Passant de l’Arcep à Google, Benoit Loutrel s’attire les critiques
Canard conflit
Le 17 janvier 2017 à 16h00
4 min
Droit
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Benoit Loutrel, le directeur général de l’Arcep, s’apprête à quitter le régulateur des télécoms au profit d'un poste de directeur des affaires publiques chez Google France. Une situation qui fait grincer des dents, la sénatrice Catherine Morin-Desailly s'alarmant de possibles conflits d’intérêts.
Entré dans les rangs de l’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes (Arcep) en 2004, Benoit Loutrel est sur le départ. Devenu au fil du temps directeur du programme « développement de l’économie numérique », l’intéressé était depuis près de quatre ans le bras droit du président de l’institution.
Le 16 janvier dernier, Les Échos affirmaient toutefois que le directeur général de l’Arcep allait « pantoufler » chez Google France – information depuis confirmée au Monde Informatique par la filiale française du géant du Net.
Contactée, l’autorité nous indique que Benoit Loutrel quittera effectivement ses fonctions « fin février ».
Catherine Morin-Desailly s’inquiète pour la souveraineté numérique de la France
Si ce type de débauchage est loin d’être rare (comme l’a récemment souligné notre confrère Alexandre Léchenet), il a grandement fait sourciller la présidente de la commission de la culture du Sénat, Catherine Morin-Desailly. L’élue centriste, attachée au concept de « souveraineté numérique », juge dans un communiqué paru mardi 17 janvier que cette nomination est tout simplement intolérable.
DG @ARCEP à Google: Outre éthique bafouée, souv.numérique est menacée par ces conflits d’intérêts. https://t.co/plRzu2dPjt @axellelemaire
— C.Morin-Desailly (@C_MorinDesailly) 17 janvier 2017
Cette nomination intervient de surcroît dans un contexte bien particulier : l'Arcep obtient notamment des pouvoirs directs sur la neutralité du Net, qui oppose opérateurs et fournisseurs de services. Que le directeur général de l'autorité chargée de réguler les télécoms passe chez un GAFA pose ainsi question...
La sénatrice estime que Benoit Loutrel est sur le point de « méconnaitre le caractère sensible de ses fonctions » et « les risques élevés de conflits d’intérêts qu’impliquent son nouveau poste au service du lobbying d’une puissante entreprise étrangère ». « Alors que l’Arcep doit se prononcer depuis plusieurs mois sur le caractère d’opérateur télécom de Google », Catherine Morin-Desailly se demande quelles décisions ont été prises dans ce dossier, alors que Benoit Loutrel était déjà en négociation avec le géant américain...
Benoit Loutrel a « sollicité – et reçu – l’accord de la commission de déontologie »
« Des fonctions au service de l’intérêt général se télescopent sans aucun temps mort avec des intérêts personnels et des intérêts industriels : ceci pose de vraies questions tant éthiques que stratégiques », clame la parlementaire. Cette dernière somme ainsi l’Arcep et le gouvernement de faire « la lumière sur le contrôle déontologique qui a été, ou non, opéré autour de cette nomination ».
Du côté du régulateur des télécoms, on nous assure que « Benoît Loutrel a naturellement sollicité – et reçu – l’accord de la commission de déontologie », commune à tous les agents publics. Contacté, le cabinet d’Axelle Lemaire n’a pas souhaité faire de commentaire dans l’immédiat.
Catherine Morin-Desailly ne manque pas de rappeler qu’en vertu de l’article 432 - 13 du Code pénal, les fonctionnaires coupables de prise illégale d’intérêts encourent jusqu’à trois ans de prison et 200 000 euros d’amende.
