Premiers recours contre le décret fichant 60 millions de Français
Ficher du monde
Le 10 novembre 2016 à 08h50
4 min
Droit
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C’était à prévoir. Le décret instaurant le fichier des titres électroniques sécurisés, baptisé fichier monstre sur les réseaux sociaux, s’apprête à subir plusieurs actions devant le Conseil d’État.
« Nous allons faire un recours, encore un !, au Conseil d'État contre le décret #FichierTES » a annoncé dès le 8 novembre le compte Twitter des Exégètes amateurs. Ce recours, en phase d’analyse, sera officiellement porté par la Quadrature du Net. « Les détails seront évidemment expliqués plus tard, le décret n'est pas facile à attaquer » a concédé Adrienne Charmet, coordinatrice des campagnes pour l’association.
La Ligue des droits de l’Homme a également prévu une procédure similaire devant les juridictions administratives. C’est Me Patrice Spinosi qui a été choisi pour « engager un recours devant le Conseil d’État contre le décret portant création du fichier TES ». Il faudra là aussi attendre quelques jours pour apprécier les moyens soulevés.
La Loi CNIL de 1978, une base légale suffisante ?
Dernier en date, le think tank GenerationLibre a sur sa rampe un recours pour excès de pouvoir (REP), toujours devant la même juridiction. « On considère notamment que la loi Informatique et Libertés ne suffit pas à fournir base légale au décret, lequel rentre dans des considérations pénales qui lui sont étrangères » nous esquisse Me Rubin Sfadj, membre de GL.
Deux moyens sont déjà précisés dans le communiqué du jour. L’un s’appuie sur la décision du Conseil constitutionnel rendue contre la loi de 2012 qui avait déjà tenté d’instaurer pareil fichier. Si les finalités étaient alors élargies – cumulant authentification et surtout identification à l’aide des traces biométriques –, « le Conseil constitutionnel a jugé que l'atteinte au respect de la vie privée – constituée par l’ampleur du traitement de données et les possibilités de consultation du fichier – ne pouvait être regardée comme proportionnée au but poursuivi ».
Du coup, « les mêmes causes produisant les mêmes effets, la jurisprudence du Conseil constitutionnel doit s'appliquer à ce décret » ajoute l’avocat.
Un autre juriste oeuvrant pour GL, Me Nicolas Gardères, porte son attention sur les rapports entre l’article 34 de la Constitution, qui définit le domaine de la loi, et l'article 37, relatif au champ du pouvoir réglementaire. La loi doit ainsi fixer les règles concernant les garanties fondamentales accordées aux citoyens pour l’exercice des libertés publiques. Or, « en empiétant sur le domaine de compétence exclusif de la loi, le décret attaqué s'avère par conséquent contraire à la Constitution » anticipe-t-il.
Un troisième moyen, en préparation, se concentre sur la Convention européenne des droits de l’Homme afin de dénoncer une possible atteinte à la vie privée.
Selon Me Sfadj, ce REP « sera une affaire de quelques mois ». Le recours, là aussi en phase de finalisation, sera déposé dans les prochains jours.
La confiance qui vient de l'Intérieur
Dans un courrier adressé au Conseil national du numérique, Bernard Cazeneuve a assuré au contraire que le Conseil constitutionnel avait validé en 2012 « la possibilité de créer ‘un traitement de données à caractère personnel destiné à préserver l’intégrité des données nécessaires à la délivrance des titres d’identité et de voyage’ et permettant ‘de sécuriser la délivrance de ces titres et d’améliorer la lutte contre la fraude’ ».
S’ils ont regretté l’absence de débat parlementaire préalable, la CNIL comme le Conseil d’État affirment que le gouvernement peut s’appuyer sur la loi Informatique et Libertés pour donner naissance à une base unifiant le fichier des cartes nationales d’identité et celui des passeports.
