En appel, Qwant échoue à faire condamner Annuaire Français pour dénigrement
Les choux et les couleuvres
Le 09 janvier 2020 à 16h11
5 min
Droit
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La Cour d’appel de Paris a infirmé l’ordonnance du tribunal de commerce de Paris. Le 14 juin 2019, celui-ci avait condamné Marc Longo, PDG d’Annuaire Français, pour dénigrement de Qwant. Les juges d’appel ont estimé ces demandes irrecevables, celles-ci relevant uniquement de la loi de 1881. Next Inpact diffuse la décision.
En mai 2019, Qwant avait fait assigner Marc Longo et la SAS Société Nouvelle de l’Annuaire Français devant le juge des référés du tribunal de commerce de Paris.
Le 14 juin, victoire. Le tribunal les condamna à cesser « tout acte de dénigrement, sous quelque forme que ce soit et sous quelque support que ce soit, à l'encontre de la SAS Qwant et de son moteur de recherche » (notre actualité : Qwant fait condamner un « concurrent » pour « dénigrement ») .
Cette décision fut frappée d’appel à la demande de Marc Longo. Qwant est donc revenue à la charge, soutenant qu’Annuaires Français et son PDG « exercent une activité concurrente de la sienne [et] se livrent à une véritable campagne de dénigrement laquelle constitue un trouble manifestement illicite qu’il y a lieu de faire cesser ». La société d’Éric Léandri leur réclame 100 000 euros de dommages et intérêt outre 5 000 euros au titre des frais.
Plusieurs messages de Marc Longo, mis à l’index dans la décision, permettent de jauger l’ambiance électrique : « La panne de Qwant en mars 2018 a révélé qu’ils n’avaient pas la main pour redémarrer leur serveur, c’est une société ISRAELIENNE qui en a la maîtrise » ; « Trahison du moteur de recherche Qwant. Les tours de passe-passe de Léandri sur l’envoi des données en secret à Microsoft », etc.
Également dans le viseur, une lettre ouverte adressée aux députés et sénateurs où est dénoncé « l’amateurisme » supposé de Qwant, parmi d'autres affirmations :
Qwant s'est planté de procédure
Selon l’interprétation de la cour d’appel toutefois, ces propos visent uniquement Qwant et son dirigeant, « à l’exclusion de ses produits ou services ». Ainsi, « ils n’ont pas pour objet de mettre en cause la qualité des prestations fournies par la société Qwant mais portent sur le comportement de cette dernière ».
Cette nuance doit être vue comme prémice de la décision : elle souligne que les passages mis en exergue sont « susceptibles de porter atteinte à son honneur ou à sa considération en l’accusant d’utiliser un service Bing développé par la société Microsoft ou de laisser la main de son moteur de recherche à une société de droit israélienne et l’envoi de données personnelles de ses clients aux sociétés de droit américain ».
Pourtant, la cour d’appel estime que le débat est étranger au dénigrement, mais se pose uniquement sur le terrain de la diffamation, à supposer qu’elle soit vérifiée.
Un débat sur le terrain de la diffamation, non du dénigrement
Pour la faire arriver à cette conclusion, Me Olivier Itéanu, avocat de Marc Longo, s’est utilement appuyé sur un tweet de Guillaume Champeau, directeur éthique et juridique de Qwant qui, le 27 avril 2019, a invoqué l’existence de « dénigrements et diffamations ».
Mieux, d’après les juges, « il n’est nullement établi avec l’évidence requise en référé en quoi M. Longo et la société nouvelle de l’annuaire français auraient entendu profiter d’un avantage concurrentiel à raison des propos incriminés dès lors que les appelants n’exercent nullement une activité concurrentielle de la sienne ».
Toujours selon eux, ces propos s’inscrivent dans un débat d’intérêt public, non dans l’objectif de détourner la clientèle de Qwant, alors que l’objet social de l’une et l’autre ne se confond pas.
« Il en résulte que les propos incriminés ne peuvent manifestement pas constituer des actes de dénigrement et sont susceptibles de revêtir la qualification de diffamation de sorte qu’ils auraient dû faire l’objet de poursuites sur le fondement de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse » en déduit l’arrêt. « L’ordonnance doit être infirmée et les demandes de la société Qwant déclarées irrecevables ».
