Nouvelle arme pour la DGCCRF : du « name and shame » sur les injonctions
Name and cheh
Le 02 janvier 2023 à 10h09
6 min
Droit
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La DGCCRF dispose de nouveaux pouvoirs qui lui permettent « de dévoiler l’identité d’entreprises responsables de pratiques illicites » et ainsi renforcer « son action de prévention et d’information ». Un décret a été publié le 30 décembre en ce sens.
Avant de plonger dans les nouveautés du décret publié au Journal officiel, commençons par un petit rappel des trois principales missions de la répression des fraudes (DGCCRF) : la régulation concurrentielle des marchés, la protection économique et la sécurité des consommateurs.
Le Code de commerce et le Code de la consommation donnent aux agents des pouvoirs d’enquête et, en cas de manquements, des suites peuvent être données. La fin de l’année 2022 était d’ailleurs chargée pour la DGCCRF.
Panoplie de la DGCCRF : suites pédagogiques, correctives et sanctions
Suivant les situations, une simple « suite pédagogique » peut être donnée lorsque le manquement ou l’infraction est de « faible gravité » ; un avertissement est alors adressé au professionnel. Mais des « suites correctives » sont également possibles dans des cas plus graves afin « d’obtenir du professionnel sa mise en conformité rapide ».
La répression des fraudes en détaille deux catégories. Il y a « les mesures de police administrative, notamment les injonctions », qui permettent à l’administration d’exiger une mise en conformité dans un délai défini. Il existe aussi les assignations, qui « déclenchent la mise en œuvre d’une procédure devant le juge judiciaire ».
Terminons ce tour d’horizon des « suites » avec les sanctions : « l’administration y a recours si le comportement du professionnel est particulièrement grave et doit être sanctionné ». La palette est large : sanction civile (amende, nullité de clauses contractuelles, etc.), procès-verbal (pour demander au juge le prononcé d’une amende ou d’une peine d’emprisonnement) et enfin une sanction administrative (amende avec ou sans publication de la décision).
Un décret vient apporter du changement sur les injonctions.
Name and shame sur les injonctions, en plus des sanctions
La répression des fraudes rappelle qu’elle dispose « déjà de possibilité de recourir à la publication de l’identité des entreprises sanctionnées (« name and shame ») s’agissant des sanctions administratives ». Elle ne s’en prive d’ailleurs pas dans certaines affaires, mais ce n’est pas une obligation. Les injonctions par contre n’avaient pas droit au même traitement de faveur.
La DGCCRF dispose ainsi d’une nouvelle arme depuis quelques jours : « Un décret publié [le 30 décembre], pris en application de la loi du 16 août 2022 portant mesures d'urgence pour la protection du pouvoir d'achat, permet à la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) de renforcer sa communication sur ses mesures d’injonction ». Elle peut désormais faire du « name and shame » sur les injonctions et les sanctions administratives.
Après la loi du 16 août, le décret du 30 décembre
Dans l’article L464-9 deux paragraphes ont pour rappel été ajoutés par loi du 16 août 2022 : « L'injonction mentionnée au premier alinéa du présent article et la transaction mentionnée au deuxième alinéa peuvent faire l'objet d'une mesure de publicité, dans des conditions fixées par décret en Conseil d'État. Dans ce cas, le professionnel est informé, lors de la procédure contradictoire préalable au prononcé de l'injonction, de la nature et des modalités de la publicité envisagée. La publicité est effectuée aux frais du professionnel qui fait l'objet de l'injonction ou accepte la transaction ».
Le décret manquait à l’appel, mais il a finalement été publié le 30 décembre. Il précise les conditions de cette « publicité » pour plusieurs articles du code de commerce et de la consommation. Elle peut ainsi « être effectuée par voie de presse, par voie électronique ou par voie d'affichage. La diffusion par voie de presse, par voie électronique et l'affichage peuvent être ordonnés cumulativement ».
Cette publicité peut « porter sur tout ou partie » des mesures et « prendre la forme d'un communiqué informant le public des motifs et du dispositif » des mesures. Le décret ajoute enfin que « l'affichage s'effectue dans les lieux et pour la durée indiquée » dans la mesure, mais qu’elle « ne peut excéder deux mois. En cas de suppression, dissimulation ou lacération des affiches apposées, il est de nouveau procédé à l'affichage ».
