Saisie par Next INpact, la CADA invite les ministres à publier leurs agendas en Open Data
Rendez-vous en terre inconnue
Le 13 novembre 2018 à 15h55
7 min
Droit
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Saisie par Next INpact, la Commission d’accès aux documents administratifs (CADA) vient de juger que les membres du gouvernement devaient régulièrement mettre en ligne leurs agendas officiels, dans un format ouvert. Quelques (rares) ministres se sont engagés dans cet effort de transparence.
Chaque semaine, la plupart des membres du gouvernement mettent en ligne leurs agendas prévisionnels respectifs. Entretien avec le président à l’Élysée, déplacement en province, séances de questions orales au Sénat ou à l’Assemblée, rencontre avec un chef d’entreprise... De nombreux détails figurent bien souvent dans ces documents, à l’attention notamment des journalistes.
Agenda 📅 | La semaine du ministre de l'#agriculture et de l'#alimentation @dguillaume26 ↪ https://t.co/rvlc04vWud
— Alim'Agri (@Min_Agriculture) 12 novembre 2018
Malheureusement, « avoir un agenda de ministre » se résume aujourd’hui à obtenir un agenda difficilement compatible avec les standards de l’Open Data. La plupart de ces documents sont diffusés tels un simple texte dans une page Web et/ou au travers de fichiers PDF à télécharger.
Résultat : il est très difficile – pour ne pas dire impossible – d’extraire automatiquement les informations qu’ils contiennent. Et ce quand ils sont mis en ligne, ce qui n’est pas toujours le cas (selon les ministères)...
Un véritable chemin de croix
Dans ces conditions, retracer sur le long terme les différentes rencontres et activités d’un ministre vire rapidement au cauchemar. Il n’y a guère d’autre choix que de tout retranscrire, par exemple dans un tableur. Un travail titanesque, alors qu’une diffusion harmonisée dans un format ouvert permettrait normalement de se dispenser d'un tel fardeau...
En mai dernier, lors de la publication de son dernier rapport d’activité, la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique (HATVP) avait d’ailleurs invité les décideurs publics à « publier en Open Data leurs agendas ».
Aux yeux de l’autorité administrative, ceci « fournirait aux citoyens une compréhension inédite de l’action quotidienne de leurs responsables publics ». Mieux encore : une telle initiative serait de nature à « modifier certaines idées reçues » sur la charge de travail des responsables politiques, tentait de convaincre l’institution, « et ainsi contribuer à renforcer la confiance ».
Journalistes, chercheurs ou associations pourraient en effet tirer différents enseignements de ces données publiques. « Si on avait ces agendas en Open Data, on pourrait essayer de les croiser avec d'autres jeux de données, tels celui du registre de représentants d'intérêts de la HATVP », afin de mieux restituer « l'empreinte normative » (savoir qui est intervenu pour modifier un texte), nous expliquait par exemple Elsa Foucraut, de l’association Transparency International.
La CADA donne un feu vert de principe
De crainte que l’intéressante préconisation de la HATVP ne reste ignorée de l’exécutif, Next INpact est allé frapper début juin à la porte des membres du gouvernement d’Édouard Philippe. Loi CADA sous le coude, nous avons ainsi demandé aux différents ministres et secrétaires d’État de publier régulièrement leurs agendas actualisés, en Open Data. Seules exceptions : les ministères de la Culture et de l’Enseignement supérieur, qui diffusaient déjà leurs agendas dans un format ouvert.
Trois ministères nous ont rapidement promis des efforts : celui de l’Éducation nationale – qui propose désormais un agenda téléchargeable au format ICS) –, ainsi que celui de la Transition écologique et solidaire (qui gère également le site du ministère de la Cohésion des territoires).
Faute de retour de la part des autres ministères, nous avons saisi la Commission d’accès aux documents administratifs le 2 juillet dernier.
Au travers d’une flopée d’avis rendus le 27 septembre, la commission a estimé que chacune de nos requêtes devait « recevoir, dans son principe, un avis favorable ».