Selon l’article 27-I-1° du texte de 1978, le gouvernement est autorisé en effet à créer par décret en Conseil d’État, après avis motivé et publié de la Commission nationale de l'informatique et des libertés, « les traitements de données à caractère personnel mis en œuvre pour le compte de l'État qui portent sur des données biométriques nécessaires à l'authentification ou au contrôle de l'identité des personnes ».
Premiers recours contre le décret fichant 60 millions de Français
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La Loi CNIL de 1978, une base légale suffisante ?
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La confiance qui vient de l'Intérieur
Commentaires (38)
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Abonnez-vousLe 11/11/2016 à 15h13
Tu parles ici de postes utilisateur, non de serveurs. C’est très différent quand même. J’espère bien qu’il n’y aura aucun utilisateur capable d’accéder directement à la base de données, ni même à la (les) machine(s) lui servant de support, mis à part pour faire des mises à jour, sous un contrôle extrèmement bien surveillé…
Il est “normal” que les secrétaires/ministres/etc puissent se faire pirater, ça il est clair que ça sera toujours un problème. Mais ces personnes là n’ont pas accès aux données normalement, hormis celles qui les concernent.
Après c’est toujours pareil, tout est question d’implémentation des solutions.
Le 14/11/2016 à 15h46
Le 10/11/2016 à 11h33
Le 10/11/2016 à 11h41
Je n’en attendais pas mieux de ce cher Monsieur " /> " />
Le 10/11/2016 à 13h10
Le 10/11/2016 à 13h29
Le 10/11/2016 à 13h29
Si on veut que les choses avancent: oui.
L’executif n’en a actuellement rien à cirer de contrôler les citoyens, ils savent qu’il ne leur reste que 6 mois pour faire des “choses bien/utiles” qu’ils pourront défendre dans 5 ans. Ils n’ont aucun intérêt à faciliter le travail du suivant qui ne sera probablement pas socialiste, ou du moins pas Hollande… C’est - si le système électoral était bien fait - ce qu’ils devraient faire tout le long de leur mandat, mais ils ne le font que sur les derniers mois car ils savent que c’est la fin.
Le 10/11/2016 à 13h39
Le 10/11/2016 à 13h45
Le 10/11/2016 à 13h47
car tu penses que cette base n´existe pas encore " />
faut etre realiste aussi
Le 10/11/2016 à 14h26
Le 10/11/2016 à 14h43
“un compte bancaire que j’ai ouvert en montrant mon passeport par webcam”
Pas d’autre rêve dans ta vie?
Le 10/11/2016 à 16h46
Le 10/11/2016 à 16h56
Tu pousses un peu. Notre Dame des Landes, toussa.
Surtout que là on se fonde tout de même sur une solide jurisprudence du CC…
Le 10/11/2016 à 16h58
Non, pas d’accord. Tu modifies en effet les possibilités d’accès aux données en fusionnant les deux fichiers. Donc la jurisprudence du CC doit logiquement s’appliquer.
Le 11/11/2016 à 09h22
Nous sommes d’accord qu’il faut qu’il faut mettre en place des moyens pour avoir un Ministère de l’intérieur efficace dans sa mission de protection de l’ordre public et de sécurisation de l’État (contrôler les citoyens).
Mais le problème se situe dans un domaine qui dépasse la mission du Ministère de l’intérieur, à savoir les libertés personnelles (dont le stockage et le traitement informatique des données personnelles font partie).
C’est là que le bas blesse.
Constituer ou modifier un fichier des gens honnêtes ne se fait pas à la légère, et surtout pas sur décision unilatérale du Gouvernement. C’est une question de libertés publiques et de principe démocratique (un débat public et/ou parlementaire sur ces questions serait pour le moins beaucoup plus valable).
Le 11/11/2016 à 09h39
Le 11/11/2016 à 10h22
L’une des administrations les plus sensibles de l’Etat français à savoir l’inspection des finances et un secrétariat au ministère de l’économie, s’est fait pirater pour, estime-t-on, connaître à l’avance les positions françaises avant un G20/G7.
Tous les ordinateurs de l’inspection du trésor ont été inspectés par l’ANSSI et un mél piégé a été trouvé sur l’ordi d’un secrétaire d’Etat.
