Des salariés licenciés par les Big Tech ironisent sur le fait d’avoir été payés à ne rien faire
Le 12 avril 2023 à 05h25
3 min
Économie
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« Il existe, dans le monde de la tech, des armées de personnes recrutées par les grandes entreprises à des salaires élevés pour passer plus de temps à se tourner les pouces qu'à coder la prochaine révolution », ironise Korii au sujet d' « un drôle d'article » du Wall Street Journal (WSJ) consacré à « ces employés de la tech (très) chèrement payés à ne rien faire, ou pas grand chose ».
Le WSJ revient en effet sur le cas de Madelyn Machado, débauchée par Meta chez Microsoft avec à la clé une augmentation de 70.000 dollars par an, et dont la vidéo TikTok où elle explique avoir été payée 190 000 dollars pour ne rien faire est devenue virale :
« Il lui avait été expliqué qu'aucune embauche n'était attendue de sa part lors de sa première année : elle devait d'abord prendre le temps d'apprendre son travail. Qui, selon elle, se déroulait comme suit : elle commençait sa journée vers 11 h, passait de réunion inutile en réunion inutile jusqu'à 15h30, faisait un petit tour d'une heure sur LinkedIn pour la forme, puis quittait son poste. »
« Son aventure au pays de la glande n'a duré que six mois », s'amuse Korii, qui précise qu'elle a fait partie des près de 170 000 salariés de la Tech à avoir été licenciés à l'occasion de l'une des 570 « charrettes » répertoriées par layoffs.fyi pour la seule année 2023.
Plusieurs experts interrogés par le WSJ expliquent que de nombreux salariés avaient en effet été engagés dans le cadre de la bulle Internet qui avait rapporté énormément de cash aux entreprises de la Tech' pendant la pandémie de Covid-19, avant d'en être licenciés suite à l'éclatement de cette bulle suite à la guerre en Ukraine, au risque de récession et aux contrecoups associés.
« Ils nous collectionnaient comme des cartes Pokémon », explique une autre ex-salariée de Meta sur TikTok. D'autres se sont en revanche montrés « beaucoup plus sévères et mettent en avant la culture très permissive de la Silicon Valley, où les jeunes pousses ont pour habitude de dépenser sans véritablement compter les sommes parfois folles que leur offrent leurs investisseurs ».
Interrogé par le WSJ, l'investisseur Val Katayev précise que plusieurs patrons lui ont récemment expliqué s'être « rendus compte que leur entreprise n'avait pas forcément beaucoup perdu en productivité après les vagues de licenciements » :
« Ils disent : “Je vais faire une autre charrette, puisque la première a si bien fonctionné.” Nous ne nous étions pas rendus compte de notre inefficacité. »
Le 12 avril 2023 à 05h25
Commentaires (32)
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Abonnez-vousLe 12/04/2023 à 07h23
Faut croire que les Bullshits Jobs sont nombreux dans le privé …
Un lien sur le livre de Graeber
Le 12/04/2023 à 08h25
Dans une grosse boîte privée qui a les reins assez solides pour se le permettre, oui, c’est l’évidence. Tout comme il est évident que ces boîtes ont les moyens de payer des gens dont le job consiste à réorganiser l’entreprise en permanence, ou à plus travailler à augmenter leur petite zone d’influence qu’au bien de l’entreprise.
Tu en trouveras beaucoup moins dans les PME, et sans doute aucun dans une TPE.
Le 12/04/2023 à 08h32
Pour les TPE plutôt d’accord, pour les PME tu serais surpris
Le 12/04/2023 à 08h38
C’est normal, le périmètre pour les PME est plus vaste, 50 salariés, ça reste petit et à taille humaine, avec presque la possibilité pour chacun de connaître tous ses collègues. À 500, c’est plus délicat…
Le 12/04/2023 à 07h50
C’est le problème quand ce n’est pas du pognon durement gagné que tu gères.
Le 12/04/2023 à 07h53
Comme c’est étonnant.
C’était il n’y même pas six mois, depuis les GAFAM ont fait pareil (mais il parait que eux c’est moins grave).
