Aux États-Unis, recours constitutionnel contre la localisation d’un téléphone sans mandat
Objection !
Le 16 août 2017 à 12h31
4 min
Droit
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De nombreuses associations, des géants du Net et les opérateurs mobiles américains attaquent une décision de justice devant la Cour suprême. Ils demandent que la récupération de données de géolocalisation d'un téléphone passe par un mandat, ce qui n'est pas le cas actuellement.
La Cour suprême américaine va connaître le quatrième amendement de la Constitution sur le bout des doigts. La plus haute juridiction est saisie par de nombreuses organisations, dont de grands groupes numériques, sur la surveillance des téléphones des Américains. Selon elles, la récupération de la position d'un téléphone auprès d'un opérateur, sans mandat, viole la Constitution.
Dans l'affaire Thimoty Carpenter contre les États-Unis, l'accusé a été arrêté pour vol à main armée dans la région de Detroit entre 2010 et 2011, à partir du suivi d'un téléphone sur 127 jours (près de 13 000 points de localisation). Les données ont été obtenues par la police de l'opérateur, sans le fameux mandat. Dans cette affaire, Carpenter est représenté par l'American Civil Liberties Union (ACLU), l'une des associations les plus actives sur la protection des libertés publiques. Pour elle, le quatrième amendement interdit un tel procédé. Saisie en juin par l'ACLU, la Cour suprême doit maintenant répondre aux demandes de nombreux acteurs publics et privés.
Géants du Net et opérateurs mobiles ligués
L'association est rejointe par d'autres organisations dans une série d'amicus, comptant tout ce que les États-Unis contient comme défenseurs des libertés publiques, comme l'Electronic Frontier Foundation (EFF), l'Electronic Privacy Information Center (EPIC) ou Freedom of the Press. 19 organisations médiatiques, des groupes technologiques (Apple, Facebook, Google, Microsoft, Snap ou encore Twitter) ainsi que la CTIA, qui représente les opérateurs mobiles outre-Atlantique, y apportent aussi leur soutien.
Le principal argument est bien la violation du quatrième amendement, qui interdit une perquisition sans mandat. Son non-respect aurait des conséquences sur d'autres libertés. « Comme expliqué, le premier amendement [garantissant la liberté d'expression] est mis en cause quand les autorités peuvent, de manière large, envahir la vie privée d'associations professionnelles, politiques et religieuses sans mandat » affirment les conseils des médias impliqués, dans leur document.
L'enjeu est de renverser la jurisprudence actuelle, datant de l'affaire Smith v. Maryland en 1979, où la Cour suprême a déterminé qu'une conversation ne peut pas être écoutée sans mandat, mais que le numéro des correspondants peut être récupéré sans cette formalité. Par extension, les données de géolocalisation d'un téléphone y sont comprises.
Comme le relève TechCrunch, le débat risque d'être aussi théorique que pratique. L'avantage de la méthode actuelle est la rapidité de la procédure, qui pourrait être fortement ralentie avec l'obtention d'un mandat, au risque de laisser filer un suspect. La Cour suprême doit statuer à l'automne, sûrement en octobre.
Le quatrième amendement sous tension
La demande suit de quelques jours une attaque d'un jugement par plusieurs organisations, dont l'EFF. Il demande à la juridiction d'invalider une décision de cour d'appel prise sur la base d'emails d'un Américain, collectés via la surveillance d'un suspect étranger ciblé par la NSA.
Les organisations estiment que ces messages ont été obtenus en violation de la Constitution, qui réclame un mandat pour toute perquisition d'un Américain, dont celle de ces données selon les plaignants. La question est désormais théorique, l'agence affirmait avoir arrêté ces collectes spécifiques (via son programme Upstream) en mai, en supprimant la majorité des données concernées. La déclaration est invérifiable, sachant que ce programme avait été révélé grâce à Edward Snowden en 2013.
En France, ces demandes de données de géolocalisation doivent passer en principe par un juge, sauf dans les cas couverts par la loi Renseignement, qui ont vu leur spectre s'étendre depuis 2015, quitte à aller trop loin pour le Conseil constitutionnel.
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Géants du Net et opérateurs mobiles ligués
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Le quatrième amendement sous tension
Commentaires (23)
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Abonnez-vousLe 16/08/2017 à 12h42
Dans l’absolu c’est louable… mais cette nouvelle jurisprudence ne s’appliquera-t-elle que dans les cas “criminels” ?
Si une personne est en danger quelque part et qu’un sauvetage doit être organisé mais que la seule manière de localiser de manière fiable cette même personne, c’est de localiser son téléphone, on demande quand même un mandat ? " />
Le 16/08/2017 à 12h47
Ca m’étonnerait que la victime qu’on vient juste de sauver porte plainte car on a localisé son smarphone sans mandat… et quand bien même, il faudrait que la victime démontre qu’elle a subi un préjudice qui demande réparation.
Le 16/08/2017 à 13h02
Le 16/08/2017 à 13h14
Hors réparation de préjudice, il ne reste que le recours “dans l’intérêt de la justice”.
