Contre la fraude fiscale, le gouvernement veut recourir davantage au « data mining »
L'agent fait le bonheur
Le 01 février 2018 à 10h30
6 min
Droit
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Le Premier ministre a annoncé hier lors des questions au gouvernement que l’administration fiscale aurait davantage recours au croisement de données, dans le cadre d’un plan contre la fraude fiscale. D’autres mesures, nécessitant cette fois des évolutions législatives, devraient également être présentées d’ici cet été.
« Il y aurait quelque chose de curieux, alors que nous sommes dans l’ère du data mining, comme l’on dit en mauvais français, que l’administration fiscale ne soit pas capable d’utiliser ces gigantesques données pour rechercher puis poursuivre ceux qui fraudent » a lancé Édouard Philippe, mercredi 31 janvier, alors que le député Romain Grau (LREM) l’interrogeait sur les conclusions d’une réunion interministérielle s’étant tenue la veille à Matignon au sujet de la fraude fiscale.
Bercy est d’ailleurs loin de se priver en la matière. Le traitement automatisé dénommé « ciblage de la fraude et valorisation des requêtes », qui visait les contribuables professionnels depuis 2014, a été étendu en fin d’année dernière aux particuliers, à titre expérimental.
À partir de ses propres données (déclarations de revenus, fichier des comptes bancaires, etc.), d’informations en provenance d’autres administrations – de type CAF – et même de « bases privées », le fisc procède à des croisements visant à détecter des signes de fraudes éventuelles : anomalies, incohérences... L’objectif ? Mieux cibler les contrôles menés par ses agents.
Le Premier ministre entend toutefois passer à la vitesse supérieure. Il a ainsi estimé hier que l’administration devait « pouvoir travailler dans des conditions d’efficacité plus grande, et utiliser les données et les instruments les plus performants d’exploitation des données ».
Un renfort « à la fois matériel, technique et juridique »
« Nous organiserons donc l’équipement, à la fois matériel, technique et juridique, de l’administration fiscale, qui lui permettra d’identifier et de rechercher la responsabilité de ceux qui fraudent » a promis Édouard Philippe. Gérald Darmanin, le ministre de l’Action et des comptes publics, a depuis expliqué au Figaro que l’exécutif comptait « investir une quinzaine de millions dans l'exploitation de données », notamment afin de concentrer les contrôles sur les « fraudeurs de haut vol ». Une somme à rapporter au montant estimé de la fraude fiscale : entre 60 et 80 milliards d'euros par an.
« Une trentaine d’agents seront dédiés au sujet » indique de son côté Le Monde. La « cellule data mining » de Bercy, officiellement lancée en septembre 2013, a pourtant accueilli il y a peu de nouveaux renforts. Deux « data scientists » et un « data engineer » l’ont en effet rejoint ces dernières semaines dans le cadre du programme des « entrepreneurs d’intérêt général », soutenu par la Direction interministérielle au numérique (DINSIC).
On apprenait à cette occasion que « des outils de data mining et d’apprentissage automatique » étaient « déjà en cours de développement » à Bercy, afin de mieux exploiter son « gisement de données ». L’administration fiscale estime toutefois qu’il est « nécessaire de les améliorer afin de permettre leur industrialisation ».
Une « police fiscale » pouvant procéder à des écoutes
Sur le plan juridique, le gouvernement envisage plusieurs mesures. « Nous allons renforcer les moyens d'enquête judiciaire pour fraude fiscale avec la création d'un service spécialisé à Bercy », a annoncé Gérald Darmanin. Cette « police fiscale » devrait être créée selon Le Monde « sous la forme d’un nouveau service de police judiciaire de quelques dizaines d’agents, sous l’autorité d’un magistrat et pouvant être saisis par lui ».
Elle pourrait surtout « procéder à des mises sur écoute ou des gardes à vue, pouvoirs dont ne dispose pas aujourd’hui l’administration fiscale ».
Vers une mise au « pilori numérique » pour les plus gros fraudeurs
« Nous souhaitons que dans le cas des fraudes les plus graves, les peines et les sanctions prononcées soient publiées » a ensuite déclaré Édouard Philippe. « Il faut, dans le cas d’un fraudeur ayant commis des infractions graves, que le peuple français sache qui cherche à s’exonérer des obligations fiscales légitimes, qui incombent à chacun. » Le Premier ministre a toutefois expliqué que les « seuils » applicables en la matière seraient définis par le biais de la « discussion parlementaire ».
