Le gouvernement veut instaurer une « liste noire » des plateformes non-coopératives
Au nom du fisc
Le 09 octobre 2019 à 14h05
7 min
Droit
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Afin de pousser les plateformes (Airbnb, eBay, Uber, Amazon...) à davantage de coopération, notamment avec l’administration fiscale, le gouvernement prévoit d’instaurer une « liste noire » des acteurs jugés « non-coopératifs ».
Si Bercy dispose de longue date d’un « droit de communication » auprès des acteurs du numérique, le législateur a considérablement étoffé ces dernières années les obligations pesant sur les plateformes dites d’économie collaborative.
Les sites de mise en relation (pour des échanges de biens, de services...) ont ainsi été enjoints à rappeler à leurs utilisateurs leurs obligations en matières fiscale et sociale : quand et comment déclarer des revenus issus d’une location ou d’un covoiturage, etc. Pour les sommes perçues à partir de 2019, les plateformes telles qu’Uber, eBay ou Airbnb devront par ailleurs en informer directement l’administration fiscale, sauf rares exceptions (voir notre article).
Bercy ne s’en cache d’ailleurs pas : les opérateurs de plateformes sont désormais « directement impliqués, comme contribuables mais aussi comme tiers auxiliaires de l’administration fiscale ».
Afin de s'assurer de la « pleine coopération des opérateurs de plateforme à cette démarche d’adaptation de la fiscalité à la numérisation de l’économie », le projet de loi de finances pour 2020 entend toutefois jouer la carte du name & shame. L’idée : diffuser sur Internet une liste des acteurs « ne respectant pas, de manière réitérée, les obligations auxquelles les astreint le droit fiscal français ».
Inscription sur une « liste noire », pour un an maximum
« La garantie d’une redistribution juste et équitable des richesses créées grâce au numérique passe par l’inclusion de l’ensemble des acteurs dans le prélèvement de l’impôt, utilisateurs comme opérateurs de plateformes », insiste l’exécutif, toujours en marge du budget 2020.
Dès lors qu’une plateforme fera l’objet de deux mesures de rétorsion (ou plus) « en moins de douze mois », l’administration fiscale pourra décider de l’inscrire, en guise de sanction, sur une « liste noire » précisant, outre sa « dénomination commerciale », son « activité professionnelle » et « son État ou territoire de résidence ».
Par « mesure de rétorsion », il faut entendre mise en recouvrement :
- De la TVA dont l’opérateur aura été rendu redevable au titre du nouveau principe de « responsabilité solidaire » des plateformes, applicable à partir de 2020.
- D'une imposition résultant d'une taxation d'office à la toute récente « taxe GAFA ».
- De l'amende prévue pour absence de réponse à une demande de l'administration fiscale dans l'exercice d'un droit de communication non nominatif ou du droit de communication spécifique prévu à l'égard des opérateurs de plateforme.
- De l'amende prévue pour non-respect des obligations relatives à la déclaration automatisée des revenus issus des plateformes.
- D'une imposition résultant d'une taxation d’office à la TVA sur les ventes à distance réalisées par l’intermédiaire de la plateforme.
« Cette sanction sera applicable aux opérateurs de plateforme qui après avoir fait l'objet de l'une des mesures prévues par le texte, fera à nouveau l'objet de l'une de celles-ci dans les douze mois qui suivent », résume le gouvernement. En pratique, cette mise au pilori numérique sera certes à l'initiative de l’administration fiscale, mais après avis « conforme et motivé » de la commission des infractions fiscales.
Dès lors que l’institution sera saisie, « une copie de la saisine de la commission » devra être adressée la plateforme mise en cause. Cette dernière pourra ainsi présenter ses observations écrites « dans un délai de trente jours », précise le projet de loi de finances. La commission des infractions fiscales appréciera au cas par cas, « au vu des manquements et des circonstances dans lesquels ils ont été commis », si la publication est justifiée.
Si l’inscription sur cette « liste noire » est confirmée, l’opérateur concerné devra en être averti. Cette notification détaillera au passage « les motifs » de la sanction et informera de la possibilité de présenter de nouvelles observations, dans un délai de soixante jours.
