Optimisation fiscale : les géants high-tech mis à l’index, le CAC 40 épargné
La faute (ou grâce) au numérique il parait
Le 11 juillet 2013 à 06h11
6 min
Économie
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La mission parlementaire sur l'optimisation fiscale des entreprises, dirigée par Éric Woerth (UMP) et Pierre-Alain Muet (PS), a rendu son rapport hier soir. Et si les très grandes entreprises françaises sont relativement épargnées, ce n'est pas le cas des géants internationaux du web et de l'informatique, dont Google, Apple, Microsoft, Amazon ou encore Facebook.
Depuis plusieurs années, les nouvelles se multiplient quant aux optimisations fiscales de grandes entreprises américaines présentes à l'international. La technique, légale, est la même partout : via un jeu de filiales et de holdings situées dans des territoires à la fiscalité très avantageuse, les multinationales s'arrangent pour facturer leurs services réalisés en France (et dans tous les grands pays) au nom de ces filiales. Un moyen de déclarer de très faibles chiffres d'affaires et bénéfices dans ces pays riches, et ainsi de payer de ridicules impôts sur les bénéfices, quand des impôts sont payés.
Apple et Facebook refusent de communiquer avec les parlementaires
Pointées du doigt en France, mais aussi au Royaume-Uni, en Allemagne et dans bien d'autres pays du globe, ces méthodes font l'objet d'enquêtes au niveau politique. En France, une mission parlementaire composée de huit députés et dirigée par Éric Woerth et Pierre-Alain Muet est menée depuis plusieurs mois. 70 personnes ont été auditionnées selon l'AFP, néanmoins, plusieurs entreprises, dont Apple et Facebook, ont tout simplement refusé de répondre aux questions des parlementaires.
« Apple et Ikea ont opposé une fin de non-recevoir : sans autre forme de procès pour la première, la seconde affirmant dans un courrier au président de la mission qu'elle ne disposait malheureusement pas de compétence dans ce domaine très technique, ce qui apparaît soit improbable soit inquiétant pour une entreprise de cette taille. Cette attitude est bien évidemment inacceptable » a expliqué Pierre-Alain Muet. Éric Woerth a pour sa part confirmé que Facebook en avait fait de même.
Un manque à gagner de plusieurs milliards d'euros pour l'État
Le rapport, qui se base notamment sur les données de la Fédération française des télécoms, indique que Google, Facebook, Amazon, Apple et Microsoft réunis n'ont déclaré qu'un milliard d'euros de chiffre d'affaires en 2011, pour un impôt sur les sociétés de seulement 37,5 millions d'euros. Des sommes ridicules alors que ces cinq sociétés ont réalisé un chiffre d'affaires de 8 milliards d'euros selon des estimations. Un bilan qui aurait entrainé près de 800 millions d'euros d'impôts. Sur plusieurs années, le manque à gagner pour l'État est donc considérable.
Si Pierre-Alain Muet confesse que le phénomène de l'optimisation fiscale est « difficile à quantifier », il n'empêche que « lorsque l'optimisation utilise les failles de certaines législations nationales pour s'affranchir de l'impôt sur les sociétés, comme le font certaines multinationales (...), on n'est plus très éloigné de l'évasion fiscale à grande échelle ». Et à ce jeu-là, les multinationales étrangères et en particulier américaines sont les meilleures.
Pourtant, tout le monde sait que l'optimisation fiscale est loin d'être une exclusivité américaine. De très nombreuses sociétés françaises ont aussi des filiales dans des pays où elles ne proposent aucun service. Le CAC 40 en regorge. Malgré cette situation, le rapport est particulièrement clément envers ces très grandes entreprises nationales. Sans toutefois nier qu'il y a bien une optimisation fiscale de leur part, les parlementaires expliquent que l'impact fiscal de ces optimisations est « beaucoup moins important » que celui des sociétés comme Google, Microsoft et Amazon.
Cette situation, explique Éric Woerth, serait liée à « un secteur du numérique moins important » chez les sociétés françaises, or « les problèmes d'optimisation fiscale se sont fortement développés avec l'essor de l'économie numérique » note-t-il. Plus étonnant, l'ex-ministre du Budget remarque « qu'une certaine forme de civisme fiscal prévaut encore » parmi les grandes entreprises nationales.
