La taxe sur les GAFA, une taxe bien plus vaste
GAFA toi, Bruno
Le 08 février 2019 à 15h45
5 min
Droit
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La fiscalité du numérique a toujours été d’un équilibre subtil. Et parfois, en souhaitant taper sur tel ou tel acteur, l’exercice déborde allègrement et englobe dans ses filets des acteurs insoupçonnés. L’ébauche de la « taxe Gafa » promise par Bruno Lemaire ne s’écarte pas de cette tradition.
Nos confrères de Contexte ont mis la main sur l’avant-projet de taxe visant Google et les autres géants du numérique qui devrait être présenté au printemps prochain. Annoncée par le locataire de Bercy depuis plusieurs semaines, elle se place dans les pas de la ponction déjà sur la rampe en Espagne.
Que prévoit exactement ce dispositif ? Le texte de six pages vient frapper les sommes encaissées au titre de plusieurs activités. Le champ d’application est double. Il peut s’agir d’une part des sommes encaissées pour la mise à disposition d’une interface qui permet à des internautes d’interagir avec d’autres utilisateurs, pour n’importe quel motif (prestation de services, fourniture de biens). Autant dire que ce périmètre est déjà particulièrement large, allant bien au-delà des seuls géants du numérique américain.
Le texte précise d’ailleurs qu’il suffit que l’un des utilisateurs soit en France, ou bien qu’il ait ouvert son compte dans son pays pour justifier l’assujettissement.
D’autre part, elle frappe les sommes reçues au titre des activités publicitaires ciblées en fonction des données utilisateurs. Là encore, les critères sont très larges : « ces services comprennent notamment les services d’achat, de stockage et de diffusion de publicité, de contrôle publicitaire et de mesures de performance ainsi que les services de gestion et de transmission de données relatives aux utilisateurs ».
Ce dernier point sera suffisant pour épingler tous ceux qui manipulent d’une manière ou d’une autre de la donnée à des fins publicitaires, sans pour autant qu’il y ait une « vente » de données personnelles. Là encore, il suffira qu’un des utilisateurs qui consulte ces pubs soit en France pour justifier l’emprise des services fiscaux français.
Trois exceptions
Évidemment, un service pourra avoir des utilisateurs installés en France, d’autres dans un pays tiers. Schématiquement, l’avant-projet de texte prévoit un système de ventilation, qui devrait par la même occasion permettre à Bercy d’avoir une connaissance complète de la répartition géographique des accès.
Pour éviter de taxer tout Internet, le fisc prévoit trois exceptions où il n’y aura donc pas application de cette ponction :
- Les services fournis au sein d’un même groupe
- Les services financiers soumis à surveillance ou agrément par les autorités de contrôle
- La « mise à disposition d’une interface numérique par une personne qui l’utilise à titre unique ou principal pour fournir aux utilisateurs des contenus numériques, des services de communication ou des services de paiement »
Cette dernière exception est d’une rédaction pour le moins alambiquée, avec un périmètre d’exclusion qui semble aller au-delà du premier champ d’application. En réalité, on peut comprendre que seront taxés tous les services de mises en relation des internautes (eBay, YouTube, Twitter, Facebook, Blablacar, etc.) quels qu’ils soient, non les services de messagerie, de téléphonie ou les sites internet « lambda ».
Quels seuils ? Quels niveaux de taxation ?
Géographiquement, l’entreprise pourra être installée en France ou non. L’essentiel est qu’elle encaisse un certain nombre de millions d’euros à l’échelle mondiale et au niveau français. Ces seuils ne sont pas encore définis, mais Bruno Lemaire avait déjà évoqué respectivement un chiffre d’affaires supérieur à 750 millions d'euros au niveau mondial et 25 millions d'euros en France.
Quoiqu’élevés, ces seuils pourront facilement être atteints : un alinéa explique en effet que dans les entreprises liées à d’autres entités par une relation de contrôle exclusif, ils s’apprécieront au niveau du groupe, non au niveau individuel.
Une inconnue : le montant de la taxe. Bruno Lemaire avait déjà annoncé que le taux marginal devrait être de 5 % et pourrait rapporter, selon les prévisions de Bercy, autour de 500 millions d'euros.
L'éventuel effet des conventions fiscales internationales
Comme l’anticipent nos confrères, le périmètre de cette taxe va au-delà des seuls GAFA. En toute évidence, au regard du principe d’égalité, il n’est pas possible de désigner des acteurs nommément dans la loi pour leur infliger un régime à part. D’autres, mêmes des acteurs « made in France » d’une certaine importance, devraient être impactés par ce régime.