Si la base de données est en elle même incorruptible (ce qui reste à prouver), je pense qu’il est très facile de prendre la main sur un ordi dans un obscur commissariat/mairie/préfecture/officier d’État civil et de se connecter tout simplement à la base de données pour faire une recherche…
Le 10/11/2016 à 09h20
La chronique de Pierre Emmanuel Barré résume bien la situation : YouTube
Le 10/11/2016 à 09h48
Le 10/11/2016 à 09h51
FichierTES + Trump, ça va il est resté soft. Mais vivement la semaine prochaine.
Le 10/11/2016 à 09h54
Le Conseil d’État, la plus haute juridiction administrative en France, soumise à l’exécutif ?
Il faut donner quelques arguments, parce que tu y vas fort à mon avis.
Le 10/11/2016 à 09h59
Le 10/11/2016 à 10h28
Un pas en avant, deux pas en arrière, elle est belle la France :)
Ce fichier est -malgré les craintes compréhensibles que certains ont- nécessaire pour passer la France dans le 21è siècle.
Pourquoi on a une administration de m*? Notamment car on lui colle des procédures administratives inutiles.
Si on enlève ces procédures car la chose est extrêmement simplifiée, ça permet soit de supprimer ces administrations inutiles, soit de leur permettre d’être plus efficaces dans ce qu’elles sont réellement censées faire, et pas passer des heures dans le contrôle d’identité et la saisie de ces données…
Cette centralisation permettra de proposer des services impossibles à proposer jusque là, et c’est très bien. On est à l’ère numérique, il faut assumer à un moment. Par contre il faut bien faire les choses, avec un beta-test sur un certain nombre de volontaires, des contrôles etc.
Le 10/11/2016 à 10h30
Dans 6 mois je vois bien:
et exactement la même politique poursuivie qu’aujourd’hui " />
Le 10/11/2016 à 10h38
Le 10/11/2016 à 10h39
Le 10/11/2016 à 10h40
Le 10/11/2016 à 10h42
Comme tu le dis dans ton dernier paragraphe, il faut bien faire les choses…
Le 10/11/2016 à 11h03
[quote]
Selon l’article 27-I-1° du texte de 1978, le gouvernement est autorisé en effet à créer par décret en Conseil d’État, après avis motivé et publié de la Commission nationale de l’informatique et des libertés, « les traitements de données à caractère personnel mis en œuvre pour le compte de l’État qui portent sur des données biométriques nécessaires à l’authentification ou au contrôle de l’identité des personnes ». [\quote]
Pour marc:
Pour info, ce texte me semble bien inconstitutionnel.(contradiction avec l’article 34 de la constitution)
Le texte de la CNIL devrait être censuré
Le 10/11/2016 à 11h05
Après le mur des cons, le fichier des cons.
" />
" />
Le 10/11/2016 à 11h07
Sauf que les cons c’est nous " />" />
Le 10/11/2016 à 11h27
Le 10/11/2016 à 11h29
J’ai pas voté donc non je n’en fais pas parti dans ce cas " />
Le 10/11/2016 à 09h01
Nouveau décret : “Trop tard c’est fait le fichier donc fini” et enfin tranquille
Puis sincèrement qu est ce qui dérange vraiment le dit fichier
Le 10/11/2016 à 09h03
Position suicidaire d’une gauche dissoute dans la droite. Fin de règne ?
Le 10/11/2016 à 09h10
De toutes façons ça passera, que ce soit avec le PS, l’UMP (mais le PS sera contre) ou le FN
Le 10/11/2016 à 09h12
« Nous allons faire un recours, encore un !, au Conseil d’État contre le décret #FichierTES »
Sauf que d’habitude, ils attaquent une loi, pas encore en vigueur. Là c’est un décrêt, et il est déjà appliqué.
Ils ont un sacré courage quand même, ils ne lâchent rien à la QdN. Et en plus, ils lancent leur campagne de dons aujourd’hui ! " />