Redéfinir la notion d'établissement stable
Afin de contrer toutes ces optimisations fiscales, vingt propositions ont été dévoilées dans le rapport parlementaire. Outre une renégociation des conventions fiscales internationales de l'OCDE, il est proposé de redéfinir la notion d'établissement stable. Une proposition qui n'est pas nouvelle, puisqu'au début de l'année, que ce soit dans le rapport de Collin et Colin sur les données personnelles, le séminaire gouvernemental sur le numérique, ou encore dans le rapport sur la fiscalité du numérique, cette idée avait déjà été émise. Le concept est simple : l'actuelle définition de l'établissement stable implique une présence physique afin de pouvoir être imposé par un État, ce qui n'a aujourd'hui plus aucun sens à l'heure d'Internet. La nouvelle définition voudrait tout simplement prendre en compte l'activité locale de l'entreprise, même virtuelle. Mais il faut nécessairement une négociation internationale pour atteindre cet objectif. Dans le cas contraire, les risques de double imposition sont élevés.
Il est aussi préconisé d'harmoniser la fiscalité européenne, avec notamment une assiette commune consolidée pour l'impôt sur les sociétés. Pierre-Alain Muet a aussi tenu à déclarer que « l'Union européenne devrait faire pression sur l'Irlande et les Pays-Bas pour qu'ils arrêtent de ne pas prélever à la source les revenus partant vers des paradis fiscaux ».
Enfin, le rapport a repris les grandes lignes de celui dévoilé le mois dernier par l'Inspection générale des finances (ici), et qui pointait notamment du doigt les facturations entre filiales françaises et étrangères des multinationales, dans le but d'éviter un maximum d'impôt. Des pénalités plus fortes envers les entreprises en cas de manquement à l'obligation documentaire seraient par exemple un moyen pour le fisc d'être plus dissuasif. Enfin, dans le but d'éviter la « double non-imposition » via des exonérations à la fois en France et dans un autre pays, les deux rapports ont avancé l'idée de renverser la charge de la preuve en matière de transfert entre filiales d'une même société, ceci en contraignant les multinationales à démontrer elles-mêmes la justesse des prix de transfert.
Optimisation fiscale : les géants high-tech mis à l’index, le CAC 40 épargné
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Apple et Facebook refusent de communiquer avec les parlementaires
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Un manque à gagner de plusieurs milliards d'euros pour l'État
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Redéfinir la notion d'établissement stable
Commentaires (50)
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Abonnez-vousLe 11/07/2013 à 08h41
Le 11/07/2013 à 08h42
Le 11/07/2013 à 08h43
Meme si implementé en France, ils ont pas donné leur reponse sans consulter leurs avocats pour savoir si ils avaient le droit de repondre cela. Et je pense que leur avocat connaissent mieux la loi que nous, voir que les deputes aussi.
Le 11/07/2013 à 08h50
Le 11/07/2013 à 08h57
Le 11/07/2013 à 09h23
Voir plusieurs fois le nom d’Éric Woerth jugeant d’un dossier sur la morale fiscale, ça fait peur…, vraiment peur.
Le 11/07/2013 à 09h37
Le 11/07/2013 à 10h02
Le 11/07/2013 à 12h39
Plus étonnant, l’ex-ministre du Budget remarque «?qu’une certaine forme de civisme fiscal prévaut encore?» parmi les grandes entreprises nationales.
C’est vrai que Mr Woerth est bien connu pour être civique quand il s’agit du financement de l’ump, ou des contrôles fiscaux de Mme Bettencourt hein……
Le 11/07/2013 à 18h56
Plusieurs points notables.
Apple et Ikea ont opposé une fin de non-recevoir.
Tout le monde s’indigne que des entreprises privees envoient bouler des questions de la part d’un Parlement elu. C’est bien, mais ce n’est pas tout.
(nb: Prix special du jury pour Ikea et son excuse en mode “on n’y connait rien de toutes facons.”)
Cette situation, explique Éric Woerth, serait liée à « un secteur du numérique moins important » chez les sociétés françaises,
Cela en soit en aussi un sujet d’inquietude. Pourquoi le secteur du numerique est-il si faible en France? C’est un aveu interessant bien que fortuit, et qui devrait encourager certains a creuser la question.
