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La transparence des « algorithmes locaux » de Parcoursup en débat devant le Conseil d’État

Locaux motion

La transparence des « algorithmes locaux » de Parcoursup en débat devant le Conseil d’État

Le 20 mai 2019 à 14h40

Les algorithmes dits locaux utilisés par certaines universités afin de pré-classer des candidats sont-ils communicables à tout citoyen qui les réclame ? Cette question, lourde de conséquences pour des milliers d’étudiants, est débattue aujourd’hui devant le Conseil d’État. Le rapporteur public invite la haute juridiction à répondre par la négative.

Ironie du sort : cette demande de transparence sur le cœur de la machine Parcoursup est examinée alors que de premiers « bugs » ont été dénoncés la semaine dernière, certains candidats ayant reçu des messages erronés d’admission.

Mais pour bien comprendre, retour sur le fonctionnement de Parcoursup.

Avec le successeur d’Admission Post-Bac, la procédure de sélection des étudiants s’effectue en deux phases. Les futurs bacheliers doivent tout d’abord exprimer leurs vœux de poursuite d’études (licence de droit, BTS tourisme, etc.) sur une plateforme nationale. Les établissements sont ensuite appelés à examiner le dossier de chaque candidat, après avoir présenté les « attendus » et « critères généraux » requis pour intégrer la formation en question.

Pour faciliter le tri des dossiers, les universités et écoles peuvent recourir à un « outil d’aide à la décision », parfois qualifié d’algorithme local. « Cet outil d'aide n'est qu'une feuille de calcul préremplie a minima par la liste des candidats et certaines de leurs caractéristiques (boursier, réorientation, baccalauréat international, etc.) », expliquait le comité éthique et scientifique de Parcoursup, dans un rapport rendu public en début d’année (PDF).

Un tableau Excel paramétré différemment en fonction des formations

Chaque formation module en principe ce tableau Excel en fonction de critères qui lui sont propres. « L'outil ne permet de remplir des cases que par des nombres (des notes) et nécessite de pondérer les colonnes pour générer un pré-classement automatisé des candidats, permettant de préparer le travail de la commission d’examen des vœux », détaillait en outre le comité.

C’est ce fichier qui est aujourd’hui au centre des débats : peut-il être librement consulté par les citoyens, au même titre que tout document dit administratif (rapport, statistiques, code source...) ?

Au travers d’un jugement en date du 4 février dernier, le tribunal administratif de Guadeloupe a considéré que les « algorithmes locaux » de l’université des Antilles étaient communicables à l’UNEF, qui en avait fait la demande.

« Contrairement à ce que soutient l’université des Antilles, la communication à l’UNEF des traitements algorithmiques sollicités ne porte pas atteinte au secret des délibérations, protégé par l’article L. 612 - 3 du Code de l’éducation, puisque cette communication ne portera que sur la nature des critères pris en compte pour l’examen des candidatures, leur pondération et leur hiérarchisation, et non sur l’appréciation portée par la commission sur les mérites de chacune de ces candidatures » avait alors retenu la juridiction, qui s’était ainsi ralliée à la position défendue par Jacques Toubon, le Défenseur des droits.

Et pour cause. Au fil de la procédure, l’établissement avait confirmé que les commissions chargées d’examiner les candidatures s’étaient appuyées sur des traitements de données dont elles avaient « défini les paramétrages », sans que ceux-ci ne se soient pour autant « substitués à l’appréciation portée par les membres de ces commissions ». Autrement dit, le programme a effectué un pré-classement, avant qu’un jury ne vienne opérer la sélection finale, selon ses propres critères.

Condamnée à transmettre ses « procédés algorithmiques » ainsi que « le ou les codes sources correspondants » sous un mois, l’université des Antilles avait rapidement annoncé son intention de se pourvoir en cassation, devant le Conseil d’État, afin que la plus haute juridiction administrative statue sur ce dossier et « explicite le cadre légal que les universités sont amenées à mettre en œuvre ».