L’autorité administrative explique que les agendas des ministres sont communicables, dans la mesure où ils sont tenus « dans le cadre de leurs missions de service public ». Les « agendas personnels » ne rentreraient en revanche pas dans le périmètre des documents administratifs, poursuit l’institution.
Une obligation de diffusion dans un format ouvert, issue de la loi Numérique
Au fil de ses délibérations, la CADA a surtout écarté de nombreux arguments déployés par les ministères afin de présenter notre requête comme irrecevable.
Beaucoup – par exemple au ministère des Armées ou à celui de l’Agriculture – ont soutenu que le recours aux PDF et/ou au HTML (pages web) satisfaisait à l’exigence de mise à disposition dans « un standard ouvert, aisément réutilisable et exploitable par un système de traitement automatisé » (article L300-4 du Code des relations entre le public et l’administration).
Réplique de la CADA : « La mise en ligne, sous le format HTML et le téléchargement possible au format PDF image, ne répondent pas à la définition d’un standard ouvert, aisément réutilisable et exploitable ».
Même au secrétariat d’État au Numérique, on ne semble pas avoir très bien compris l’enjeu de notre initiative. « La demande de mise à disposition de l’agenda du ministre est déjà effective, puisqu’est publié en format PDF sur notre site Internet tous les vendredi ou lundi l’agenda de la semaine à venir. Si des modifications apparaissent en cours de week-end, elles sont bien entendu mises à jour en ligne » a ainsi indiqué le cabinet de Mounir Mahjoubi, mettant de côté le cœur du problème : le format de diffusion.
« La demande de [Next INpact] est irrecevable dès lors qu’elle ne porte pas sur une demande de communication de documents mais tend à modifier les modalités pratiques de fonctionnement du ministère », a de son côté objecté le ministère de la Santé. La CADA n’a pas suivi l’analyse, émettant un « avis favorable à la mise en ligne des agendas sollicités dans un format ouvert, aisément réutilisable et exploitable (exemple : CSV, JSON, XML, RDF...), régulièrement actualisés ».
L’autorité a par ailleurs constamment précisé qu’il lui semblait « souhaitable que les agendas ainsi mis en ligne puissent demeurer accessibles sur le même site, à l’instar de ce que propose, par exemple, le ministère de l’Enseignement supérieur et de la recherche ».
Des avis qui ne seront pas forcément suivis...
Les avis de la CADA ne sont toutefois pas contraignants. Ils servent généralement d’aiguillon avant d’éventuels recours devant le juge administratif.
L’initiative commence néanmoins à porter ses premiers fruits. Matignon a par exemple annoncé à la CADA que le service d’information du gouvernement avait « engagé une modification du mode de diffusion de l’agenda du Premier ministre afin d’ajouter aux formats de diffusion actuels (page web et PDF) une diffusion dans le format CSV ». Cette dernière est effective depuis quelques semaines, même si seul l’agenda de la semaine est visiblement maintenu en ligne (voir ici).
Le ministère des Outre-mer avait lui aussi promis « d’ajouter aux formats de diffusion actuels (page web, JPEG et PDF) une diffusion dans le format CSV », et ce « à compter du 1er novembre 2018 ». Sauf erreur de notre part, cette modification n'a malheureusement toujours pas été implémentée.
Cette initiative n'est qu'une première étape. Chaque diffusion par fichiers individuels, certes plus lisibles, nécessite pour l'instant une récupération manuelle hebdomadaire. Une API officielle, liée à une base de données des agendas passés et à venir, serait bien plus pratique (pour obtenir simplement une date de rendez-vous sans fouiller des heures, voire concevoir des applications contribuant directement à la transparence de l'action publique). Nous avions saisi l'Administrateur général des données dans cet espoir, sans retour à ce jour.
Saisie par Next INpact, la CADA invite les ministres à publier leurs agendas en Open Data
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Un véritable chemin de croix
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La CADA donne un feu vert de principe
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Une obligation de diffusion dans un format ouvert, issue de la loi Numérique
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Des avis qui ne seront pas forcément suivis...