Ce me parait gonflé de faire un tel recours pour un cas de sauvetage. Mais sait-on jamais aux USA….
Le 16/08/2017 à 13h21
Je pense qu’ils en seraient capables. Aucun doute là dessus. On te sauve, tu fais un procès, tu gagnes de l’argent !
Je veux dire, c’est une situation de justice américaine tout à fait envisageable !
Ça me rappelle un épisode de superman où les gens se mettent à lui faire des procès pour des soi-disant blessures reçues quand il leur sauve la vie. Faire un procès à ton sauveur, ça a été au moins envisagé par des scénaristes américains.
Le 16/08/2017 à 13h24
Le 16/08/2017 à 13h32
…procès pour des soi-disant blessures reçues quand…
Ca reste un préjudice (réel ou supposé). Bien sur, le plaignant peut toujours dire qu’il préférait mourir et que ces salauds de sauveteurs lui ont porté préjudice en lui sauvant la vie. " />
Le 16/08/2017 à 13h33
Le 16/08/2017 à 13h38
Le 16/08/2017 à 13h42
On ne peut pas écarter totalement le risque de dérives avec ce genre de lois et de procédés, c’est hélas inévitable je pense. Surtout que le grand public n’a pas nécessairement une compréhension claire ou explicite des procédés de contrôle mis en place derrière… s’il y en a.
Qui surveille ceux qui surveillent ?
Le 16/08/2017 à 13h49
Le 16/08/2017 à 13h54
J’ai un pote qui a fait sa thèse de médecine aux USA. Lors d’une opération de je ne sais quoi, après ouverture, son prof qui opérait repère une vilaine tumeur. Il s’est dit : je vais pas refermer en laissant ça, elle est vraiment vilaine.
Au réveil, le patient informé que l’on avait trouvé une tumeur et retiré de suite a porté plainte et a gagné : ce n’était pas le motif de l’opération…
Le 16/08/2017 à 13h55
Je pense que tu faisait plutôt référence aux Indestructibles film animé Pixar, qui décrit parfaitement la situation ou Mr Indestructible sauve un suicidaire qui lui fait un procès sous prétexte qu’il a été blessé lors de son sauvetage. Ce qui dans le film met fin à la carrière des super héros.
Mais oui cela met en évidence le fait qu’au US on fait un procès pour récupérer de l’argent et non par parce qu’on est lésé.
Le 16/08/2017 à 13h56
Pour faire un procès, il faut qu’il y ait un préjudice. Même aux States, je vois mal un plaignant obtenir de la justice une indemnisation au motif du non-respect du 4e amendement de la Constitution.
Le 16/08/2017 à 13h59
tu as aussi tout le speech de Hancock (dans le film du même nom) avant qu’il ne sauve une policière " />
Le 16/08/2017 à 14h14
Même si les professionnels de santé sont soumis à des règles plus sévères aux Etats-unis (devoir d’information du patient, obligation de résultat) et que tout se paie en monnaie sonnante et trébuchantes (alors qu’en France on a des assurances obligatoires pour ça), il faut avoir subi un dommage pour faire un procès (même si le pronostic vital n’est plus menacé). Sans être lésé, il n’y a aucune raison que la justice indemnise un individu (même aux States).
Le 16/08/2017 à 14h19
Voir le commentaire de DarkJack #12.
Je ne vois pas en quoi le patient était lésé. Au contraire même le chirurgien a fait ce qu’il fallait.
Pourtant celui-ci a été condamné car il n’a pas respecté les règles du contrat qui le liait à son patient et pourtant au bénéfice de celui-ci.
Le 16/08/2017 à 15h09
Le 16/08/2017 à 15h21
Que le patient porte plainte pour cela est juste pathétique, qu’il gagne le procès c’est profondément choquant…
Le 16/08/2017 à 15h59
Ce qui est choquant, c’est que le juge ne demande pas au chirurgien de remettre la tumeur gracieusement, à titre de réparation.
Le 16/08/2017 à 18h44
Non. Sinon des pompiers ne pourraient pas entrer dans une habitation en flammes
Le 17/08/2017 à 07h21
En France au moins il y a le cas de force majeure. Un pompier commet une infraction en pénétrant dans un appartement sans y avoir été invité, mais du moment que c’était pour lui le seul moyen (force majeure) pour empêcher la réalisation d’un acte plus grave (non assistance de personne en danger), il est couvert par la loi.
De même un secouriste qui effectue un massage cardiaque, ça rentrerait dans la catégorie “coups et blessures”, si ce n’était pas nécessaire et approprié à la situation. Je doute que ça soit tellement différent aux USA, après y’a sans doute des failles que des procéduriers peuvent exploiter.
Le 17/08/2017 à 08h39
C’est ce que j’appelle dans mon précédent commentaire le “devoir d’information du patient”, parce qu’on estime que le patient doit pouvoir choisir sa thérapie en conscience et que le médecin n’a pas à faire ce choix à la place de son patient. C’est une conception protestante des relations entre patient et médecin (l’omission d’information ou le mensonge est une faute).