Saint-Denis va, elle aussi, tester la vidéosurveillance algorithmique
La sous-préfecture, qui accueille le village olympique, le Stade de France et le Centre aquatique olympique, a discrètement acquis un logiciel de vidéosurveillance algorithmique. Sans appel d'offres, sans délibération du conseil municipal ni étude d'impact, et sans en avoir tenu informé le collège d’éthique de la vidéosurveillance.
Le 31 juillet à 14h36
5 min
IA et algorithmes
IA
La ville de Saint-Denis a déboursé 118 000 euros pour acquérir un logiciel de vidéosurveillance algorithmique (VSA) de la société Two-i, révèle Mediapart.
La loi Jeux olympiques autorise en effet, jusqu’en mars 2025, les polices nationale et municipales, la gendarmerie ainsi que les services de sécurité de la SNCF et de la RATP à coupler des intelligences artificielles (IA) à des caméras de « vidéoprotection ». Cette expérimentation se limite à huit situations prédéfinies, dont la présence d’objets abandonnés, un mouvement de foule, une densité de personnes trop importante ou le port d’une arme, lors d’événements sportifs et culturels.
« Alors que, durant les JO, ces algorithmes sont utilisés par la RATP et la SNCF dans plus de cinquante gares d’Île-de-France, Saint-Denis est l’une des premières municipalités à affirmer sa volonté d’y avoir recours », relève Mediapart.
Pas de délibération au conseil municipal, ni contrat ni étude d'impact
« Les JO ont motivé cet achat, notamment avec les flots de population qu’ils vont générer », précise à Mediapart la ville de Saint-Denis. Elle espère « que le logiciel sera opérationnel pour les paralympiques, une fois que les agents y auront été formés ». Elle disposera alors de cinquante licences, qui pourront être couplées au même nombre de caméras.
« Il n’y a eu aucune délibération du conseil municipal. Nous n’avons eu accès à aucune étude d’impact ni contrat », regrette de son côté Sophie Rigard. Élue de l'opposition, elle a appris l’existence de ce logiciel lors d’une réunion avec le directeur de la police municipale.
Gwenaëlle Badufle-Douchez, adjointe à la sécurité, justifie de son côté l'absence d'appel d’offres par le fait que Saint-Denis avait acquis le logiciel via l’Union des groupements d’achats publics (Ugap), la centrale d’achat publique française.
Membre du mouvement citoyen La Seine-Saint-Denis au cœur, mais aussi et surtout du collège d’éthique de la vidéosurveillance de Saint-Denis, Bakary Soukouna n’a pas non plus été sollicité. La Charte d’Éthique (.pdf) de la vidéoprotection des espaces publics de la Ville de Saint-Denis précise pourtant qu' « il est informé des projets en cours et à venir décidés par la Ville de Saint-Denis ».
450 caméras ayant coûté 6,7 millions d'euros en 4 ans
Le maire socialiste de Saint-Denis, Mathieu Hanotin, qui a « fortement développé l’usage des caméras », souligne Mediapart, s’est de son côté voulu rassurant. Il a évoqué une vidéosurveillance « dont l’efficacité ne fait plus débat ».
« Selon le dernier rapport d’orientation budgétaire de Saint-Denis, la ville a dépensé, entre 2020 et 2024, 6,7 millions d’euros dans la vidéosurveillance, portant le nombre de caméras dans la ville à 450 », rapporte Mediapart
La ville dénombrait 230 caméras en 2023. Le 11 juillet dernier, son conseil municipal adoptait, à l'unanimité des 51 membres présents ou représentés, une demande de subvention (.pdf) de 318 354 euros au Fonds Interministériel de Prévention de la Délinquance (FIPD) au titre de l'année 2024. La délibération précise que ce montant correspond à 50 % des 636 708 euros qu'elle prévoit de dépenser cette année en matière de « vidéoprotection ».
De la « détection d’émotions » à la « sécurité préventive »
Sur son site web, Two-i se présente comme « une plateforme d’analyse vidéo exhaustive » qui permet la mise en place de « mesures de sécurité et de sûreté préventives », et « apporte de la valeur à vos investissements en sécurité en transformant vos vidéos en données actionnables, traçables et pertinentes ».
« En cas de survenue d’événements imprévisibles », Two-i propose aussi une solution de traitement d’images et d’analyse qui « optimise le temps passé à revoir et inspecter des vidéos issues des caméras de surveillance ».
Dans son rapport sur la VSA, La Quadrature du Net relève que Two-I s’était d’abord lancée dans la « détection d’émotions », qu’elle avait expérimentée dans des gendarmeries et tenté d’utiliser dans les tramways niçois. Elle avait ensuite testé la reconnaissance faciale sur des supporters de football à Metz, avant de se concentrer sur des applications moins sensibles comme du comptage statistique en matière de « villes intelligentes ».