Plus étonnant, l’ex-ministre du Budget remarque «?qu’une certaine forme de civisme fiscal prévaut encore?» parmi les grandes entreprises nationales.
Marmotte, papier alu, tout ca…
Pour le reste, on propose, on preconise… J’attends des actions reelles et efficaces pour juger. (cad pas du genre a impacter 0.7% de leur benefices)
Le 11/07/2013 à 21h22
Le 11/07/2013 à 23h02
Le 12/07/2013 à 07h47
Le 11/07/2013 à 06h26
“le cac 40 épargné”
Non mais on va pas taper sur les copains hein :-p
Le 11/07/2013 à 06h35
wha, jolis pourcentages bien faux dans le tableau " />…
Le 11/07/2013 à 06h40
Le 11/07/2013 à 06h47
Le 11/07/2013 à 06h47
Des sommes ridicules alors que ces cinq sociétés ont réalisé un chiffre d’affaires de 8 milliards d’euros selon des estimations. Un bilan qui aurait entrainé près de 800 millions d’euros d’impôts.
Pourtant dans le tableau on peut voir que si on ne prend en compte que le CA déclaré, le rapport impôt / CA ne dépasse pas 0,05%. Pourquoi là ca deviendrait 10% ?
Du coup j’imagine qu’ils ne payent pas que l’impôt sur le bénéfice, mais dans ce cas ça aurait été bien de la rajouter pour qu’on puisse comparer ce qu’ils payent actuellement et ce qu’il devrait payer.
Le 11/07/2013 à 08h16
Le 11/07/2013 à 08h16
Le 11/07/2013 à 08h19
Le 11/07/2013 à 08h21
Le 11/07/2013 à 08h22
Le 11/07/2013 à 08h23
Le 11/07/2013 à 08h23
Nos députés et gouvernements, si plutôt de s’indigner que les entreprises utilisent les moyens qu’ils leurs ont donné dans la loi, corrigeaient cette dernière pour empêcher ce genre d’évasion fiscale ?
Le 11/07/2013 à 08h25
Le 11/07/2013 à 08h25
Le 11/07/2013 à 08h26
Le 11/07/2013 à 08h30
Le 11/07/2013 à 08h34
Le 11/07/2013 à 08h35
Le 11/07/2013 à 08h35
Pourquoi créer une entreprise en France, alors que des concurrents pourront toujours proposer de meilleurs tarifs et prendre nos parts de marché, car ils ne paient pas leurs impôts? Nos politiques sont coupables de ne pas collecter l’impôt de façon équitable depuis des années, alors mettons les devant la justice pour ça : en prison les gens sensés être aux “responsabilités” ! " />
Le 11/07/2013 à 08h37
Le 11/07/2013 à 08h37
Le 11/07/2013 à 06h54
Le 11/07/2013 à 07h00
Ah, je suis heureux de constater que pour une fois une mission parlementaire est menée par des spécialistes d’un sujet… " />
Le 11/07/2013 à 07h00
Le 11/07/2013 à 07h01
Les entreprises du CAC 40 épargné ? Les mêmes qui fessaient mu-muse avec de l’optimisation fiscale aux pays-bas je suppose ? " />
Le 11/07/2013 à 07h13
Le 11/07/2013 à 07h39
Le 11/07/2013 à 07h40
néanmoins, plusieurs entreprises, dont Apple et Facebook, ont tout simplement refusé de répondre aux questions des parlementaires.
Je suis le seul à trouver ca profondement scandaleux ?
Il faudrait faire comme eux, sans autre forme de procès et sans rien leur expliquer, soit on leur met une taxe exceptionnelle de quelques milliards, soit on les bannit.
Et s’ils ouvrent leur gueule : “désolé on ne possède pas de compétence dans ce domaine très technique”.
Le 11/07/2013 à 07h48
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Le 11/07/2013 à 07h58
Le 11/07/2013 à 07h59
Le 11/07/2013 à 08h05
Le 11/07/2013 à 08h07
Le 11/07/2013 à 08h11
Le 11/07/2013 à 08h13
Le 11/07/2013 à 08h14
Le 11/07/2013 à 08h14