Qwant devra au surplus indemniser Marc Longo à hauteur de 5 000 euros au titre des frais engagés.
La décision, susceptible de pourvoi en cassation, intervient un jour avant l'annonce d'un changement à la direction de Qwant. Eric Léandri va quitter ses fonctions de président pour la tête d’un comité stratégique de l’entreprise. Il sera remplacé par Jean-Claude Ghinozzi, aujourd’hui directeur général adjoint de Qwant et, dans le passé, en charge des ventes et du marketing de Microsoft France.
En appel, Qwant échoue à faire condamner Annuaire Français pour dénigrement
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Qwant s'est planté de procédure
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Un débat sur le terrain de la diffamation, non du dénigrement
Commentaires (22)
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Abonnez-vousLe 10/01/2020 à 08h31
Coluche : “t’as l’avocat qui connaît bien la loi, et l’avocat qui connaît bien le juge”. Pourtant, là celui qui connaît bien la loi a suffi " />
Le 10/01/2020 à 08h44
Il faut dire qu’Iteanu est loin d’être un amateur. " />
Le 10/01/2020 à 10h16
Le 10/01/2020 à 10h23
Oui et non.
Quand tu axes ta communication autour de la souveraineté blablabla et qui, ça la fout mal de se faire surprendre en train d’héberger chez Azure.
Pour l’histoire des israéliens j’ai pas assez d’info pour me prononcer. Si c’est juste de l’assistance sur le redémarrage d’appliances spécifiques il n’y a rien de choquant, si c’est de l’infogérance depuis Israël là aussi c’est pas très souveraineté-compatible.
Le 10/01/2020 à 11h27
Selon des sources interne, la “rumeur” sur les baies Israeliennes est simplement un oublie de paiement de facture qui a été réglé au petit matin, non pas a l’époque faute de trésorerie mais un peu du n’importe quoi dans l’organisation.
Le 10/01/2020 à 17h02
Le terme “souveraineté” ne veut absolument rien dire pour moi puisqu’il n’est pas défini.
Louer de la puissance à un acteur du marché ne me paraît pas incompatible avec le fait de développer une technologie.
Tout comme recourir à un prestataire étranger non plus.
Personnellement, le jour où je verrai une définition précise de ce que le terme “souverain” signifie en terme d’IT, j’accepterai de revoir mon jugement sur ces points. En attendant, je considère que c’est du vent politico-commercial dans lequel on peut mettre tout et n’importe quoi.
Pour ma part, Qwant a perdu mon estime à cause de son hypocrisie en matière de grand chevalier de la protection de la vie privée tout en communiquant exclusivement sur des supports irrespectueux de celle-ci. (leur dernier post sur leur blog remonte à 2018, c’est pas comme si la multi publication sur les médias sociaux et autres plateformes on premise n’existait pas)
Le 10/01/2020 à 18h19
Si toutes les fonctions sont définies à l’avance par QWANT et que les machines louées se contentent de fournir le travail demandé, en effet, il n’y a aucun problème de “souveraineté”. La question c’est plutôt de savoir si le travail accompli est copié par l’environnement de travail ou altéré auquel cas je pense spontanément aux RNG.
En gros : si l’application MASQ ou son principe peut se retrouver aussi dans leur boulot OK. Mais ici il existe un arbitrage très net entre jeter la bouteille à la mer chez Microsoft et jeter la même bouteille mais fortement emballée aux clients du service QWANT. " />
Le 11/01/2020 à 08h54
A moins d’être dans le secret des dieux, ça restera beaucoup de spéculation et de masturbation politique à coup de “oui c’est du [insérez un nom ici] souverain !” sans jamais définir le périmètre de ce qu’est la souveraineté dans l’IT.
En poussant la réflexion à l’extrême, y’a rien de “souverain” à faire tourner son appli franco-française-de-france-hébergé-en-france-origine-france-garantie-méga-souveraine sur un VMWare américain (ou même un Proxmox autrichien, c’est pas français) installé sur un serveur Dell américain qui fait avec des pièces fabriquées en Asie.