Aucune mise à l’index ne pourra d’ailleurs avoir lieu avant l’expiration de ce délai de soixante jours.
Une désinscription « sans délai » en cas de paiement par la plateforme
D’un point de vue plus technique, le texte prévoit que cette publication se fera « sur le site Internet de l'administration fiscale ». Des dispositions qui pourraient néanmoins être complétées ultérieurement, un décret étant censé préciser le dispositif.
En tout état de cause, cette mise à l’index ne pourra excéder un an. Elle sera d’ailleurs « retirée sans délai » dès lors que la plateforme aura « acquitté l'intégralité des impositions ou amendes » ayant motivé l’inscription sur la « liste noire ». Autant dire qu’avec ce nouveau dispositif, Bercy entend ajouter une nouvelle corde à son arc pour faire entrer certain réfractaires dans le rang.
L’exécutif estime en effet que cette mesure « permettra d’informer les consommateurs, et plus largement les citoyens, de l'identité des plateformes les moins respectueuses de leurs obligations fiscales, dans un but de transparence et d’amélioration de la concurrence dans le secteur de l’économie numérique ». En clair, le gouvernement espère que les Français se détourneront des sites pointés du doigt.
Une batterie de mesures pour limiter les fraudes à la TVA
Le projet de loi de finances pour 2020, dont l’examen débute tout juste à l’Assemblée, contient d’autres mesures en lien avec les plateformes.
Sur le fondement de la directive européenne de 2017 relative au commerce électronique, le gouvernement propose que les plateformes deviennent « redevables de la TVA lorsque celles-ci facilitent les ventes à distance de biens importés de moins de 150 euros ou qu’elles facilitent les livraisons domestiques ou les ventes à distance intracommunautaires de biens réalisées par leur intermédiaire par un vendeur non établi dans l’Union européenne ».
Le problème est en effet bien connu : des vendeurs, basés à l’étranger, échappent à la TVA en passant par des marketplaces, de type Amazon ou eBay. L’année dernière, un rapport sénatorial expliquait ainsi que la fraude à la TVA s'avérait « quasiment indétectable », dès lors que les colis correspondants étaient « non-déclarés, ou déclarés abusivement » comme des envois dits à valeur négligeable (EVN), des cadeaux ou des échantillons.
Les plateformes deviendront également redevables de la TVA dès lors qu’elles facilitent « des ventes de biens importés en provenance de pays tiers à destination de consommateurs situés en France ». Et ce, « à la place de la personne désignée comme destinataire réel des biens sur la déclaration d’importation (en règle générale, le client) ».
Afin de faciliter les contrôles, les acteurs du e-commerce devront en outre disposer d’un registre, à conserver pendant dix ans, « afin de permettre aux États membres où ces livraisons et prestations sont imposables de vérifier que la TVA a été correctement acquittée ».
Dans un registre similaire, il est prévu que les entrepôts présents sur le territoire national « tiennent à la disposition de l’administration les informations indispensables pour identifier les propriétaires des biens vendus, ainsi que pour définir la nature, la provenance, la destination et le volume des biens importés ».
Ces informations, accessibles (sur demande) à l’administration fiscale, permettront « d'identifier les redevables non établis en France et non immatriculés à la TVA ». Bercy explique que des recoupements pourront par ailleurs être effectués à partir des données transmises par les plateformes, au titre des revenus générés par leurs utilisateurs.
Le gouvernement veut instaurer une « liste noire » des plateformes non-coopératives
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Inscription sur une « liste noire », pour un an maximum
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Une désinscription « sans délai » en cas de paiement par la plateforme
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Une batterie de mesures pour limiter les fraudes à la TVA
Commentaires (21)
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Abonnez-vousLe 09/10/2019 à 15h30
Le 09/10/2019 à 15h40
Le 09/10/2019 à 16h18
Donc en gros, le gouvernement va nous fournir une liste des “méchantes plateformes qui ne partagent pas les informations au fisc, notamment les revenus qu’ils peuvent en tirer” ? Je n’appelle pas ça une mise au pilori, j’appelle cela de la publicité gratuite " />
Le 09/10/2019 à 16h29
Alors que, s’il imposer le prélèvement d’office de la TVA sur tout les vendeurs étranger et goupiller un système de remboursement calqué sur la copie privé, cela serait le jackpot." />
Le 09/10/2019 à 17h08
Le gouvernement profond de Bercy est au abois à coller des étoiles jaune pendant que Laffer est en train de triompher sans parader.