Nombreuses questions autour du régime dérogatoire introduit par la loi ORE

Le ministère de l’Enseignement supérieur soutient en effet que les fameux « algorithmes locaux » n’ont pas à être rendus publics, en vertu de dispositions introduites l’année dernière, lors de l’examen du projet de loi sur « l’orientation et la réussite des étudiants » (voir notre article).

Sous couvert de « garantir la nécessaire protection du secret des délibérations des équipes pédagogiques », ce qui est aujourd’hui l’article L612-3 du Code de l’éducation prévoit que les obligations résultant de deux articles issus de la loi pour une République numérique de 2016 sont « réputées satisfaites », dès lors que les candidats se voient « informés de la possibilité d’obtenir, s’ils en font la demande, la communication des informations relatives aux critères et modalités d’examen de leurs candidatures ainsi que des motifs pédagogiques qui justifient la décision prise ».

Grosso modo, ces dispositions dispensent les universités de se plier aux obligations suivantes :

  1. Communiquer sur demande aux candidats, non pas l’algorithme utilisé pour traiter leur dossier, mais les « règles » définissant ce programme informatique et les « principales caractéristiques » de sa mise en œuvre, au regard de leur situation individuelle (L311-3-1 du CRPA).
  2. Mettre en ligne, en Open Data, les fameuses « règles » définissant « les principaux traitements algorithmiques » utilisés dans le cadre de Parcoursup (L312-1-3 du CRPA).

Devant le Conseil d’État, l’université des Antilles, rejointe notamment par la conférence des présidents d’université et la conférence des grandes écoles, fait valoir que le secret des délibérations du jury introduit par la loi ORE s’applique également aux fameux outils d’aide à la décision réclamés par l’UNEF. Ce qui ferait barrage à la mise en œuvre du droit d’accès aux documents administratifs.

Le syndicat étudiant rétorque de son côté que les (bien courtes) discussions parlementaires sur ce sujet prêtent à débat. Devant le Sénat, la ministre de l’Enseignement supérieur avait notamment assuré que « les codes sources de tous les algorithmes de Parcoursup » seraient rendus publics.

Frédérique Vidal s’était même voulue des plus rassurantes : « La publication des algorithmes est inscrite dans la loi : ce n’est pas le sujet ici. Cet amendement vise simplement à permettre à un candidat d’obtenir communication, dans le cadre d’une démarche individuelle, des raisons de la décision le concernant, tout en préservant le secret des délibérations des équipes pédagogiques. »

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La ministre Frédérique Vidal - Crédits : Assemblée nationale

Désormais en position de défenseur, l’UNEF estime en outre que le secret des délibérations du jury n’aurait dans tous les cas pas vocation à s’appliquer aux tableaux Excel sollicités, dans la mesure où ceux-ci ne servent normalement qu’à effectuer un pré-classement – et non à prendre une décision définitive.

Selon nos informations, le rapporteur public a malgré tout invité le Conseil d’État à annuler le jugement rendu par le tribunal administratif de Guadeloupe.

La décision de la haute juridiction devrait être connue d'ici deux à trois semaines. Autant dire qu’elle sera scrutée de très près par de nombreux lycéens (et leurs parents), mais aussi par les universités, qui craignent visiblement de dévoiler leurs critères de pré-sélection des étudiants.

Commentaires (18)

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L’UNEF qui fait quelque chose pour les étudiants, c’est inédit ça ! <img data-src=" />



“Blague” à part, de mon point de vue il y a vraiment du pour et du contre à révéler ces algos.

Le pour en vérifiant que les critères de choix sont bien “légaux et cohérents” avec des critères de choix pour la formations en question.

Le contre est clairement que il est plus facile de faire remonter sont dossier en connaissant les critères de sélection au détriment des autres.

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Avoir peur de publier de tels critères n’est pas rassurant quand à l’impartialité des dits critères…

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Lesgalapagos a écrit :



Avoir peur de publier de tels critères n’est pas rassurant quand à l’impartialité des dits critères…





C’est précisément ce que je pense.


