Le plan du gouvernement pour atteindre « 100 % de publications scientifiques en accès ouvert »
Science fiction
Le 10 juillet 2018 à 09h16
6 min
Droit
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Afin que les publications scientifiques françaises soient diffusées en accès libre, gratuitement, le gouvernement entend obliger les chercheurs bénéficiant de fonds publics à ouvrir leurs articles et données de recherche. Plus de trois millions d’euros seront alloués chaque année à cette réforme, dans le cadre d'un « plan pour la science ouverte ».
« Nous ne sommes pas suffisamment aujourd’hui dans une logique de science ouverte », a déploré la ministre de l’Enseignement supérieur, le 4 juillet dernier. Frédérique Vidal regrette en effet qu’il faille « trop souvent payer pour avoir accès aux publications de nos chercheurs », quand bien même ceux-ci ont bénéficié d’aides publiques pour leurs recherches.
À peine dépêtrée de la réforme Parcoursup, la ministre a longuement pointé du doigt le système éditorial actuel, « devenu obsolète à l’heure du web ».
« Bien sûr, la tentation de la fermeture des publications et des données est forte », a poursuivi la ministre. « Pourtant, la science est un bien commun, que nous devons partager le plus largement possible. » Aux yeux de l’exécutif, « le rôle des pouvoirs publics est de rétablir la fonction initiale de la science, comme facteur d’enrichissement collectif ».
Fédérique Vidal a ainsi présenté un « plan national pour la science ouverte », dont l’objectif est pour le moins ambitieux : « atteindre 100 % de publications scientifiques françaises en accès ouvert ».
Une logique d’ouverture, tant pour les données que pour les articles
En écho aux annonces faites par Emmanuel Macron lors de son discours sur l’intelligence artificielle, fin mars, le gouvernement promet de « rendre obligatoire la publication en accès ouvert des articles et livres issus de recherches financées par appel d’offres sur fonds publics ».
Ces travaux devront ainsi être accessibles à tous, « que ce soit par la publication dans des revues ou ouvrages nativement en accès ouvert, soit par dépôt dans une archive ouverte publique comme HAL ».
« Le chercheur n'aura plus le choix : s'il veut avoir un financement public de type ANR, il devra garantir qu'à l'issue de son projet, il mettra ses publications en Open Access », analyse Lionel Maurel, du collectif Savoirs Com1, contacté par nos soins.
Ce juriste, par ailleurs cofondateur de La Quadrature du Net, rappelle que la loi Numérique de 2016 permet d’ores et déjà aux scientifiques de rendre publics leurs travaux, quand bien même des clauses contractuelles leur l’interdiraient. Les effets de ce texte seraient néanmoins « assez faibles », parce que soumis à des délais d’embargo et surtout au bon vouloir de chaque chercheur.
« En passant par le levier financier, ça devrait être incitatif », anticipe Lionel Maurel, enthousiaste.
« En passant par le levier financier, ça devrait être incitatif »
Au-delà des publications faisant suite aux travaux de recherche, ce sont les données produites dans ce cadre (statistiques, etc.) qui devront être ouvertes si le chercheur obtient des fonds publics sur appel d’offres.
L’exécutif prévient néanmoins que « cette obligation sera limitée par les exceptions légitimes encadrées par la loi, par exemple en ce qui concerne le secret professionnel, les secrets industriels et commerciaux, les données personnelles ou les contenus protégés par le droit d’auteur ». Et pour cause, ces restrictions sont celles posées par la « loi CADA » au sujet de la réutilisation des données publiques.
Dans la droite ligne du plan pour l'open science annoncé hier, @univamu formalise sa politique d'open access : https://t.co/WCORxleCC4
— Marlène Delhaye (@mdelhaye) 5 juillet 2018
Pour que cette nouvelle obligation se déploie rapidement au niveau national, Frédérique Vidal a annoncé que l’Agence nationale de recherche lancerait « prochainement » un « appel FLASH » (c’est-à-dire une procédure accélérée, qui permet de sélectionner des projets sous trois à quatre mois) « pour accélérer la structuration, la citation et l’ouverture des données de la recherche des équipes françaises ».
Un « prix des données de la recherche » sera par ailleurs instauré « afin de mettre en valeur et récompenser » les équipes qui réalisent un « travail exemplaire » en matière d’ouverture.
