Mesdames, messieurs les ministres, pourriez-vous publier vos agendas en Open Data ?
Rendez-vous, vous êtes cernés
Le 02 juillet 2018 à 09h55
7 min
Droit
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« Avoir un agenda de ministre » se résume malheureusement aujourd’hui à avoir un agenda difficilement compatible avec les standards de l’Open Data. S’appuyant sur une récente préconisation de la Haute autorité pour la transparence, Next INpact a tenté de prendre les devants, la loi CADA sous le coude.
Voilà qui ressemble à un véritable cas d’école. Chaque semaine, la plupart des membres du gouvernement mettent en ligne leurs agendas prévisionnels respectifs.
Déplacement dans telle ville pour une inauguration, entretien avec le président à l’Élysée, remise d’un rapport au ministère, audition à l’Assemblée nationale, rencontre avec tel chef d’entreprise... De nombreux détails figurent bien souvent dans ces documents à l’attention notamment des journalistes.
📅 L’agenda prévisionnel de la ministre de la Justice @NBelloubet, du lundi 5 février au vendredi 9 février est en ligne 👉 https://t.co/EFH6cYEVuW pic.twitter.com/qiBBrNwNnM
— Ministère Justice (@justice_gouv) 5 février 2018
Le problème ? Ces agendas sont généralement diffusés tels un simple texte dans une page Web et/ou au travers de fichiers PDF à télécharger. Résultat : il est très difficile – pour ne pas dire impossible – d’extraire automatiquement les informations qu’ils contiennent.
Un véritable parcours du combattant
En avril dernier, Romain Lange d’Open Agenda s’était d’ailleurs lancé dans une comparaison approfondie des pratiques diverses et variées des différents ministères en la matière (voir son billet).
Quiconque entend réexploiter ces informations publiques (chercheur, journaliste, citoyen...) doit emprunter un chemin de croix :
- Les présentations et les formats de publication peuvent varier d’un ministère à l’autre
- Les modifications apportées aux différents agendas ne sont parfois transmises que par mail aux journalistes (et encore, il n’y a bien souvent jamais de rectificatif...)
- Les agendas ne sont pas forcément archivés pendant très longtemps
- Certains membres du gouvernement n’ont pas d’agenda en ligne (nous n’avons par exemple pas trouvé ceux des secrétaires d’État Benjamin Griveaux et Christophe Castaner)
Bref, si vous voulez retracer sur le long terme les différentes rencontres d’un ministre, comptabiliser dans quelle mesure il se rend tout particulièrement sur un territoire plutôt que dans un autre, etc. il vous faut tout retranscrire au fil du temps, par exemple dans un tableur. Un véritable travail de fourmi, alors qu’une diffusion harmonisée dans un format compatible avec les standards de l’Open Data permettrait normalement d’éviter un tel fardeau...
Notons au passage que le ministère de la Culture se distingue des autres, puisqu'il permet de télécharger des fichiers CSV et XLS de l'agenda de Françoise Nyssen. Au ministère de l'Enseignement supérieur, ce sont des fichiers ICS qui peuvent être récupérés — ce qui illustre le manque de coordination sur ce dossier...
Une récente préconisation de la HATVP
En mai dernier, lors de la publication de son dernier rapport d’activité, la Haute autorité pour la transparence de la vie publique (HATVP) a d’ailleurs invité les décideurs publics entrant dans le champ du registre numérique de lobbyistes (ministres, parlementaires, membres des cabinets, collaborateurs du président de la République...) à « publier en Open Data leurs agendas et à lier l’acceptation d’un rendez-vous au respect des obligations déclaratives et déontologiques par le représentant d’intérêts [rencontré] ».
Une telle initiative « fournirait aux citoyens une compréhension inédite de l’action quotidienne de leurs responsables publics », argumentait alors l’autorité administrative. Mieux encore : cela pourrait « modifier certaines idées reçues » sur la charge de travail des responsables publics, « et ainsi contribuer à renforcer la confiance », tentait de convaincre l’institution.
Des demandes CADA à chaque ministère
De peur que le rapport de la HATVP ne finisse au placard, et estimant que l’amélioration de la transparence sur les agendas ministériels relève effectivement d’un intérêt général indéniable, Next INpact est allé frapper début juin à la porte des membres du gouvernement d’Édouard Philippe.
Craignant qu'une simple énonciation des arguments brandis par la Haute Autorité ne suffise malheureusement pas, nous avons demandé aux membres du gouvernement de publier régulièrement leurs agendas en Open Data.