Dernière inconnue, la question de l’effet des conventions fiscales internationales. La France a noué de nombreuses conventions avec des pays tiers, dont l’Irlande en 1968. C’est ce texte qui avait permis à Google de faire annuler, par le tribunal administratif de Paris, un redressement monstre envisagé par Bercy au titre de l’IS et de la TVA.
La taxe sur les GAFA, une taxe bien plus vaste
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Quels seuils ? Quels niveaux de taxation ?
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L'éventuel effet des conventions fiscales internationales
Commentaires (37)
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Abonnez-vousLe 08/02/2019 à 17h27
Clairement, il y a plus de niveau dans les commentaire de NXi. " />
Le 08/02/2019 à 17h27
Le 08/02/2019 à 18h46
Pas parfait. Mais au moins ils ont le mérite d’essayer. En face y’a du très lourd bien décidé à protéger ses milliards qui servent à rien de bon…
Ils ont également réussi à faire bouger l’Allemagne sur ce sujet. C’est pas rien non plus.
C’est sur que c’est moins spectaculaire qu’une beauf fiesta au rond point. Mais c’est un pas dans la bonne direction.
Le 08/02/2019 à 19h42
Mouais… son bilan économique est surtout dû à la reprise de certaines activités qui avaient été mises de côté, comme l’exploitation du gaz/pétrole de schiste et de charbon pour ne citer que ces deux exemples.
Le tout en ignorant toute cause environnementale et sociale (vu comme certains locaux commencent déjà à payer le prix de ces décisions, malgré la “reprise” de l’économie).
Quant aux baisses de taxes/impôts, ils en fallait sûrement… mais des réfléchies.
Là il ne fait que conforter certains de ses proches, qui se remplissent les poches, ou bien ceux qui l’ont soutenu durant sa campagne, et tentant d’enfoncer quiconque est contre lui ou a soutenu/soutient les démocrates.
En terme d’approche économique réfléchie et long-termiste pour une ‘America Great Again”, il y a mieux.
Il ne voit pas plus loin que les prochaines élections, à la différence d’un Obama (à qui on peut pourtant reprocher énormément de choses) qui avait une vision déjà un peu plus digne d’un chef d’état.
Le 08/02/2019 à 20h46
Le 08/02/2019 à 21h04
Le 08/02/2019 à 22h18
Pourquoi cette impression de déjà-vu ?… (5 minutes de recherche plus tard) … Ah oui :
2008
04/02/2008 - Les acteurs du net furibards contre la taxe sur les publicités
26/11/2008 - Frédéric Lefebvre veut taxer la vidéo en ligne, labelliser le web
… 2009 …
2010
01/04/2010 E-Commerce : Le Sénat s’interroge sur les prochains flux à taxer
16/12/2010 La taxe sur la publicité en ligne reportée au 1er juillet 2011
2011
13/06/2011 La taxe sur la publicité sur Internet supprimée par l’Assemblée
15/06/2011 La taxe sur la publicité en ligne : les pistes de réflexion du CNN
2012
15/02/2012 Google, Amazon, Facebook et Apple, casse-têtes de la fiscalité française
15/03/2012 Google réagit aux taxes et impôts du Net de Nicolas Sarkozy
28/06/2012 Taxe Google 2.0 : la France, future Silicon Desert selon les acteurs du web
12/07/2012 Fiscalité : le gouvernement lorgne la Taxe Google et le peering payant
29/10/2012 Taxe Google : Éric Schmidt reçu aujourd’hui par François Hollande
30/10/2012 Hollande expose son deal à Google : un accord d’ici fin 2012 ou une loi
05/11/2012 Apple n’a payé que 1,9 % d’impôts sur ses bénéfices 2012 à l’international
21/12/2012 Bientôt une taxe sur l’exploitation des données personnelles ?
2013
19/01/2013 Refiscaliser en France les géants du net via les données personnelles
18/03/2013 Le fisc gagne une manche contre Amazon France
05/04/2013 Fiscalité numérique : la loi du sénateur Marini « ensevelie » par la majorité
22/04/2013 Une taxe sur la bande passante plutôt que sur les données personnelles ?
21/05/2013 Optimisation fiscale : le Sénat américain dubitatif sur les explications d’Apple
30/09/2013 Le retour de la taxe sur la publicité en ligne
2014
03/03/2014 L’Italie abandonne sa taxe web anti-évasion fiscale avant son application
30/10/2014 La Commission européenne envisage une taxe sur les moteurs de recherche
03/12/2014 Une « taxe Google » de 25 % au Royaume-Uni
2015
09/03/2015 Fiscalité des géants du Net : vers une taxe sur le stockage des données ?
10/03/2015 Colère des acteurs du Web contre les projets de taxes visant le numérique
2016
01/02/2016 La Commission européenne détaille ses mesures contre l’évasion fiscale
2017
17/10/2017 Face à Google, des députés LR aimeraient taxer la « présence digitale significative » en France
Je l’aurais un jour, je l’aurais !