Le 12/04/2023 à 07h54
C’était peut-être en prévision d’intégrer un emploi dans le métaverse Horizon Worlds ou dans l’optique de nourrir l’IA Galactica ? (ironie)
C’est plus grave que ce que je pensais finalement.
Le 12/04/2023 à 08h34
Le syndrôme Nelson Bighetti
Le 12/04/2023 à 08h36
Je crois que c’est le coeur du problème. Vu qu’il y avait une “pénurie” de candidats qualifiés, les grosses entreprises de la tech ont pris l’habitude d’engager de trop “au cas ou”.
Dans une entreprise comme Alphabet ça se tient, si ça n’a pas changé ils poussent leurs employés à créer des produits (c’est en partie pour ça qu’il y a des sites comme “killed by google” ).
On lance plein de trucs et on voit ce qui tient.
En bonus, ça évite que des gens compétant ne développent de solution concurrente (ça coute moins cher d’avoir des employés à 100K l’année qui se tournent les pouces que de devoir racheter un concurrent à 1 Milliards).
C’est une moins bonne stratégie quand on a un système plus classique (peu de nouveaux produits, stratégie sur un seul produit phare, …)
Du coup, quand une entreprise décide de licencier on se retrouve face à une forte offre sur le marché du travail.
Donc les entreprises peuvent se permettre ne pas avoir de “réserve” d’employé (vu qu’il y a des candidats sans emplois).
(je pense également que les entreprises de la tech sont condamnée à croitre en bourse. Augmenter le nombre d’employé permettait peut être de grossir la valeur de l’entreprise)
Le 12/04/2023 à 08h58
Pas besoin de théories à se torturer l’esprit : “plusieurs patrons lui ont récemment expliqué s’être « rendus compte que leur entreprise n’avait pas forcément beaucoup perdu en productivité après les vagues de licenciements »” …
Le 12/04/2023 à 09h10
C’était plus une réflexion qu’une théorie.
Mais ne pas perdre en productivité ne veut pas forcément dire qu’il n’y a pas eu d’impact sur l’entreprise.
Certaines entreprises innoveront moins (ce qui est moins grave si les concurrents innovent moins également).
Et il faut voir si certaines entreprises n’ont pas économisé sur la sécurité.
A court terme il n’y a pas d’impact sur la productivité, mais sur le long terme il y un risque.
Je pense qu’il y a également eu du licenciement sur des postes de support (recrutement, …), ça n’a pas d’impact sur la productivité, mais ce sera peut être regrettable en cas de croissance.
Le 12/04/2023 à 09h18
L’aveu des patrons sous entend surtout qu’ils naviguent à vue
Le 12/04/2023 à 09h35
Ah, oui certainement. Une fois que l’entreprise atteint un certain nombre d’employés un patron est obligé de naviguer à vue.
Du coup ils fonctionnent certainement sur des budgets, et tant que le revenu est supérieur aux dépenses ce n’est pas important.
Normalement c’est la concurrence qui doit faire le ménage là dedans, mais bon …
Le 12/04/2023 à 09h25
Bah je travaille pour une entreprise avec 500 employées et clairement on pourrait faire les mêmes choses avec une grosse centaine de personnes en moins…
Le 12/04/2023 à 09h45
N’est-ce pas là aussi ce qu’on sait depuis longtemps : L’armée mexicaine des “directeurs” et “managers” où au final on en vient a avoir plus de “non-productif” (directeur/Manager/Chef de projet/Commercial) que de “productif” (ouvrier, ingénieur, technicien etc.)
-> J’ai vu passer recemment que le nombre de “cadre” aurait dépassé le nombre “d’ouvrier” en France cette année, mais je ne sais pas si c’est vrai).
Les bullshit job ne sont qu’une des conséquences de dévaloriser la techniques/métier manuel, en vendant le Graal du management/commerce comme unique moyen de reconnaissance/augmentation.
Mais quand tout le monde est manager, avec personne à manager, au final ils servent à quoi ? A rien effectivement…
Suffit de regarder les organigrammes des sociétés modernes, on arrive même plus à savoir qui fait quoi ou même qui est responsable de quoi et tout tourne en rond.
Dans l’IT c’est encore pire, dans plein de boite l’ensemble des internes sont juste des gestionnaires des consultants qui “font le boulot” (car la technique c’est pas valorisé, être un technique c’est presque une tare en occident).