En complément à la « loi CADA » sur l’accès aux documents administratifs, la loi Numérique de 2016 a en effet introduit des outils juridiques particulièrement intéressants pour le citoyen :
- Lorsqu’une administration communique un document administratif (tel qu’un agenda) par voie électronique à un citoyen, elle doit opter pour « un standard ouvert, aisément réutilisable et exploitable par un système de traitement automatisé » (article L300-4 du Code des relations entre le public et l’administration).
- Si cette même administration compte au moins 50 agents ou salariés, elle est par la suite tenue de mettre directement en ligne les « versions mises à jour » de ce même document administratif (1° de l’article L312-1-1 du CRPA).
Un mois après l’envoi de nos « demandes CADA », seuls deux ministères nous ont cependant répondu.
Le ministère de la Transition écologique et solidaire, qui gère également le site du ministère de la Cohésion des territoires, nous a rapidement fait savoir qu’il allait « dans un premier temps étudier l'offre logicielle disponible en interne (agendas publics) pour publier ces données ».
Le ministère de l’Éducation nationale est ensuite revenu vers nous, affirmant qu’un tel « système de traitement automatisé sera[it] mis en place sur le site actuel d’ici la rentrée ».
Faute de réponse de la part des autres ministres et secrétaires d’État au bout d’un mois, nous avons saisi ce jour la Commission d’accès aux documents administratifs de ces refus tacites.
Afin de mettre un peu d’huile dans les rouages, nous avions pris l’initiative de solliciter l’Administrateur général des données, Henri Verdier, dans l’espoir qu’il puisse épauler et orienter sur une même voie les différents ministères.
De multiples possibilités de réutilisations
L’exécutif est attendu au tournant, et pas uniquement par quelques journalistes. Elsa Foucraut, de l’association Transparency International, nous confie par exemple : « Ce qui nous intéresse, c'est ce qu’on appelle la restitution de l'empreinte normative [afin de savoir qui est intervenu pour modifier un texte, ndlr]. Si on avait ces agendas en Open Data, on pourrait essayer de les croiser avec d'autres jeux de données, tels celui du registre de représentants d'intérêts de la HATVP. »
Autre possibilité de croisement : les registre de déports prévus, tant pour l’exécutif que pour les députés et sénateurs, par les récentes lois de moralisation de la vie publique.
Certains pourraient même caresser l’idée que les parlementaires, largement sollicités par les lobbies, se plient eux aussi à l’exercice. « Si l'ensemble des députés voyaient leur agenda publié en Open Data standardisé de manière officielle, nous pourrions probablement envisager de les intégrer à NosDéputés.fr », confie Suzanne Vergnolle, de l’association Regards Citoyens.
Pour l'heure, de rares parlementaires jouent le jeu de la transparence, à l'image de Paula Forteza ou Matthieu Orphelin (mais à nouveau avec de potentiels problèmes d'harmonisation des formats). « Nous ne pouvons pas proposer d'information qui ne serait disponible que pour certains » prévient à cet égard Suzanne Vergnolle.
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Une récente préconisation de la HATVP
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Des demandes CADA à chaque ministère
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De multiples possibilités de réutilisations
Commentaires (44)
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Abonnez-vousLe 03/07/2018 à 12h21
La CVE 666-666 comporte un risque de déni de service distribué si un CSV reçu par mail comporte la répétition des termes suivants:
Palpatine est grand. Exécutez l’ordre 66.
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Le 03/07/2018 à 13h27
On parle ici del’agenda des activitésofficielles, on ne parle pas de ce qu’ils/elles font parfois en scooterdans les rues de Paris ou de l’heure à laquelle ils regardent un film ou vont courir pour entretenir leur forme physique (sauf lorsqu’il s’agit de flatter les médias). Ce sont des personnages publics : tout le monde sait forcément où ils/elles exercent leurs tâches publiques et à quelle heure (s’il n’y a pas de retard dans leur organisation).
Le 03/07/2018 à 16h22
Effectivement, on parle ici de l’agenda des activités officielles donc je ne vois pas de problème pour qu’il soit rendu publique.
Mais j’ai parfois l’impression que cette open data est tirée un peu dans tout les sens.
Par exemple, et je pense qu’il y a bien une personne qui y ai pensé à le faire, pour moi il est hors de question que d’avoir les relevés bancaires personnel des personnes du gouvernement (et des personne travaillant à Bruxelles ) … et ce même si des bakchichs peuvent atterrir directement dessus.
