façon "d'halluciner", que c'est en réalité "nous". Est-ce que c'est l'IA qui va vers nous, et est-ce que c'est nous qui allons vers elle ? Si je parle d'illusion, cela me fait penser à ton texte qui évoque la définition suivante "Ensemble de théories et de techniques mises en œuvre en vue de réaliser des machines capables de simuler l'intelligence humaine", et en fait, c'est le propre de toute l'informatique de faire cela : simuler quelque chose.
Les caractères de ce texte n'existe pas, ce sont des numéros de lettre qui se suivent. A chaque numéro correspond une lettre. Un programme va lire ces entiers et va aller chercher des images pixelisés, ou des dessins vectoriels, contenant les lettres en question, et ces images sont affichées les unes après les autres via des algorithmes "qui font ça bien". On a l'illusion via l'Interface Homme Machine que le texte existe bel et bien, qu'il est cohérent, aussi bien que sur du papier. Il est en est de même pour les zéros et les uns qui codent ces numéros de lettres et on fait comme s'il existaient vraiment, alors qu'il s'agit plutôt d'états électriques haut et bas qui sous tendent les 0 et 1. Et au final, pour citer le film Matrix (impossible de faire autrement), la cuillère n'existe effectivement pas, et si on suit ce raisonnement, l'IA non plus en fait. On fait comme si la scène d'un jeu vidéo était réel, comme si les personnages d'un livre ou d'un film aussi, ou comme si l'image était en quelque comprise en tant que telle par la machine, alors que non, et on le sais bien. Pour citer Rafik Djoumi du Rocky Rama Hors Série de 2020, "nous sommes acteurs de notre propre désinformation". Il parle de Matrix 1 qui pourtant annonce que l'histoire est une simulation, et que alors que le livre "simulacre et simulation" nous crève les yeux, nous choisissons de croire en la prophétie de l'Elu. Exactement à la moitié du film de Matrix 2, soit au milieu des trois films, le film 1-2-3 s'inverse (oui il n'y a qu'un seul film en quelque sorte), et l'élu n'est plus qu'une manipulation de la matrice. C'était le cas depuis le début, mais c'est la simulation qui s'effondre (dans notre tête). A ce moment, soit on décide que c'est n'importe quoi, qu'ils ont tué Matrix 1 et n'ont pas respecté son esprit, soit on décide que "c'est trop facile cette explication à dormir debout", mais voilà, quoi croire ? qu'un homme fait ce qu'aucun ne sais faire dans une simulation entièrement contrôlée, ou que la matrice contrôle cette "éveil" pour contrôler l'histoire des "résistants" ? Comme dit Morpheus, les gens sont prêt à tout pour préserver "le" système (les personnages de Matrix ne mentiraient jamais selon Rafik Djoumi, ce qui est assez particulier). Du coup, j'avais enfin compris pourquoi Néo avait des pouvoirs en dehors de la matrice, car à partir du moment où la matrice c'est le film lui même (c'est à dire juste un film), néo est toujours dans la matrice qu'est le film, même si dans le film il est en dehors (ça c'est mon interprétation). Nous interprétons que la diégèse du film ne peut sortir d'elle même, et ne peut s'immiscer dans notre imaginaire. Pourtant le film a suscité bien des débats et hypothèses sur les forums, preuve que cette matrice a un impact sur nos vies. Paradoxalement, elle a bien une consistance, puisqu'elle nous influence, mais c'est nous qui choisissons de lui donner un sens (avec les réalisatrices qu'on oubli), pas l'IA. Mais le sens caché du film est en réalité autre.