Le 09/02/2019 à 06h09
“Dernière inconnue, la question de l’effet des conventions fiscales internationale.”
Pas vraiment. Quand les GAFAM iront avec leur armée d’avocats à Bruxelles se plaindre que le pays hexagonal empêche la libre concurrence et la libre circulation des biens - elle sera pour qui la belle amende bien salée ?
Le 09/02/2019 à 08h55
Ca correspond bien aussi en effet " />
Le 09/02/2019 à 09h51
moi aussi !
puis j’ai lu ceci : “…America Great Again”, alors j’ai compris qu’il “du Yankee” ! " />
Le 09/02/2019 à 10h04
c’est vrai que “le vilain petit Canard”* ne se gêne pas pour déchirer dénoncer
les Conventions entre 2 Pays quand ça l’arrange………………………….ou pas !
* Donald Trum. " />
Le 09/02/2019 à 10h07
oups :
..parlait !
Le 09/02/2019 à 10h07
Le 09/02/2019 à 19h04
L’activité d’exploitation pétrole/gaz de schistes n’a jamais été « mise de côté : Trump a supprimé les régulations pour l’exploitation sur les terrains fédéraux et autorisés les exportations de gaz liquide, ce qui a boosté l’activité. L’impact environnemental de cette activité est quasi nul de toute manière. Pour le charbon, il a supprimé les régulations débiles mises en place par Obama. Les USA ne sont pas maintenant le 1er producteur de pétrole et de gaz par hasard : le marché fait le travail quand il est libre.
Trump détaille dans le SOTU la palanquée de taxes supprimées : il y en a pour tout le monde.
Qu’on aime ou pas le personnage, sa politique de dérégulations et détaxations donne des résultats en terme concret de pouvoir d’achat amélioré, de chômage au plus bas et d’indépendance énergétique : qui peut en dire autant ailleurs, ici en particulier ? Il a réussi son MAGA que cela plaise ou non.
Le 09/02/2019 à 19h13
Ouais man, fait tourner.
Le 09/02/2019 à 21h42
En plus de ça, il vas aller faire un bisou a Kim dans pas longtemps.
Le 08/02/2019 à 15h48
GG pour le sous-titre !
Le 08/02/2019 à 15h58
effectivement ce qui m’inquiète ce sont ces fameuses conventions fiscales internationales qui sont globalement intouchables… la taxe Lemaire sera attaquée le jour de sa sortie, c’est sûr ! On en prendra alors pour 5 ans mini de procédure pour une issue très incertaine pour le fisc français.
Je pense qu’il vaudrait mieux balancer d’abord par la fenêtre les conventions fiscales… comme Trump vient de balancer des conventions vieilles de 30 ans sur les armes nucléaires, pourquoi se gêner ?
Le 08/02/2019 à 16h10
Le 08/02/2019 à 16h25
il* est dangereux pour le Monde entier
avec sa façon “d’envoyer-tout-déglinguer”
heureusement que “l’Administration”
est là pour rattraper ses boudes !
* vous savez : “le America FIRST” ? " />
Le 08/02/2019 à 16h42
Joute verbale, t’es gentil… c’était un concours du à qui fait pipi le plus loin niveau maternelle… :(
Le 08/02/2019 à 17h03
La « mise à disposition d’une interface numérique par une personne qui l’utilise à titre unique ou principal pour fournir aux utilisateurs des contenus numériques, des services de communication ou des services de paiement »
T’es balèze Marc pour arriver à voir ce qu’ils veulent dire, j’en suis incapable ^^
Le 08/02/2019 à 17h12
Ponctionner, ponctionner, il en restera comme toujours plus de chômeurs (ou des fonctionnaires, ce qui revient au même).
On peut peut-être reprocher à Trump son approche bulldozer, mais le succès de son bilan économique (voir son discours SOTU) à base de baisses drastiques de taxes et impôts devait faire réfléchir les zétites locales. Non je plaisante, elles sont trop occupées à concevoir leurs nouvelles ponctions pour faire perdurer l’illusion.
Le 10/02/2019 à 07h45
Le 10/02/2019 à 08h10
Le 10/02/2019 à 08h13
Incroyable… Je me souviens de l’annulation du projet en 2011 et de la proposition aberrante de taxer la bande passante en 2013, mais je ne pensais pas que c’était à ce point un marronnier…
Le 10/02/2019 à 09h03
L’impact environnemental de cette activité est quasi nul de toute manière.
heu….je NE suis pas de CET avis ! " />
YouTube
Le 10/02/2019 à 09h19
Le 10/02/2019 à 09h32
1/ Où sont tous ces intoxiqués/morts depuis 1949, soit depuis 70 ans que la technique de fracking est opérationnelle ? Sur les millions de traitements effectués, aucun cas effectif de pollution de nappes n’a été constaté et rapporté (cf les rapports de l’EPA US). De rares problèmes peuvent survenir lors de la construction d’un puits quelconque [1], pas du fracking dont les opérations se situent bien plus profondément.
