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Copie privée : des questionnaires, des « bases faibles », des barèmes quand même

CADA del papel

Copie privée : des questionnaires, des « bases faibles », des barèmes quand même

Le 06 janvier 2020 à 15h39

Après plus d’un an d’attente, la Commission copie privée a bien voulu répondre favorablement à notre demande de communication. Elle nous a adressé les questionnaires d'études d’usages relatifs aux tablettes, disques durs externes et smartphones.

Au Journal officiel du 22 septembre 2018, était publiée la décision n° 18 de la commission Copie Privée. Cette décision administrative a mis à jour le barème de redevance de plusieurs segments de produits : les tablettes, les disques durs externes et les smarphones. 

Comme le détaillent les « considérants » introductifs au JORF, ces nouveaux tarifs ont été précédés d’un cahier des charges, mais aussi d’une étude d’usages confiée par le ministère de la Culture à l’Institut CSA. Ces pièces n’ont jamais été diffusées. Nous avions adressé dans la foulée une demande de communication de documents administratifs en visant :  

  • Les documents échangés ou communiqués en amont du vote du 21 juin 2016 qui a arrêté le cahier des charges sur les segments considérés
  • Le cahier des charges relatif à l’étude sur les pratiques de copie privée sur les segments considérés
  • Les questions posées par l’Institut CSA auprès des panels sur les segments considérés
  • Les données brutes récoltées sur les segments considérés
  • Les résultats de ces études

Quand la Commission Copie privée saisit la CADA

Plus d’un mois plus tard, le 5 décembre 2018, les services nous fournissaient une première salve de données (le cahier des charges, les documents préparatoires et les résultats des études réalisées en 2017). Mais non les questions posées par l’Institut CSA aux quelques sondées. 

Ces questions sont le nerf de la guerre, puisque de leurs réponses dépendent les relevés des pratiques de copies. Plus ces pratiques ont le vent en poupe, plus la commission est en droit de voter des barèmes élevés (et inversement). 

Pour ces questionnaires, le ministère de la Culture nous coupait un peu l’herbe sous le pied en nous indiquant avoir « saisi la Commission d'accès aux documents administratifs (CADA) d'une demande de conseil afin de déterminer si les questionnaires administrés par l'institut CSA constituent ou non des documents communicables ». Et dans l'attente de la réponse de la CADA, il refusait toute communication. 

Un an plus tard, nous avons été contraints de relancer ces services pour savoir donc si la CADA avait répondu à cette saisine et surtout, le sens de cette réponse. La Commission copie privée, sans plus de détail, nous a fourni les questionnaires que nous diffusons ci-dessous.

Signe que ces documents ne sont pas aussi couverts par le secret qu'elle le craignait. 

40 pages de questions, un devoir mémoriel important

Ils se manifestent par quatre fichiers PDF relatifs aux tablettes tactiles multimédias dites « Media Tablets », aux tablettes dites « PC Tablets », aux disques durs externes et aux téléphones multimédias. 

Premier enseignement : les questionnaires sont longs. Très longs. Comptez une quarantaine de pages à chaque fois. Autre information, chaque questionnaire est présenté au sondé comme un recueil « d’opinions », alors qu’en coulisse, les réponses ont des effets juridiques importants à l’échelle du pays. 

Autre enseignement, le sondé doit non seulement répondre à 40 pages de questions, mais également avoir une très bonne mémoire. Dans le document déclaratif relatif aux smartphones, il est par exemple demandé à la personne de se souvenir du nombre de fichiers copiés, enregistrés, téléchargés ou synchronisés « au cours des 6 derniers mois ». 

Le sondé doit quantifier le nombre de fichiers personnels et le nombre de titres musicaux ou vidéos ainsi traités, et d’images copiées, outre les sources d’approvisionnement. Il doit également indiquer, sur la même période, s’il a dû retirer des mesures techniques de protection sur le fichier en question, ou s’il a utilisé des rippers sur YouTube ou Dailymotion.

Au passage, ces questions, et donc les réponses, ont pu ainsi faire entrer dans la boucle de la redevance les copies issues du streamripping, technique récemment adoubée par le Conseil d’État

Les sources d’approvisionnement des copies sont d'ailleurs vastes. Parmi celles relatives aux copies d’images, également compensées par la redevance, on trouve les banques d’images payantes ou gratuites, les réseaux sociaux, les blogs, les sites culturels, les livres, les encyclopédies, les paroles de chansons, les articles de presse, etc.   

« Base faible »

Il y a un autre point commun : dans les résultats, l’Institut CSA relève régulièrement que les bases de réponses ont été trop faibles pour que les données soient sérieusement présentées.

