Plus d’1/3 des drogues achetées sur le dark web seraient frelatées
Surdose, sous dose, sans dose
Des scientifiques du Royal Melbourne Institute of Technology (RMIT University), en Australie, ont découvert que 35 % des drogues illicites acquises sur le dark web afin d'être testées étaient frelatées, augmentant le risque d'effets secondaires indésirables, d'overdose et de décès.
Le 13 mars à 09h06
6 min
Sécurité
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Leur étude, publiée dans Drug and Alcohol Review, porte sur l'analyse de 103 échantillons de drogues illicites provenant du forum Test4Pay, disparu en octobre 2023.
Test4Pay (cf aussi la version consultable via TOR) était considéré comme l'un des programmes de réduction des risques les plus aboutis sur le dark web, offrant aux utilisateurs de confiance la possibilité de faire tester leurs drogues en échange de la couverture de leurs dépenses.
L'objectif était aussi de garantir que les résultats des tests soient partagés avec la communauté, que les vendeurs de produits frelatés soient publiquement interpellés, et de sauver des vies.
Les substances étaient en effet analysées par DrugsData ou GetYourDrugsTested (GYDT), deux laboratoires dédiés à la réduction des risques, qui protègent l'anonymat de ceux qui leur envoient les drogues qu'ils ont achetées, et rendent publics les résultats de leurs analyses.
21 % ne contenaient aucune des substances annoncées
Si 65 % des échantillons analysés ne contenaient que la seule substance annoncée, 14 % contenaient un mélange avec d'autres produits chimiques psychoactifs ou potentiellement nocifs, et 21 % ne contenaient aucune des substances annoncées.
Les résultats variaient cela dit en fonction des produits testés. La MDMA, les méthamphétamines et l'héroïne contenaient ainsi systématiquement la substance annoncée.
En revanche, les produits vendus comme de la kétamine, du 2C-B (une drogue hallucinogène psychédélique parfois désignée sous le nom de nexus, ndlr) et de l'alprazolam (une benzodiazépine utilisée comme un anxiolytique connue sous son nom commercial Xanax, ndlr) étaient « le plus souvent complètement remplacés par d'autres substances ou de nouvelles drogues de synthèse ».
Quant aux 19 échantillons de cocaïne testés, « seuls quatre contenaient de la cocaïne pure, 13 contenaient d'autres substances et deux échantillons ne contenaient pas de cocaïne du tout ».
L'analyse des produits est une réponse préventive et pragmatique
Des résultats qualifiés de « préoccupants » par les chercheurs, qui notent que l'on a tendance à penser que les drogues vendues sur le dark web sont moins susceptibles d'être mélangées ou remplacées par d'autres substances, les vendeurs étant évalués par les acheteurs, à la manière des plateformes comme eBay ou Leboncoin.
L'étude relève cela dit que le système Test4Pay reposait sur la certitude que les membres de la communauté ont envoyé un « bon échantillon » à tester, alors qu'il est possible que certains membres de la communauté « souhaitent saboter la réputation » d'un fournisseur en envoyant un « mauvais » produit sciemment frelaté.
Le Dr Monica Barratt, du Centre de recherche sur l'équité sociale du RMIT, n'en déplore pas moins que les politiques visant à lutter contre les places de marchés du dark web se concentrent surtout autour du recours aux forces de l'ordre pour « perturber » ce commerce, alors même que « nous savons […] que cet écosystème s'adapte rapidement à la suppression » de ces plateformes.
Pour elle, « l'analyse des produits est une réponse préventive et pragmatique aux risques sanitaires liés à l'imprévisibilité des marchés de la drogue, car elle permet souvent de détecter des substances dangereuses avant qu'elles n'inondent le marché local ».
« Si nous pouvons empêcher les surdoses de se produire en premier lieu, nous pourrons non seulement réduire les dommages causés aux consommateurs et aux familles endeuillées, mais également alléger la pression sur notre système de santé d'urgence », précise Monica Barratt, qui travaille sur les questions de réduction des risques, avec un accent particulier sur les technologies numériques, la dynamique du marché des médicaments et les systèmes de surveillance des médicaments, depuis plus de 20 ans.