Commentaires (31)
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Abonnez-vousLe 13/11/2018 à 16h07
" /> vous les faites bien bosser à la CADA " />
Le 13/11/2018 à 16h14
En fait NXI est devenu une filiale de la CADA. C’est pour ça qu’ils arrivent aussi souvent à faire passer des dossiers ! " />
Le 13/11/2018 à 16h17
NextINpact bientôt renommé CADAstrophe? " />
Le 13/11/2018 à 16h17
NXI devient avec le temps un élément indispensable de notre démocratie : " /> et continuez !
Le 13/11/2018 à 16h17
Les avis de la CADA ne sont toutefois pas contraignants. Ils servent
généralement d’aiguillon avant d’éventuels recours devant le juge
administratif.
Que comptez-vous faire pour les ministères qui trainent les pieds (ou vous prennent pour des cons) ?
Le 13/11/2018 à 16h21
A la CADA, ils doivent avoir un département dédié à NXI. ^^
Le 13/11/2018 à 16h35
Je suis le seul à trouver ça dangeureux que l’agenda de nos ministres et leur localisation soit accessible au premier venu ? hum hum
Le 14/11/2018 à 08h28
Ben et du caldav ou de l’ics c’est pas mieux pour un agenda franchement ?
Le 14/11/2018 à 08h39
Le 14/11/2018 à 09h29
Perso l’argument “ce sont des salariés du contribuable” me dérange
Moi je suis salarié de mon boss, et je ne veux pas qu’il me flique. Et donc, je ne veux pas fliquer les autres, par coherence.
Ne fais pas à autrui ce que tu ne voudrais pas qu’il te fît…
Et franchement, vous voulez fliquer les politiques, et après vous vous étonnez qu’ils veuillent aussi vous fliquer ?
Le 14/11/2018 à 09h51
moi je donne chaque semaine un récap précis (à l’heure près) du temps passé sur chaque tâche.
mais bon je suis en SSII, on vend du temps de cerveau. ^^
Le 14/11/2018 à 10h55
Pire que salariés du contribuable, ce sont nos représentants, législateurs (et encore je rejoins l’argument plus haut sur l’application des lois de l’UE qui limite leur fonction) et gouvernants. Plus encore qu’un salarié ils ont des comptes à rendre aux personnes qui les ont placé là et la moindre des choses et de savoir ce qu’ils font et quant à leur sécurité, elle est payée également même par ceux qui n’ont pas décidé de les y placer. Rappelons encore plus que le gouvernement n’est pas une extraction de députés, personne mis à part le président de la république, ne les as choisi, on nous les impose. De plus le boulot d’un journaliste est de relater l’information et même si récemment les leaks poussent à de l’épluchage de documents, ils ne sont pas non plus des machines. Pour participer à la bonne santé d’une démocratie il est nécessaire que le gouvernement (et on ne parle que des ministères et leurs agendas là) unifie/standardise la communication de leur agenda. Il est fou que NXI soit obligé de façon citoyenne de rappeler à l’ordre cela et que certains ministères répondent par la négatives comme le ministère de la santé et pire que le sois-disant secrétariat d’État au “Numérique” ne comprenne pas ce qu’est un standard de format de calendrier. Bravo à NextImpact de les malmener dans le bon sens.
Le 14/11/2018 à 12h25
Le 14/11/2018 à 13h25
Le 15/11/2018 à 15h05
Le 13/11/2018 à 16h35
je sais pas combien de requêtes traite la CADA par semaine, mais franchement ça doit leur faire plaisir que quelqu’un prenne leur taf au sérieux.
Et puis maintenant que Xavier et Marc font presque partie des meubles, ça doit être plus facile de leur soumettre des requêtes. ^^
Le 13/11/2018 à 16h38
Le 13/11/2018 à 16h38
Le 13/11/2018 à 16h39
1- c’est déjà le cas, sauf que le format n’est pas exploitable
2- c’est la loi (cf l’article)
3- La sûreté des ministres, c’est le souci des forces de l’ordre
edit: j’ajouterai en 4 que c’est nécessaire dans une démocratie.