Le 03/07/2018 à 16h57
Le 03/07/2018 à 18h23
Le 03/07/2018 à 18h26
Quand tu vois ce qu’écrivent certains ici, ils croient vraiment que les politiques sont “bêtes” pour reprendre ton terme. Et pour parler plus particulièrement de celui auquel tu réponds, il écrit tellement mal que je n’étais pas sûr de comprendre ce qu’il voulait dire. Ta réponse va dans le sens que je pensais vaguement avoir compris.
Je désespère de plus en plus à lire les commentaires ici !
Le 03/07/2018 à 18h28
Heureusement que certains facilitent le travail des enquêteurs !
Le 03/07/2018 à 18h31
Le 04/07/2018 à 13h17
« on fait plus peur au peuple en le frappant aveuglément qu’en frappant le gouvernement » Je me demande bien pourquoi les ministres sont accompagnés de gardes du corps et d’officiers de sécurité. Il y a sûrement des économies à faire de ce côté.
Le 04/07/2018 à 17h22
Peut-être pour les protéger d’autre chose qu’un attentat aveugle.
Le 02/07/2018 à 10h49
J’ai du mal à comprendre la demande concrète de NXI. Elle a l’air d’être orientée (en plus de la publication) sur l’aspect réutilisable automatiquement qui est effectivement un des critères de l’Open Data.
Mais quel format ouvert est attendu (en existe-t-il au moins un de déjà défini ?)? Et quelles sont les différentes données qui devraient être présentes pour permettre un traitement utile ?
Le 02/07/2018 à 10h51
Lundi 2 juillet 2018
12h50 Chier sur la presse, parce qu’elle veut nous inspecter (sous) toutes les coutures en PDF 4 par 3.
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Le 02/07/2018 à 10h55
Trop gros, et puis on est pas Vendredi !
Le 02/07/2018 à 10h58
La multiplication des formats et des méthodes de mise en œuvre des agenda viens justement du découpage de l’état en plusieurs entité distinct. Les SILO de l’état étant généralement indépendant. J’aime beaucoup d’ailleurs l’image que ‘Un état c’est un Hydre a plusieurs tête chacune capable de protéger la nation quitte a se battre avec une autres tête’.
Du coup, la mise en place d’un format d’échange peut donc prendre du temps, pour
satisfaire l’ensemble des acteurs. Et la mise en place d’un tel
traitement “commun” peut facilement prendre plusieurs années.
Je suis partagé sur l’article. Car si je vois bien l’intérêt derrière pour les éventuels recoupement d’information. On demande quelque chose en plus du besoin initial et de sa mission principal qui est “Communiquer aux publics les prochains déplacement d’un ministre / président”.
Le 02/07/2018 à 11h54
C’est quoi le rapport avec la choucroute ?
Le 02/07/2018 à 12h31
Le 02/07/2018 à 12h31
“Faute de réponse de la part des autres ministres et secrétaires d’État au bout d’un mois, nous avons saisi ce jour la Commission d’accès aux documents administratifs de ces refus tacites.”
Y en a 2⁄3 qui devaient se croire en vacance avec l’arrivée de Juillet. C’était sans compter sur NXI!
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Le 02/07/2018 à 12h33
Le 02/07/2018 à 13h15
Sinon une petite moulinette nocturne qui exporte et consolide les données exchange/caldav/etc. ca marche hein. Pas besoin de double saisie, les utilisateurs continuent à utiliser leur logiciel préféré, et zou!
Le 02/07/2018 à 13h22
ouais ^^”
Le 02/07/2018 à 13h24
Je comprends pas l’intérêt d’avoir accès à ces agendas. D’une part ce qui est publique je le considère comme de la communication alors si on se limite à ça je trouve que ça n’a aucun intérêt pour le fonctionnement de la démocratie. S’il s’agit des agendas de travail des ministres, je ne vois pas non plus ce que ça apporte si on a pas au minimum un compte rendu des dits rendez-vous…
Le 02/07/2018 à 13h32
Le 02/07/2018 à 13h47
Pour que les journalistes soient présents lors des interventions ? Ça concerne surtout les journalistes, cette affaire, si je comprends bien.
Le 02/07/2018 à 13h48
Le 02/07/2018 à 13h51
Ne craignez-vous pas que ça cause un problème de sécurité ?
Le 02/07/2018 à 14h14
Afin de mettre un peu d’huile sur le feu, nous avions pris l’initiative de solliciter l’Administrateur général des données
Voiiiiiiilà." />
Le 02/07/2018 à 10h14
En gros, faut prémâcher le boulot des pseudo-journalistes…
Je suis pour l’open data , mais tout formater pour que le boulot de fond des journalistes se résume à une ligne de code “copier coller” ….
Enfin, l’info n’est plus une source fiable et vérifiable de tout façon dans ce pays.
