Nouvelle conséquence aux révélations portant sur le programme de surveillance américain Prism : la Fédération internationale des ligues des droits de l'Homme (FIDH) et la Ligue française des droits de l'Homme (LDH) viennent de déposer plainte contre X pour différentes atteintes aux libertés individuelles des internautes français. Les deux ONG espèrent tout d'abord obtenir l’ouverture d’une instruction judiciaire.
Alors que les révélations sur le programme de surveillance Prism ont éclaté il y a plus d’un mois, la FIDH et la LDH ont déposé ce matin une plainte contre X devant le tribunal de grande instance de Paris. « Cette intrusion sans contrôle dans la vie de chacun constitue un danger considérable pour les libertés individuelles qui doit être enrayé sous peine de voir disparaître l’État de droit » tonnent les associations dans un communiqué commun. Au-delà des différentes postures et réactions politiques concernant le fameux programme de surveillance de la NSA, ces deux ONG ont ainsi décidé d’ouvrir un nouveau front, judiciaire cette fois. Et pour cause, elles ont identifié cinq types d’infractions :
- Accès et maintien frauduleux dans tout ou partie d'un système de traitement automatisé de données. Un délit passible d’une peine maximale de deux ans de prison et de 30 000 euros d'amende.
- Collecte de données à caractère personnel par un moyen frauduleux, déloyal ou illicite. Un délit passible de cinq ans de prison et de 300 000 euros d'amende.
- Atteinte volontaire à l'intimité de la vie privée. Un délit passible d'un an d'emprisonnement et de 45 000 euros d'amende.
- Utilisation et conservation d'enregistrements et de documents obtenus par le moyen d'une atteinte à l'intimité de la vie privée d'autrui. Un délit passible lui aussi d'un an de prison et de 45 000 euros d'amende.
- Atteinte au secret des correspondances électroniques. Un délit passible encore une fois d’une peine maximale d'un an de prison et de 45 000 euros d'amende.
La NSA, le FBI et neuf géants du Net dans le viseur
Mais si la plainte est déposée contre X, Maître Emmanuel Daoud, avocat des ONG, a une idée déjà bien précise des personnes morales mises en cause dans cette affaire : « Microsoft, Yahoo, Google, Paltak, Facebook, YouTube, Skype, AOL et Apple, à des périodes différentes, sont susceptibles d’avoir mis à disposition du FBI et de la NSA leurs serveurs pour que ces agences de renseignement américaines les pénètrent et puissent s’installer à demeure pour collecter, siphonner toutes les données de tous les clients internautes utilisant les services de ces sociétés » a-t-il expliqué à France Info.
Contacté par PC INpact, Maître Patrick Baudoin, avocat et président d’honneur de la FIDH, nous a expliqué l’intérêt de porter plainte contre X, et non pas directement contre ces sociétés ou structures administratives américaines : « On ne sait pas exactement où se trouvent les responsabilités finales ». En ce sens, derrière la NSA, le FBI ou ces grandes société du Web et de l’informatique, « il peut y avoir des personnes physiques qui sont concernées ». L’objectif est donc le suivant : déposer plainte contre X pour que le Parquet y donne suite, soit en menant une enquête préliminaire dans un premier temps, soit en ouvrant une information judiciaire avec désignation d’un juge d’instruction.
Une plainte « quasiment béton »
Mais n’est-ce pas le combat de David contre Goliath ? « Bien sûr, on est réalistes et pas naïfs, on ne sous-estime pas les difficultés, qui sont grandes » reconnaît Maître Baudoin. L’avocat se veut toutefois confiant. « C’est une plainte qui est quasiment béton sur le plan des infractions commises, qui sont certaines. Tous les articles du Code pénal visés sont violés : les intrusions, la collecte de données, l’utilisation des données, l’atteinte à la vie privée, au secret des correspondances... Ce sont des infractions constituées et qui visent des non-Américains ».
« Et quant au résultat de la plainte, évidemment qu’à l’égard de la NSA ou du FBI, l’enquête ne va pas être facile. Pour ne pas dire quasiment impossible en profondeur, parce qu’on nous opposera le secret défense, etc. On se heurte vraiment au mastodonte américain » confie ainsi le président d’honneur de la FIDH. On notera néanmoins ici que le gouvernement américain pourrait ne pas se cacher éternellement derrière le secret défense, comme l’a estimé la justice d’outre-Atlantique en début de semaine.
Patrick Baudoin voit quoi qu'il en soit une piste bien plus facilement exploitable, celle des « complices » des autorités américaines. « Ce qui est plus intéressant pour nous, ce sont les complices, c’est-à-dire les grandes sociétés de type Microsoft, Apple, Yahoo, etc. qui ont ouvert leurs sites sans bargouiner alors qu’à la limite, aux États-Unis, il y a des contraintes du fait de la législation américaine, mais dans les pays européens et ailleurs, c’est inacceptable ».
« Big Brother est à l’œuvre, et on ne fait rien ! »
Dans une plus large mesure, cette plainte a aussi un aspect politique évident : celui de replacer les questions de surveillance au centre du débat public. « On est dans le cadre depuis le 11 septembre 2001 de constantes dérives en matière d’atteinte aux libertés au nom de la lutte contre le terrorisme - et accessoirement contre le grand banditisme - et qui dégénèrent depuis le Patriot Act. Tous ces contrôles informatiques, toutes ces atteintes à la vie privée sont devenues incroyables ! » déplore Patrick Baudoin. Le défenseur de la FIDH se dit particulièrement surpris par le manque de réaction « suffisamment vive » de la part des dirigeants européens suite aux révélations faites dans le sillage de l’affaire Snowden. « L’idée de cette plainte, c’est donc aussi d’attirer l’attention, de lancer un cri d’alerte en disant : "On continue, c’est Big Brother à l’œuvre, et on ne fait rien !" Il est grand temps d’agir ! » conclut-il.