Passant de l’Arcep à Google, Benoit Loutrel s’attire les critiques
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Catherine Morin-Desailly s’inquiète pour la souveraineté numérique de la France
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Benoit Loutrel a « sollicité – et reçu – l’accord de la commission de déontologie »
Commentaires (36)
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Abonnez-vousLe 17/01/2017 à 18h28
La BCE, c’est Mario Draghi (passé du secteur privé au secteur public), « Vice-président pour l’Europe de Goldman Sachs entre 2002 et 2005, puis gouverneur de la Banque d’Italie entre 2006 et 2011, il est président de la Banque centrale européenne (BCE) depuis le 1er novembre 2011. » (dixit sa fiche Wikipedia)
Il y aurait aussi Emmanuel Macron :
2008-2012 banquier d’affaire chez Rothschild&Cie (fin 2010 devient associé de la banque selon Wikipedia)
2012-2014 secrétaire-adjoint de l’Élysée
2014-2016 ministre de l’économie
Le 17/01/2017 à 18h30
Le 17/01/2017 à 18h39
Par exemple, l’ARCEP a étudié le contrat d’itinérance 2G/3G entre Free et Orange (couvert du secret des affaires). Je ne sais pas si Benoît Loutrel a eu vent de quelques détails, en tout cas il connaît des choses qui ne sont pas forcément publiques et il a des contacts au sein de l’État qui représentent un avantage incomparable pour Google France vis-à-vis de ses concurrents. Et sachant que l’ARCEP a vocation à réguler les secteurs d’activités comme les services web ou lesIoT dont Google espère avoir ou a déjà une bonne part de marché, il s’agit bien d’un conflit d’intérêt.
Le 17/01/2017 à 18h42
Personnellement, j’en doute sachant que les électeurs indécis se décident dans les 2-3 jours avant le scrutin (voire le jour même).
Le 17/01/2017 à 18h46
Catherine Morin-Desailly ne manque pas de rappeler qu’en vertu de l’article 432-13
du Code pénal, les fonctionnaires coupables de prise illégale
d’intérêts encourent jusqu’à trois ans de prison et 200 000 euros
d’amende
Si conflit il y a, on peut parier que ce sera du sursis. Et que comme Lagarde, il n’aura pas de peine.
Pour la somme maximale, c’est peut-être infime selon son nouveau salaire chez Gougoule " />
Le 17/01/2017 à 18h58
Le 17/01/2017 à 19h14
Que ça confère un avantage à Goggle, pourquoi pas. Mais que celui-ci soit important, j’ai quand même des doutes :
-Les informations possiblement confidentielles ne sont intéressantes qu’exploitées rapidement (et puis ça va être surveillé)
-Les contacts au sein de l’Etat, c’est pas comme si les patrons de leurs concurrents importants ne les avaient pas déjà" />
Le 17/01/2017 à 19h15
Le 17/01/2017 à 19h54
Le 17/01/2017 à 20h16
Conflit d’intérêt ?
S’il était resté en poste et que lui ou sa femme avait une participation directe ou indirecte dans Google France, oui certainement.
Mais il est débauché pour faire du lobbying. Donc a priori cela n’est pas le cas.
Si ses anciens collègues ne savent pas faire la part des choses c’est dommage pour eux.
Le 17/01/2017 à 21h08
trois ans de prison et 200 000 euros d’amende
Seulement ? Enfin c’est pas comme s’il avait partagé une music sur le net " />
Le 17/01/2017 à 21h10
Le 17/01/2017 à 21h51
Le 17/01/2017 à 22h34
C’est aussi l’illustration de la ploutocratie qui régie notre époque actuelle.
On me dira que nos 4 opérateurs français font parfois pire que Google.
Le 17/01/2017 à 23h21
Le 17/01/2017 à 23h50
Mouais, on a fait bien moins de foin quand Christine ALBANEL est allée chez ORANGE … mais ce n’était pas du conflit d’intérêt bien entendu, juste du copinage entre gens de bonne compagnie, OH WAIT ! ! ! j’avais oublié le renvois d’ascenseur
Le 18/01/2017 à 08h08
au bucher au bucher ^^ C’est tellement énormissime ! ça me rappelle la vidéo de “Osons Causer” sur les lobbyistes…
Le 18/01/2017 à 08h08
au bucher au bucher ^^ C’est tellement énormissime ! ça me rappelle la vidéo de “Osons Causer” sur les lobbyistes…
Le 18/01/2017 à 08h20
Merci pour la precision concernant Draghi, je ne connaissais pas son parcours ! C’est effectivement tout aussi (plus ?) ennuyeux.
Et oui Macron, ce que j’en pense à titre personnel n’est pas bien reluisant :) Mais c’est important de souligner qu’un candidat à 20% (dans les sondages certes) anti-système sort de l’ENA et de Rotschild (qui est une banque privée, pas d’investissement, y’a une grosse différence avec Goldman toutefois) :)
Le 18/01/2017 à 11h16
sur ce site il y a eu le même foin. Chez les députés je te l’accorde, ils ont des “valeurs” assez “sélectives”.