Par exemple, toujours sur les smartphones, seules 48 personnes ont répondu avoir copié une vidéo au cours des six derniers mois. 11 ont pu se souvenir de l’origine des copies. 3 utilisateurs ont copié sur smartphone des épisodes de série TV à partir d’Internet par l’intermédiaire d’un autre support. Pour les clips vidéo, le nombre n’est guère plus glorieux puisqu’il atteint péniblement celui de 17 personnes. 

Copie privée
Crédits : Institut CSA

Vérification faite, par 86 fois, la mention « base faible » apparaît dans les résultats du sondage « Smartphone ». L’expression est répétée 89 fois pour l’étude sur les disques durs externes. Et même... 192 fois sur les deux études relatives aux tablettes. 

La commission est toutefois parvenue à voter un barème de 6 à 15 euros pour les disques durs externes, de 4 à 14 euros pour les smartphones et de 8 à 14 euros pour les tablettes.

Commentaires (26)

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Vérification faite, par 86 fois, la mention « base faible » apparaît dans les résultats du sondage « Smartphone ». L’expression est répétée 89 fois pour l’étude sur les disques durs externes. Et même… 192 fois sur les deux études relatives aux tablettes.



La commission est toutefois parvenue à voter un barème de 6 à 15 euros pour les disques durs externes, de 4 à 14 euros pour les smartphones et de 8 à 14 euros pour les tablettes.





Cela peut-il alimenter d’éventuels recours pour cause d’études non représentatives / sérieuses ou bien est-ce seulement un constat d’impuissance ?

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Une petite relecture s’impose.. :)

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Ce sous-titre qui fait rêver ! <img data-src=" />



L’allusion au cambriolage n’est pas dénuée de sens…

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SebGF a écrit :



Cela peut-il alimenter d’éventuels recours pour cause d’études non représentatives / sérieuses ou bien est-ce seulement un constat d’impuissance ?





Au regard de la dernière décision du Conseil d’Etat sur le sujet, la commission n’a vraiment aucun souci à se faire: il était relevé et même démontré que les études reposaient sur du sable mais cela n’a rien changé à la validité des barèmes.



Du coup je me mets à la place de la commission, pourquoi se fatiguer à faire de véritables études alors que l’échelle pifométrique a été validée par le Conseil d’Etat?


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J’ai ouvert celui sur les disques durs externes, des la question 1 j’ai du mal :

Étude en face à face à domicile sur 600 possesseurs de disque dur externe utilisable directement avec un ordinateur, y compris les supports à technologie SSD ou de stockage externes NAS de salon (c’est à dire un disque dur de réseau domestique) destinés à être posés sur un meuble.



C’est curieux étant donné que les NAS mangent des disques durs internes…



Si le répondant possède plusieurs disques dur externe, il faut le recentrer sur le disque dur externe le plus utilisé ou celui qu’il utilise le plus souvent.

La je dis un énorme what ze phoque. Me dites pas qu’ils extrapolent l’usage des disques durs externes à partir du disque le plus utilisé de chaque foyer? Il me semble qu’il y a un énorme risque de biais, ça va sur-représenter les fichiers partagés ou utilisés fréquemment dont sont probablement les fichiers visés par la RCP, et au contraire sous-représenter tout ce qui est sauvegardes ou tout simplement les vieux disques plus utilisés.



Bon je m’arrête là, ça me fait trop mal.

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C’est une farce ce questionnaire !&nbsp; <img data-src=" />

Sérieusement je trouve ça sidérant de n’avoir que 48 répondants.



Certaines questions n’ont aucun intérêt, de plus juste une visite sur le site amazon.fr permet de dire que forcément on a copié du texte d’amazon.fr (puisqu’on a télécharge la fiche d’une produit par exemple).



Franchement on est à la limite de l’escroquerie là <img data-src=" />

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La question sur les mesures techniques de protection est magnifique. Après 45 questions où on a incité à répondre sur l’ensemble des contenus, on dit ‘au fait, êtes-vous un méchant pirate qui viole la loi ?’, et étonnamment, la réponse est quasi toujours ‘mais non, vous n’y pensez pas!‘.

Le différentiel dans le taux de gens qui refusent de répondre entre la vidéos et les autres contenus est d’ailleurs assez coquasse, même si je ne peux pas être certain que mon interprétation mesquine est la bonne <img data-src=" />



S’ils étaient honnêtes, ils devraient expliquer quels contenus sont concernés par l’enquête dans l’introduction de celle-ci, et le sondé ne répondrait que sur ces contenus, ce qui évacuerait ‘naturellement’ les contenus piratés sans mettre le sondé en porta-faux.