Le 13/11/2018 à 16h43
Bravo! Par contre bon courage pour faire respecter l’avis de la CADA " />
Le 13/11/2018 à 16h45
Le 13/11/2018 à 17h16
super, bravo
rien que pour soutenir ce genre de chose je suis content d’être abonné :)
même si, personnellement, je n’irai jamais farfouiller ces données, je suis tout à fait d’accord avec ceux qui disent que c’est nécessaire / fait partie de la démocratie.
je rejoins quand même un peu skumy sur la question de la sécurité, mais crocodudule à raison aussi, l’agenda n’a pas à contenir les heures exactes des RDV, et encore moins les heures de déplacement, lieux, détails de transport …
après, un agenda prévisionnel pourrait juste contenir l’intitulé de l’ordre du jour, et à posteriori les détails pourraient être ajoutés (durée et personnes rencontrées)
edit: coquille
Le 13/11/2018 à 17h29
Ils ont une API ? " />
Le 13/11/2018 à 19h10
Moi, je ne comprends pas cette demande.
À l’heure des techniques de text-mining, le ministre de l’Action et des comptes publics a expliqué que dès l’année prochaine, il serait capable de mettre en base de données tout ce qui est visible sur les réseaux sociaux, y compris les photos. Il ne doit pas être bien difficile de parcourir les sites des ministères et d’en extraire les informations sur les agendas des ministres.
Si votre futur stagiaire avait du mal, il lui suffirait de demander un peu d’aide technique à Bercy.
Le 13/11/2018 à 19h47
Encore une illusion de transparence pour faire croire aux français qu’ils ont le pouvoir de fliquer leurs politiques. Réfléchissons 2s. À quoi cela va t’il vous servir de surveiller des sous-fifres, dont le seul rôle est de transposer les GOPÉ annuelles en droit français ? Vous voulez surveiller des valais qui n’ont plus aucun pouvoir - dans quel intérêt ?
Savoir le nombre trépidant de petites “inflations” dans l’agenda chargé de Mme Dati ? Estimer la fréquentation nocturne des sofitel, pour se donner une idée de leurs dépravations respectives ?
Ça vous mènera à quoi au final ? Vos lois se fabriquent à Bruxelles, et les gens que vous élisez sont des marionnettes.
Dans un pays souverain et démocratique, l’intérêt de suivre l’agenda des politiques est évident, et devrait même être la norme de fait, le politique n’étant toujours qu’un salarié du contribuable. Mais dans notre pays sous le joug de l’UE, je ne vois aucun intérêt à suivre des poissons rouges dans un bocal.
Le 13/11/2018 à 19h53
Le 13/11/2018 à 20h14
et 5) que cet agenda n’est, de toute pas façon, pas exhaustif.
Le 13/11/2018 à 23h21
Petite pensée à Tris et le Projet Arcadie.
Le 13/11/2018 à 23h50
C’est effectivement possible de “text miner” du PDF et du HTML, mais c’est chronophage et surtout ce n’est pas le travail de ceux qui utilisent ces données : les journalistes.
Et comme indiqué dans l’article, l’objectif est de pouvoir croiser ces données avec d’autres données, donc si on doit commencer par “scraper” les sites de ministères et qu’il faut tout recoder quand ils changent la structure du PDF/HTML, on n’est pas arrivés :)
Le 14/11/2018 à 06h26
Faut voir si la volumétrie et la fréquence d’utilisation des données justifient des investissements.
Sans oublier le fait que chaque ministère doit avoir son propre outil d’agenda j’imagine…
Et l’initiative peut venir de citoyens impliqués aussi, la démarche n’est pas à sens unique :)
Le 14/11/2018 à 08h27
Vous voulez pas créer un parti politique?