D’autant plus que le méthane s’échappe naturellement du sol et des sources d’eau depuis toujours [2], contrairement à ce que pourrait laisser penser la désinformation des documenteurs activistes [3].
2/ « on en parle ? » Pas plus ou pas moins que toutes les mines à ciel ouvert qui existent depuis qu’on mine, ou qu’on ouvre des carrières de pierres ou autres ou plus généralement qu’on exploite la Nature pour survivre partout dans le monde. Et alors ? Tu ne pourrais pas écrire tes inepties si tous les produits de ces mines n’existaient pas – il n’y aurait pas non plus d’éoliennes ou de panneaux solaires, ce qui ne serait pas plus mal vu le gaspillage de ressources que cela entraîne (mais là bizarrement on n’entend plus grand monde).
L’Inde à elle seule (mais tout comme la Chine et bien d’autres pays) a ouvert 52 mines de charbons ces 5 dernières années, cela relativise les enjeux et les trajectoires possibles, mais cela démontre par les actes que les gouvernements préfèrent alimenter l’économie en réduisant la charge énergétique, c’est à dire en favorisant la prospérité des individus, que des chimères climastrologiques.
Et c’est tant mieux pour les plus pauvres. Il ne faudrait vraiment pas avoir de cœur pour leur refuser l’accès à l’électricité bon marché et aux dividendes du progrès.
3/ Je défends surtout mon droit à exercer mon esprit critique et à cultiver mon scepticisme face aux torrents de propagande des escrologistes et de leurs marionnettes. On ne peut pas faire une analyse honnête en se contentant de ne pointer que « ce qui ne va pas en ce bas-monde », une posture avec 0 argument qui permet seulement au croyant d’afficher sa vertu et de soigner son égo pour maintenir son idéologie de la même manière qu’un alcoolique tient à sa bouteille.
Enfin je défends aussi mon droit à comparer, et quand je compare les résultats, j’observe manifestement qu’on sait mieux faire aux USA qu’en EURSS/France en dépit des nombreux donneurs de leçons.
[1]https://www.thetimes.co.uk/article/fracking-not-guilty-of-water-contamination-x7…
[2]http://archives.datapages.com/data/bulletns/1982-83/data/pg/0067/0003/0500/0539b…
[3] YouTube[4]https://timesofindia.indiatimes.com/india/government-opened-52-coal-mines-to-fue…
Le 10/02/2019 à 09h33
Le 10/02/2019 à 09h39
Et là : YouTube
Le 10/02/2019 à 12h29
J’ai les poils qui se hérissent face à son dogmatisme à chaque fois que je le/la lis…
Surtout que je suis le premier à prendre du recul sur les discours des activistes de tout bord pour ne pas tomber dans le manichéisme.
Mais il y a des réalités dont je ne comprends pas comment on peut les nier, hormis par mauvaise fois en sortant des sources qui vont seulement dans le sens désiré et en ignorant le reste en les qualifiant d’escrocs et/ou marionnettes…
C’est toute une gymnastique intellectuelle du quotidien d’adopter un esprit critique. Et la plupart de ceux qui se vantent d’en faire preuve, ou viennent donner ds leçons sur le sujet comme lui/elle, sont souvent les plus bornés.
Le 10/02/2019 à 13h55
Bon, allez, puisqu’on est bien parti dans le hors-sujet de toute façon…
Le 10/02/2019 à 14h46
Le 10/02/2019 à 14h56
https://www.xkcd.com/386/
La meilleure chose à faire est d’ignorer ces gens-là.
Le 10/02/2019 à 18h59
L’industrie gaz/pétrole non conventionnels s’est endettée comme tous les activités nécessitant beaucoup de capital au démarrage puis pour sa croissance rapide toujours en cours. C’est correctement abordé ici : cette industrie a restructuré sa dette lors du dernier crash, avec très peu de fermeture de compagnies, ce qui a été suivi par des gains de productivité importants (innovations tech.).
L’argent coule à flot pour une unique raison : la dette est peanuts face aux énormes profits ! Et l’une des raisons pour cela est due à la technique elle-même : 2-3 semaines du forage à la production, puis production autonome pendant des décennies à un coût ridiculement faible (le premier puits de gaz de schiste foré en 1998 produit toujours 20 ans plus tard).
Le 10/02/2019 à 23h44
Et les puits de gaz forés au 19ème siècle et avandonnés depuis aussi produisent aussi encore du méthane! wtf..