Le 09/10/2019 à 18h16
Une liste noire ? Comme pour les paradis fiscaux ? Et ben on est pas rendus …
Le 09/10/2019 à 18h47
Une liste noire dont personne ne connaitra l’existence. Les récalcitrants vont en faire des cauchemars.
Mais pourquoi sont-ils si méchants ? " />
Le 09/10/2019 à 19h22
Le 10/10/2019 à 05h19
Pourquoi vous parlez de liste “secrète” pour laquelle personne ne sera au courant ?
L’article dit que la plateforme sera avertie et que la publication sera faite sur le site de l’administration fiscale, avec une durée d’un an dans le registre.
Le 10/10/2019 à 06h55
c’est aussi mon avis !
“mais, pourquoi faire simple, alors qu’on peut……blablabla” ! " />
Le 10/10/2019 à 07h53
Si j’ai bien compris, ces grands groupes seront fichés sur une liste pour non respect de la loi sur le territoire français alors que les citoyens et entreprises ordinaires sont poursuivis et condamnés par la justice ?
Le 10/10/2019 à 08h15
hé oui !
“comme quoi : il y aurait, bien, 2……” ! " />
Le 10/10/2019 à 08h32
Encore une fausse bonne idée.
Vouloir qu’une entreprise collabore ne justifie pas qu’on porte atteinte à son image. Ce n’est pas parce que lui commet une infraction que tu as le droit d’en commettre une à son égard.
Il existe des textes pour forcer à ce qu’une entreprise collabore, le juge peut déjà sanctionner ces comportements.
Si Bercy veut les forcer à collaborer, elle n’a qu’à mettre en œuvre la loi existante et saisir les instances judiciaires en cas de besoin. Ce n’est certainement pas le temps ni les moyens qui leur manque.
Le “name&shame” n’apporte que des problèmes et risque fort de se retourner contre Bercy si une entreprise utilise un avocat un peu sérieux.
Le 10/10/2019 à 09h34
c’est visiblement beaucoup plus simple que de faire une liste de paradis fiscaux…
Le 10/10/2019 à 09h43
Cette liste sera aussi corrompue et crédible que la “liste noire des paradis fiscaux” de l’UE? (sauf nos copains/complices voleurs d’états) " />
Le 10/10/2019 à 09h56
Toujours leur obsession de placer le mot “numérique” 3x par phrase dans leur lois fiscales… pour s’assurer que Total, Loreal et les autres champions français du vol de contribuables, puissent continuer de nous voler en toute impunités " />
Le 09/10/2019 à 15h20
L’exécutif estime en effet que cette mesure « permettra d’informer
les consommateurs, et plus largement les citoyens, de l’identité des
plateformes les moins respectueuses de leurs obligations fiscales, dans
un but de transparence et d’amélioration de la concurrence dans le
secteur de l’économie numérique »
Je propose qu’on fasse pareil avec les responsables politiques.
L’exécutif estime en effet que cette mesure « permettra d’informer les électeurs, et plus largement les citoyens, de l’identité des élus les moins respectueux de leurs obligations fiscales, dans un but de transparence et d’amélioration de la démocratie »
Le 09/10/2019 à 15h29
Tu veux dire que sans une telle mesure, on ne saurait pas que Cahuzac, Thévenoud ou les Balkany ont eu des délicatesses avec le fisc ?
Le 10/10/2019 à 10h04
Ou que les millions de Macron ont disparu sans laisser de traces, sans que Bercy enquête pour lui faire payer l’impôt sur la fortune… justice de classe " />
Le 10/10/2019 à 10h19
Le 10/10/2019 à 21h09