Un « réseau d’administrateur des données de la recherche »
Afin de chapeauter ces réformes, Frédérique Vidal a confirmé que le ministère de l’Enseignement supérieur allait se doter d’un « administrateur ministériel des données », qui rejoindra donc le réseau en cours de constitution autour d’Henri Verdier, l’Administrateur général des données. Ce fonctionnaire « coordonnera l’action publique en matière de données scientifiques, afin d’optimiser leur structuration, leur conservation et leur circulation ».
Il animera au passage un « réseau des administrateurs de données de la recherche dans les établissements ».
Une enveloppe de 5,4 millions d’euros sera allouée à ce plan pour sa première année, puis « 3,4 millions d'euros les années suivantes ». Un budget qui servira entre autres à encourager les « formations à la science ouverte » au sein des écoles doctorales.
Un plan qui « paraît presque trop beau pour être vrai »
« Ça paraît presque trop beau pour être vrai », commente Lionel Maurel. Le membre du collectif Savoirs Com1 se dit ainsi inquiet de l’absence de « mesure indiquant que l'on arrêtait stricto sensu les accords avec les éditeurs de type Elsevier ». « Si le gouvernement continuait de signer ces contrats à plusieurs millions d’euros par an, ce plan relèverait en fin de compte d’une simple mesure d’affichage », prévient-il.
De son côté, le gouvernement espère qu’en faisant le choix de la science ouverte, la production scientifique française puisse trouver « le lectorat large et universel qu’elle mérite ». La ministre a affirmé que « des dizaines d’études » montraient « une augmentation très significative à la fois des usages de lecture mais aussi des usages de citations pour les articles et les livres en accès ouvert ».
À l’heure où la majorité veut légiférer contre les « fake news », l’exécutif considère que « la science ouverte est le véhicule idéal de la connaissance face aux rumeurs ». Pour Frédérique Vidal, les données de recherche pourront ainsi « servir comme instrument pédagogique, comme substrat scientifique et comme catalyseur d’innovation ».
Le plan du gouvernement pour atteindre « 100 % de publications scientifiques en accès ouvert »
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Une logique d’ouverture, tant pour les données que pour les articles
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« En passant par le levier financier, ça devrait être incitatif »
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Un « réseau d’administrateur des données de la recherche »
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Un plan qui « paraît presque trop beau pour être vrai »
Commentaires (41)
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Abonnez-vousLe 10/07/2018 à 18h52
vu qu’on vient de payer 5k€ pour un Nat Comm en open access avec tout à se (re)farcir, je dirais que oui ;)
meme si j’ai pas encore assez de recul pour avoir une bonne idée du cout réel pour un éditeur.
Le 10/07/2018 à 21h41
Impossible que ça soit appliqué
Le 11/07/2018 à 05h20
Je disais ça avec ma connaissance limitée de ce monde, je ne voulais pas dire de connerie en disant qu’on n’était jamais rémunéré. En effet je n’ai jamais vu personne dans le labo où j’ai fait mon stage me parler de rémunération.
Le 11/07/2018 à 08h07
Oui, c’est souvent l’argument utilisé. Mais il faut garder à l’esprit que les chercheurs effectuant les reviews ne sont jamais payé, et que les éditeurs (gérant le peer-review) sont le plus souvent aussi non-payé par le journal… Le coût de le plupart des journaux scientifique ne se justifie donc que par les aspect techniques (mise en page, correction(?), stockage, diffusion, etc.)!
Le 12/07/2018 à 15h32
Tout à fait d’accord, même en visant large les tarifs pratiqués par les éditeurs sont totalement déconnectés de leur coûts réels.
Je rajouterai même une petite anecdote : certains journaux facturent les pages couleurs (de l’ordre de 500€ tout de même) même si on opte pour une version uniquement en ligne (Mpmi si tu nous lis…) " />
Le 12/07/2018 à 15h52
odoc a écrit :
(sans compter qu’il devient compliquer de publier dans certains journaux tellement il faut fournir de data et uniquement dans les formats voulus par l’éditeur - on en a fait les frais récemment à mon labo pour un Nat Comm) mais le système en place est tel qu’on doit tout revoir de 0.