« Ce besoin est d'autant plus critique que le service Test4Pay a cessé de fonctionner en octobre 2023 en raison de l'arrestation présumée du principal modérateur du service », concluent les chercheurs.
Le nombre d'acheteurs de drogue sur le dark web a chuté de 10 à 4 %
D'après l'enquête 2023 du National Ecstasy and Related Drugs Reporting System australien, le nombre de personnes achetant de la drogue sur le dark web en Australie a chuté de 10 à 4 % entre 2019 et 2023, contre plus de 70 % des personnes se tournant vers les applications de messagerie (telles que Facebook/Messenger, Wickr, WhatsApp, Snapchat, Grindr, Tinder) et de médias sociaux.
Le projet Drugs and New Technologies (DNeT), qui surveille activement les plateformes du « dark web » depuis 2014 (cf leurs datavisualisations), note de son côté, dans son dernier rapport, que sur les 18 places de marché qu'il surveillait en octobre 2022, il n'en restait plus que 11 (61 %) en septembre 2023.
Sur les sept marchés fermés, DNeT évoque quatre potentiels « exit scam » (quand les administrateurs dérobent les cryptoactifs déposés par les dealers et acheteurs et « partent avec la caisse »), et aucune saisie policière. Cinq d'entre elles existaient depuis plus de 20 mois.
Les plateformes diffusaient de 258 à plus de 23 000 petites annonces, quatre d'entre elles en répertoriant plus de 10 000. Dans la période étudiée, le nombre de produits commercialisés avait baissé en moyenne de 7,9 % par mois, une baisse principalement due à la fermeture des sept places de marché.
Le cannabis représentait 31 % du total, suivi de la MDMA (7,7 %), des benzodiazépines (7,5 %), de la cocaïne (7,4 %), des opioïdes (à l'exclusion de l'héroïne) (6,0 %) et de la méth/amphétamine (5,7 %). La part de marché de la kétamine a de son côté enregistré le taux d'augmentation le plus élevé, passant de 3,8% en octobre 2022 à 5,0% en septembre 2023.
Plus d’1/3 des drogues achetées sur le dark web seraient frelatées
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21 % ne contenaient aucune des substances annoncées
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L’analyse des produits est une réponse préventive et pragmatique
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Le nombre d’acheteurs de drogue sur le dark web a chuté de 10 à 4 %
Commentaires (16)
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Abonnez-vousLe 13/03/2024 à 09h46
En tout cas, cet article tombe bien, avec l'actualité sur Incognito Market
Le 13/03/2024 à 09h55
Le 13/03/2024 à 10h09
D'ailleurs ça apprendra aux gens à chiffrer eux même leur messages. Ne jamais faire confiance aux intermédiaires 🥸
Le 13/03/2024 à 10h50
Le 13/03/2024 à 11h18
Prends soin de toi Hezirem, on est là si besoin ❤
Le 13/03/2024 à 12h10
Le 13/03/2024 à 12h34
Le 13/03/2024 à 12h46
Pour les chercheurs qui ont fait cette étude même si l'attention semble louable, n'est pas un peu un gâchis de ressource ?
Quitte a faire de la prévention, j'attendrai des outils-méthodes pour analyser facilement et pas chère la qualité des produits.
Le 13/03/2024 à 15h50
Le 14/03/2024 à 09h13
Je me souviens d'une vielle pub pour du yaourt, ou il se moquait un peu du produit en le faisant l'étalé sur le visage de la comédienne...
Le 13/03/2024 à 14h52
Le 13/03/2024 à 18h47
Parce que c'est bien beau de faire tomber les mauvais vendeurs, mais ils sont où les bons ?
Le 13/03/2024 à 19h54
Le 14/03/2024 à 14h53
Le 14/03/2024 à 13h32
Modifié le 14/03/2024 à 20h24