La pression américaine monte encore d’un cran contre le Chinois Huawei
USA vs Chine : S05E04
Jean-Marc Manach , Sébastien Gavois
Le 10 mai à 16h48
6 min
Hardware
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Énième épisode dans la série États-Unis vs Chine. Le gouvernement américain aurait davantage fermé les vannes sur les exportations de puces vers Huawei. Les deux pays se livrent une guerre froide sur fonds de sécurité nationale depuis maintenant plusieurs années.
2019 - 2024 : la guerre froide continue
Pour rappel, Huawei a été placé sur liste noire par les États-Unis suite à la signature d’un décret par Donald Trump en mai 2019. Il était alors question d’interdire aux groupes américains de faire des affaires avec le chinois Huawei. Des risques sur la sécurité nationale étaient mis en avant. « Les entreprises américaines peuvent vendre leur équipement à Huawei […] Nous parlons là d'équipement qui ne pose pas de grand problème de sécurité nationale », précisait alors le président des États-Unis.
Fin 2022, la guerre froide continuait de plus belle avec l’interdiction d’exporter les produits « hautes performances » pour l’IA, la défense, les supercalculateurs, les équipements pour fabriquer des semi-conducteurs, etc. Les USA souhaitaient ainsi garder leur avance technologique. De son côté, la Chine a un plan pour se débarrasser des technologies américaines. Elle a même banni AMD, Intel et Microsoft de ses administrations.
- Les États-Unis bloquent les exportations de semi-conducteurs et de puces vers la Chine
- Guerre froide technologique : la Chine bannit AMD, Intel et Windows de ses administrations
Un jeu du chat et de la souris s’est mis en place, notamment du côté des GPU NVIDIA. Malgré l’embargo, la Chine continuait à s’en procurer en ce début d’année, tandis que des GPU spéciaux pour la Chine était proposée par NVIDIA, afin de pouvoir continuer à en vendre.
Nouveau tour de vis de l‘administration Biden
C’est dans un marché déjà bien verrouillé que le gouvernement de Biden a révoqué les licences d'exportation permettant à Intel et Qualcomm de continuer à fournir certains semi-conducteurs à Huawei, révèle le Financial Times. Cette décision du ministère américain du Commerce entraverait la fourniture de puces pour les ordinateurs portables et les téléphones mobiles de Huawei, précisent des personnes au fait de la situation.
Le discours est un peu toujours le même : « Nous évaluons en permanence la manière dont nos contrôles peuvent protéger au mieux notre sécurité nationale et nos intérêts en matière de politique étrangère, en tenant compte de l'évolution constante des menaces et du paysage technologique », a déclaré un porte-parole du ministère. « Dans le cadre de ce processus, comme nous l'avons fait par le passé, nous révoquons parfois des licences d'exportation ».
Cette décision intervient alors que les États-Unis s'alarment de la capacité de Huawei à développer ses propres puces en dépit des contrôles à l'exportation mis en place depuis 2022, souligne le FT. Lorsque la secrétaire d'État au commerce, Gina Raimondo, s'est rendue en Chine l'année dernière, Huawei avait en effet présenté son smartphone Mate 60 Pro, dont les performances avaient surpris les experts.
Marco Rubio, vice-président républicain de la commission sénatoriale du renseignement, et Elise Stefanik, quatrième républicaine de la Chambre des représentants, avaient demandé le mois dernier à Mme Raimondo de révoquer les licences de Huawei après l'apparition d'informations selon lesquelles le groupe basé à Shenzhen avait construit des ordinateurs portables utilisant des puces d'Intel. C’est le cas du dernier Matebook avec un Core-i9 13900H.
Un discours bien rodé depuis des années
Le mois dernier, le FT avait également rapporté que les États-Unis poussaient leurs alliés en Europe et en Asie à renforcer les restrictions sur les exportations de technologies liées aux puces vers la Chine, en raison des inquiétudes croissantes concernant Huawei. Là encore, c’est une rengaine qui revient régulièrement sur le devant de la scène depuis des années.
« Les États-Unis ont trop étendu le concept de sécurité intérieure, politisé les questions économiques et commerciales, abusé des mesures de contrôle à l’export et adopté à plusieurs reprises des sanctions et des mesures de répression déraisonnables contre des entreprises chinoises spécifiques », a réagi un porte-parole du ministère chinois du Commerce dans un communiqué, relève de son côté l'AFP.
Le porte-parole a aussi averti que « la Chine prendrait toutes les mesures nécessaires pour sauvegarder fermement les droits et les intérêts légitimes des entreprises chinoises ». En plus de bannir certaines entreprises américaines de ses administrations, la Chine restreint les exportations en matériaux rares indispensables à la création des puces.
L'AFP relève que les sanctions américaines ont forcé le géant chinois des télécoms à se recentrer sur des secteurs comme les logiciels, les appareils connectés, l’informatique d’entreprise, mais aussi les voitures électriques, avec sa marque Aito.