Y a aussi le problème des facteurs d’impacts qui ont été détournés de leur rôle premier pour devenir le seul critère d’évaluation d’un chercheur ou d’une unité de recherche et souvent c’est ce qu’y bloque le fait de publier en libre accès directement. Et concernant le pre-print j’ai récemment vu des publi refusées pour cause d’auto-plagiat, c’est dire si on part de loin :s
Sans parler de la différence de traitement entre “chercheurs déjà
reconnus” et “débutants” à contenu scientifique égal ou encore de la
différence entre thématiques (par exemple en biologie le médical vs “tout le reste”) et ce uniquement en raison du potentiel de lecture plus grand et donc du profit plus important…
Le 12/07/2018 à 17h31
Le 13/07/2018 à 09h55
Le 16/07/2018 à 12h52
Je pense que les commentaires de l’article permettent de se faire une bonne idée de l’état de l’édition scientifique.
Juste un ajout pour se faire une idée de la charge écrasante du travail des sociétés d’editions: quand vous publiez dans PNAS, le manuscrit au format docx qu’il faut fournir doit avoir déjà la mise en page de PNAS y compris le logo. Bref il n’y a AUCUN travail d’édition de la part de PNAS, la mise en page est faite par le chercheur et il suffit de faire “exporter en pdf” dans Word pour avoir l’article tel qu’il sera disponible sur le site de PNAS.
Comme dit précédemment, dans beaucoup de revues scientifiques, le comité d’édition et les reviewers sont des chercheurs qui font le boulot gratuitement pour les sociétés d’editions.
Le vrai travail des éditeurs actuellement, c’est de maintenir les servers sur lesquels on récupère les pdf et de gérer les abonnements et les paiements pour avoir accès aux articles.
Même si c’est peu, cette réforme va dans le bon sens. La suivante sera de ne plus évaluer les chercheurs et les équipes sur l’impact factor des journaux dans lesquels ils publient.
Mais à mon avis, cette réforme la, on va l’attendre longtemps vu que ça dynamiterai le système mis en. Place par les grands éditeurs.
Sinon, il y a toujours sci-hub en attendant un vrai système de publication où on pourrai mettre à disposition les données expérimentales en plus de l’article (qui n’est que l’interprétation de ces données)
Le 10/07/2018 à 13h38
C’est un ordre de grandeur qui montre quelles sont les priorités du gouvernement. Lecture du post de blog que je cite recommandée. Un autre ordre de grandeur, pour la défense, c’est une augmentation de 1.7 milliard tous les ans jusqu’en 2022, et +3 milliards entre 2023 et 2025.
Le 10/07/2018 à 13h51
vu l’état de la défense c’est pas plus mal. ^^
Le 10/07/2018 à 14h10
Je pense que sa remarque vise surtout à souligner le fait que les éditeurs, bien qu’on puisse penser qu’ils abusent de leur position, ont aussi un rôle important dans la recherche, qui est d’organiser les reviews.
Vouloir pousser à ce que les publications soient accessibles gratuitement est louable, mais pose la question de comment on financera cette activité.
Si à l’arrivée on se retrouver avec un grand blougi-boulga de pdf avec 20% de sérieux et 80% de pseudo-sciences ou articles mal ficelés, il n’est pas dit que la science en sorte grandie… et tout le monde continuera à payer les éditeurs actuels pour ce service de validation des articles.
Le 10/07/2018 à 14h17
Il ne reste plus qu’à supprimer le peu de financement publique de la recherche pour en faire une coquille vide …
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Comment ça je manque de confiance dans le gouvernement ?…
Le 10/07/2018 à 14h22
Le 10/07/2018 à 14h48
Le gros du travail du Peer Review est fait par les chercheurs eux-même, qui ne sont pas toujours (pas souvent ?) rémunérés pour ça. L’organisation de ce peer review peut se faire sur une plateforme ouverte sans aucun soucis, ce n’est pas l’organisation du peer review qui justifie le prix hyper élevé d’accès aux publications scientifiques.
Le 10/07/2018 à 15h01
Le 10/07/2018 à 15h09
+1
Pour l’instant il s’agit d’un vœu pieu, mais j’ai encore du mal à voir sa mise en application concrète pour éviter les dérives.