Edit: Sinon, est-il RGPD-compatible de faire un sondage qui demande ou on habite, son sexe, nombre d’enfants, situation professionnelle, salaire, et autres données perso quand l’objectif de celui-ci n’a rien à voir avec aucune de ces informations?

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Pour le dernier point, de telles questions ne me paraissent pas totalement aberrantes pour garantir que les sondés sont représentatifs de la population et de rééquilibrer au besoin.

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Notons également que la réponse est obligatoire pour le nom, et le prénom.

Genre tu annonces que tu pirates 1To par jour, et tu vas donner tes coordonnées. Ca pousse à un questionnaire honnête…

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Zerdligham a écrit :



La

question sur les mesures techniques de protection est magnifique. Après

45 questions où on a incité à répondre sur l’ensemble des contenus, on

dit ‘au fait, êtes-vous un méchant pirate qui viole la loi ?’, et

étonnamment, la réponse est quasi toujours ‘mais non, vous n’y pensez

pas!‘.

Le différentiel dans le taux de gens qui refusent de

répondre entre la vidéos et les autres contenus est d’ailleurs assez

coquasse, même si je ne peux pas être certain que mon interprétation

mesquine est la bonne <img data-src=" />





S’ils étaient honnêtes, ils devraient expliquer quels contenus sont

concernés par l’enquête dans l’introduction de celle-ci, et le sondé ne

répondrait que sur ces contenus, ce qui évacuerait ‘naturellement’ les

contenus piratés sans mettre le sondé en porta-faux.



Edit:

Sinon, est-il RGPD-compatible de faire un sondage qui demande ou on

habite, son sexe, nombre d’enfants, situation professionnelle, salaire,

et autres données perso quand l’objectif de celui-ci n’a rien à voir

avec aucune de ces informations?





&nbsp;&nbsp;+1



On est en droit de se demander si les auteurs de l’étude visent les la copie privée ou la compensation du piratage ?





&nbsp;&nbsp;


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Reste plus qu’à faire les mêmes demande de transmission des documents pour les années post RGPD puis solliciter la CNIL pour information trompeuse …

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L”étude du CSA est tout de même très intéressante dans ses résultats.



Par exemple pour les supports disque dur externe:

&nbsp;

Profil des possesseurs de disque ext:





  • ages, revenues, niveau d’étude, composition familiale, …

  • Page 15: pénétration par zone géographique ( ile de France: 22%, nord: 5%)

  • Page 17 répartition homme-femme (53% / 47%)



    Sur les vidéo:



  • &nbsp;Page 23: (échantillon de 254): 142 téléchargement de vidéo (sur support de stockage entre 0.5To et 2To).





  • &nbsp;Voir aussi page 55: Sites internets de téléchargement utilisés





    &nbsp;

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La blague continue: “On a aucune base statistique et scientifique viable mais on va quand meme taxer lourdement, faut pas pousser nonmeho j’ai des vacances a payer et des potos a remunerer”.

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Base faible, mais baise fiable.<img data-src=" />

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Juste un scandale…. Je vois pas quoi dire de plus.

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Incroyable : une dizaine de pages pleines de graphiques vides !

La base est faible mais ils s’appuient dessus pour prendre des décisions…



En somme : “on avait pas de résultat donc on a fait sans !”

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Oui mais scandale qui est destiné à rester pour longtemps.





  • Le Ministère de la Culture le couvre à 1000%

  • Le Conseil d’Etat le couvre à 1000%, n’intervient que quand c’est franchement illégal (prise en compte officiellement du piratage pour asseoir les barêmes, par exemple) mais ne moufte pas quand un calcul différent retombe très exactement sur le même résultat immédiatement après.

  • Quasi aucune mention du mécanisme de la RCP dans les médias grand public et, la seule fois où j’en ai entendu parler (5mn à la radio… en arrondissant très généreusement), c’était uniquement sous l’angle “financement du spectacle vivant” (sans mentionner que ça ne représente que 25% des sommes collectées et que cette enveloppe englobait d’autres actions comme les pourvois en justice ou les actions de lobbying)…



    Cause perdue, sauf miracle (et revirement à 180° de la politique culturelle de la France) <img data-src=" />

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Ou alors que des très gros, quels qu’ils soient,&nbsp; entrent dans l’arène côté consommateurs.

C’est pas le rapport 6+6 contre 12 +1 qui pourra faire changer quoique ce soit tant que ça reste dans ces proportions.