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Lesgalapagos a écrit :



Avoir peur de publier de tels critères n’est pas rassurant quand à l’impartialité des dits critères…





Comme aiment à le dire nos politiques, “quand on n’a rien à se reprocher, on n’a rien à cacher”. <img data-src=" />


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C’est toujours étonnant cette peur de la transparence … si les critères sont “neutres” pourquoi craindre la diffusion des algorithmes.

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goom a écrit :



C’est toujours étonnant cette peur de la transparence … si les critères sont “neutres” pourquoi craindre la diffusion des algorithmes.





Comme dit plus haut, ça pourrait être pour éviter la manipulation des résultats. Cela pourrait être également pour masquer l’incompétence de ceux qui font l’algorithme.


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Je pense que c’est surtout par peur que la décision “politique” de telle ou telle école de ne pas prendre de boursiers (par exemple) pourrait faire scandale.



Et puisqu’on vous dit que de toutes manières ce n’est PAS utilisé pour sélectionner les candidats, mais juste pour aider à la sélection : pas de raison qu’on puisse “tricher”… Ou alors on nous ment ?! :-P

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Je trouve ça plus compliqué

S’il y a des algorithmes c’est parce qu’il y a des critères et les critères ça ne peut pas être neutre

Si c’était neutre il n’y aurait pas besoin d’algorithme et des entrées uniquement sur concours

Mais les concours ça pourrait faire hurler beaucoup de monde et en laisser sur le carreau

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Je pense que c’est surtout pour éviter des recours d’étudiants qui diraient « j’ai un meilleur “score” que machin avec votre algorithme, pourquoi j’ai pas été pris ? »

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If (lycée Henri IV)



    Then (get what you want)   





Voilà, les autres c’est au pifomètre.

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Imaginons un algo local :

-1- un gars récupère le dossier (numérique ou papier),

-2- il le lis et y met une évaluation selon ce qu’il pense être les besoins préalable de sa formation,

-3- une seconde personne fait pareil.

-4- un jury fait la moyenne des deux évals, y ajoute un bonus/malus suivant d’autres critères locaux (pas assez de fille par exemple)

-5- ce même jury classe ensuite tous les dossiers et retourne le résultat à parcoursup.



Variante : sur le point 4 par exemple : le jury discute (oralement donc avec pour seul critère ce que les membres du jury ont en tête) des cas où les évals sont trop différentes et décide de l’évaluation qui sera attribué au dossier (peut-être l’une des éval, peut-être aucune, … selon l’humeur la fatigue et suivant celui qui saura parler plus pour ou contre le dossier)





Franchement, que voulez-vous qu’ils vous donne comme algo. Soyons sérieux.






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l’établissement avait confirmé que les commissions chargées d’examiner les candidatures s’étaient appuyées sur des traitements de données dont elles avaient « défini les paramétrages », sans que ceux-ci ne se soient pour autant « substitués à l’appréciation portée par les membres de ces commissions ». Autrement dit, le programme a effectué un pré-classement, avant qu’un jury ne vienne opérer la sélection finale, selon ses propres critères.



Je veux bien que le jury modifie le classement en partie : rejette certains qui étaient classés assez bien pour être pris et accepte certains classés après eux, mais globalement, ceux qui sont très mal classés par l’algo, ils n’ont aucune chance d’être admis. Dans le cas contraire, l’algo local ne servirait à rien si le jury examinait quand même tous les dossiers.



On peut donc affirmer que l’algo local rejette automatiquement une partie des candidats. Il doit donc être communicable.

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La transparence est la regle pour chaque entite publique, pour toutes leurs actions. Le contribuable pait l’etat pour qu’il fonctionne, le contribuable a le droit de savoir TOUT ce qui se passe dans le publique, le tout dans le respect de la vie prive. Meme la plus petite decision de mairie!

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En réponse a #7:

Rien a voir.

La sélection des boursiers s’effectue sur un classement parallèle spécifique pour atteindre le nombre de boursiers recrutés minimum requis par le rectorat.