Le site Technopolice, émanation de La Quadrature du Net, rappelle que Two-I s’était aussi fait connaître, dans le cadre de l’épidémie de Covid-19, en proposant d’identifier le non-respect des règles de distanciation sociale entre personnes.
La start-up avait aussi été sélectionnée lors d'un appel d’offre en prévision des Jeux olympiques avec la « solution mobile de contrôle des foules » Mobil Security de BEHM. Censée permettre d'effectuer des contrôles sécurité « sans contact », elle visait à « contrôler 1 500 personnes à l’heure avec 4 agents » :
« En intégrant la solution d’analyse vidéo de Two-i, qui détecte à l’avance les sacs, les personnes à mobilité réduite et les individus/véhicules non autorisés (…), les agents de sécurité disposent d’un outil puissant pour orienter proactivement le contrôle d’accès des foules. »
Saint-Denis va, elle aussi, tester la vidéosurveillance algorithmique
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Pas de délibération au conseil municipal, ni contrat ni étude d'impact
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450 caméras ayant coûté 6,7 millions d'euros en 4 ans
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De la « détection d’émotions » à la « sécurité préventive »
Commentaires (15)
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Abonnez-vousLe 31/07/2024 à 14h43
Le 31/07/2024 à 14h46
"Mais non voyons, eux ils parlent de vidéoprotection, nous on parle de vidéosurveillance, ça n'est pas pareil"
Le 01/08/2024 à 09h04
Le 01/08/2024 à 09h38
Difficile de savoir dans quel contexte cette phrase a été dite. Toutefois, si on se limite à la commune de Saint-Denis, et un taux de positivité de 85% (extrait du lien que je donne), cette phrase peut prendre un sens.
Reste maintenant à définir ce que cela veut dire un taux de positivité. Personnellement, je ne sais pas.
Le 01/08/2024 à 14h54
85% des demandes d'extraction ont été utiles ? C'est bien, mais rien à voir avec la surveillance algorithmique en fait.
Modifié le 31/07/2024 à 15h34
Le 31/07/2024 à 14h47
"La sous-préfecture" signifiait simplement la ville de Saint-Denis.
Le 31/07/2024 à 15h24
Le 31/07/2024 à 15h35
Et ceux qui veulent voir l'image peuvent toujours cliquer sur l'historique d'édition
Le 01/08/2024 à 10h57
Sur le menu "...", je vois que signaler et bloquer.
Je veux bien l'info, merci ;-)
Le 01/08/2024 à 11h02
Le 01/08/2024 à 11h16
Le 01/08/2024 à 11h27
Modifié le 01/08/2024 à 00h10
Il y a qu'un seul endroit où tous les moyens doivent être permis, ce sont les frontières nationales. Pour qu'à l'intérieur de l'entité politique protégée par celles-ci, nous soyons en sécurité et (donc/aussi) libres. Là l'idéologie sans-frontiériste libre-échangiste portée par les traités européistes refusés en 2005 fait qu'on sacrifie tout le monde pour les utopies et les intérêts d'une poignée : on a l'insécurité ET la surveillance généralisées, grâce auxquelles ils se maintiendront d'autant plus facilement au pouvoir.
Modifié le 01/08/2024 à 12h29
Je pense que comme beaucoup de gens qui répètent indéfiniment ces refrains, tu ne sais pas de quoi tu parles.
Par exemple : en cas de menace terroriste, "fermer" nos frontières n'apporte rien, si le ou les "ennemis" sont déjà à l'intérieur. Dans ce genre de cas, la surveillance intérieure est absolument nécessaire, sinon personne n'est "en sécurité" (encore une illusion : les gens mal intentionnés sont absolument partout, et donc personne ne peut garantir ta "sécurité".
On peut faire de la prévention, de la surveillance, de l'information... Ce qui est fait plus ou moins bien depuis un bail, mais cela ne garantira jamais une soi-disant "sécurité" : si ton voisin de palier bien Français à l'air très sympathique, pas fiché S ni rien, a soudainement envie de commettre un meurtre ou un viol, rien ni personne ne pourra l'en empêcher. Tu n'es pas, et ne sera jamais "en sécurité" à 100 %, ni même à 50 %.
En ce qui concerne la "protection" aux frontières nationales, là encore tu ne sais pas quoi tu parles et ignore l'étendue des efforts déployés, si j'étais un Douanier, un membre de la Police des frontières, de la Gendarmerie ou de tout autre membre d'un Corps Constitué qui se décarcasse chaque jour de l'année pour mieux protéger les citoyens, je me sentirais légèrement, à peine, juste un peu, insulté.
Si j'étais un tel professionnel, je te dirais que le partage d'informations criminelles entre pays Européens est d'une immense aide dans mon travail au quotidien. Des opérations communes réunissant des services de pays différents ont permis de contrer des menaces d'une ampleur dont tu n'as aucune idée, assis dans le confort moelleux de ton canapé, à râler sur des "européistes" - réels ou imaginaires ? - qui ne t'ont absolument rien fait...