Bientôt une seconde plainte s'agissant du « Prism à la française » ?
S’agissant des récentes révélations du Monde portant sur un programme de surveillance Prism à la française, Patrick Baudoin confirme qu’elles ont retenu toute l’attention de la FIDH : « On s’intéresse bien évidemment à ce programme-là ». Si l’avocat dit avoir encore besoin de temps pour approfondir la question, l’éventualité d’une seconde action judiciaire semble envisageable. « On se réserve effectivement de faire la même chose en France, mais pour l’instant, la décision n’est pas prise » nous a-t-il ainsi indiqué.
Commentaires (46)
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Plainte INtéressante, qui ne risque pas de déboucher sur grand chose mais qui va sans doute permettre (entre autre) de juger l’INplication de l’état français (en fonction de sa réaction, des bâtons qu’ils peuvent mettre…)
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S’ils comptent faire ça pour tous les services de renseignements de la planète, ils sont pas arrivés.
Faut quand même pas être naïf à ce point, l’espionnage est pas une pratique nouvelle.
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Et y ajouter tous les gouvernements° qui laissent faire, mais c’est déjà une bonne initiative.
° Mais quand ça les concerne, ce sont les premiers à monter au créneau " />
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Mouais… j’ai lu ceci ce post ce matin, je l’ai trouvé très réaliste.
http://frenchweb.fr/expert-big-brother-nous-surveillait-deja-par-olivier-ezratty…
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Certes c’est peu être un coup d’épée dans l’eau mais je pense (j’espère même) que d’autres pays suivront via des associations histoire que l’on fasse la lumière sur cette histoire sur cet épandage nauséabond.
En même temps, les USA sont certes tout puissant mais si on commence à les faire chier sur les accords commerciaux et autres ils vont être obligé de suivre.
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Je soutiens cette initiative à 100%. Je suis très content que qqun ait le courage et la compétence de lancer un procès. " />
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la FIDH et la LIDH ont déposé ce matin une plainte contre X devant le tribunal de grande instance de Paris
Pourquoi pas la CJUE directement ?
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Chercher à embouteiller les moyens dela police par desplaintes n’ayait aucun interet devrait etre puni aussi comme trahison envers la republique
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il aurait été plus souhaitable d’attaquer aux US directement… là bas les peines peuvent être cumulée… si on se réfère à la peine maximum ici ce sera maxi 300 000€… et on parle bien d’un maxi, qui est pratiquement jamais appliqué…. encore faut-il qu’ils soient reconnus coupable…
Alors qu’en attaquant aux US il peuvent inclure les ricains surveillant les ricains sur place (à l’image des drones qui ne doivent jamais espionner sur le sol américain mais qu’ils ont avoués dernièrement les utiliser “ponctuellement”….)
Et que dires des Américains expatriés et/ou travaillant à l’étranger… il faudrait être Candide pour penser que les agences de renseignement ne les ont pas à l’index eux non plus….
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Très bonne initiative !!! :)
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Maître Emmanuel Daoud … sur France Info
Maître Patrick BAUDOUIN sur France24 :
http://www.france24.com/fr/node/4120225
Onglet “Dernier JT” ; début 3’11”
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Ils doivent avoir la liste des éxilés fiscaux français à la NSA…
Il y a un coup à jouer là " />
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à ce sujet ça serait bien d’interroger les avocats de ces mêmes ONG sur les plaintes déposées contre Amesys… on en est où?
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C’est déjà un point de départ, même si l’on peut douter des chances d’aller ne serait-ce qu’assez loin - sans parler d’obtenir un quelconque résultat , ce dont je doute fortement..
En tout cas, c’est plus courageux que l’attitude des gouvernement européens, en particulier la grosse indignation feinte de notre Fanfoué claironnant qu’il fallait refuser d’aller discuter avec les Ricains l’accord commercial. Angela a dit ‘niet’, alors on y est, avec les autres européens.
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Un bon départ " />
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Il devrait déjà s’occuper des Bourses, c’est de là que viennent les problèmes. Les rideaux de fumée ne permettent pas toujours de voir clair
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les enquêteurs sont chargés de trouver d’éventuelles victimes au programme de surveillance américain Prism.
Eh beh, je leur souhaite bien du courage, ça risque de pas être facile ^^’ Mais je serais plutôt tenté de dire “On est tous victimes” mais aucune preuve pour justifier ça ^^
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… Il est un fait aussi qu’il est plus facile de démolir un “convaincu de la conspiration” que de s’en prendre à une société cotée en bourse ( achat/vente d’actions ne permettent pas toujours de déceler les magouilles, sauf quand c’est trop tard, mais ils prennent tous des risques dans ce milieu, comme je le dis, c’est tous les jours casino ici ou ailleurs)
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En fait j’essayais juste de me mettre dans la position de la direction d’une entreprise qui recevrait l’ordre du gouvernement américain.
Quelles auraient été les conséquences pour elles en cas de révélations de l’affaire et refus de leur part?
Un peu comme la police des polices, il nous faudrait un gouvernement des gouvernements -_-
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Pourquoi la NSA-FBI etc… ne construisent-ils pas leurs Data-Centers dans l’Espace ?
Pas de lois, pas de recours possibles, pas de destructions possibles…
Sont vraiment nuls les Ricains’ ! " />
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