Le 12/04/2023 à 10h02
Il y a aussi cette envie de vouloir tout contrôler/vérifier ce que font les “exécutants” … bien expliqué dans le bouquin de Graeber
Le 12/04/2023 à 10h03
Vu que “cadre” rassemble énormément de sous-groupes (un instituteur ou un technicien est considéré comme cadre), oui c’est largement possible avec la baisse régulière du nombre d’ouvriers.
Le 12/04/2023 à 10h12
Elle n’a tenue que 6 mois, elle est nulle ^^
Le 12/04/2023 à 10h30
Il faut voir en France. Mais en Belgique l’emploi d’un cadre est moins protégé qu’un employé classique.
Donc certaines entreprises ont tendance à essayer d’avoir des cadres (avec plus de responsabilité mais autant de pouvoir qu’avant).
Dans certains cas le cadre est un fusible entre la direction (qui prend la décision) et l’ouvrier (qui doit mettre en place la décision). Le cadre n’ayant aucune marge de manœuvre.
Le 12/04/2023 à 10h51
Manager ou directeur sont souvent des grades et non postes. Chez EDF par ex, beaucoup ne veulent pas du statut de cadre car même si la paie et légèrement supérieure, il n’y a plus d’heures sup donc au final, l’employé est perdant.
Le 12/04/2023 à 11h28
C’est bien possible. Après, j’ai beau avoir le mot “cadre” sur ma fiche de paye, je me sens plutôt un ouvrier de l’informatique vu que je ne dirige personne. Mes responsabilités se limitent à mes choix techniques et à la façon dont je les implémentes.
C’est pas tout à fait vrai, et dans la boîte où je bosse, on arrive à tirer notre épingle du jeu et à être à peu près reconnu correctement pour notre travail. Je précise que j’ai fini ma période Bisounours: reconnaissance = salaire.
Le 12/04/2023 à 11h53
Oui j’imagine que ça ne doit pas être la même chose partout, il y a évidemment des internes compétents qui sont productifs (surtout dans les métiers techniques où tu vas débaucher ton consultant dont la prestation a servi de période d’essai…).
L’absence de challenge, la dilution des responsabilités et l’immobilise font aussi perdre leur compétence à ceux qui en avaient, cercle très pernicieux en entreprise.
Et aussi le manque de compétence/compréhension du management/projet sur ce que font leur équipe n’aident pas du tout (le nombre de chef/directeur de projet qui m’ont dit qu’ils n’avaient pas besoin de comprendre/connaitre la technique pour gérer leur personnel me dépasse personnellement). Ca vient aussi qu’ils ne restent en poste que quelques années, aucune motivation à monter en compétence…(idem pour les comités de directions ou cadre dirigeant, un qui reste déjà 5ans c’est limite un exploit).
Si on comparait ouvrier + technicien (ie : exécutant technique) VS cadre (management/Direction) ça serait plus pertinent j’avoue.
Déjà que la quasi-intégralité des ingénieurs informatique (voire technicien) sont “cadres”, ça ne veut déjà plus dire grand chose (la faute de ne jamais réévaluer les grilles de salaires pour coller avec la réalité).
Le 12/04/2023 à 14h51
En effet. Dans les faits, en tant que tech je suis plus proche de l’ouvrier que du cadre, j’ai beau être autonome à mon poste, j’ai une marge de manoeuvre assez mince et qui tend à se réduire avec le temps et je n’ai personne sous mes ordres
Le 12/04/2023 à 16h49
Perso j’ai jamais compris comment on peut rester dans des jobs “payés à rien foutre”. Le peu de missions que j’ai eu qui ont fini comme ça (genre “le projet est en stand by mais on garde les ressources on sait jamais”), j’ai préféré sortir.
Si y’a moyen de s’occuper et de valoriser son profil pour se vendre à plus offrant pourquoi pas. Mais si c’est juste pour ne pas en branler une, perso je pète un câble au bout de 2 jours.
Le 12/04/2023 à 20h53
Le 12/04/2023 à 21h55
Le fameux bore-out, qui nous guette dans ces métiers… C’est une forme de torture, on aurait tellement mieux à faire que de s’ennuyer coincé au boulot.