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Pour avoir fait partie de jurys de sélection je dirai que c’est en grande partie par peur de révéler la petite tambouille maison (pas très juste) et ainsi éviter les recours à la pelle.



A résultats égaux (ou non) le nom de l’etablissement entre souvent en jeux (principalement pour les notes à l’année, pas celle du bac).



Il en va de même pour les sélections suivantes ou selon l’université d’origine les résultats du candidat sont regardés différemments.



Cela est tout simplement la pour tenter de compenser la forte disparité des notations en fonction des établissements.

Résultat d’une politique educative catastrophique (les moyens diminuent alors que le nombre d’étudiants explose…).

En raison du manque de place une sélection doit être faite, avec toutes ses imperfections.

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Je pense que la volonté de masqué certains choix.&nbsp;



Face à une école et une république dit “égalitaire”. Où l’on explique que le BAC et les Formations sont les mêmes partout cela reviens à détruire un mythe (qui ne tiens déjà à pas grand choses).&nbsp;



Bien sûr que une 19 à Louis le Grand, Henri 4 et autre n’ont pas la même valeur que un 19 en Banlieue. Et je parle même pas des différences au sein d’un même établissement entre différents professeurs (qui eux ne sont pas pris en compte).&nbsp;

&nbsp;

Si des coefficiant correcteur existe, certaines écoles ou professeur auront très vite fais le nécessaire pour&nbsp; s’adapter aux critères de sélection et permettre à leur élèves d’avoir la formation de leur choix.&nbsp;



Imaginer un seul instant que parmi les critère de sélection on a une pondération favorisant les filles (par exemple pour des filières scientifiques majoritairement masculine), correspondant à 3% du score final. La levée de bouclier qu’il risque d’y avoir.&nbsp;



&nbsp;

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Norde a écrit :



Pour avoir fait partie de jurys de sélection je dirai que c’est en grande partie par peur de révéler la petite tambouille maison (pas très juste) et ainsi éviter les recours à la pelle.



A résultats égaux (ou non) le nom de l’etablissement entre souvent en jeux (principalement pour les notes à l’année, pas celle du bac).



Il en va de même pour les sélections suivantes ou selon l’université d’origine les résultats du candidat sont regardés différemments.



Cela est tout simplement la pour tenter de compenser la forte disparité des notations en fonction des établissements.

Résultat d’une politique educative catastrophique (les moyens diminuent alors que le nombre d’étudiants explose…).

En raison du manque de place une sélection doit être faite, avec toutes ses imperfections.





Je seconde totalement cette triste mais nécessaire tambouille.



&nbsp;Faut-il aussi repréciser que certains profs de terminale mettent des notes (ou des apréciations) dythyrambiques et fausses, pour faire planter le process parcoursup ?

&nbsp;

Si cette tambouille, certes triste, mais malheureusement nécessaire pour corriger ces biais est rendue “visible”, ce n’est pas que elle qui doit être remise en cause, mais dès lors aussi tous les mécanismes de validations des notes en local par les établissements et/ou l’augmentation des CCA/ECA au Bac, qui forme une tendance de fond depuis plusieurs années.



Et pour compléter sur les fausses bonnes idées, l’anonymisation qui semble être la panacée:

Tellement qu’elle ne permet dès lors plus de revaloriser un candidat qui fait la démarche de participer à des journées portes-ouvertes, et de montrer de manière réelle (et non trichée comme la lettre de motivation) sa volontée de rejoindre une formation.

Dès lors que les dossiers sont anonymisés (comme c’est le cas cette année), il est impossible de favoriser ces élèves qui ont pourtant fait une démarche personnelle importante pour choisir leur filière dans le supérieur.


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Effet inattendu du “didgitalle”&nbsp; :




  • vous aviez le droit d’être&nbsp;<img data-src=" /> et de vous taire

  • vous avez maintenant l’obligation de le déclarer en plusieurs exemplaires



    Nos fonctionnaires n’ont pas changés en plusieurs décennies, soyez patients.



    &nbsp;&nbsp;

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