Copie Privée : l’affaire européenne qui fait trembler les ayants droit français
Harlem Shark
Le 04 mars 2013 à 10h35
6 min
Droit
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Cette semaine se joue devant la Cour de Luxembourg une étape fondamentale pour l’avenir du système de la Copie privée tel que nous le connaissons. Aujourd’hui, les ayants droit conservent une part des sommes collectées afin de la réaffecter où bon leur semble, dans les limites fixées par la loi. Un litige né en Autriche risque cependant de remettre en cause ce prélèvement.
PC INpact a déjà évoqué cette affaire née suite à une plainte d’Amazon contre AustroMechana, l’organisme chargé de collecter et de répartir la rémunération pour copie privée en Autriche. Les ayants droit doivent garder une partie des sommes collectées pour les reverser à des établissements sociaux et culturels. Amazon a donc saisi la Cour de Justice pour lui demander si ce prélèvement était oui ou non légitime au regard du droit européen. Le 7 mars, l’avocat général doit rendre son avis, qui est le plus souvent suivi par la CJUE.
Un préjudice entier, une indemnisation rabotée
La Cour de Luxembourg comme la directive européenne de 2001 considèrent que la compensation équitable (vrai nom de la rémunération pour copie privée) indemnise un préjudice. Quel préjudice ? C’est le fait pour une personne physique de pouvoir faire une copie privée d'une œuvre. Quand elle copie ou recopie, la personne ne rachète pas. En contrepartie, le particulier verse une somme qui revient à l’ayant droit. En France, ce montant est collecté sur tous les supports, excepté les disques durs d’ordinateur.
Pour revenir au problème soulevé par Amazon en Autriche, reprenons un exemple déjà utilisé. Vous êtes victime d’un accident de voiture. Son responsable doit vous indemniser intégralement. Vous n’accepteriez pas que l’assurance conserve une part plus ou moins importante des fonds pour les réaffecter à ses fêtes de fin d’année, aussi somptueuses soient-elles.
En Autriche, la loi oblige les sociétés de perception à conserver 50 % des sommes collectées. Ces 50 % sont-ils bien licites ? Est-ce qu’un ayant droit peut être indemnisé à moitié quand il subit un préjudice entier ?
Des manifestations culturelles, mais pas seulement
Les ayants droit français tremblent à l’idée d’une remise en cause de cette part. Certes, en France, le montant est de 25 %, mais la problématique est parfaitement identique. Quand 100 euros de copie privée sont prélevés sur les supports, seuls 75 euros tombent dans la poche des ayants droit du fait de cette atteinte à leur droit exclusif. Les 25 % manquants - soit en 2010 pas loin de 50 millions d’euros - sont utilisés par les sociétés de collecte (SPRD).
Utilisés où ? Selon l’article L321-9 du CPI, les sociétés de perception doivent consacrer 25 % des sommes collectées « à des actions d'aide à la création, à la diffusion du spectacle vivant et à des actions de formation des artistes ». C’est souvent cet article qui est mis en avant par les SPRD pour vanter l’éclatante vertu du système. Les 25 % permettent en effet de financer de beaux festivals, mais ils peuvent aussi servir à arroser des frais d’avocat ou des actions de lobbying. L'article R-321-9 du CPI précise en effet que « l’aide à la création » de l’article L321-9 s’entend aussi « des actions de défense, de promotion et d'information engagées dans l'intérêt des créateurs et de leurs œuvres. »
Ces 25 % ont donc un côté moins prestigieux qui est très rarement mis en avant. A deux exceptions près : par un député durant la loi DADVSI (cette vidéo à partir de 1:22) et plus frontalement par le numéro un de la SACEM, Jean-Noël Tronc, lors des dernières rencontres de Dijon :
Que financent les 25 % ?
Fin 2012, l’association La Culture avec la Copie privée avait dressé une liste des manifestations soutenues avec ces 25 %. On la retrouve encore sur ce site des SPRD. On ne connaît pas l’affectation précise de ces dizaines de millions d'euros.