L'exécutif semble ainsi s'écarter de la voie empruntée par la précédente majorité à l’occasion de la loi sur la « concurrence sociale déloyale ». Depuis 2015, les juges amenés à condamner des faits de travail illégal (prêt illicite de main-d’œuvre, travail dissimulé, emploi d’étrangers sans titre de travail, fraudes aux revenus complémentaires...) ont la simple possibilité d’ordonner, en guise de peine complémentaire, la diffusion de leur décision sur un site Internet officiel, pour une durée maximale de deux ans.
Or il s'agirait ici de rendre cette « mise au pilori » quasi-systématique. « Le fait de rendre publique les sanctions prononcées deviendra obligatoire en cas de condamnation pénale, sauf décision expresse du juge » a ainsi précisé Gérald Darmanin. Autre nouveauté, « l'administration pourra aussi publier les sanctions les plus graves ».
« L'objectif est de tout boucler à l'été »
Le locataire de Matignon a par ailleurs déclaré vouloir sanctionner les « officines qui font profession de contourner la loi ». Gérald Darmanin a depuis complété en expliquant qu’il s’agirait d’infliger à ces intermédiaires « des pénalités administratives en pourcentage de leurs honoraires ».
Autre mesure évoquée : les rescrits, ces fameuses demandes de prise de position – par la suite opposables à l’administration fiscale, pourraient être rendus publics (après anonymisation). Et ce à condition qu'ils soient « d'intérêt général » et visent à épauler les chefs d'entreprises.
Toutes ces réformes devraient être précisées au fil des prochaines semaines, le gouvernement prévoyant à la fois un « plan d’action » de mesures non législatives et un texte de loi ayant vocation à être élaboré « en coproduction avec les parlementaires » selon Gérald Darmanin. « L'objectif est de tout boucler à l'été » a déclaré le ministre.
Contre la fraude fiscale, le gouvernement veut recourir davantage au « data mining »
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Un renfort « à la fois matériel, technique et juridique »
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Une « police fiscale » pouvant procéder à des écoutes
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Vers une mise au « pilori numérique » pour les plus gros fraudeurs
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« L'objectif est de tout boucler à l'été »
Commentaires (32)
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Abonnez-vousLe 01/02/2018 à 13h16
Le 01/02/2018 à 13h23
Le 01/02/2018 à 13h46
Le 01/02/2018 à 14h06
Ou on peut aussi corréler avec les peines données pour fraude fiscal ou inverser le rapport en se demandant si plus il y a de fraudes, plus l’impôt monte.
Mais ca personne ne le fait puisque ca permet pas de se donner bonne conscience.
Le 01/02/2018 à 14h06
Le 01/02/2018 à 14h15
Le 01/02/2018 à 14h29
Tape : “étude de la corrélation entre fiscalité et sanction” et dans les premiers liens tu as des études. Et pourtant personne ne vient jamais rappeler que si on sanctionnait réellement l’évasion fiscale, elle se réduirait.
Le 01/02/2018 à 14h59
Le 01/02/2018 à 16h05
À quoi ça rime de raconter des trucs faux ? " />
La lutte contre la fraude fiscale n’a jamais été aussi intense, et a permis de récupérer plus que jamais, rien qu’un article de 2016 :http://www.leparisien.fr/espace-premium/actu/fraude-fiscale-l-annee-de-tous-les-… .
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Le 01/02/2018 à 16h56
Rappelle moi combien de fraudeur dorme en prison aujourd’hui (et donc ont été condamné à plus de 2 ans de peine de prison) ?
Mais ouai on leur applique une majoration entre 40 et 80% de ce qu’on a trouvé. Les pauvres ca va bien les dissuader.
Hier il a été annoncé qu’on allait enfin rendre publique les cas les plus graves de fraude fiscale, c’est pas grand chose mais c’est déjà un début.
Le 01/02/2018 à 17h43
Vivement cet été alors, que tout soit bouclé " />
Le 01/02/2018 à 18h30
Le locataire de Matignon a par ailleurs déclaré vouloir sanctionner les « officines qui font profession de contourner la loi ».
On passe donc de “tout ce qui n’est pas interdit par la loi est autorisé” à “tout ce qui n’est pas autorisé par la loi est interdit” ? :x
Pake la loi soit on la viole, soit on la viole pas. Et si on a un cas qui est vraiment litigieux, alors c’est que la loi n’est pas suffisamment claire et/ou adaptée, et que donc il faut la modifier.