Le 18/01/2017 à 11h38
Dans le cas de Christine Albanel, ça s’appelle faire du mercantilisme dans un monde libéral (paradoxe).
Le 18/01/2017 à 11h47
Rothschild&Cie n’a pas que des activités de banque privée. C’est aussi une banque d’investissement.
 https://www.rothschild.com
sur la fiche Wikipedia
Le 17/01/2017 à 16h07
L’appât du gain.
🤔
Le 17/01/2017 à 16h10
On peut se rassurer en se disant que ça vaut mieux que l’inverse…
Le 17/01/2017 à 16h18
Ce serait supposer que dans tout recrutement, la personne reste loyale “au méchant”.
Je ne pencherais d’aucun côté sur ce sujet, on peut partir de quelque part pour aller vers quelque chose qui est plus proche de ses idéaux, et on peut partir sans perdre sa droiture. Tout le contraire est vrai aussi.
Le vrai problème c’est qu’il était quand même en poste quand il négociait, c’est là le plus gros risque, est-ce qu’on peut monnayer un bonus d’embauche en changeant un peu les décisions qui sont en notre pouvoir avant de partir ?
Seule l’analyse des décisions de l’ARCEP qui pourraient être avantageuses (ou moins désavantageuses) pour google pourra infirmer ou confirmer le conflit d’intérêt.
Le 17/01/2017 à 16h38
Je ne connais pas le statut de Benoît Loutrel, en tout cas « Il est également interdit à un agent (public) de travailler dans une entreprise privée lorsqu’il a été chargé dans le cadre de ses missions, lors des 3 années précédentes :
Ces interdictions s’appliquent 3 ans après la cessation de fonction. »
Service PublicDans le secteur privé, un salarié peut aussi est contraint par une clause de non-concurrence inscrite à son contrat.
Le 17/01/2017 à 16h40
C’est pas beaucoup mieux que Barroso qui passe de la BCE vers Goldman … Dans le genre fuck les conflits d’intérêts …
Ça en dit long sur comment on est gérés quand même. On a même plus une once de politique, c’est les lobbys qui gèrent nos “démocraties”.
Quand je pense à ce bon vieux Hamon et ses amendements citoyens. C’est presque mignon.
Le 17/01/2017 à 16h41
Si on résume: le remplaçant aura intérêt à être gentil avec les GAFA s’il veut “rien foutre pour gagner plus pour le restant de ses jours” après une période d’observation de quelques années?
Le 17/01/2017 à 16h47
Erratum : pas la BCE, mais la commission européenne (ce qui franchement ne change pas grand chose à la donne, mais faut être précis)
Le 17/01/2017 à 16h48
Et encore, il ne s’agit que de l’ARCEP. Google pourrait bientôt débaucher des employés de la CNIL… " />
Le 17/01/2017 à 17h02
Le 17/01/2017 à 17h07
Non ça ne change pas grand chose à la donne. Les textes de loi qui prétendent assurer une séparation des pouvoirs et la réalité, c’est pas la même chose.
Le premier indice sur cette affaire, c’est le nombre de chefs d’état et de “personnalités” (politiques et économiques) ayant réagis très défavorablement à cette soudaine nomination. C’est quand même bizarre ces réactions si vraiment la commission et la BCE était si indépendantes que ça.
Sans parler du carnet d’adresse et de la certaine “pression” que pourra exercer Barroso sur l’Europe en tant que lobbyiste désormais.
D’autres indices sont présents à droite à gauche dans des bouquins et articles divers (le premier qui me vient en tête est un livre de De Villiers que j’ai lu cet été et qui a été député Européen un certain nombre d’années).
Bref. C’est peut être légalement pas condamnable, mais moralement c’est juste pas concevable.
Le 17/01/2017 à 17h29
Le 17/01/2017 à 17h36
S’il n’enfreint aucune clause de son contrat avec l’ARCEP, il n’y a pas de problème, et c’est tout.
Sérieusement, la moindre faille dans un contrat peut entrainer un patron au prud’homme, te faire “arnaquer” par un opérateur, te faire enfler par ta banque/Assuranc etc. mais quand c’est l’état alors là tout est en flou artistique sans responsable…
Le 17/01/2017 à 18h11
Dans ce sens là, je ne vois pas trop où est le problème. Google connaît déjà les règles de l’ARCEP, ce n’est pas en recrutant leur ancien directeur général qu’ils vont avoir subitement un avantage face à la concurrence
Le 17/01/2017 à 18h16