En dehors de ces aspects, cela fait longtemps que je me pose la question de cette notion d'"IA", et maintenant, j'en suis au point où ma façon de dire s'il y a intelligence, c'est d'aborder les choses ainsi. Un transistor, c'est un interrupteur électronique, mais juste un interrupteur. Celui qui appuie sur le bouton pour laisser ou non passer le courant à travers cet interrupteur, c'est un signal électrique qui vient d'un autre interrupteur, d'un autre transistor, et ainsi de suite. En d'autre termes, c'est une mécanique. Si je prend une montre avec des rouages, c'est aussi une mécanique. Est-ce que cette montre est intelligente ? Je choisi de répondre non, assez facilement, mais c'est très personnel. Si cette montre fait la taille de la tour Eiffel avec un engrenage infernal, je ne vois toujours pas d'intelligence, juste une illusion, et une intimidation bien plus imposante. Pour moi l'IA devient un problème quand on oubli que ce n'est qu'une grosse montre qui fait "comme si" ça ne l'était pas. Et plus l'IA est "douée" pour faire illusion, plus ça me pose paradoxalement problème.
Peut être que je suis vieux jeu, ou peut être que j'enfonce des portes ouvertes, je ne sais pas, mais, quand bien même on pense s'être adaptés, en réalité, toutes les technologies ont apportées leur lot de mauvaises nouvelles. On le disais avec les ordinateurs de poche, et finalement, aujourd'hui, la nouvelle génération dit "lâchez un peu vos outils", et "mettez vous en action" (je parle du film Kaizen). Pour les réseaux sociaux, on a touché du doigt le potentiel assez destructeur de ces technologies, à l'échelle quasi géopolitique, mais je pense qu'il n'y a pas besoin d'aller aussi loin pour que ça fasse des dégâts, d'autant que l'IA est aussi présente à ce niveau (voir très).
Donc au final, dans l'idéal, ce que j'aimerais, c'est avoir une méthode scientifique qui dise "voilà ce qu'on peut faire avec l'IA, et voilà, ce qu'il faut éviter, ce qui déforme une société entière, sans qu'elle n'est donné son consentement éclairé, et sans qu'elle ne s'en rende compte". A tire personnel, je ne sais pas ce qu'il faut faire ou pas. J'espère que la question sera suffisamment objectivée un jour. J'ai l'impression qu'on est à l'époque des premiers essais d'avions, où il y en a plein qui se crachent "gentiment" ou "méchamment", et ou finalement l'avion devient le moyen de transport le plus sûr au monde, jusqu'au jour où on découvre qu'en fait non, il pollue tellement qu'il participe à la menace de la vie sur Terre telle qu'on la connait. Pour moi l'IA pose potentiellement le même niveau de problème, mais sur nos consciences. Et une partie du problème tient dans la définition, et l'illusion qu'on lui accorde.
Cela dit, j'ai cherché un terme qui me conviendrait mieux, mais je n'en ai pas trouvé un qui ne soit pas trop pompeux.
#3.1
#4
Historique des modifications :
Posté le 24/09/2024 à 07h41
Pour moi, la différence entre IA et "intelligence" est la même qu'entre "avion" et "simulateur d'avion". Quand on rentre dans un simulateur d'avion qui va reproduire un vol de Paris a New-York, on peut être impressionner par tous les paramètres modélisés, mais en sortant du simulateur, on n'aura pas voler, et on sera pas a New York. Un simulateur d'avion n'est pas avion. Une IA reproduit des modèles, c'est un simulateur d'intelligence, mais n'est pas une "intelligence".
#5
#6
Tout est dit dans cette phrase de l'article.
Personnellement je n'ai pas la réponse mais je pense que c'est un truc universel dont toutes les espèces vivantes (animales ou végétales) sont pourvues car c'est ce qui leur permet de s'adapter à leur environnement et donc d'exister, tout simplement.
Pour ce qui est de l'IA, j'avoue être assez sceptique puisqu'on ne sait pas vraiment ce qu'est vraiment cette fameuse intelligence et donc comment la définir.
Pour moi c'est donc surtout une nouvelle expression à la mode, un peu comme ce fameux "wokisme" qui est mis maintenant à toutes les sauces à tel point qu'il ne veut plus dire grand chose.
#7
Don't be an iDiot
#8
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Historique des modifications :
Posté le 24/09/2024 à 21h02
L'intelligence artificielle est « artificielle » parce qu'elle est créée par des humains et fonctionne sur des algorithmes et des données.
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