Le 02/02/2018 à 01h28
Le 02/02/2018 à 10h12
Le 02/02/2018 à 10h18
Je n’avais pas trop fait attention au partiellement, mais il ne veut pas dire grand chose.
De toute façon, ce n’est pas considéré comme des plus-values mais des bénéfices (le B de BNC ou de BIC).
Ce n’est donc pas du tout calqué sur un quelconque régime de plus-values.
Le 02/02/2018 à 12h47
Le 01/02/2018 à 10h34
“L’agent fait le bonheur”
Kiri vendredi, pleurotes le dimanche
Le 01/02/2018 à 10h42
Y aurait pas autant de fraudes si la pression fiscale n’était pas aussi énorme. Au bout d’un moment les gens en ont ras le cul de se faire matraquer.
Mais c’est vrai, continuons à mettre un pansement sur une jambe de bois, chassons les fraudeurs et dépensons sans compter au gouvernement en parallèle.
Le 01/02/2018 à 10h49
Le 01/02/2018 à 10h56
Le 01/02/2018 à 11h16
Il a ainsi estimé hier que l’administration devait « pouvoir travailler dans des conditions d’efficacité plus grande, et utiliser les données et les instruments les plus performants d’exploitation des données ».
Bizarre cette phrase.
Le fisc dispose déjà de tous les instruments techniques pour cela. C’est justement l’administration qui dispose des plus grands pouvoirs d’enquête en France (devant les services secrets) (dixit mon ancien prof de fiscal).
« Nous organiserons donc l’équipement, à la fois matériel, technique et juridique, de l’administration fiscale, qui lui permettra d’identifier et de rechercher la responsabilité de ceux qui fraudent » a promis Édouard Philippe.
Ha d’accord, ils annoncent qu’ils vont mettre à jour les PCs et embaucher du personnel.
Cette « police fiscale » devrait être créée selon Le Monde « sous la forme d’un nouveau service de police judiciaire de quelques dizaines d’agents, sous l’autorité d’un magistrat et pouvant être saisis par lui ».
Elle pourrait surtout « procéder à des mises sur écoute ou des gardes à vue, pouvoirs dont ne dispose pas aujourd’hui l’administration fiscale ».
E s’appellerio la “cellule d’enquête de bercy” .
Qui existe déjà depuis… la création de Bercy?
« Le fait de rendre publique les sanctions prononcées deviendra obligatoire en cas de condamnation pénale, sauf décision expresse du juge » a ainsi précisé Gérald Darmanin.
Oui, comme aujourd’hui quoi.
« L’objectif est de tout boucler à l’été » a déclaré le ministre.
Ça va pas être bien dur, tout existe déjà et est déjà en place.
Il est super ce gouvernement dis donc.
Il fait du tout nouveau, tout neuf, mais exactement comme avant.
Ou comment brasser du vent pour faire sa pub…
C’est pathétique.
Le 01/02/2018 à 11h35
Excellentes nouvelles.
Le 01/02/2018 à 12h11
Le 01/02/2018 à 12h35
Et là, je sens Marc faire une attaque de type “CADA” " /> dans pas longtemps pour obtenir la publication de l’algorithme de détection. " /> " /> " />
" />
ps: je sais, j’aurais pu développer un peu plus ma pensée
Le 01/02/2018 à 12h40
Contre la fraude fiscale, le gouvernement veut recourir davantage au « data mining »
Pour récupérer de l’argent, il devrait recourir davantage au « bitcoin mining » " />
Le 01/02/2018 à 12h48
Le 01/02/2018 à 12h52
Zut alors !! Moi qui fraude allégrement je vais me faire capter ?? " />
Ou pas … " />
Le 01/02/2018 à 13h10
Ce serait bien qu’ils soient clair sur la fiscalité des cryptomonnaies et tokens.
Le 01/02/2018 à 13h14
Le 01/02/2018 à 13h15
Le 02/02/2018 à 13h07
Le 03/02/2018 à 23h33
alors pour le 12 sur 80 c’est basé sur ta source, et pour la peine judiciaire c’est à la discrétion de bercy, ou ils s’arrangent entre eux et l’affaire est close où il y a vraiment eu un tollé médiatique et trop gros ça passe pas et la ils refourguent le bébé à la justice.
Et comme dis plus hauts des délinquants en colle blanc il y en à pas des masses à fleury….pourquoi?