La publicité des injonctions désormais possible
La répression des fraudes résume la situation : « la publicité des injonctions est désormais possible dans tout le champ d’action de la DGCCRF, que ce soit dans la lutte contre les pratiques restrictives de concurrence (suppression d’une clause créant un déséquilibre significatif) ou en matière de protection des consommateurs (cessation d’une pratique commerciale trompeuse, obligations d’information…) ».
Ce n’est pas tout, les modalités de cette publicité sont également renforcées, comme nous venons de l’indiquer : « elles pourront prendre la forme d’un communiqué informant le public des motifs et du dispositif de ces mesures, intégrer un message de sensibilisation sur les pratiques relevées, être ordonnées sur divers supports (presse, affichage en magasin, sur Internet et les réseaux sociaux), aux frais du professionnel qui fait l’objet de l’injonction ».
Enfin, la DGCCRF rappelle que, dans le cas de ses pouvoirs de « réquisition numérique », elle « pourra ordonner le renvoi des sites frauduleux bloqués vers une page informant les consommateurs du motif du blocage ».
La ministre souhaite une utilisation large et rapide
Pour Olivia Grégoire, ministre déléguée chargée des PME, du Commerce, de l’Artisanat et du Tourisme, ces nouveaux pouvoirs qui permettent « de dévoiler l’identité d’entreprises responsables de pratiques illicites, » permettront de renforcer l’« action de prévention et d’information » de la DGCCRF. Elle « souhaite que ces nouveaux pouvoirs puissent être utilisés largement et rapidement ».
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Panoplie de la DGCCRF : suites pédagogiques, correctives et sanctions
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La publicité des injonctions désormais possible
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La ministre souhaite une utilisation large et rapide
Commentaires (30)
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Abonnez-vousLe 02/01/2023 à 10h45
“name and shame”.
L’année 2023 commence bien pour la langue française sur NXI.
Le 03/01/2023 à 23h23
Le 02/01/2023 à 10h58
démarquage ?
dénomciation ? = (assoCIATION négative (DE) d’un NOM (de marque) en vue de dénoncer le comportement de celle-ci)
marclavoinée ? = avoinée infligée à une marque
Le 02/01/2023 à 11h03
Comme “acheter” la une d’un quotidien pour annoncer les 10 tricheurs fiscaux de l’année ?
Le 02/01/2023 à 11h03
Quand on parle bien, on dit « mise au pilori » …
Le 02/01/2023 à 11h08
Finalement c’est à se demander pourquoi c’est tombé en désuétude. La Justice c’était mieux avant
Le 02/01/2023 à 11h13
Autrefois on pouvait être condamné à l’exposition publique. Peut-être pourrait-on renouveler ce terme, puisqu’il était déjà dans le vocabulaire judiciaire ancien ?
Le 02/01/2023 à 12h03
Elle se tire une balle dans le pied ?
Ou encore
Et aussi
Le 02/01/2023 à 12h17
J’aime bien la dernière mais j’ai peur qu’un certain homonyme soit contre
Le 02/01/2023 à 12h43
Il y a aussi dans le même genre “cancel culture”, “wokisme”, etc.
Mais tu peux t’amuser à dire “mettre au pilori” ou “montrer du doigt” si tu préfères. Cela-dit, il faudra expliquer par ailleurs ce à quoi tu fais référence.
Le 02/01/2023 à 13h24
En tous cas ça me parait une très bonne mesure.
Le respect par principe des données privées et des préconisations officielles ne s’étant pas fait naturellement (bizarrement…) une petite atteinte à l’image de marque si précieuse pour les entreprises va dans le bon sens.
Jusqu’à une prochaine interdiction de cette pratique pour mise en danger du bon fonctionnement libéral de l’économie ?!
Le 02/01/2023 à 13h33
Il y a des termes pour lesquels la traduction française officielle est vraiment ridicule, mais pour “name and shame” on peut très bien se passer de l’anglais. Et ouais, c’est redondant comme commentaire :)
Le 02/01/2023 à 13h35
C’est la triple peine :
Le 02/01/2023 à 14h02
“Rapidement”, après les 4 mois et demi pris par le gouvernement pour publier un décret relatif à une loi dite “d’urgence”
Certes c’est habituel, parfois c’est même bien mis long, mais ce n’est pas une raison de continuer cette hypocrisie…
Le 02/01/2023 à 14h12
C’est pareil avec l’expression anglaise il me semble !