Pour prendre un exemple personnel, un réunion pour organiser le DRP d’un périmètre applicatif. Parmi les différents intervenants, 4 définitions différentes de DRP, RTO, RPO, etc. Raison pour laquelle j’ai la sale manie d’aimer avoir un cadre écrit pour savoir de quoi on parle avant de faire quoique ce soit.
Le 09/01/2020 à 16h25
J’ai lu la news et je suis parti voir la section commentaire…qui est vide, je suis déçu, je voulais rigoler. :(
Le 09/01/2020 à 16h32
Je viens de me surprendre à rêver en train de lire une news qui parle de la roadmap technique de Qwant pour l’année en cours… Et en me réveillant, j’étais sur une news qui parle des ouinouins de Qwant… Je vais retourner rêvasser…
Le 09/01/2020 à 16h41
Quoi? Microsoft à la tête de Qwant ?
[cynisme] [This is a provocation]
Le 09/01/2020 à 17h06
Pourtant sur la news de ce matin on a 27 commentaires.
Next INpact
Le 09/01/2020 à 18h45
Une bonne nouvelle! Une pensée pour Marc Longo qui en a chié avec cette procédure illégitime.
Le 09/01/2020 à 18h55
ouais, enfin, la cours dit qu’il n’y a pas eu “dénigrement”, que la “diffamation” n’est pas exclue, mais ne rentre pas dans le champ de la plainte…
Le 09/01/2020 à 18h56
Vu les résultats obtenus avec la mauvaise procédure, doit on s’inquiéter de ceux qui seront obtenus avec la bonne ? " />
Le 09/01/2020 à 19h13
Marc Longo a permit de faire la lumière sur l’état de Qwant qui se vantait être autonome sans presque plus utiliser Bing alors qu’il y avait un petit index vieux de 2017 copié sur le schémas de Bing et tout le reste en provenance de Bing directement. Autant d’argent public pour un API ne pouvait perdurer. A voir la suite.
Le 09/01/2020 à 20h08
La cour d’appel a disculpé Marc Longo de l’accusation portée par Qwant. La diffamation n’est pas exclue mais elle n’est pas avérée non plus. De plus, le délai de prescription pour la diffamation publique est de 3 mois dans tous les cas. Donc game over pour Qwant et content pour Marc Longo.
Le 09/01/2020 à 20h08
Marc Longo a su choisir un excellent avocat pour se défendre, et c’est une bonne chose. Marrant parce que ça tombe pile poil au moment où on apprend que Léandri est évincé de la présidence de Qwant (il était temps).
Le 09/01/2020 à 20h13
Le délai de prescription pour la diffamation publique est de 3 mois. Donc normalement c’est bon " />
Le 09/01/2020 à 20h30
La panne de Qwant en mars 2018 a révélé qu’ils n’avaient pas la main
pour redémarrer leur serveur, c’est une société ISRAELIENNE qui en a la
maîtrise »
Oui, enfin bon , ça, ca s’appelle de l’infogérance , surtout sur des équipements spécifiques et très très coûteux avec des contrats de maintenance ya rien de choquant.
(Il me semble me rappeler que ce n’était pas “le serveur” mais des baies de stockage propriétaires qui avait été endommagées par inondation . On peux critiquer l’aspect proprio et le manque de PPRA efficace, mais bon, je pense qu’énormément de boites ont le même risque…)
Le 09/01/2020 à 21h01
Excellente nouvelle. Honnêtement avant les réévélations de NXi début juin j’avais une bonne image de Qwant, ce n’est plus le cas. Navré en tout cas pour les employés de cette société.
Le 09/01/2020 à 21h51
Oui, surtout avec du IaaS, PaaS, etc, qui permettent d’externaliser chez des cloud providers avec des contrats d’infogérence.
L’hébergement on premise avec les compétences techniques, c’est pas donné.
Qwant a certes cumulé des casseroles dernièrement au point d’avoir l’impression qu’ils ont racheté Téfal, mais les attaques sur leurs infras ou sur la location de puissance auprès d’Azure n’ont aucune raison d’être puisque c’est courant dans l’IT de sous traiter.