En attendant, en 2010, si « 140 millions d'euros ont été redistribués à plus de 200 000 ayants droit (après prélèvement des frais de gestion de Copie France de 1,15 % à ce titre), 47 millions d'euros [ont été] consacrés à des actions culturelles » rappelait sans plus de détail le Sénat fin 2011. Le rapporteur André Gattolin précisait encore que la part de la rémunération pour copie privée dans les perceptions globales des SPRD était loin d’être neutre :
- 4,91 % pour la SACD (soit 10,8 millions d'euros)
- 7 % pour la Sacem (soit 57,2 millions d'euros)
- 22,18 % pour l'Adami (soit 8,4 millions d'euros)
- 24 % pour la Sofia (soit 6 millions d'euros)
- 32,5 % des perceptions globales de la SCPP (soit 21,4 millions d'euros)
- 37,9 % des perceptions globales de la SPPF (soit 8,6 millions d'euros)
- 43,36 % de celles de la Spedidam (soit 17,3 millions d'euros)
- 70,07 % pour AVA (soit 1,8 million d'euros).
D’où l’attention extrême sur l’actualité luxembourgeoise qu'on retrouve encore aujourd'hui chez Copie France, l'organisme collecteur.
Deux scénarios de repli
Que se passera-t-il si les 25 % sont remis en cause devant la CJUE ? Lionel Tardy avait tenté d’anticiper ce bourbier lors des discussions autour de la loi sur la copie privée. Il avait proposé un amendement astucieux : l’ayant droit perçoit certes 100 % au titre de la rémunération copie privée, mais il est taxé à 25 %. Cela aurait redonné une vraie couleur fiscale à cette ponction. Le prélèvement aurait été affecté au budget général qui, de par la politique culturelle, aurait renvoyé l’ascenseur lors de la loi de finances, une procédure ouverte et contrôlée. L’amendement avait été rejeté lors des débats.
A l'occasion des dernières rencontres de Dijon, l’Arp (Société civile de perception et de répartition des auteurs, réalisateurs et producteurs indépendants) a proposé une autre piste. Les SPRD « pourraient contractuellement établir avec leurs adhérents que ceux-ci consentent à rétrocéder 25 % de la compensation intégralement due au profit d’actions culturelles ». En clair, les ayants droit devraient laisser ces 25 % dans les mains des sociétés de gestion collective. Mais l’ARP flaire déjà les coups bas dans la grande famille, par exemple que d’autres sociétés de gestion collective pratiquent « des conditions contractuelles plus intéressantes pour les ayants droit », en gardant par exemple 15 % plutôt que 25 %.
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Un préjudice entier, une indemnisation rabotée
Commentaires (38)
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Abonnez-vousLe 04/03/2013 à 13h16
Le 04/03/2013 à 13h18
Le 04/03/2013 à 13h50
Le 04/03/2013 à 13h54
Le 04/03/2013 à 14h10
@HarmattanBlow.
Je te réponds juste sur un point:
Le proytectionnisme, le ‘jachete Français”, les aides aux entreprises n’aident pas a l’exportation car on a un solide marche national non concurrentiel et donc pas l’habitude de se battre nni de faire des efforts.
Le probleme de la France est justement la: c’est l’ouverture au monde. Croire que le repliement sur soi permettrait d’aller mieux est une enorme erreur. On aurait encore moins la capacite de vendre à l’étranger.
ce qui arrive a la France est simplement la confrontation avec le monde exterieur. En France on n’a pas l’habitude. On pense qu’on est toujours en avanexemple : on est super retrograde sur les avancees sociales genre droits des femmes, avorteme,ts.
On ne vote jamais etc…La concurrence nous fait peur et on aime les gros monopoles
Le 04/03/2013 à 14h18
Le 04/03/2013 à 14h34
OH OUI MARC !!! J’aime tellement quand tu trempes ta plume dans l’acide !!!
Le 04/03/2013 à 15h13
Le 04/03/2013 à 17h00
Elle est belle cette UE.
Cette UE qui empèche de protéger nos produits et nos emplois en laissant les chinois nous balancer leurs merdes à bas prix.
Cette UE qui nous enlève nos emplois en laissant tant de monde venir bosser à notre place.
Oui elle est belle cette UE …
Se fermer à tout n’est pas la solution c’est clair. Mais dire amen à tout et baisser son pantalon ne l’est pas non plus.
Le 04/03/2013 à 17h04
Le 04/03/2013 à 18h54
Le 04/03/2013 à 20h04
L’autre point suspect qui a ete souleve plusieurs fois est que la repartition des fameux “25%’ en France (je ne sais pour le Luxembourg) est a la totale discretion des ayants-droits. Cela leur permet un certain chantage des actions pedagogiques a destination des elus locaux (dont un nombre significatif est aussi depute) et du ministere de la culture: “Vous nous faites bonne presse et/ou vous votez notre loi sinon vous perdez le prochain festival.”