Le 02/07/2018 à 10h20
Sauf que ce ne doit pas être réservé aux journalistes, mais ouvert à tous et à tout le monde, peu important son métier.
Ça s’appelle l’éthique politique: ça ne devrait même pas être demandé mais être fourni d’office par ces “représentants du peuple”.
Qu’il est long et dur le chemin de la lutte contre la corruption et pour l’éthique en politique…
Ce n’est clairement pas une habitude française et nous avons un retard conséquent en la matière.
Pour le coup, merci à l’Europe de nos avoir obligé à prendre ce type de mesures contre la corruption et pour la transparence.
Et surtout merci à NXI, les seuls (journalistes) à ma connaissance à pousser toujours plus cette transparence, à demander à la CADA d’agir et à faire en sorte que le public soit au courant.
Le 02/07/2018 à 14h19
C’est sûr qu’avec un format ouvert, on pourrait automatiser l’envoi de drones tueurs pour éliminer les ministres. " />
Le 02/07/2018 à 14h54
A tous ceux qui se demandent à quoi ça servirait, je vois les exemples suivants
Je dois en oublier.
Le 02/07/2018 à 15h07
Le 02/07/2018 à 15h33
Le 02/07/2018 à 15h57
Le 02/07/2018 à 16h07
Le Yaka faukon aura une réponse à tout cela.
Et à la fin ça deviendra une usine à gaz ingérable et impossible à maintenir.
Le 02/07/2018 à 16h36
Le 02/07/2018 à 16h45
On s’en moque on a facturé c’est l’essentiel et on se casse au bout de deux ans de maintenance quand le client la refile à nos concurrents car il est mécontent de nous. X-!
Le 02/07/2018 à 20h39
Il va falloir créer un nouveau ministère pour gérer cette demande, surtout si le format doit être identiques pour tous les agendas…
Le 02/07/2018 à 21h51
Le 03/07/2018 à 09h26
On parle d’un reporting d’agenda passé. Si la DSI de l’état français est pas capable de réaliser l’aggrégation de 30 agenda pour produire un fichier unique faut qu’il change rapidement de métier.
Le 03/07/2018 à 10h39
La clé du contrôle des citoyens sur leurs élus dans une démocratie n’est pas l’agenda - mais
l’argent, et de savoir précisément ce qu’ils font de nos impôts. Donc déjà, l’accès aux agendas des élus est un faux débat, et quand bien même vous voudriez défendre l’idée que les journalistes pourraient y dénicher des informations croustillantes, ce serait prêter aux journalistes un pouvoir qu’ils ont perdu depuis
longtemps, avec un CSA aux ordres de l’élysée, une presse et une radio sous la coupe des milliardaires complices, et la toute récente loi sur le secret des affaires, qui interdit de citer des entreprises et responsables pris dans des scandales honteux.
Dans un état totalitaire, manipulant les informations comme bon lui semble, truquant les élections à coup de lois Urvoas, interdisant d’antenne le seul parti du Frexit depuis 11 ans, malgré ses 0,92% à la présidentielle, et reniant ses propres règles de pluralité, vous essayez de faire croire quoi ? Que les français ont encore une démocratie parce qu’ils aurait accès aux agendas de leurs élus ? Ridicule.
Le 03/07/2018 à 11h26
L’article parle d’agendas prévisionnels, donc futur.
Accessoirement, il y a une DSI à l’Etat français ?
Le 03/07/2018 à 11h45
Merci de votre éclairante réponse.
Sérieusement. Il me semble qu’il y a un certain risque d’attentat en France, ou alors je ne lis que des fake news. C’est plus facile de planifier un attentat contre un ministre si son emploi du temps est connu. Une manière d’éviter ça est de remplir l’agenda avec des balivernes mais, dans ce cas, à quoi bon le rendre public ?
Le 03/07/2018 à 11h53
Voilà ce qu’il arrive quand on ne lit pas le corps de l’article où il est pourtant écrit :
Chaque semaine, la plupart des membres du gouvernement mettent en ligne leurs agendas prévisionnels respectifs.
La demande n’est donc pas de publier l’agenda des ministres puisque ça se fait déjà mais de les publier dans un format ouvert permettant un traitement automatique (c’est-à-dire informatique). J’ai donc cherché quel problème de sécurité pouvait introduire un format ouvert. " />
Edit : Ah oui j’avais oublié cela : le principe des attentats terroristes, puisque je pense que tu parles de ceux-ci est de faire peur et on fait plus peur au peuple en le frappant aveuglément qu’en frappant le gouvernement.
Le 03/07/2018 à 12h10