Une enquête de la MIT Technology Review, basée sur des entretiens avec des experts, des analyses de données et des documents qui n'étaient pas inclus dans les « Facebook papers », révèle que Facebook et Google paient des millions de dollars publicitaires pour financer les acteurs du clickbait (pièges à clics, en VF), alimentant la détérioration des écosystèmes d'information.
Facebook a en effet lancé son programme d'articles instantanés en 2015 avec une poignée d'éditeurs américains et européens. La société présentait alors le programme comme un moyen d'améliorer les temps de chargement des articles et de créer une expérience utilisateur plus fluide.
Mais elle permettait également de capter les publicités de Google. Avant les « Instant Articles », les lecteurs étaient redirigés vers un navigateur. Le fournisseur d'annonces, généralement Google, encaissait alors les vues ou les clics d'annonces. Avec le nouveau schéma, explique la MIT Review, les articles s'ouvrent directement dans l'application Facebook, et s'exposent donc à son propre réseau publicitaire, Audience Network.
Les articles instantanés sont rapidement tombés en disgrâce auprès des éditeurs grand public : pour eux, les paiements n'étaient pas assez élevés par rapport aux autres formes de monétisation disponibles. Mais ce n'était pas vrai pour les éditeurs des pays du Sud, que Facebook a commencé à accepter dans le programme en 2016.
En 2018, la société avait déclaré avoir versé 1,5 milliard de dollars aux éditeurs et aux développeurs d'applications. En 2019, ce chiffre avait atteint plusieurs milliards... Or, publier le même article sur plusieurs pages pourrait jusqu'à doubler le nombre de lecteurs. Les fermes de pièges à clics du monde entier ont saisi cette faille comme stratégie, qu'elles utilisent encore aujourd'hui.
Un document interne de l'entreprise, rapporté pour la première fois par MIT Technology Review en octobre, montre que Facebook était au courant du problème dès 2019. L'auteur, l'ancien data scientist de Facebook Jeff Allen, avait découvert que ces tactiques avaient permis à des fermes de pièges à clics en Macédoine et au Kosovo d’atteindre près d'un demi-million d'Américains par an avant les élections de 2020.
Jusqu'à 60% des domaines inscrits dans les articles instantanés utilisaient les tactiques d'écriture de spam employées par les fermes de pièges à clics, selon le rapport. Allen relève cela dit que Facebook a depuis fait des efforts majeurs pour corriger le problème.
Google est également coupable, souligne par ailleurs la MIT Review. Son programme AdSense a en effet alimenté les fermes basées en Macédoine et au Kosovo qui ciblaient le public américain à l'approche de l'élection présidentielle de 2016. Et c'est aussi AdSense qui incite les nouveaux acteurs de pièges à clics sur YouTube à publier du contenu clivant et de la désinformation virale.
Reste qu'aujourd'hui, de nombreuses fermes d'appâts à clic reposent encore à la fois sur la monétisation des articles instantanés et d’AdSense, recevant des paiements des deux sociétés, déplore la MIT Review.
Commentaires (22)
#1
C’est quand-même dingue que des grosses boites comme ça puissent favoriser l’émergence d’un candidat aussi controversé, jusqu’à ce qu’il gagne.
Je ne pense pas que Trump aurait pu gagner en 2016 sans un système aussi bancal et mal modéré.
Et ça a depuis atteint tous les grand pays occidentaux du monde, y’a qu’à voir en France où l’outrance est limite devenue la norme.
#1.1
Il me semble qu’en 2016 les médias traditionnels comme Fox News ont bien plus joué que les nouveaux médias comme Facebook
#1.2
“C’est quand-même dingue que des grosses boites comme ça puissent favoriser l’émergence d’un candidat aussi controversé, jusqu’à ce qu’il gagne.”
Tout se monnaye !
Qui paie, c’est une autre question…
#1.3
Euh, tu sais c’est la régie de facebook et Ad sense qui paient. La fakenews rapporte de l’argent et beaucoup dans certains cas.
Il y a eut plusieurs reportage sur France Television dont celui sur celui se prétendant être le plus grand fakenewser avec ses articles pro-trump avant même son élection qui disait au départ se faire 200 à 300 $ par semaine. Puis après, il est passé à la vitesse supérieur avec une dizaine de sites et des liens facebook pointant sur ses faux articles, il était aux anges le mecs. Ils se foutaient des Pro-Trump et il se faisait un max de blé.
Bon après il s’est présenté comme lanceur d’alerte et à même était auditionné par le parlement européen.
Mais pour un mec comme ça tu en as 100 000 derrières qui font la même chose. Les mecs se contrefoutent que ce soit un Trump ou un Biden, ils cherchent simplement à se faire de l’argent. Et c’est encore mieux si tu montes des fermes à fakenews et à clics tu gagnes sur les deux tableaux.
Il y a eut aussi l’émission “Complément d’enquête”, toujours sur FT qui disait que des associations caritatives et le gouvernement US lui-même participent à ce business en versant des milliers d’euros chaque année à des manipulateurs qui mettent en péril notre santé et nos démocraties.
#2
Je ne vois pas trop où est le problème en fait.
Un même article est publié sur 2 (ou n) sites ?
La belle affaire !