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bof… si tu te rappelles, il y a déjà eu un (des ?) cas où des représentants industriels et consommateurs ont claqué la porte en signe de protestation : ça lui en a touché une sans faire bouger l’autre, à la commission :/



Sauf, effectivement, à ce que le législateur ou le MiniCul n’y aillent vraiment franco en imposant frontalement un changement de répartition des forces, ça ne bougera pas

Par ailleurs, ont-ils intérêt à ce que ça bouge ? Ils n’y gagneraient quasi rien, de leurs points de vue respectifs, et perdraient le soutien du monde de la culture voire se le mettraient à dos alors que c’est un secteur très communicant, qui tient pas mal d’élus par les couilles (avec les festivals, entre autres).



correction de mon post précédent : Libé a parlé de la RCP… en 2012. J’en profite pour ajouter une citation de SMS. Pascal Rogard :



«Depuis que la commission existe [1985, NdW], les importateurs estiment qu’elle est déséquilibrée, mais elle a été pensée pour qu’il y ait d’un côté ceux qui paient [les consommateurs et les industriels, ndlr] et de l’autre ceux qui en bénéficient [auteurs, interprètes, producteurs]. Si on la réforme comme ils le proposent avec trois collèges qui ont un tiers des sièges chacun, ce sont les créateurs qui deviennent minoritaires. On en a ras le bol de leur petit jeu qui n’est absolument pas nouveau.»



C’est magique <img data-src=" />

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C’est moi, ou dans leur questionnaire, je ne vois pas la/les question(s) qui prennent en compte le volume occupé sur mes disques externes par MES photos , prises avec MON appareil, et où l’artiste c’est MOI. Oui, j’ai un gros melon <img data-src=" />

Paske la taxe sur les cartes SD+disques+CD à destination des “clients”, je trouve que payer 3 fois sur mon talent artistique, c’est lourd.

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Bourrique a écrit :



C’est moi, ou dans leur questionnaire, je ne vois pas la/les question(s) qui prennent en compte le volume occupé sur mes disques externes par MES photos , prises avec MON appareil, et où l’artiste c’est MOI. Oui, j’ai un gros melon <img data-src=" />

Paske la taxe sur les cartes SD+disques+CD à destination des “clients”, je trouve que payer 3 fois sur mon talent artistique, c’est lourd.





réponse sérieuse : le questionnaire porte sur la copie privée de biens culturels. Tes trucs perso n’ont donc rien à y faire (dit autrement : l’important pour eux est que tu utilises x Go de ton espace disque pour des oeuvres soumises à RCP, pas que les 98% restant dudit espace soient consacrés à des trucs perso - c’est la magie des statistiques)



Réponse moins sérieuse : il te suffit d’adhérer à l’organisme de collecte et répartition concerné et d’exiger ton dû <img data-src=" /> (bon courage)


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En dehors du Conseil d’Etat, il n’existe aucun autre recours légal possible contre cela ?



Car si je comprends bien, le seul autre moyen c’est le lobbying de députés pour faire changer la loi.

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Importer des supports taxés achetés en France depuis un autre pays européen respectant le droit de l’Union, et déposer un recours contentieux là-bas. Cela pourrait d’ailleurs permettre à des sociétés comme Molotov de perdurer…

Ainsi en jouant sur les divergences de mise en place de la RCP peut-être cela pourrait-il remonter à la CJUE. A nouveau, et avec une base de contestation manifestement solide… le problème étant qu’il faudrait un préjudice avéré. Et là ce n’est pas la CJUE qui va changer quoi que ce soit je pense.

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SebGF a écrit :



En dehors du Conseil d’Etat, il n’existe aucun autre recours légal possible contre cela ?



Car si je comprends bien, le seul autre moyen c’est le lobbying de députés pour faire changer la loi.





Eventuellement la CJUE, mais c’est long et aucune idée du résultat.



Marc te le précisera certainement, mais j’ai le souvenir que la CJUE avait été saisie il y a un certain temps de cela du principe de l’existence de cette redevance et ne l’avait pas invalidé.



La question serait de savoir si elle est susceptible, sans remettre en cause le principe de la redevance, d’imposer que les barèmes reposent sur des études sérieuses et en rapport avec la réalité. Perso. j’en ai aucune idée.


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Oui donc c’est un peu ce que je pensais. Dans l’immédiat, c’est un constat d’impuissance et d’impunité. <img data-src=" />



Merci pour les réponses.

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“Base faible” est un euphémisme par rapport à la nature des données…

L’échantillon est tout simplement beaucoup trop petit pour en tirer la moindre conclusion <img data-src=" />



Mais bon, tout ça n’est pas important, ce qui compte c’est qu’un sondage aie été mené, donc tout va bien <img data-src=" />

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