Le 10/07/2018 à 17h17
Le 10/07/2018 à 17h20
Le 10/07/2018 à 17h33
Le gouvernement vas donc financer sci-hub ? ah non, dommage…
Le 10/07/2018 à 18h03
Je ferais juste remarquer que la CNU, c’est nous (enfin les titulaires, pas vraiment mon cas ^^), mais c’est pas simple de changer les gens y siégeant :s (d’ailleurs n° CNU, entre les section qui obligent en toute illégalité les gens à passer l’agreg pour être qualifiés, les autres qui refusent la qualif si la thèse n’a pas durée 4 ou 5 ans, … y a pas mal de ménage à faire :s)
Le 10/07/2018 à 18h14
par contre dans les labo on se gène pas pour l’utiliser ;)
Le 10/07/2018 à 18h18
Le 10/07/2018 à 18h20
Ce que je veux dire c’est qu’ils sont élus parmi le personnel de l’ESR donc suffit de voter pour d’autres (enfin en théorie).
D’accord avec le reste ;)
Le 10/07/2018 à 18h25
Le 10/07/2018 à 09h22
Et ben c’est pas trop tôt …..
Avec un peu de chance ce sera la fin de : payer pour publier, payer pour y accéder.
Dans mon réseau de recherche (sur fonds européens), c’était l’une des conditions pour qu’un projet de recherche aéroportée soit financé … et cela marche depuis plus de 10 ans déjà …
Le 10/07/2018 à 09h25
Enfin ! C’est incroyable qu’il n’y ait une réponse seulement maintenant alors que la recherche est financé par des fonds publics !
Le 10/07/2018 à 10h01
salut, je suis pas sûr d’avoir bien compris. Est-ce que l’on va devoir publier dans des revus ouvertes ou bien va-t-on payer les éditeurs type Elsevier pour que nos articles soient en Open Data ?
Le 10/07/2018 à 10h15
Si cela se confirme, je crois que c’est la première fois que j’applaudirai une décision de ce gouvernement " />
« Ça paraît presque trop beau pour être vrai », comme le dit Maurel…
Le 10/07/2018 à 10h20
Bonne nouvelle, je l’espère !
Ils ont confondu fond et fonds au plan national " />
Le 10/07/2018 à 10h36
Le 10/07/2018 à 10h42
Excellente idée que j’applaudis en tant que citoyen concerné.
Avec une consultation en ligne des textes en question, ça sera l’idéal.
Le 10/07/2018 à 10h56
Cela pas plus simple de dire que toutes publications financées en totalité ou en partie sur des fonds public devra obligatoirement être ouvert et accessible après une période, disons de 6 mois. Si ce n’est pas le cas l’éditeur se paye une amende corsée.
Le souci de cet mesure c’est que sont les chercheurs qui doivent compenser les dérives des éditeurs et s’occuper des tâches administratives.
En mettant la pression sur les éditeurs, ce seront eux qui vérifieront si les chercheurs ont des fonds publics et libéreront les articles et les données
Le 10/07/2018 à 11h05
L’éditeur a aussi pour rôle d’organiser le peer reviewing. Sa réputation en dépend.
Wikipedia
Le 10/07/2018 à 12h01
En fait, c’est juste une obligation d’accès libre au contenue de l’article (texte, figures, données). Aucune obligation de publier dans une revue dite “Open access”.
Par exemple, je peux toujours publier mon article dans Nature https://www.nature.com, pas open access), mais je devrais aussi diffuser une version de l’article (probablement la version après peer-review, et avec mise en page standard) sur un système d’archive publique comme HAL.
Le 10/07/2018 à 12h04
Pour ça, il faudrait que le ministère maintienne à jour une liste de “Journaux prédateurs” dans lesquels il ne serait alors pas autorisé de publié des résultats financés sur fonds public… Mais même ça, c’est loin d’être une bonne/robuste solution.
Le 10/07/2018 à 12h44
Pour l’enseignement supérieur et la recherche: grand prince, on donne une rallonge de 5 millions d’euros.
Suppression de l’ISF: 5 milliards d’euros.
http://piketty.blog.lemonde.fr/2017/10/12/budget-2018-la-jeunesse-sacrifiee/
Le 10/07/2018 à 12h44
Le gouvernement a du fric pour obliger les chercheurs à publier dans des revues en accès libre, mais ne donne pas de fric pour financer proprement la recherche publique en général (seulement 5% des demandes de financement ANR sont financées). Je ne comprends pas le sens de sa démarche…" />
Le 10/07/2018 à 12h45
Je ne vois pas ce que le problème de l’ISF a à voir dans ce sujet…
Le 10/07/2018 à 12h52
Le 10/07/2018 à 13h05
Et interdire Springer et Elsevier dans la foulée et on aura peut être une chance.