C’est pareil pour les articles de sites “mainstream” qui se retrouvent sur différents portails (orange, yahoo, free…)
Sauf à considérer que c’est légitime pour les sies mainstream parce qu’ils ne font pas de clickbait
#3
Quand c’était Obama qui utilisait les mêmes techniques (ou Biden) c’était l’émergence de la startup nation.
#3.1
Quand Obama ou Biden utilisaient ça, c’était surtout des slogans politiques, pas des fausses info ou du putaclic.
#3.2
+1
Ici on parle de contenu au titre racoleur dont l’article final n’a rien de concret avec souvent des informations parcellaires, voire de la désinformation totale.
#4
Des promesses non tenues ça compte pour quoi ?
#4.1
Bah les promesses non-tenues, ce n’est pas de la fausse info, c’est des promesses justement.
Une fake news, ça se vérifie dans l’instant T, sauf que sa propagation, et les nombreux biais du cerveau font qu’ils et difficile pour les personnes touchées de se remettre en question.
Surtout que les algo visent surtout les gens pouvant adhérer à ces fausses infos, ça créer des bulles, d’ailleurs, dans l’émission de micode, y’a un data scientist qui le montrent très bien, les pro-Trump sont peu perméable aux idées différentes des leurs, contrairement aux démocrates.
#5
Tu parles de Trump et de son mur ?
#6
Merci de relayer cette enquête (sérieuse et sourcée) de la revue du MIT !
Vu le niveau élevé des articles, cette revue (payante au bout de deux articles, ce qui certes ne la rends pas accessible à tout le monde) mériterait d’être traduite et mieux connue en France.
#7
On peut. Mais on ne peut pas enlever à Trump d’avoir essayé.
Biden n’a même pas fait semblant de tenir ses promesses aux Latinos (enfin si, il a fini par envoyer un os à ronger à Kamala Harris pour qu’elle évite de passer pour une parfaite idiote)
#8
Je me méfie beaucoup plus de la censure rampante de l’Internet que de la “désinformation”.
On peut toujours apprendre à trier l’information. Mais que peut-on faire quand les États utilisent la force pour faire l’opposition sérieuse? Et pire que la censure, qui se voit, il y a l’auto-censure, qui fait que l’information et les analyses se sortent jamais pour commencer.
Donc quand j’entends des institutions officielles (ou quasi comme le MIT) dénoncer de la “fake news”, de la “désinformation”, de la “manipulation” etc je ne vois qu’un seul danger : celui d’une censure qui prétendrait protéger les citoyens, comme toutes les censures au cours de l’Histoire.
Et gare aussi aux accusations sur les plateformes, même si ce sont de richissimes multinationales, lorsqu’on leur met la pression pour les pousser à censurer à tout va, c’est le citoyen qui risque de perdre gros, pas les plateformes qui peuvent toujours recevoir de l’argent des États ou d’autres grandes entreprises.
#9
On peut apprendre à programmer des machines pour qu’elles trient, nuance de taille…
On peut répondre par un lancé de pierre, pas un pouce up.
Toute institution officie… ce ne sont pas les fake news qui sont dénoncées, ce sont les immixtions non dites et toutes les techniques qui y contribuent, censures comprises.
Le citoyen utilisateur de plateforme a déjà perdu son droit à s’exprimer techniquement, celui de planquer ses méta-données et son graph social de tous les regards et une bonne partie ses yeux sous le flot de pubs.
Perdre deux trois messages ne lui fait plus grand chose, on lui payera bien une pelle pour creuser sa tranchée dans tous les cas…
#10
Ma recette infaillible pour reconnaître un contenu de qualité:
#10.1
Oui mais tu vas adorer le 4eme.
#11
Trump et sa promesse de mur, c’est beau comme EDF et sa promesse d’EPR.
Objectifs non atteints, budget délirant et toujours revu à la hausse de façon exponentielle. Ah , non c’est vrai, j’exagère: jamais EDF n’a dit que c’était le Mexique qui allait payer.
#12
Le 8ème va vous étonner !
#13
Comment je comprends les choses, mettons qu’un article sur le site lgbt (voir l’article MIT) soit vu 2 millions de fois, et celui sur womensrights 4 millions, vu qu’ils sont en miroir ils seront revendiqués par chaque site comme vus 6 millions de fois.
Vu par Facebook, il s’agit du même article à deux endroits différents, donc vu 12 millions de fois. (sauf s’ils filtrent l’origine des vues, ce qui selon l’article n’est pas le cas).
Il sera donc favorisé par rapport aux articles qui n’auront “que” 10 millions de vues.
Je me trompe peut-être sur le 6 qui se transforme en 12, mais l’article passera devant ceux à 5.
#13.1
C’est pas ce que j’ai compris.
Pour moi, c’est lorsqu’un site publie la même news sur deux pages distinctes (peut-être avec des titres différents, par ex).
Du coup, les gens intéressés vont visiter les deux pages : deux fois plus de vues uniques (un visiteur qui visite deux fois la même page n’est comptabilisé qu’une seule fois).
#14
C’est plutôt comme cela que je le comprends aussi (ou éventuellement avec du multisite).
Mais comment les gens aboutissent sur ce site ? Vu que les moteurs de recherche ou de news agrègent par site/information : les gens ne vont voir l’info qu’une fois.
Si les gens s’aperçoivent qu’un site leur affiche deux fois le même article sous un titre différent, ils continuent vraiment d’y revenir ?