Le 13/04/2023 à 04h36
Payé à rien foutre, ça ne veut pas dire rien foutre.
Un client “pigeon” qui me paie à rien foutre pendant que je bosse sur des projets persos, j’appelle ça avoir le beurre et l’argent du beurre.
Et toi tu me propose le sourire de la crémière !
Le 13/04/2023 à 05h21
D’où ce que je disais en profitant de ce genre de chose pour valoriser son profil. Moi le hic, c’est que la dernière fois où ça s’était passé, c’était avant qu’on ait droit au télétravail grâce à une pandémie mondiale. Donc venir sur site chez un client pour se dire que tu vas rien foutre chez lui, ça me motive pas (encore plus quand t’es entouré de collègues dans le même état d’esprit). Perso je préfère rester chez moi pour bosser sur des projets perso. Aussi pour une simple raison… J’ai connu des personnes qui ont eu des ennuis avec un employeur qui revendiquait la propriété de projets personnels car réalisés durant leur temps de travail sur des périodes à faible activité.
Le pire pour moi a été la période d’inter-contrat que j’ai eu quand j’étais encore en SSII où non seulement tu cherches à t’occuper par toi-même, et qu’en plus t’as un agréable
connacommercial qui te rappelle quotidiennement que t’es un poids mort pour l’entreprise (ben qu’il fasse son taff, c’était ce que signifiait généralement la ponctuation à la fin de mes réponses).Le 12/04/2023 à 22h55
Ca dépend, si ce type de job existe en télétravail moi je veux bien.
Le 13/04/2023 à 18h55
Difficile à comprendre. Je me dis que les process d’embauche sont tellement complexe à leur niveau (trop “codifiés”) qu’ils doivent embaucher avant d’avoir le réel besoin, pour que le poste soit disponible dès que nécessaire…. (?)
Le 13/04/2023 à 20h49
La question du besoin est des fois assez floue justement.
Un besoin immédiat et urgent, tu prends un sous-traitant que tu vas guider pour les process liés à l’entreprise. Il va bucheronner pour te dégager un chemin, mais c’est pas du développement à long terme.
A plus long terme genre R&D tu vas te rendre compte de certaines taches qui peuvent être facilité pas des outils, définir comment rendre cet outil puissant, modulable et simple.
Rust ou Go par exemple, ça ne s’est pas construit sur un coin de table pendant une mission de 3mois.
Et pour les RH un bon profil mettra plusieurs mois avant de comprendre, trouver sa place dans l’entreprise et s’épanouir.
T’as aussi des profils qui ne savent que bucheronner.
Le 14/04/2023 à 08h37
Je pense que ça ne concerne pas que sur les postes support. Il y a une perte énorme de procédure et habitudes de travail quand il y a une contraction aussi rapide des effectifs.
Tu finis par faire à l’arrache pour lutter contre le temps que tu n’as plus depuis que S, X, Y et 3 sont partis et qu’il faut faire leur boulot à leur place. Même s’ils bossaient que 10% du temps chacun, ben ça fait 40% à charger quelque part.
De plus, la répartition des savoirs n’est plus aussi cohérente qu’avant dans les équipes restantes : truc a eu le temps de récupérer de machin, mais pas bidule, certains métiers spécialisés se retrouvent abandonnés et réparties à droite à gauche auprès de personnes qui apprennent sur le tard, parce qu’il faut bien le faire.
Tout ça, ça demande du temps, il faut en parallèle “démêler” l’historique du dossier pour comprendre comment on en est arrivé à l’état actuel du projet sur chaque choix et chaque détail qui est remis en cause.
Tu te retrouves donc à récupérer une tâche qui non seulement s’ajoute aux tiennes préexistantes, mais qui en plus te demandes plus de temps à toi qu’à celui qui te l’a cédée… Sans qu’évidemment personne ne l’ai prévu dans ses prévisions de charge.
C’est pour moi exactement ce que se tape Twitter depuis son grand nettoyage. Une conséquence de la philosophie “personne n’est irremplaçable” qui m’a toujours horripilée et que je n’ai cessé d’entendre depuis plus d’une décennie maintenant.