L’idee de la taxation rendrait potentiellement un peu d’independance a cette attribution.
Cela etant , le systeme est illegitime depuis longemps, et les baremes votes sont reconnus illegaux presque systematiquement depuis plusieurs annees… mais “curieusement”, avec un long retard a chaque fois et toujours avec validation des sommes acquises. Au bout d’un moment, la recidive devrait leur valoir une sanction reelle, pas juste un froncement de sourcils.
L’affaire des Pays-bas est exemplaire sur ce point. “Vous avez abuse, et maintenant vous vous plaignez de ce que compenser votre faute vous mettrait en faillite. Et alors?”
Le 04/03/2013 à 20h44
Le 04/03/2013 à 21h59
Le 04/03/2013 à 22h08
Le 04/03/2013 à 22h35
Copie Privée : l’affaire européenne qui fait trembler les ayants droit français
Encore, c’est le début d’un ©isme " /> (de 25% sur la taxe en moins?) " />
" />
Le 04/03/2013 à 11h25
Mais l’ARP flaire déjà les coups bas dans la grande famille, par exemple que d’autres sociétés de gestion collective pratiquent « des conditions contractuelles plus intéressantes pour les ayants droit », en gardant par exemple 15 % plutôt que 25 %.
C’est surtout cela qui leur fait peur, plus que le fait que Luxembourg s’occupe de leurs affaires
" />
Note: si la concurrence vient s’occuper du métier des sociétés collectrices, on sait déjà que leur business modèle actuel est fini " />
Le 04/03/2013 à 11h34
L’ARP a le mérite d’être plus “transparente” que les autres SPRD (enfin… dur de trouver d’autres chiffres)
Le 04/03/2013 à 11h34
Lionel Tardy avait tenté d’anticiper cette bérézina
Attention, la Bérézina était une victoire française, non une défaite, l’armée de Napoléon ayant réussi à franchir le fleuve au nez et à la barbe de ses ennemis qui pensaient l’avoir acculée et pouvoir la massacrer sans risque.
Le 04/03/2013 à 11h36
PC INpact a déjà évoqué cette affaire
Alain Delon INpact " />
Le 04/03/2013 à 11h45
Ha! mais qu’il payent aussi un peu ceux-là. Toute cette histoire de crèmerie, ça commence à bien faire, un jour, il faudra montrer un peu la couleur de l’argent. Mais bon, déjà un coup de latte bien placé, ça ferait déjà pas mal de bien.
Après, on voit que les magouilles sont déjà prévu pour continuer en toute impunité.
Le 04/03/2013 à 11h46
Cela prouve que l’Europe a du bon.
C’est important en cette époque ou les gens prônent uniquement le repli sur soi.
Le 04/03/2013 à 11h52
Mouhaaaaaaaa tout les jours je découvre de nouvelles facette de ce system de rackette… Merci les gars
Le 04/03/2013 à 11h57
Le 04/03/2013 à 11h58
Le 04/03/2013 à 12h01
Le 04/03/2013 à 12h44
Le 04/03/2013 à 12h46
Le 04/03/2013 à 13h10
Le 04/03/2013 à 13h12
4.91 + 7 + 22.18 + 24 + 32.5 + 37.9 + 43.36 + 70.07 = 241.92 % !!!
Le 04/03/2013 à 13h15
Le 04/03/2013 à 22h56
…. et la taxe Pro en moins " /> (en plus) " /> de ……..€ " />
Sur-évaluation en péril " /> (je vais vendre rapidement mon Van Gogh)" />
" />
Le 04/03/2013 à 23h12
Le 04/03/2013 à 23h49
Le 05/03/2013 à 06h51
Le 05/03/2013 à 07h55
Le 05/03/2013 à 07h57
Les ayants droit doivent garder une partie des sommes collectées pour les reverser à des établissements sociaux et culturels.
ça c’est en Autriche, en France l’établissement social c’est l’Elysée " />
Le 05/03/2013 à 07h58
Ça, c’est orienté en revanche. Il est notoire que l’essentiel de nos impôts part dans les subventions des danses berrichonnes, n’est-ce pas ?
Il y a aussi le clip de l’UMP " />