Le 02/01/2023 à 14h35
merde, j’apprends des trucs, pour moi la cancel culture, c’était coller un champ en jachère, le wokisme, c’était faire de la bouffe asiate dans une poêle….sont cons ces d’jeun’s
Le 02/01/2023 à 14h56
J’adore ta vision
Le 02/01/2023 à 14h50
A leur décharge, l’expression est utilisée dans le communiqué de presse du Ministère de l’Economie. Donc techniquement, attaquable au Conseil d’Etat pour non respect de l’utilisation de la langue française dans les communications officielles de l’administration.
Le 02/01/2023 à 15h45
Ça peut être une bonne idée. Reste plus a voir si tout va bien fonctionner.
Le 03/01/2023 à 10h00
Le problème là dedans, c’est que c’est juste rendu possible à la discrétion de la DGCCRF sans être précisément cadré: Pour une même infraction, certains noms sont donc susceptibles d’être publiés et d’autres non.
Il aurait à mon sens fallu prévoir des niveaux de gravité imposant une publication et pour des cas moins graves, une non remédiation dans un délai donné.
Ici c’est la porte ouverte à une forme d’arbitraire dans les publications.
Le 04/01/2023 à 08h31
Propositions ?
Belles tentatives, mais tirées par les cheveux.
Pour ma part, je n’ai rien trouvé sur sur le site de l’Académie Française, ni dans le Grand Dictionnaire Terminologique québécois (en cours de remplacement par une bouse nommée Vitrine Linguistique semble-t-il), sources de références sur les sujets de traduction, notamment.
En attendant un positionnement officiel, il n’y a donc pas vraiment de traduction de l’expression name and shame.
À l’opposé, il y a déjà tant de traductions françaises d’expressions anglaises pas utilisées voire moquée, sans même parler de néologismes pseudo-anglais utilisés par des bœufs en anglais mais qui veulent qui veulent tout de même se draper dans une certaine “classe” sans en disposer des moyens. Source : expérience professionnelle quotidienne.
S’il y a un combat à mener, commençons par là. Pour être audible, il faut être de bonne foi.
Le 04/01/2023 à 09h04
opprobre ? réprobation publique ?
[Marque d’] infâmie ?
peine de déshonneur ?
Le 04/01/2023 à 11h38
http://www.culture.fr/franceterme/terme/AFET32
La prochaine fais un effort, ça se trouve vraiment en 30sec.
Le 04/01/2023 à 20h29
Comme je l’ai démontré, j’avais fait des efforts de recherche, et ne suis pas arrivé la bouche en cœur.
La prochaine fois que tu ne trouves pas une information, j’espère que l’on sera aussi condescendant & blessant avec toi que tu viens de démontrer l’être avec les autres.
Merci pour le lien.
Le 05/01/2023 à 07h09
Condescendant & blessant ? Je reprenais juste le ton que tu utilisais avec ce “Propositions ?”.
Le 04/01/2023 à 08h39
Mise au pilori. Ça a déjà été cité 2 fois et c’est bien indiqué ici que c’est équivalent. On y trouve aussi stigmatisation.
Mais, c’est moins glamour. Le pilori, ce n’est pas vraiment ce que l’on a fait de mieux en terme de justice.
Le 04/01/2023 à 14h24
Pas vraiment d’accord pour stigmatisation. La stigmatisation, c’est sur la base d’un critère (sexe, age, religion, etc…) pas sur un élément répréhensible.
La mise au pilori dénote beaucoup plus d’une sanction à la suite d’un acte répréhensible.
Le 04/01/2023 à 14h34
C’est à la Commission d’enrichissement de la langue française qu’il faut dire que tu n’es pas d’accord.
Mais relis la définition du mot avant de faire ta remarque :
Au fig. Accusation sévère et publique, flétrissure morale portée à l’encontre d’une personne, de ses actes, de sa conduite.
Ça me paraît assez bien convenir.
Je pense que ce terme reste meilleur.
Le 04/01/2023 à 14h58
Synonyme ne veut pas dire que c’est exactement la même chose. C’est un terme à la signification proche, mais avec des nuances plus ou moins prononcées ;)
Justement, dans la définition, rien n’indique le côté répréhensible (= non conforme à la loi). On parle :
“Mettre au pilori” se fait après une condamnation (et donc un jugement) par une autorité légale. C’est une sanction.
La mise au pilori (aspect légal) me semble donc beaucoup plus approprié que la stigmatisation (aspect moral) surtout dans le contexte qui nous occupe ici.
Le 04/01/2023 à 19h16
/me imagine Bruno Lemaire avec une cloche.
Shame ! Shame ! Shame !