Réactions d’Intel et Qualcomm
Intel et Qualcomm ont réagi à leur manière à cette nouvelle vague de restriction. Dans un document transmis à la SEC, Intel explique que « le 7 mai 2024, le département du Commerce des États-Unis a informé Intel Corporation qu’il révoquait certaines licences d’exportation d’articles de consommation à un client en Chine, avec effet immédiat. Par conséquent, la société s’attend à ce que le chiffre d’affaires du deuxième trimestre 2024 reste dans la fourchette initiale de 12,5 à 13,5 milliards de dollars, mais en dessous du point médian ».
Il y a quelques jours, Qualcomm avait pris les devants (.pdf) : « nous disposons actuellement de licences d'exportation du ministère américain du Commerce qui nous permettent de vendre à Huawei des produits, notamment pour la 4G et le Wi-Fi, mais pas pour la 5G. Des reportages récents ont indiqué que le ministère du Commerce envisageait de ne pas accorder de nouvelles licences de vente à Huawei ». La prévision semble donc s’être réalisée.
« De plus, Huawei a récemment lancé de nouveaux appareils compatibles 5G utilisant des puces maison. Même si nous avons continué à vendre des produits à Huawei sous nos licences, nous ne prévoyons pas de revenus provenant de chez Huawei au-delà de l'année civile en cours ».
La suite au prochain épisode…
Jean-Marc Manach , Sébastien Gavois
Le 10 mai à 16h48
La pression américaine monte encore d’un cran contre le Chinois Huawei
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2019 - 2024 : la guerre froide continue
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Un discours bien rodé depuis des années
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Réactions d’Intel et Qualcomm
Commentaires (12)
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Abonnez-vousLe 10/05/2024 à 17h30
#1
Que dit la Chine n'y a t-il pas abus de pouvoir ?
Le 10/05/2024 à 23h30
#2
Le 11/05/2024 à 06h53
#3
Le 11/05/2024 à 15h42
#3.1
Modifié le 11/05/2024 à 14h05
#4
Ce qui me fait tiquer, c'est comment la justification passe de « notre sécurité nationale » (ce qui est légitime) à « et nos intérêts ». Sacrément décomplexé. Preuve en est que le commerce international c'est la loi du plus fort, qui peut imposer les règles qu'il veut (ça, l'extraterritorialité de son droit…) tant qu'il est en position d'impunité. (ça serait pas plus moral si c'était un autre pays).
Modifié le 11/05/2024 à 16h18
#4.1
Les gouvernements sont parfaitement légitimes à défendre les intérêts économiques du pays, c'est même leur devoir, je ne vois pas quel "complexe" un gouvernement devrait avoir à défendre les intérêts du pays. Tous les pays le font, même l'UE mais avec naïveté et 15 ans de retard à chaque fois.
Se faire plumer par plus malin que soit n'a rien d’honorable. La naiveté des européens sur le commerce international n’inspire le respect d'absolument personne dans le monde.
Sans jugement sur la pertinence des actions des US (probablement contre-productives honnêtement, mais qui sait).
Le 11/05/2024 à 21h48
#4.1.1
Commme ça a été répété ici, ça ne les mènera pas bien loin et leurs entreprises contournent déjà ces sanctions dès qu'elles le peuvent, refuser de vendre des composants au premier constructeur d'électronique du monde est un suicide.
Le 12/05/2024 à 18h02
#4.1.2
Bizarrement, pour ces élections EU, tous les partis fr (enfin pour la macronie je suis pas sûr) dénoncent ce libre-échangisme que seule l'UE a appliqué (notamment sur les panneaux solaires). Bizarre changement de cap, mais tant mieux.
Le 14/05/2024 à 14h34
#4.1.3
Oui c'est certain, pour être clair mon commentaire n'était pas anti-UE, au contraire, on a besoin d'une UE plus forte et capable de prendre des décisions rapidement et de manière autonome.
Pour le sujet de l'article, ni la Chine ni les US ne sont des petits, et à cette échelle il n'y a pas de notion de morale, ça a toujours été et sera toujours un rapport de force, et la morale est celle du gagnant.
Le 13/05/2024 à 16h26
#5
OUI ! et quand Huawei prendra un peu d'avance dans les logiciels, les appareils connectés, l’informatique d’entreprise, et autre… Il y aura de nouvelles sanctions !
Il est interdit de dépasser le gendarme du monde !
Le 13/05/2024 à 21h48
#5.1
Après ça, plus il y aura de sanctions, moins elles seront efficaces car les contournements sont bien en place maintenant.
Le 13/05/2024 à 21h48
#5.2
Après ça, plus il y aura de sanctions, moins elles seront efficaces car les contournements sont bien en place maintenant.